Du côté de chez Swann - 13

Total number of words is 4743
Total number of unique words is 1637
35.6 of words are in the 2000 most common words
47.2 of words are in the 5000 most common words
53.6 of words are in the 8000 most common words
Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
pensaient qu’on doit mettre devant les enfants, et qu’ils font preuve
de goût en aimant d’abord, les œuvres que, parvenu à la maturité, on
admire définitivement. C’est sans doute qu’elles se figuraient les
mérites esthétiques comme des objets matériels qu’un œil ouvert ne
peut faire autrement que de percevoir, sans avoir eu besoin d’en mûrir
lentement des équivalents dans son propre cœur.
C’est du côté de Méséglise, à Montjouvain, maison située au bord d’une
grande mare et adossée à un talus buissonneux que demeurait M.
Vinteuil. Aussi croisait-on souvent sur la route sa fille, conduisant
un buggy à toute allure. A partir d’une certaine année on ne la
rencontra plus seule, mais avec une amie plus âgée, qui avait mauvaise
réputation dans le pays et qui un jour s’installa définitivement à
Montjouvain. On disait: «Faut-il que ce pauvre M. Vinteuil soit
aveuglé par la tendresse pour ne pas s’apercevoir de ce qu’on raconte,
et permettre à sa fille, lui qui se scandalise d’une parole DÉPLACÉE,
de faire vivre sous son toit une femme pareille. Il dit que c’est une
femme supérieure, un grand cœur et qu’elle aurait eu des dispositions
extraordinaires pour la musique si elle les avait cultivées. Il peut
être sûr que ce n’est pas de musique qu’elle s’occupe avec sa fille.»
M. Vinteuil le disait; et il est en effet remarquable combien une
personne excite toujours d’admiration pour ses qualités morales chez
les parents de toute autre personne avec qui elle a des relations
charnelles. L’amour physique, si injustement décrié, force tellement
tout être à manifester jusqu’aux moindres parcelles qu’il possède de
bonté, d’abandon de soi, qu’elles resplendissent jusqu’aux yeux de
l’entourage immédiat. Le docteur Percepied à qui sa grosse voix et ses
gros sourcils permettaient de tenir tant qu’il voulait le rôle de
perfide dont il n’avait pas le physique, sans compromettre en rien sa
réputation inébranlable et imméritée de bourru bienfaisant, savait
faire rire aux larmes le curé et tout le monde en disant d’un ton
rude: «Hé bien! il paraît qu’elle fait de la musique avec son amie,
Mlle Vinteuil. Ça a l’air de vous étonner. Moi je sais pas. C’est le
père Vinteuil qui m’a encore dit ça hier. Après tout, elle a bien le
droit d’aimer la musique, c’te fille. Moi je ne suis pas pour
contrarier les vocations artistiques des enfants. Vinteuil non plus à
ce qu’il paraît. Et puis lui aussi il fait de la musique avec l’amie
de sa fille. Ah! sapristi on en fait une musique dans c’te boîte-là.
Mais qu’est-ce que vous avez à rire; mais ils font trop de musique ces
gens. L’autre jour j’ai rencontré le père Vinteuil près du cimetière.
Il ne tenait pas sur ses jambes.»
Pour ceux qui comme nous virent à cette époque M. Vinteuil éviter les
personnes qu’il connaissait, se détourner quand il les apercevait,
vieillir en quelques mois, s’absorber dans son chagrin, devenir
incapable de tout effort qui n’avait pas directement le bonheur de sa
fille pour but, passer des journées entières devant la tombe de sa
femme,--il eût été difficile de ne pas comprendre qu’il était en train
de mourir de chagrin, et de supposer qu’il ne se rendait pas compte
des propos qui couraient. Il les connaissait, peut-être même y
ajoutait-il foi. Il n’est peut-être pas une personne, si grande que
soit sa vertu, que la complexité des circonstances ne puisse amener à
vivre un jour dans la familiarité du vice qu’elle condamne le plus
formellement,--sans qu’elle le reconnaisse d’ailleurs tout à fait sous
le déguisement de faits particuliers qu’il revêt pour entrer en
contact avec elle et la faire souffrir: paroles bizarres, attitude
inexplicable, un certain soir, de tel être qu’elle a par ailleurs tant
de raisons pour aimer. Mais pour un homme comme M. Vinteuil il devait
entrer bien plus de souffrance que pour un autre dans la résignation à
une de ces situations qu’on croit à tort être l’apanage exclusif du
monde de la bohème: elles se produisent chaque fois qu’a besoin de se
réserver la place et la sécurité qui lui sont nécessaires, un vice que
la nature elle-même fait épanouir chez un enfant, parfois rien qu’en
mêlant les vertus de son père et de sa mère, comme la couleur de ses
yeux. Mais de ce que M. Vinteuil connaissait peut-être la conduite de
sa fille, il ne s’ensuit pas que son culte pour elle en eût été
diminué. Les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos
croyances, ils n’ont pas fait naître celles-ci, ils ne les détruisent
pas; ils peuvent leur infliger les plus constants démentis sans les
affaiblir, et une avalanche de malheurs ou de maladies se succédant
sans interruption dans une famille, ne la fera pas douter de la bonté
de son Dieu ou du talent de son médecin. Mais quand M. Vinteuil
songeait à sa fille et à lui-même du point de vue du monde, du point
de vue de leur réputation, quand il cherchait à se situer avec elle au
rang qu’ils occupaient dans l’estime générale, alors ce jugement
d’ordre social, il le portait exactement comme l’eût fait l’habitant
de Combray qui lui eût été le plus hostile, il se voyait avec sa fille
dans le dernier bas-fond, et ses manières en avaient reçu depuis peu
cette humilité, ce respect pour ceux qui se trouvaient au-dessus de
lui et qu’il voyait d’en bas (eussent-ils été fort au-dessous de lui
jusque-là), cette tendance à chercher à remonter jusqu’à eux, qui est
une résultante presque mécanique de toutes les déchéances. Un jour que
nous marchions avec Swann dans une rue de Combray, M. Vinteuil qui
débouchait d’une autre, s’était trouvé trop brusquement en face de
nous pour avoir le temps de nous éviter; et Swann avec cette
orgueilleuse charité de l’homme du monde qui, au milieu de la
dissolution de tous ses préjugés moraux, ne trouve dans l’infamie
d’autrui qu’une raison d’exercer envers lui une bienveillance dont les
témoignages chatouillent d’autant plus l’amour-propre de celui qui les
donne, qu’il les sent plus précieux à celui qui les reçoit, avait
longuement causé avec M. Vinteuil, à qui, jusque-là il n’adressait pas
la parole, et lui avait demandé avant de nous quitter s’il n’enverrait
pas un jour sa fille jouer à Tansonville. C’était une invitation qui,
il y a deux ans, eût indigné M. Vinteuil, mais qui, maintenant, le
remplissait de sentiments si reconnaissants qu’il se croyait obligé
par eux, à ne pas avoir l’indiscrétion de l’accepter. L’amabilité de
Swann envers sa fille lui semblait être en soi-même un appui si
honorable et si délicieux qu’il pensait qu’il valait peut-être mieux
ne pas s’en servir, pour avoir la douceur toute platonique de le
conserver.
--«Quel homme exquis, nous dit-il, quand Swann nous eut quittés, avec
la même enthousiaste vénération qui tient de spirituelles et jolies
bourgeoises en respect et sous le charme d’une duchesse, fût-elle
laide et sotte. Quel homme exquis! Quel malheur qu’il ait fait un
mariage tout à fait déplacé.»
Et alors, tant les gens les plus sincères sont mêlés d’hypocrisie et
dépouillent en causant avec une personne l’opinion qu’ils ont d’elle
et expriment dès qu’elle n’est plus là, mes parents déplorèrent avec
M. Vinteuil le mariage de Swann au nom de principes et de convenances
auxquels (par cela même qu’ils les invoquaient en commun avec lui, en
braves gens de même acabit) ils avaient l’air de sous-entendre qu’il
n’était pas contrevenu à Montjouvain. M. Vinteuil n’envoya pas sa
fille chez Swann. Et celui-ci fût le premier à le regretter. Car
chaque fois qu’il venait de quitter M. Vinteuil, il se rappelait qu’il
avait depuis quelque temps un renseignement à lui demander sur
quelqu’un qui portait le même nom que lui, un de ses parents,
croyait-il. Et cette fois-là il s’était bien promis de ne pas oublier
ce qu’il avait à lui dire, quand M. Vinteuil enverrait sa fille à
Tansonville.
Comme la promenade du côté de Méséglise était la moins longue des deux
que nous faisions autour de Combray et qu’à cause de cela on la
réservait pour les temps incertains, le climat du côté de Méséglise
était assez pluvieux et nous ne perdions jamais de vue la lisière des
bois de Roussainville dans l’épaisseur desquels nous pourrions nous
mettre à couvert.
Souvent le soleil se cachait derrière une nuée qui déformait son ovale
et dont il jaunissait la bordure. L’éclat, mais non la clarté, était
enlevé à la campagne où toute vie semblait suspendue, tandis que le
petit village de Roussainville sculptait sur le ciel le relief de ses
arêtes blanches avec une précision et un fini accablants. Un peu de
vent faisait envoler un corbeau qui retombait dans le lointain, et,
contre le ciel blanchissant, le lointain des bois paraissait plus
bleu, comme peint dans ces camaïeux qui décorent les trumeaux des
anciennes demeures.
Mais d’autres fois se mettait à tomber la pluie dont nous avait
menacés le capucin que l’opticien avait à sa devanture; les gouttes
d’eau comme des oiseaux migrateurs qui prennent leur vol tous
ensemble, descendaient à rangs pressés du ciel. Elles ne se séparent
point, elles ne vont pas à l’aventure pendant la rapide traversée,
mais chacune tenant sa place, attire à elle celle qui la suit et le
ciel en est plus obscurci qu’au départ des hirondelles. Nous nous
réfugions dans le bois. Quand leur voyage semblait fini,
quelques-unes, plus débiles, plus lentes, arrivaient encore. Mais nous
ressortions de notre abri, car les gouttes se plaisent aux feuillages,
et la terre était déjà presque séchée que plus d’une s’attardait à
jouer sur les nervures d’une feuille, et suspendue à la pointe,
reposée, brillant au soleil, tout d’un coup se laissait glisser de
toute la hauteur de la branche et nous tombait sur le nez.
Souvent aussi nous allions nous abriter, pêle-mêle avec les Saints et
les Patriarches de pierre sous le porche de Saint-André-des-Champs.
Que cette église était française! Au-dessus de la porte, les Saints,
les rois-chevaliers une fleur de lys à la main, des scènes de noces et
de funérailles, étaient représentés comme ils pouvaient l’être dans
l’âme de Françoise. Le sculpteur avait aussi narré certaines anecdotes
relatives à Aristote et à Virgile de la même façon que Françoise à la
cuisine parlait volontiers de saint Louis comme si elle l’avait
personnellement connu, et généralement pour faire honte par la
comparaison à mes grands-parents moins «justes». On sentait que les
notions que l’artiste médiéval et la paysanne médiévale (survivant au
XIXe siècle) avaient de l’histoire ancienne ou chrétienne, et qui se
distinguaient par autant d’inexactitude que de bonhomie, ils les
tenaient non des livres, mais d’une tradition à la fois antique et
directe, ininterrompue, orale, déformée, méconnaissable et vivante.
Une autre personnalité de Combray que je reconnaissais aussi,
virtuelle et prophétisée, dans la sculpture gothique de
Saint-André-des-Champs c’était le jeune Théodore, le garçon de chez
Camus. Françoise sentait d’ailleurs si bien en lui un pays et un
contemporain que, quand ma tante Léonie était trop malade pour que
Françoise pût suffire à la retourner dans son lit, à la porter dans
son fauteuil, plutôt que de laisser la fille de cuisine monter se
faire «bien voir» de ma tante, elle appelait Théodore. Or, ce garçon
qui passait et avec raison pour si mauvais sujet, était tellement
rempli de l’âme qui avait décoré Saint-André-des-Champs et notamment
des sentiments de respect que Françoise trouvait dus aux «pauvres
malades», à «sa pauvre maîtresse», qu’il avait pour soulever la tête
de ma tante sur son oreiller la mine naïve et zélée des petits anges
des bas-reliefs, s’empressant, un cierge à la main, autour de la
Vierge défaillante, comme si les visages de pierre sculptée, grisâtres
et nus, ainsi que sont les bois en hiver, n’étaient qu’un
ensommeillement, qu’une réserve, prête à refleurir dans la vie en
innombrables visages populaires, révérends et futés comme celui de
Théodore, enluminés de la rougeur d’une pomme mûre. Non plus appliquée
à la pierre comme ces petits anges, mais détachée du porche, d’une
stature plus qu’humaine, debout sur un socle comme sur un tabouret qui
lui évitât de poser ses pieds sur le sol humide, une sainte avait les
joues pleines, le sein ferme et qui gonflait la draperie comme une
grappe mûre dans un sac de crin, le front étroit, le nez court et
mutin, les prunelles enfoncées, l’air valide, insensible et courageux
des paysannes de la contrée. Cette ressemblance qui insinuait dans la
statue une douceur que je n’y avais pas cherchée, était souvent
certifiée par quelque fille des champs, venue comme nous se mettre à
couvert et dont la présence, pareille à celle de ces feuillages
pariétaires qui ont poussé à côté des feuillages sculptés, semblait
destinée à permettre, par une confrontation avec la nature, de juger
de la vérité de l’œuvre d’art. Devant nous, dans le lointain, terre
promise ou maudite, Roussainville, dans les murs duquel je n’ai jamais
pénétré, Roussainville, tantôt, quand la pluie avait déjà cessé pour
nous, continuait à être châtié comme un village de la Bible par toutes
les lances de l’orage qui flagellaient obliquement les demeures de ses
habitants, ou bien était déjà pardonné par Dieu le Père qui faisait
descendre vers lui, inégalement longues, comme les rayons d’un
ostensoir d’autel, les tiges d’or effrangées de son soleil reparu.
Quelquefois le temps était tout à fait gâté, il fallait rentrer et
rester enfermé dans la maison. Çà et là au loin dans la campagne que
l’obscurité et l’humidité faisaient ressembler à la mer, des maisons
isolées, accrochées au flanc d’une colline plongée dans la nuit et
dans l’eau, brillaient comme des petits bateaux qui ont replié leurs
voiles et sont immobiles au large pour toute la nuit. Mais
qu’importait la pluie, qu’importait l’orage! L’été, le mauvais temps
n’est qu’une humeur passagère, superficielle, du beau temps
sous-jacent et fixe, bien différent du beau temps instable et fluide
de l’hiver et qui, au contraire, installé sur la terre où il s’est
solidifié en denses feuillages sur lesquels la pluie peut s’égoutter
sans compromettre la résistance de leur permanente joie, a hissé pour
toute la saison, jusque dans les rues du village, aux murs des maisons
et des jardins, ses pavillons de soie violette ou blanche. Assis dans
le petit salon, où j’attendais l’heure du dîner en lisant, j’entendais
l’eau dégoutter de nos marronniers, mais je savais que l’averse ne
faisait que vernir leurs feuilles et qu’ils promettaient de demeurer
là, comme des gages de l’été, toute la nuit pluvieuse, à assurer la
continuité du beau temps; qu’il avait beau pleuvoir, demain, au-dessus
de la barrière blanche de Tansonville, onduleraient, aussi nombreuses,
de petites feuilles en forme de cœur; et c’est sans tristesse que
j’apercevais le peuplier de la rue des Perchamps adresser à l’orage
des supplications et des salutations désespérées; c’est sans tristesse
que j’entendais au fond du jardin les derniers roulements du tonnerre
roucouler dans les lilas.
Si le temps était mauvais dès le matin, mes parents renonçaient à la
promenade et je ne sortais pas. Mais je pris ensuite l’habitude
d’aller, ces jours-là, marcher seul du côté de Méséglise-la-Vineuse,
dans l’automne où nous dûmes venir à Combray pour la succession de ma
tante Léonie, car elle était enfin morte, faisant triompher à la fois
ceux qui prétendaient que son régime affaiblissant finirait par la
tuer, et non moins les autres qui avaient toujours soutenu qu’elle
souffrait d’une maladie non pas imaginaire mais organique, à
l’évidence de laquelle les sceptiques seraient bien obligés de se
rendre quand elle y aurait succombé; et ne causant par sa mort de
grande douleur qu’à un seul être, mais à celui-là, sauvage. Pendant
les quinze jours que dura la dernière maladie de ma tante, Françoise
ne la quitta pas un instant, ne se déshabilla pas, ne laissa personne
lui donner aucun soin, et ne quitta son corps que quand il fut
enterré. Alors nous comprîmes que cette sorte de crainte où Françoise
avait vécu des mauvaises paroles, des soupçons, des colères de ma
tante avait développé chez elle un sentiment que nous avions pris pour
de la haine et qui était de la vénération et de l’amour. Sa véritable
maîtresse, aux décisions impossibles à prévoir, aux ruses difficiles à
déjouer, au bon cœur facile à fléchir, sa souveraine, son mystérieux
et tout-puissant monarque n’était plus. A côté d’elle nous comptions
pour bien peu de chose. Il était loin le temps où quand nous avions
commencé à venir passer nos vacances à Combray, nous possédions autant
de prestige que ma tante aux yeux de Françoise. Cet automne-là tout
occupés des formalités à remplir, des entretiens avec les notaires et
avec les fermiers, mes parents n’ayant guère de loisir pour faire des
sorties que le temps d’ailleurs contrariait, prirent l’habitude de me
laisser aller me promener sans eux du côté de Méséglise, enveloppé
dans un grand plaid qui me protégeait contre la pluie et que je jetais
d’autant plus volontiers sur mes épaules que je sentais que ses
rayures écossaises scandalisaient Françoise, dans l’esprit de qui on
n’aurait pu faire entrer l’idée que la couleur des vêtements n’a rien
à faire avec le deuil et à qui d’ailleurs le chagrin que nous avions
de la mort de ma tante plaisait peu, parce que nous n’avions pas donné
de grand repas funèbre, que nous ne prenions pas un son de voix
spécial pour parler d’elle, que même parfois je chantonnais. Je suis
sûr que dans un livre--et en cela j’étais bien moi-même comme
Françoise--cette conception du deuil d’après la Chanson de Roland et le
portail de Saint-André-des-Champs m’eût été sympathique. Mais dès que
Françoise était auprès de moi, un démon me poussait à souhaiter
qu’elle fût en colère, je saisissais le moindre prétexte pour lui dire
que je regrettais ma tante parce que c’était une bonne femme, malgré
ses ridicules, mais nullement parce que c’était ma tante, qu’elle eût
pu être ma tante et me sembler odieuse, et sa mort ne me faire aucune
peine, propos qui m’eussent semblé ineptes dans un livre.
Si alors Françoise remplie comme un poète d’un flot de pensées
confuses sur le chagrin, sur les souvenirs de famille, s’excusait de
ne pas savoir répondre à mes théories et disait: «Je ne sais pas
m’esprimer», je triomphais de cet aveu avec un bon sens ironique et
brutal digne du docteur Percepied; et si elle ajoutait: «Elle était
tout de même de la parentèse, il reste toujours le respect qu’on doit
à la parentèse», je haussais les épaules et je me disais: «Je suis
bien bon de discuter avec une illettrée qui fait des cuirs pareils»,
adoptant ainsi pour juger Françoise le point de vue mesquin d’hommes
dont ceux qui les méprisent le plus dans l’impartialité de la
méditation, sont fort capables de tenir le rôle quand ils jouent une
des scènes vulgaires de la vie.
Mes promenades de cet automne-là furent d’autant plus agréables que je
les faisais après de longues heures passées sur un livre. Quand
j’étais fatigué d’avoir lu toute la matinée dans la salle, jetant mon
plaid sur mes épaules, je sortais: mon corps obligé depuis longtemps
de garder l’immobilité, mais qui s’était chargé sur place d’animation
et de vitesse accumulées, avait besoin ensuite, comme une toupie qu’on
lâche, de les dépenser dans toutes les directions. Les murs des
maisons, la haie de Tansonville, les arbres du bois de Roussainville,
les buissons auxquels s’adosse Montjouvain, recevaient des coups de
parapluie ou de canne, entendaient des cris joyeux, qui n’étaient, les
uns et les autres, que des idées confuses qui m’exaltaient et qui
n’ont pas atteint le repos dans la lumière, pour avoir préféré à un
lent et difficile éclaircissement, le plaisir d’une dérivation plus
aisée vers une issue immédiate. La plupart des prétendues traductions
de ce que nous avons ressenti ne font ainsi que nous en débarrasser en
le faisant sortir de nous sous une forme indistincte qui ne nous
apprend pas à le connaître. Quand j’essaye de faire le compte de ce
que je dois au côté de Méséglise, des humbles découvertes dont il fût
le cadre fortuit ou le nécessaire inspirateur, je me rappelle que
c’est, cet automne-là, dans une de ces promenades, près du talus
broussailleux qui protège Montjouvain, que je fus frappé pour la
première fois de ce désaccord entre nos impressions et leur expression
habituelle. Après une heure de pluie et de vent contre lesquels
j’avais lutté avec allégresse, comme j’arrivais au bord de la mare de
Montjouvain devant une petite cahute recouverte en tuiles où le
jardinier de M. Vinteuil serrait ses instruments de jardinage, le
soleil venait de reparaître, et ses dorures lavées par l’averse
reluisaient à neuf dans le ciel, sur les arbres, sur le mur de la
cahute, sur son toit de tuile encore mouillé, à la crête duquel se
promenait une poule. Le vent qui soufflait tirait horizontalement les
herbes folles qui avaient poussé dans la paroi du mur, et les plumes
de duvet de la poule, qui, les unes et les autres se laissaient filer
au gré de son souffle jusqu’à l’extrémité de leur longueur, avec
l’abandon de choses inertes et légères. Le toit de tuile faisait dans
la mare, que le soleil rendait de nouveau réfléchissante, une marbrure
rose, à laquelle je n’avais encore jamais fait attention. Et voyant
sur l’eau et à la face du mur un pâle sourire répondre au sourire du
ciel, je m’écriai dans mon enthousiasme en brandissant mon parapluie
refermé: «Zut, zut, zut, zut.» Mais en même temps je sentis que mon
devoir eût été de ne pas m’en tenir à ces mots opaques et de tâcher de
voir plus clair dans mon ravissement.
Et c’est à ce moment-là encore,--grâce à un paysan qui passait, l’air
déjà d’être d’assez mauvaise humeur, qui le fut davantage quand il
faillit recevoir mon parapluie dans la figure, et qui répondit sans
chaleur à mes «beau temps, n’est-ce pas, il fait bon marcher»,--que
j’appris que les mêmes émotions ne se produisent pas simultanément,
dans un ordre préétabli, chez tous les hommes. Plus tard chaque fois
qu’une lecture un peu longue m’avait mis en humeur de causer, le
camarade à qui je brûlais d’adresser la parole venait justement de se
livrer au plaisir de la conversation et désirait maintenant qu’on le
laissât lire tranquille. Si je venais de penser à mes parents avec
tendresse et de prendre les décisions les plus sages et les plus
propres à leur faire plaisir, ils avaient employé le même temps à
apprendre une peccadille que j’avais oubliée et qu’ils me reprochaient
sévèrement au moment où je m’élançais vers eux pour les embrasser.
Parfois à l’exaltation que me donnait la solitude, s’en ajoutait une
autre que je ne savais pas en départager nettement, causée par le
désir de voir surgir devant moi une paysanne, que je pourrais serrer
dans mes bras. Né brusquement, et sans que j’eusse eu le temps de le
rapporter exactement à sa cause, au milieu de pensées très
différentes, le plaisir dont il était accompagné ne me semblait qu’un
degré supérieur de celui qu’elles me donnaient. Je faisais un mérite
de plus à tout ce qui était à ce moment-là dans mon esprit, au reflet
rose du toit de tuile, aux herbes folles, au village de Roussainville
où je désirais depuis longtemps aller, aux arbres de son bois, au
clocher de son église, de cet émoi nouveau qui me les faisait
seulement paraître plus désirables parce que je croyais que c’était
eux qui le provoquaient, et qui semblait ne vouloir que me porter vers
eux plus rapidement quand il enflait ma voile d’une brise puissante,
inconnue et propice. Mais si ce désir qu’une femme apparût ajoutait
pour moi aux charmes de la nature quelque chose de plus exaltant, les
charmes de la nature, en retour, élargissaient ce que celui de la
femme aurait eu de trop restreint. Il me semblait que la beauté des
arbres c’était encore la sienne et que l’âme de ces horizons, du
village de Roussainville, des livres que je lisais cette année-là, son
baiser me la livrerait; et mon imagination reprenant des forces au
contact de ma sensualité, ma sensualité se répandant dans tous les
domaines de mon imagination, mon désir n’avait plus de limites. C’est
qu’aussi,--comme il arrive dans ces moments de rêverie au milieu de la
nature où l’action de l’habitude étant suspendue, nos notions
abstraites des choses mises de côté, nous croyons d’une foi profonde,
à l’originalité, à la vie individuelle du lieu où nous nous
trouvons--la passante qu’appelait mon désir me semblait être non un
exemplaire quelconque de ce type général: la femme, mais un produit
nécessaire et naturel de ce sol. Car en ce temps-là tout ce qui
n’était pas moi, la terre et les êtres, me paraissait plus précieux,
plus important, doué d’une existence plus réelle que cela ne paraît
aux hommes faits. Et la terre et les êtres je ne les séparais pas.
J’avais le désir d’une paysanne de Méséglise ou de Roussainville,
d’une pêcheuse de Balbec, comme j’avais le désir de Méséglise et de
Balbec. Le plaisir qu’elles pouvaient me donner m’aurait paru moins
vrai, je n’aurais plus cru en lui, si j’en avais modifié à ma guise
les conditions. Connaître à Paris une pêcheuse de Balbec ou une
paysanne de Méséglise c’eût été recevoir des coquillages que je
n’aurais pas vus sur la plage, une fougère que je n’aurais pas trouvée
dans les bois, c’eût été retrancher au plaisir que la femme me
donnerait tous ceux au milieu desquels l’avait enveloppée mon
imagination. Mais errer ainsi dans les bois de Roussainville sans une
paysanne à embrasser, c’était ne pas connaître de ces bois le trésor
caché, la beauté profonde. Cette fille que je ne voyais que criblée de
feuillages, elle était elle-même pour moi comme une plante locale
d’une espèce plus élevée seulement que les autres et dont la structure
permet d’approcher de plus près qu’en elles, la saveur profonde du
pays. Je pouvais d’autant plus facilement le croire (et que les
caresses par lesquelles elle m’y ferait parvenir, seraient aussi d’une
sorte particulière et dont je n’aurais pas pu connaître le plaisir par
une autre qu’elle), que j’étais pour longtemps encore à l’âge où on ne
l’a pas encore abstrait ce plaisir de la possession des femmes
différentes avec lesquelles on l’a goûté, où on ne l’a pas réduit à
une notion générale qui les fait considérer dès lors comme les
instruments interchangeables d’un plaisir toujours identique. Il
n’existe même pas, isolé, séparé et formulé dans l’esprit, comme le
but qu’on poursuit en s’approchant d’une femme, comme la cause du
trouble préalable qu’on ressent. A peine y songe-t-on comme à un
plaisir qu’on aura; plutôt, on l’appelle son charme à elle; car on ne
pense pas à soi, on ne pense qu’à sortir de soi. Obscurément attendu,
immanent et caché, il porte seulement à un tel paroxysme au moment où
il s’accomplit, les autres plaisirs que nous causent les doux regards,
les baisers de celle qui est auprès de nous, qu’il nous apparaît
surtout à nous-même comme une sorte de transport de notre
reconnaissance pour la bonté de cœur de notre compagne et pour sa
touchante prédilection à notre égard que nous mesurons aux bienfaits,
au bonheur dont elle nous comble.
Hélas, c’était en vain que j’implorais le donjon de Roussainville, que
je lui demandais de faire venir auprès de moi quelque enfant de son
village, comme au seul confident que j’avais eu de mes premiers
désirs, quand au haut de notre maison de Combray, dans le petit
cabinet sentant l’iris, je ne voyais que sa tour au milieu du carreau
de la fenêtre entr’ouverte, pendant qu’avec les hésitations héroïques
du voyageur qui entreprend une exploration ou du désespéré qui se
suicide, défaillant, je me frayais en moi-même une route inconnue et
que je croyais mortelle, jusqu’au moment où une trace naturelle comme
celle d’un colimaçon s’ajoutait aux feuilles du cassis sauvage qui se
penchaient jusqu’à moi. En vain je le suppliais maintenant. En vain,
tenant l’étendue dans le champ de ma vision, je la drainais de mes
regards qui eussent voulu en ramener une femme. Je pouvais aller
jusqu’au porche de Saint-André-des-Champs; jamais ne s’y trouvait la
paysanne que je n’eusse pas manqué d’y rencontrer si j’avais été avec
mon grand-père et dans l’impossibilité de lier conversation avec elle.
Je fixais indéfiniment le tronc d’un arbre lointain, de derrière
lequel elle allait surgir et venir à moi; l’horizon scruté restait
You have read 1 text from French literature.
Next - Du côté de chez Swann - 14
  • Parts
  • Du côté de chez Swann - 01
    Total number of words is 4764
    Total number of unique words is 1631
    36.4 of words are in the 2000 most common words
    48.0 of words are in the 5000 most common words
    53.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 02
    Total number of words is 4805
    Total number of unique words is 1555
    37.5 of words are in the 2000 most common words
    49.2 of words are in the 5000 most common words
    54.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 03
    Total number of words is 4847
    Total number of unique words is 1552
    37.3 of words are in the 2000 most common words
    48.6 of words are in the 5000 most common words
    54.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 04
    Total number of words is 4691
    Total number of unique words is 1691
    32.2 of words are in the 2000 most common words
    44.6 of words are in the 5000 most common words
    50.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 05
    Total number of words is 4730
    Total number of unique words is 1595
    35.6 of words are in the 2000 most common words
    46.9 of words are in the 5000 most common words
    53.0 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 06
    Total number of words is 4703
    Total number of unique words is 1678
    35.1 of words are in the 2000 most common words
    46.0 of words are in the 5000 most common words
    51.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 07
    Total number of words is 4754
    Total number of unique words is 1606
    35.6 of words are in the 2000 most common words
    48.1 of words are in the 5000 most common words
    53.1 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 08
    Total number of words is 4670
    Total number of unique words is 1615
    36.5 of words are in the 2000 most common words
    48.0 of words are in the 5000 most common words
    53.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 09
    Total number of words is 4739
    Total number of unique words is 1537
    37.3 of words are in the 2000 most common words
    48.9 of words are in the 5000 most common words
    55.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 10
    Total number of words is 4695
    Total number of unique words is 1671
    35.5 of words are in the 2000 most common words
    46.9 of words are in the 5000 most common words
    52.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 11
    Total number of words is 4755
    Total number of unique words is 1639
    36.7 of words are in the 2000 most common words
    48.1 of words are in the 5000 most common words
    52.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 12
    Total number of words is 4670
    Total number of unique words is 1694
    34.9 of words are in the 2000 most common words
    45.5 of words are in the 5000 most common words
    50.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 13
    Total number of words is 4743
    Total number of unique words is 1637
    35.6 of words are in the 2000 most common words
    47.2 of words are in the 5000 most common words
    53.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 14
    Total number of words is 4692
    Total number of unique words is 1668
    36.0 of words are in the 2000 most common words
    47.0 of words are in the 5000 most common words
    52.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 15
    Total number of words is 4694
    Total number of unique words is 1513
    35.3 of words are in the 2000 most common words
    47.3 of words are in the 5000 most common words
    52.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 16
    Total number of words is 4739
    Total number of unique words is 1593
    35.0 of words are in the 2000 most common words
    46.5 of words are in the 5000 most common words
    52.0 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 17
    Total number of words is 4719
    Total number of unique words is 1565
    38.2 of words are in the 2000 most common words
    49.3 of words are in the 5000 most common words
    54.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 18
    Total number of words is 4684
    Total number of unique words is 1512
    37.2 of words are in the 2000 most common words
    49.9 of words are in the 5000 most common words
    56.1 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 19
    Total number of words is 4686
    Total number of unique words is 1573
    35.8 of words are in the 2000 most common words
    46.8 of words are in the 5000 most common words
    52.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 20
    Total number of words is 4750
    Total number of unique words is 1506
    37.9 of words are in the 2000 most common words
    49.1 of words are in the 5000 most common words
    54.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 21
    Total number of words is 4703
    Total number of unique words is 1525
    38.0 of words are in the 2000 most common words
    48.5 of words are in the 5000 most common words
    54.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 22
    Total number of words is 4734
    Total number of unique words is 1490
    38.3 of words are in the 2000 most common words
    49.0 of words are in the 5000 most common words
    54.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 23
    Total number of words is 4676
    Total number of unique words is 1466
    37.3 of words are in the 2000 most common words
    48.7 of words are in the 5000 most common words
    54.0 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 24
    Total number of words is 4721
    Total number of unique words is 1487
    39.4 of words are in the 2000 most common words
    51.4 of words are in the 5000 most common words
    56.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 25
    Total number of words is 4708
    Total number of unique words is 1436
    38.7 of words are in the 2000 most common words
    50.3 of words are in the 5000 most common words
    54.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 26
    Total number of words is 4723
    Total number of unique words is 1477
    37.1 of words are in the 2000 most common words
    47.8 of words are in the 5000 most common words
    53.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 27
    Total number of words is 4684
    Total number of unique words is 1562
    37.2 of words are in the 2000 most common words
    47.6 of words are in the 5000 most common words
    53.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 28
    Total number of words is 4690
    Total number of unique words is 1518
    37.8 of words are in the 2000 most common words
    48.6 of words are in the 5000 most common words
    53.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 29
    Total number of words is 4712
    Total number of unique words is 1548
    37.5 of words are in the 2000 most common words
    48.0 of words are in the 5000 most common words
    53.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 30
    Total number of words is 4743
    Total number of unique words is 1540
    38.1 of words are in the 2000 most common words
    49.4 of words are in the 5000 most common words
    54.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 31
    Total number of words is 4811
    Total number of unique words is 1461
    39.4 of words are in the 2000 most common words
    51.2 of words are in the 5000 most common words
    56.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 32
    Total number of words is 4741
    Total number of unique words is 1609
    37.4 of words are in the 2000 most common words
    47.8 of words are in the 5000 most common words
    52.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 33
    Total number of words is 4729
    Total number of unique words is 1643
    34.2 of words are in the 2000 most common words
    45.3 of words are in the 5000 most common words
    50.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 34
    Total number of words is 4744
    Total number of unique words is 1553
    37.3 of words are in the 2000 most common words
    49.3 of words are in the 5000 most common words
    54.1 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 35
    Total number of words is 4664
    Total number of unique words is 1652
    34.9 of words are in the 2000 most common words
    46.8 of words are in the 5000 most common words
    51.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 36
    Total number of words is 1369
    Total number of unique words is 641
    43.0 of words are in the 2000 most common words
    55.6 of words are in the 5000 most common words
    59.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.