Du côté de chez Swann - 17

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dîners hebdomadaires, son poker; chaque soir, après qu’un léger
crépelage ajouté à la brosse de ses cheveux roux avait tempéré de
quelque douceur la vivacité de ses yeux verts, il choisissait une
fleur pour sa boutonnière et partait pour retrouver sa maîtresse à
dîner chez l’une ou l’autre des femmes de sa coterie; et alors,
pensant à l’admiration et à l’amitié que les gens à la mode pour qui
il faisait la pluie et le beau temps et qu’il allait retrouver là, lui
prodigueraient devant la femme qu’il aimait, il retrouvait du charme à
cette vie mondaine sur laquelle il s’était blasé, mais dont la
matière, pénétrée et colorée chaudement d’une flamme insinuée qui s’y
jouait, lui semblait précieuse et belle depuis qu’il y avait incorporé
un nouvel amour.
Mais tandis que chacune de ces liaisons, ou chacun de ces flirts,
avait été la réalisation plus ou moins complète d’un rêve né de la vue
d’un visage ou d’un corps que Swann avait, spontanément, sans s’y
efforcer, trouvés charmants, en revanche quand un jour au théâtre il
fut présenté à Odette de Crécy par un de ses amis d’autrefois, qui lui
avait parlé d’elle comme d’une femme ravissante avec qui il pourrait
peut-être arriver à quelque chose, mais en la lui donnant pour plus
difficile qu’elle n’était en réalité afin de paraître lui-même avoir
fait quelque chose de plus aimable en la lui faisant connaître, elle
était apparue à Swann non pas certes sans beauté, mais d’un genre de
beauté qui lui était indifférent, qui ne lui inspirait aucun désir,
lui causait même une sorte de répulsion physique, de ces femmes comme
tout le monde a les siennes, différentes pour chacun, et qui sont
l’opposé du type que nos sens réclament. Pour lui plaire elle avait un
profil trop accusé, la peau trop fragile, les pommettes trop
saillantes, les traits trop tirés. Ses yeux étaient beaux mais si
grands qu’ils fléchissaient sous leur propre masse, fatiguaient le
reste de son visage et lui donnaient toujours l’air d’avoir mauvaise
mine ou d’être de mauvaise humeur. Quelque temps après cette
présentation au théâtre, elle lui avait écrit pour lui demander à voir
ses collections qui l’intéressaient tant, «elle, ignorante qui avait
le goût des jolies choses», disant qu’il lui semblait qu’elle le
connaîtrait mieux, quand elle l’aurait vu dans «son home» où elle
l’imaginait «si confortable avec son thé et ses livres», quoiqu’elle
ne lui eût pas caché sa surprise qu’il habitât ce quartier qui devait
être si triste et «qui était si peu smart pour lui qui l’était tant».
Et après qu’il l’eut laissée venir, en le quittant elle lui avait dit
son regret d’être restée si peu dans cette demeure où elle avait été
heureuse de pénétrer, parlant de lui comme s’il avait été pour elle
quelque chose de plus que les autres êtres qu’elle connaissait et
semblant établir entre leurs deux personnes une sorte de trait d’union
romanesque qui l’avait fait sourire. Mais à l’âge déjà un peu désabusé
dont approchait Swann et où l’on sait se contenter d’être amoureux
pour le plaisir de l’être sans trop exiger de réciprocité, ce
rapprochement des cœurs, s’il n’est plus comme dans la première
jeunesse le but vers lequel tend nécessairement l’amour, lui reste uni
en revanche par une association d’idées si forte, qu’il peut en
devenir la cause, s’il se présente avant lui. Autrefois on rêvait de
posséder le cœur de la femme dont on était amoureux; plus tard sentir
qu’on possède le cœur d’une femme peut suffire à vous en rendre
amoureux. Ainsi, à l’âge où il semblerait, comme on cherche surtout
dans l’amour un plaisir subjectif, que la part du goût pour la beauté
d’une femme devait y être la plus grande, l’amour peut naître--l’amour
le plus physique--sans qu’il y ait eu, à sa base, un désir préalable. A
cette époque de la vie, on a déjà été atteint plusieurs fois par
l’amour; il n’évolue plus seul suivant ses propres lois inconnues et
fatales, devant notre cœur étonné et passif. Nous venons à son aide,
nous le faussons par la mémoire, par la suggestion. En reconnaissant
un de ses symptômes, nous nous rappelons, nous faisons renaître les
autres. Comme nous possédons sa chanson, gravée en nous tout entière,
nous n’avons pas besoin qu’une femme nous en dise le début--rempli par
l’admiration qu’inspire la beauté--, pour en trouver la suite. Et si
elle commence au milieu,--là où les cœurs se rapprochent, où l’on parle
de n’exister plus que l’un pour l’autre--, nous avons assez l’habitude
de cette musique pour rejoindre tout de suite notre partenaire au
passage où elle nous attend.
Odette de Crécy retourna voir Swann, puis rapprocha ses visites; et
sans doute chacune d’elles renouvelait pour lui la déception qu’il
éprouvait à se retrouver devant ce visage dont il avait un peu oublié
les particularités dans l’intervalle, et qu’il ne s’était rappelé ni
si expressif ni, malgré sa jeunesse, si fané; il regrettait, pendant
qu’elle causait avec lui, que la grande beauté qu’elle avait ne fût
pas du genre de celles qu’il aurait spontanément préférées. Il faut
d’ailleurs dire que le visage d’Odette paraissait plus maigre et plus
proéminent parce que le front et le haut des joues, cette surface unie
et plus plane était recouverte par la masse de cheveux qu’on portait,
alors, prolongés en «devants», soulevés en «crêpés», répandus en
mèches folles le long des oreilles; et quant à son corps qui était
admirablement fait, il était difficile d’en apercevoir la continuité
(à cause des modes de l’époque et quoiqu’elle fût une des femmes de
Paris qui s’habillaient le mieux), tant le corsage, s’avançant en
saillie comme sur un ventre imaginaire et finissant brusquement en
pointe pendant que par en dessous commençait à s’enfler le ballon des
doubles jupes, donnait à la femme l’air d’être composée de pièces
différentes mal emmanchées les unes dans les autres; tant les ruchés,
les volants, le gilet suivaient en toute indépendance, selon la
fantaisie de leur dessin ou la consistance de leur étoffe, la ligne
qui les conduisait aux nœuds, aux bouillons de dentelle, aux effilés
de jais perpendiculaires, ou qui les dirigeait le long du busc, mais
ne s’attachaient nullement à l’être vivant, qui selon que
l’architecture de ces fanfreluches se rapprochait ou s’écartait trop
de la sienne, s’y trouvait engoncé ou perdu.
Mais, quand Odette était partie, Swann souriait en pensant qu’elle lui
avait dit combien le temps lui durerait jusqu’à ce qu’il lui permît de
revenir; il se rappelait l’air inquiet, timide avec lequel elle
l’avait une fois prié que ce ne fût pas dans trop longtemps, et les
regards qu’elle avait eus à ce moment-là, fixés sur lui en une
imploration craintive, et qui la faisaient touchante sous le bouquet
de fleurs de pensées artificielles fixé devant son chapeau rond de
paille blanche, à brides de velours noir. «Et vous, avait-elle dit,
vous ne viendriez pas une fois chez moi prendre le thé?» Il avait
allégué des travaux en train, une étude--en réalité abandonnée depuis
des années--sur Ver Meer de Delft. «Je comprends que je ne peux rien
faire, moi chétive, à côté de grands savants comme vous autres, lui
avait-elle répondu. Je serais comme la grenouille devant l’aréopage.
Et pourtant j’aimerais tant m’instruire, savoir, être initiée. Comme
cela doit être amusant de bouquiner, de fourrer son nez dans de vieux
papiers, avait-elle ajouté avec l’air de contentement de soi-même que
prend une femme élégante pour affirmer que sa joie est de se livrer
sans crainte de se salir à une besogne malpropre, comme de faire la
cuisine en «mettant elle-même les mains à la pâte». «Vous allez vous
moquer de moi, ce peintre qui vous empêche de me voir (elle voulait
parler de Ver Meer), je n’avais jamais entendu parler de lui; vit-il
encore? Est-ce qu’on peut voir de ses œuvres à Paris, pour que je
puisse me représenter ce que vous aimez, deviner un peu ce qu’il y a
sous ce grand front qui travaille tant, dans cette tête qu’on sent
toujours en train de réfléchir, me dire: voilà, c’est à cela qu’il est
en train de penser. Quel rêve ce serait d’être mêlée à vos travaux!»
Il s’était excusé sur sa peur des amitiés nouvelles, ce qu’il avait
appelé, par galanterie, sa peur d’être malheureux. «Vous avez peur
d’une affection? comme c’est drôle, moi qui ne cherche que cela, qui
donnerais ma vie pour en trouver une, avait-elle dit d’une voix si
naturelle, si convaincue, qu’il en avait été remué. Vous avez dû
souffrir par une femme. Et vous croyez que les autres sont comme elle.
Elle n’a pas su vous comprendre; vous êtes un être si à part. C’est
cela que j’ai aimé d’abord en vous, j’ai bien senti que vous n’étiez
pas comme tout le monde.»--«Et puis d’ailleurs vous aussi, lui avait-il
dit, je sais bien ce que c’est que les femmes, vous devez avoir des
tas d’occupations, être peu libre.»--«Moi, je n’ai jamais rien à faire!
Je suis toujours libre, je le serai toujours pour vous. A n’importe
quelle heure du jour ou de la nuit où il pourrait vous être commode de
me voir, faites-moi chercher, et je serai trop heureuse d’accourir. Le
ferez-vous? Savez-vous ce qui serait gentil, ce serait de vous faire
présenter à Mme Verdurin chez qui je vais tous les soirs. Croyez-vous!
si on s’y retrouvait et si je pensais que c’est un peu pour moi que
vous y êtes!»
Et sans doute, en se rappelant ainsi leurs entretiens, en pensant
ainsi à elle quand il était seul, il faisait seulement jouer son image
entre beaucoup d’autres images de femmes dans des rêveries
romanesques; mais si, grâce à une circonstance quelconque (ou même
peut-être sans que ce fût grâce à elle, la circonstance qui se
présente au moment où un état, latent jusque-là, se déclare, pouvant
n’avoir influé en rien sur lui) l’image d’Odette de Crécy venait à
absorber toutes ces rêveries, si celles-ci n’étaient plus séparables
de son souvenir, alors l’imperfection de son corps ne garderait plus
aucune importance, ni qu’il eût été, plus ou moins qu’un autre corps,
selon le goût de Swann, puisque devenu le corps de celle qu’il aimait,
il serait désormais le seul qui fût capable de lui causer des joies et
des tourments.
Mon grand-père avait précisément connu, ce qu’on n’aurait pu dire
d’aucun de leurs amis actuels, la famille de ces Verdurin. Mais il
avait perdu toute relation avec celui qu’il appelait le «jeune
Verdurin» et qu’il considérait, un peu en gros, comme tombé--tout en
gardant de nombreux millions--dans la bohème et la racaille. Un jour il
reçut une lettre de Swann lui demandant s’il ne pourrait pas le mettre
en rapport avec les Verdurin: «À la garde! à la garde! s’était écrié
mon grand-père, ça ne m’étonne pas du tout, c’est bien par là que
devait finir Swann. Joli milieu! D’abord je ne peux pas faire ce qu’il
me demande parce que je ne connais plus ce monsieur. Et puis ça doit
cacher une histoire de femme, je ne me mêle pas de ces affaires-là. Ah
bien! nous allons avoir de l’agrément si Swann s’affuble des petits
Verdurin.»
Et sur la réponse négative de mon grand-père, c’est Odette qui avait
amené elle-même Swann chez les Verdurin.
Les Verdurin avaient eu à dîner, le jour où Swann y fit ses débuts, le
docteur et Mme Cottard, le jeune pianiste et sa tante, et le peintre
qui avait alors leur faveur, auxquels s’étaient joints dans la soirée
quelques autres fidèles.
Le docteur Cottard ne savait jamais d’une façon certaine de quel ton
il devait répondre à quelqu’un, si son interlocuteur voulait rire ou
était sérieux. Et à tout hasard il ajoutait à toutes ses expressions
de physionomie l’offre d’un sourire conditionnel et provisoire dont la
finesse expectante le disculperait du reproche de naïveté, si le
propos qu’on lui avait tenu se trouvait avoir été facétieux. Mais
comme pour faire face à l’hypothèse opposée il n’osait pas laisser ce
sourire s’affirmer nettement sur son visage, on y voyait flotter
perpétuellement une incertitude où se lisait la question qu’il n’osait
pas poser: «Dites-vous cela pour de bon?» Il n’était pas plus assuré
de la façon dont il devait se comporter dans la rue, et même en
général dans la vie, que dans un salon, et on le voyait opposer aux
passants, aux voitures, aux événements un malicieux sourire qui ôtait
d’avance à son attitude toute impropriété puisqu’il prouvait, si elle
n’était pas de mise, qu’il le savait bien et que s’il avait adopté
celle-là, c’était par plaisanterie.
Sur tous les points cependant où une franche question lui semblait
permise, le docteur ne se faisait pas faute de s’efforcer de
restreindre le champ de ses doutes et de compléter son instruction.
C’est ainsi que, sur les conseils qu’une mère prévoyante lui avait
donnés quand il avait quitté sa province, il ne laissait jamais passer
soit une locution ou un nom propre qui lui étaient inconnus, sans
tâcher de se faire documenter sur eux.
Pour les locutions, il était insatiable de renseignements, car, leur
supposant parfois un sens plus précis qu’elles n’ont, il eût désiré
savoir ce qu’on voulait dire exactement par celles qu’il entendait le
plus souvent employer: la beauté du diable, du sang bleu, une vie de
bâtons de chaise, le quart d’heure de Rabelais, être le prince des
élégances, donner carte blanche, être réduit à quia, etc., et dans
quels cas déterminés il pouvait à son tour les faire figurer dans ses
propos. A leur défaut il plaçait des jeux de mots qu’il avait appris.
Quant aux noms de personnes nouveaux qu’on prononçait devant lui il se
contentait seulement de les répéter sur un ton interrogatif qu’il
pensait suffisant pour lui valoir des explications qu’il n’aurait pas
l’air de demander.
Comme le sens critique qu’il croyait exercer sur tout lui faisait
complètement défaut, le raffinement de politesse qui consiste à
affirmer, à quelqu’un qu’on oblige, sans souhaiter d’en être cru, que
c’est à lui qu’on a obligation, était peine perdue avec lui, il
prenait tout au pied de la lettre. Quel que fût l’aveuglement de Mme
Verdurin à son égard, elle avait fini, tout en continuant à le trouver
très fin, par être agacée de voir que quand elle l’invitait dans une
avant-scène à entendre Sarah Bernhardt, lui disant, pour plus de
grâce: «Vous êtes trop aimable d’être venu, docteur, d’autant plus que
je suis sûre que vous avez déjà souvent entendu Sarah Bernhardt, et
puis nous sommes peut-être trop près de la scène», le docteur Cottard
qui était entré dans la loge avec un sourire qui attendait pour se
préciser ou pour disparaître que quelqu’un d’autorisé le renseignât
sur la valeur du spectacle, lui répondait: «En effet on est beaucoup
trop près et on commence à être fatigué de Sarah Bernhardt. Mais vous
m’avez exprimé le désir que je vienne. Pour moi vos désirs sont des
ordres. Je suis trop heureux de vous rendre ce petit service. Que ne
ferait-on pas pour vous être agréable, vous êtes si bonne!» Et il
ajoutait: «Sarah Bernhardt c’est bien la Voix d’Or, n’est-ce pas? On
écrit souvent aussi qu’elle brûle les planches. C’est une expression
bizarre, n’est-ce pas?» dans l’espoir de commentaires qui ne venaient
point.
«Tu sais, avait dit Mme Verdurin à son mari, je crois que nous faisons
fausse route quand par modestie nous déprécions ce que nous offrons au
docteur. C’est un savant qui vit en dehors de l’existence pratique, il
ne connaît pas par lui-même la valeur des choses et il s’en rapporte à
ce que nous lui en disons.»--«Je n’avais pas osé te le dire, mais je
l’avais remarqué», répondit M. Verdurin. Et au jour de l’an suivant,
au lieu d’envoyer au docteur Cottard un rubis de trois mille francs en
lui disant que c’était bien peu de chose, M. Verdurin acheta pour
trois cents francs une pierre reconstituée en laissant entendre qu’on
pouvait difficilement en voir d’aussi belle.
Quand Mme Verdurin avait annoncé qu’on aurait, dans la soirée, M.
Swann: «Swann?» s’était écrié le docteur d’un accent rendu brutal par
la surprise, car la moindre nouvelle prenait toujours plus au dépourvu
que quiconque cet homme qui se croyait perpétuellement préparé à tout.
Et voyant qu’on ne lui répondait pas: «Swann? Qui ça, Swann!»
hurla-t-il au comble d’une anxiété qui se détendit soudain quand Mme
Verdurin eut dit: «Mais l’ami dont Odette nous avait parlé.»--«Ah! bon,
bon, ça va bien», répondit le docteur apaisé. Quant au peintre il se
réjouissait de l’introduction de Swann chez Mme Verdurin, parce qu’il
le supposait amoureux d’Odette et qu’il aimait à favoriser les
liaisons. «Rien ne m’amuse comme de faire des mariages, confia-t-il,
dans l’oreille, au docteur Cottard, j’en ai déjà réussi beaucoup, même
entre femmes!»
En disant aux Verdurin que Swann était très «smart», Odette leur avait
fait craindre un «ennuyeux». Il leur fit au contraire une excellente
impression dont à leur insu sa fréquentation dans la société élégante
était une des causes indirectes. Il avait en effet sur les hommes même
intelligents qui ne sont jamais allés dans le monde, une des
supériorités de ceux qui y ont un peu vécu, qui est de ne plus le
transfigurer par le désir ou par l’horreur qu’il inspire à
l’imagination, de le considérer comme sans aucune importance. Leur
amabilité, séparée de tout snobisme et de la peur de paraître trop
aimable, devenue indépendante, a cette aisance, cette grâce des
mouvements de ceux dont les membres assouplis exécutent exactement ce
qu’ils veulent, sans participation indiscrète et maladroite du reste
du corps. La simple gymnastique élémentaire de l’homme du monde
tendant la main avec bonne grâce au jeune homme inconnu qu’on lui
présente et s’inclinant avec réserve devant l’ambassadeur à qui on le
présente, avait fini par passer sans qu’il en fût conscient dans toute
l’attitude sociale de Swann, qui vis-à-vis de gens d’un milieu
inférieur au sien comme étaient les Verdurin et leurs amis, fit
instinctivement montre d’un empressement, se livra à des avances,
dont, selon eux, un ennuyeux se fût abstenu. Il n’eut un moment de
froideur qu’avec le docteur Cottard: en le voyant lui cligner de l’œil
et lui sourire d’un air ambigu avant qu’ils se fussent encore parlé
(mimique que Cottard appelait «laisser venir»), Swann crut que le
docteur le connaissait sans doute pour s’être trouvé avec lui en
quelque lieu de plaisir, bien que lui-même y allât pourtant fort peu,
n’ayant jamais vécu dans le monde de la noce. Trouvant l’allusion de
mauvais goût, surtout en présence d’Odette qui pourrait en prendre une
mauvaise idée de lui, il affecta un air glacial. Mais quand il apprit
qu’une dame qui se trouvait près de lui était Mme Cottard, il pensa
qu’un mari aussi jeune n’aurait pas cherché à faire allusion devant sa
femme à des divertissements de ce genre; et il cessa de donner à l’air
entendu du docteur la signification qu’il redoutait. Le peintre invita
tout de suite Swann à venir avec Odette à son atelier, Swann le trouva
gentil. «Peut-être qu’on vous favorisera plus que moi, dit Mme
Verdurin, sur un ton qui feignait d’être piqué, et qu’on vous montrera
le portrait de Cottard (elle l’avait commandé au peintre). Pensez
bien, «monsieur» Biche, rappela-t-elle au peintre, à qui c’était une
plaisanterie consacrée de dire monsieur, à rendre le joli regard, le
petit côté fin, amusant, de l’œil. Vous savez que ce que je veux
surtout avoir, c’est son sourire, ce que je vous ai demandé c’est le
portrait de son sourire. Et comme cette expression lui sembla
remarquable elle la répéta très haut pour être sûre que plusieurs
invités l’eussent entendue, et même, sous un prétexte vague, en fit
d’abord rapprocher quelques-uns. Swann demanda à faire la connaissance
de tout le monde, même d’un vieil ami des Verdurin, Saniette, à qui sa
timidité, sa simplicité et son bon cœur avaient fait perdre partout la
considération que lui avaient value sa science d’archiviste, sa grosse
fortune, et la famille distinguée dont il sortait. Il avait dans la
bouche, en parlant, une bouillie qui était adorable parce qu’on
sentait qu’elle trahissait moins un défaut de la langue qu’une qualité
de l’âme, comme un reste de l’innocence du premier âge qu’il n’avait
jamais perdue. Toutes les consonnes qu’il ne pouvait prononcer
figuraient comme autant de duretés dont il était incapable. En
demandant à être présenté à M. Saniette, Swann fit à Mme Verdurin
l’effet de renverser les rôles (au point qu’en réponse, elle dit en
insistant sur la différence: «Monsieur Swann, voudriez-vous avoir la
bonté de me permettre de vous présenter notre ami Saniette»), mais
excita chez Saniette une sympathie ardente que d’ailleurs les Verdurin
ne révélèrent jamais à Swann, car Saniette les agaçait un peu et ils
ne tenaient pas à lui faire des amis. Mais en revanche Swann les
toucha infiniment en croyant devoir demander tout de suite à faire la
connaissance de la tante du pianiste. En robe noire comme toujours,
parce qu’elle croyait qu’en noir on est toujours bien et que c’est ce
qu’il y a de plus distingué, elle avait le visage excessivement rouge
comme chaque fois qu’elle venait de manger. Elle s’inclina devant
Swann avec respect, mais se redressa avec majesté. Comme elle n’avait
aucune instruction et avait peur de faire des fautes de français, elle
prononçait exprès d’une manière confuse, pensant que si elle lâchait
un cuir il serait estompé d’un tel vague qu’on ne pourrait le
distinguer avec certitude, de sorte que sa conversation n’était qu’un
graillonnement indistinct duquel émergeaient de temps à autre les
rares vocables dont elle se sentait sûre. Swann crut pouvoir se moquer
légèrement d’elle en parlant à M. Verdurin lequel au contraire fut
piqué.
--«C’est une si excellente femme, répondit-il. Je vous accorde qu’elle
n’est pas étourdissante; mais je vous assure qu’elle est agréable
quand on cause seul avec elle. «Je n’en doute pas, s’empressa de
concéder Swann. Je voulais dire qu’elle ne me semblait pas «éminente»
ajouta-t-il en détachant cet adjectif, et en somme c’est plutôt un
compliment!» «Tenez, dit M. Verdurin, je vais vous étonner, elle écrit
d’une manière charmante. Vous n’avez jamais entendu son neveu? c’est
admirable, n’est-ce pas, docteur? Voulez-vous que je lui demande de
jouer quelque chose, Monsieur Swann?»
--«Mais ce sera un bonheur..., commençait à répondre Swann, quand le
docteur l’interrompit d’un air moqueur. En effet ayant retenu que dans
la conversation l’emphase, l’emploi de formes solennelles, était
suranné, dès qu’il entendait un mot grave dit sérieusement comme
venait de l’être le mot «bonheur», il croyait que celui qui l’avait
prononcé venait de se montrer prudhommesque. Et si, de plus, ce mot se
trouvait figurer par hasard dans ce qu’il appelait un vieux cliché, si
courant que ce mot fût d’ailleurs, le docteur supposait que la phrase
commencée était ridicule et la terminait ironiquement par le lieu
commun qu’il semblait accuser son interlocuteur d’avoir voulu placer,
alors que celui-ci n’y avait jamais pensé.
--«Un bonheur pour la France!» s’écria-t-il malicieusement en levant
les bras avec emphase.
M. Verdurin ne put s’empêcher de rire.
--«Qu’est-ce qu’ils ont à rire toutes ces bonnes gens-là, on a l’air de
ne pas engendrer la mélancolie dans votre petit coin là-bas, s’écria
Mme Verdurin. Si vous croyez que je m’amuse, moi, à rester toute seule
en pénitence», ajouta-t-elle sur un ton dépité, en faisant l’enfant.
Mme Verdurin était assise sur un haut siège suédois en sapin ciré,
qu’un violoniste de ce pays lui avait donné et qu’elle conservait
quoiqu’il rappelât la forme d’un escabeau et jurât avec les beaux
meubles anciens qu’elle avait, mais elle tenait à garder en évidence
les cadeaux que les fidèles avaient l’habitude de lui faire de temps
en temps, afin que les donateurs eussent le plaisir de les reconnaître
quand ils venaient. Aussi tâchait-elle de persuader qu’on s’en tînt
aux fleurs et aux bonbons, qui du moins se détruisent; mais elle n’y
réussissait pas et c’était chez elle une collection de chauffe-pieds,
de coussins, de pendules, de paravents, de baromètres, de potiches,
dans une accumulation de redites et un disparate d’étrennes.
De ce poste élevé elle participait avec entrain à la conversation des
fidèles et s’égayait de leurs «fumisteries», mais depuis l’accident
qui était arrivé à sa mâchoire, elle avait renoncé à prendre la peine
de pouffer effectivement et se livrait à la place à une mimique
conventionnelle qui signifiait sans fatigue ni risques pour elle,
qu’elle riait aux larmes. Au moindre mot que lâchait un habitué contre
un ennuyeux ou contre un ancien habitué rejeté au camp des
ennuyeux,--et pour le plus grand désespoir de M. Verdurin qui avait eu
longtemps la prétention d’être aussi aimable que sa femme, mais qui
riant pour de bon s’essoufflait vite et avait été distancé et vaincu
par cette ruse d’une incessante et fictive hilarité--, elle poussait un
petit cri, fermait entièrement ses yeux d’oiseau qu’une taie
commençait à voiler, et brusquement, comme si elle n’eût eu que le
temps de cacher un spectacle indécent ou de parer à un accès mortel,
plongeant sa figure dans ses mains qui la recouvraient et n’en
laissaient plus rien voir, elle avait l’air de s’efforcer de réprimer,
d’anéantir un rire qui, si elle s’y fût abandonnée, l’eût conduite à
l’évanouissement. Telle, étourdie par la gaieté des fidèles, ivre de
camaraderie, de médisance et d’assentiment, Mme Verdurin, juchée sur
son perchoir, pareille à un oiseau dont on eût trempé le colifichet
dans du vin chaud, sanglotait d’amabilité.
Cependant, M. Verdurin, après avoir demandé à Swann la permission
d’allumer sa pipe («ici on ne se gêne pas, on est entre camarades»),
priait le jeune artiste de se mettre au piano.
--«Allons, voyons, ne l’ennuie pas, il n’est pas ici pour être
tourmenté, s’écria Mme Verdurin, je ne veux pas qu’on le tourmente
moi!»
--«Mais pourquoi veux-tu que ça l’ennuie, dit M. Verdurin, M. Swann ne
connaît peut-être pas la sonate en fa dièse que nous avons découverte,
il va nous jouer l’arrangement pour piano.»
--«Ah! non, non, pas ma sonate! cria Mme Verdurin, je n’ai pas envie à
force de pleurer de me fiche un rhume de cerveau avec névralgies
faciales, comme la dernière fois; merci du cadeau, je ne tiens pas à
recommencer; vous êtes bons vous autres, on voit bien que ce n’est pas
vous qui garderez le lit huit jours!»
Cette petite scène qui se renouvelait chaque fois que le pianiste
allait jouer enchantait les amis aussi bien que si elle avait été
nouvelle, comme une preuve de la séduisante originalité de la
«Patronne» et de sa sensibilité musicale. Ceux qui étaient près d’elle
faisaient signe à ceux qui plus loin fumaient ou jouaient aux cartes,
de se rapprocher, qu’il se passait quelque chose, leur disant, comme
on fait au Reichstag dans les moments intéressants: «Écoutez,
écoutez.» Et le lendemain on donnait des regrets à ceux qui n’avaient
pas pu venir en leur disant que la scène avait été encore plus
amusante que d’habitude.
--Eh bien! voyons, c’est entendu, dit M. Verdurin, il ne jouera que
l’andante.
--«Que l’andante, comme tu y vas» s’écria Mme Verdurin. «C’est
justement l’andante qui me casse bras et jambes. Il est vraiment
superbe le Patron! C’est comme si dans la «Neuvième» il disait: nous
n’entendrons que le finale, ou dans «les Maîtres» que l’ouverture.»
Le docteur cependant, poussait Mme Verdurin à laisser jouer le
pianiste, non pas qu’il crût feints les troubles que la musique lui
donnait--il y reconnaissait certains états neurasthéniques--mais par
cette habitude qu’ont beaucoup de médecins, de faire fléchir
immédiatement la sévérité de leurs prescriptions dès qu’est en jeu,
chose qui leur semble beaucoup plus importante, quelque réunion
mondaine dont ils font partie et dont la personne à qui ils
conseillent d’oublier pour une fois sa dyspepsie, ou sa grippe, est un
des facteurs essentiels.
--Vous ne serez pas malade cette fois-ci, vous verrez, lui dit-il en
cherchant à la suggestionner du regard. Et si vous êtes malade nous
vous soignerons.
--Bien vrai? répondit Mme Verdurin, comme si devant l’espérance d’une
telle faveur il n’y avait plus qu’à capituler. Peut-être aussi à force
de dire qu’elle serait malade, y avait-il des moments où elle ne se
rappelait plus que c’était un mensonge et prenait une âme de malade.
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