Du côté de chez Swann - 35

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je l’en suppliais comme si elle avait pu modifier son affection pour
moi à son gré, au mien, pour me faire plaisir, rien que par les mots
qu’elle dirait, selon ma bonne ou ma mauvaise conduite. Ne savais-je
donc pas que ce que j’éprouvais, moi, pour elle, ne dépendait ni de
ses actions, ni de ma volonté?
Il disait enfin, l’ordre nouveau dessiné par l’ouvrière invisible, que
si nous pouvons désirer que les actions d’une personne qui nous a
peinés jusqu’ici n’aient pas été sincères, il y a dans leur suite une
clarté contre quoi notre désir ne peut rien et à laquelle, plutôt qu’à
lui, nous devons demander quelles seront ses actions de demain.
Ces paroles nouvelles, mon amour les entendait; elles le persuadaient
que le lendemain ne serait pas différent de ce qu’avaient été tous les
autres jours; que le sentiment de Gilberte pour moi, trop ancien déjà
pour pouvoir changer, c’était l’indifférence; que dans mon amitié avec
Gilberte, c’est moi seul qui aimais. «C’est vrai, répondait mon amour,
il n’y a plus rien à faire de cette amitié-là, elle ne changera pas.»
Alors dès le lendemain (ou attendant une fête s’il y en avait une
prochaine, un anniversaire, le nouvel an peut-être, un de ces jours
qui ne sont pas pareils aux autres, où le temps recommence sur de
nouveaux frais en rejetant l’héritage du passé, en n’acceptant pas le
legs de ses tristesses) je demandais à Gilberte de renoncer à notre
amitié ancienne et de jeter les bases d’une nouvelle amitié.
J’avais toujours à portée de ma main un plan de Paris qui, parce qu’on
pouvait y distinguer la rue où habitaient M. et Mme Swann, me semblait
contenir un trésor. Et par plaisir, par une sorte de fidélité
chevaleresque aussi, à propos de n’importe quoi, je disais le nom de
cette rue, si bien que mon père me demandait, n’étant pas comme ma
mère et ma grand’mère au courant de mon amour:
--Mais pourquoi parles-tu tout le temps de cette rue, elle n’a rien
d’extraordinaire, elle est très agréable à habiter parce qu’elle est à
deux pas du Bois, mais il y en a dix autres dans le même cas.
Je m’arrangeais à tout propos à faire prononcer à mes parents le nom
de Swann: certes je me le répétais mentalement sans cesse: mais
j’avais besoin aussi d’entendre sa sonorité délicieuse et de me faire
jouer cette musique dont la lecture muette ne me suffisait pas. Ce nom
de Swann d’ailleurs que je connaissais depuis si longtemps, était
maintenant pour moi, ainsi qu’il arrive à certains aphasiques à
l’égard des mots les plus usuels, un nom nouveau. Il était toujours
présent à ma pensée et pourtant elle ne pouvait pas s’habituer à lui.
Je le décomposais, je l’épelais, son orthographe était pour moi une
surprise. Et en même temps que d’être familier, il avait cessé de me
paraître innocent. Les joies que je prenais à l’entendre, je les
croyais si coupables, qu’il me semblait qu’on devinait ma pensée et
qu’on changeait la conversation si je cherchais à l’y amener. Je me
rabattais sur les sujets qui touchaient encore à Gilberte, je
rabâchais sans fin les mêmes paroles, et j’avais beau savoir que ce
n’était que des paroles,--des paroles prononcées loin d’elle, qu’elle
n’entendait pas, des paroles sans vertu qui répétaient ce qui était,
mais ne le pouvaient modifier,--pourtant il me semblait qu’à force de
manier, de brasser ainsi tout ce qui avoisinait Gilberte j’en ferais
peut-être sortir quelque chose d’heureux. Je redisais à mes parents
que Gilberte aimait bien son institutrice, comme si cette proposition
énoncée pour la centième fois allait avoir enfin pour effet de faire
brusquement entrer Gilberte venant à tout jamais vivre avec nous. Je
reprenais l’éloge de la vieille dame qui lisait les Débats (j’avais
insinué à mes parents que c’était une ambassadrice ou peut-être une
altesse) et je continuais à célébrer sa beauté, sa magnificence, sa
noblesse, jusqu’au jour où je dis que d’après le nom qu’avait prononcé
Gilberte elle devait s’appeler Mme Blatin.
--Oh! mais je vois ce que c’est, s’écria ma mère tandis que je me
sentais rougir de honte. À la garde! À la garde! comme aurait dit ton
pauvre grand-père. Et c’est elle que tu trouves belle! Mais elle est
horrible et elle l’a toujours été. C’est la veuve d’un huissier. Tu ne
te rappelles pas quand tu étais enfant les manèges que je faisais pour
l’éviter à la leçon de gymnastique où, sans me connaître, elle voulait
venir me parler sous prétexte de me dire que tu étais «trop beau pour
un garçon». Elle a toujours eu la rage de connaître du monde et il
faut bien qu’elle soit une espèce de folle comme j’ai toujours pensé,
si elle connaît vraiment Mme Swann. Car si elle était d’un milieu fort
commun, au moins il n’y a jamais rien eu que je sache à dire sur elle.
Mais il fallait toujours qu’elle se fasse des relations. Elle est
horrible, affreusement vulgaire, et avec cela faiseuse d’embarras.»
Quant à Swann, pour tâcher de lui ressembler, je passais tout mon
temps à table, à me tirer sur le nez et à me frotter les yeux. Mon
père disait: «cet enfant est idiot, il deviendra affreux.» J’aurais
surtout voulu être aussi chauve que Swann. Il me semblait un être si
extraordinaire que je trouvais merveilleux que des personnes que je
fréquentais le connussent aussi et que dans les hasards d’une journée
quelconque on pût être amené à le rencontrer. Et une fois, ma mère, en
train de nous raconter comme chaque soir à dîner, les courses qu’elle
avait faites dans l’après-midi, rien qu’en disant: «A ce propos,
devinez qui j’ai rencontré aux Trois Quartiers, au rayon des
parapluies: Swann», fit éclore au milieu de son récit, fort aride pour
moi, une fleur mystérieuse. Quelle mélancolique volupté, d’apprendre
que cet après-midi-là, profilant dans la foule sa forme surnaturelle,
Swann avait été acheter un parapluie. Au milieu des événements grands
et minimes, également indifférents, celui-là éveillait en moi ces
vibrations particulières dont était perpétuellement ému mon amour pour
Gilberte. Mon père disait que je ne m’intéressais à rien parce que je
n’écoutais pas quand on parlait des conséquences politiques que
pouvait avoir la visite du roi Théodose, en ce moment l’hôte de la
France et, prétendait-on, son allié. Mais combien en revanche, j’avais
envie de savoir si Swann avait son manteau à pèlerine!
--Est-ce que vous vous êtes dit bonjour? demandai-je.
--Mais naturellement, répondit ma mère qui avait toujours l’air de
craindre que si elle eût avoué que nous étions en froid avec Swann, on
eût cherché à les réconcilier plus qu’elle ne souhaitait, à cause de
Mme Swann qu’elle ne voulait pas connaître. «C’est lui qui est venu me
saluer, je ne le voyais pas.
--Mais alors, vous n’êtes pas brouillés?
--Brouillés? mais pourquoi veux-tu que nous soyons brouillés»,
répondit-elle vivement comme si j’avais attenté à la fiction de ses
bons rapports avec Swann et essayé de travailler à un «rapprochement».
--Il pourrait t’en vouloir de ne plus l’inviter.
--On n’est pas obligé d’inviter tout le monde; est-ce qu’il m’invite?
Je ne connais pas sa femme.
--Mais il venait bien à Combray.
--Eh bien oui! il venait à Combray, et puis à Paris il a autre chose à
faire et moi aussi. Mais je t’assure que nous n’avions pas du tout
l’air de deux personnes brouillées. Nous sommes restés un moment
ensemble parce qu’on ne lui apportait pas son paquet. Il m’a demandé
de tes nouvelles, il m’a dit que tu jouais avec sa fille, ajouta ma
mère, m’émerveillant du prodige que j’existasse dans l’esprit de
Swann, bien plus, que ce fût d’une façon assez complète, pour que,
quand je tremblais d’amour devant lui aux Champs-Élysées, il sût mon
nom, qui était ma mère, et pût amalgamer autour de ma qualité de
camarade de sa fille quelques renseignements sur mes grands-parents,
leur famille, l’endroit que nous habitions, certaines particularités
de notre vie d’autrefois, peut-être même inconnues de moi. Mais ma
mère ne paraissait pas avoir trouvé un charme particulier à ce rayon
des Trois Quartiers où elle avait représenté pour Swann, au moment où
il l’avait vue, une personne définie avec qui il avait des souvenirs
communs qui avaient motivé chez lui le mouvement de s’approcher
d’elle, le geste de la saluer.
Ni elle d’ailleurs ni mon père ne semblaient non plus trouver à parler
des grands-parents de Swann, du titre d’agent de change honoraire, un
plaisir qui passât tous les autres. Mon imagination avait isolé et
consacré dans le Paris social une certaine famille comme elle avait
fait dans le Paris de pierre pour une certaine maison dont elle avait
sculpté la porte cochère et rendu précieuses les fenêtres. Mais ces
ornements, j’étais seul à les voir. De même que mon père et ma mère
trouvaient la maison qu’habitait Swann pareille aux autres maisons
construites en même temps dans le quartier du Bois, de même la famille
de Swann leur semblait du même genre que beaucoup d’autres familles
d’agents de change. Ils la jugeaient plus ou moins favorablement selon
le degré où elle avait participé à des mérites communs au reste de
l’univers et ne lui trouvaient rien d’unique. Ce qu’au contraire ils y
appréciaient, ils le rencontraient à un degré égal, ou plus élevé,
ailleurs. Aussi après avoir trouvé la maison bien située, ils
parlaient d’une autre qui l’était mieux, mais qui n’avait rien à voir
avec Gilberte, ou de financiers d’un cran supérieur à son grand-père;
et s’ils avaient eu l’air un moment d’être du même avis que moi,
c’était par un malentendu qui ne tardait pas à se dissiper. C’est que,
pour percevoir dans tout ce qui entourait Gilberte, une qualité
inconnue analogue dans le monde des émotions à ce que peut être dans
celui des couleurs l’infra-rouge, mes parents étaient dépourvus de ce
sens supplémentaire et momentané dont m’avait doté l’amour.
Les jours où Gilberte m’avait annoncé qu’elle ne devait pas venir aux
Champs-Élysées, je tâchais de faire des promenades qui me
rapprochassent un peu d’elle. Parfois j’emmenais Françoise en
pèlerinage devant la maison qu’habitaient les Swann. Je lui faisais
répéter sans fin ce que, par l’institutrice, elle avait appris
relativement à Mme Swann. «Il paraît qu’elle a bien confiance à des
médailles. Jamais elle ne partira en voyage si elle a entendu la
chouette, ou bien comme un tic-tac d’horloge dans le mur, ou si elle a
vu un chat à minuit, ou si le bois d’un meuble, il a craqué. Ah! c’est
une personne très croyante!» J’étais si amoureux de Gilberte que si
sur le chemin j’apercevais leur vieux maître d’hôtel promenant un
chien, l’émotion m’obligeait à m’arrêter, j’attachais sur ses favoris
blancs des regards pleins de passion. Françoise me disait:
--Qu’est-ce que vous avez?
Puis, nous poursuivions notre route jusque devant leur porte cochère
où un concierge différent de tout concierge, et pénétré jusque dans
les galons de sa livrée du même charme douloureux que j’avais ressenti
dans le nom de Gilberte, avait l’air de savoir que j’étais de ceux à
qui une indignité originelle interdirait toujours de pénétrer dans la
vie mystérieuse qu’il était chargé de garder et sur laquelle les
fenêtres de l’entre-sol paraissaient conscientes d’être refermées,
ressemblant beaucoup moins entre la noble retombée de leurs rideaux de
mousseline à n’importe quelles autres fenêtres, qu’aux regards de
Gilberte. D’autres fois nous allions sur les boulevards et je me
postais à l’entrée de la rue Duphot; on m’avait dit qu’on pouvait
souvent y voir passer Swann se rendant chez son dentiste; et mon
imagination différenciait tellement le père de Gilberte du reste de
l’humanité, sa présence au milieu du monde réel y introduisait tant de
merveilleux, que, avant même d’arriver à la Madeleine, j’étais ému à
la pensée d’approcher d’une rue où pouvait se produire inopinément
l’apparition surnaturelle.
Mais le plus souvent,--quand je ne devais pas voir Gilberte--comme
j’avais appris que Mme Swann se promenait presque chaque jour dans
l’allée «des Acacias», autour du grand Lac, et dans l’allée de la
«Reine Marguerite», je dirigeais Françoise du côté du bois de
Boulogne. Il était pour moi comme ces jardins zoologiques où l’on voit
rassemblés des flores diverses et des paysages opposés; où, après une
colline on trouve une grotte, un pré, des rochers, une rivière, une
fosse, une colline, un marais, mais où l’on sait qu’ils ne sont là que
pour fournir aux ébats de l’hippopotame, des zèbres, des crocodiles,
des lapins russes, des ours et du héron, un milieu approprié ou un
cadre pittoresque; lui, le Bois, complexe aussi, réunissant des petits
mondes divers et clos,--faisant succéder quelque ferme plantée d’arbres
rouges, de chênes d’Amérique, comme une exploitation agricole dans la
Virginie, à une sapinière au bord du lac, ou à une futaie d’où surgit
tout à coup dans sa souple fourrure, avec les beaux yeux d’une bête,
quelque promeneuse rapide,--il était le Jardin des femmes; et,--comme
l’allée de Myrtes de l’Enéide,--plantée pour elles d’arbres d’une seule
essence, l’allée des Acacias était fréquentée par les Beautés
célèbres. Comme, de loin, la culmination du rocher d’où elle se jette
dans l’eau, transporte de joie les enfants qui savent qu’ils vont voir
l’otarie, bien avant d’arriver à l’allée des Acacias, leur parfum qui,
irradiant alentour, faisait sentir de loin l’approche et la
singularité d’une puissante et molle individualité végétale; puis,
quand je me rapprochais, le faîte aperçu de leur frondaison légère et
mièvre, d’une élégance facile, d’une coupe coquette et d’un mince
tissu, sur laquelle des centaines de fleurs s’étaient abattues comme
des colonies ailées et vibratiles de parasites précieux; enfin jusqu’à
leur nom féminin, désœuvré et doux, me faisaient battre le cœur mais
d’un désir mondain, comme ces valses qui ne nous évoquent plus que le
nom des belles invitées que l’huissier annonce à l’entrée d’un bal. On
m’avait dit que je verrais dans l’allée certaines élégantes que, bien
qu’elles n’eussent pas toutes été épousées, l’on citait habituellement
à côté de Mme Swann, mais le plus souvent sous leur nom de guerre;
leur nouveau nom, quand il y en avait un, n’était qu’une sorte
d’incognito que ceux qui voulaient parler d’elles avaient soin de
lever pour se faire comprendre. Pensant que le Beau--dans l’ordre des
élégances féminines--était régi par des lois occultes à la connaissance
desquelles elles avaient été initiées, et qu’elles avaient le pouvoir
de le réaliser, j’acceptais d’avance comme une révélation l’apparition
de leur toilette, de leur attelage, de mille détails au sein desquels
je mettais ma croyance comme une âme intérieure qui donnait la
cohésion d’un chef-d’œuvre à cet ensemble éphémère et mouvant. Mais
c’est Mme Swann que je voulais voir, et j’attendais qu’elle passât,
ému comme si ç’avait été Gilberte, dont les parents, imprégnés comme
tout ce qui l’entourait, de son charme, excitaient en moi autant
d’amour qu’elle, même un trouble plus douloureux (parce que leur point
de contact avec elle était cette partie intestine de sa vie qui
m’était interdite), et enfin (car je sus bientôt, comme on le verra,
qu’ils n’aimaient pas que je jouasse avec elle), ce sentiment de
vénération que nous vouons toujours à ceux qui exercent sans frein la
puissance de nous faire du mal.
J’assignais la première place à la simplicité, dans l’ordre des
mérites esthétiques et des grandeurs mondaines quand j’apercevais Mme
Swann à pied, dans une polonaise de drap, sur la tête un petit toquet
agrémenté d’une aile de lophophore, un bouquet de violettes au
corsage, pressée, traversant l’allée des Acacias comme si ç’avait été
seulement le chemin le plus court pour rentrer chez elle et répondant
d’un clin d’œil aux messieurs en voiture qui, reconnaissant de loin
sa silhouette, la saluaient et se disaient que personne n’avait autant
de chic. Mais au lieu de la simplicité, c’est le faste que je mettais
au plus haut rang, si, après que j’avais forcé Françoise, qui n’en
pouvait plus et disait que les jambes «lui rentraient», à faire les
cent pas pendant une heure, je voyais enfin, débouchant de l’allée qui
vient de la Porte Dauphine--image pour moi d’un prestige royal, d’une
arrivée souveraine telle qu’aucune reine véritable n’a pu m’en donner
l’impression dans la suite, parce que j’avais de leur pouvoir une
notion moins vague et plus expérimentale,--emportée par le vol de deux
chevaux ardents, minces et contournés comme on en voit dans les
dessins de Constantin Guys, portant établi sur son siège un énorme
cocher fourré comme un cosaque, à côté d’un petit groom rappelant le
«tigre» de «feu Baudenord», je voyais--ou plutôt je sentais imprimer sa
forme dans mon cœur par une nette et épuisante blessure--une
incomparable victoria, à dessein un peu haute et laissant passer à
travers son luxe «dernier cri» des allusions aux formes anciennes, au
fond de laquelle reposait avec abandon Mme Swann, ses cheveux
maintenant blonds avec une seule mèche grise ceints d’un mince bandeau
de fleurs, le plus souvent des violettes, d’où descendaient de longs
voiles, à la main une ombrelle mauve, aux lèvres un sourire ambigu où
je ne voyais que la bienveillance d’une Majesté et où il y avait
surtout la provocation de la cocotte, et qu’elle inclinait avec
douceur sur les personnes qui la saluaient. Ce sourire en réalité
disait aux uns: «Je me rappelle très bien, c’était exquis!»; à
d’autres: «Comme j’aurais aimé! ç’a été la mauvaise chance!»; à
d’autres: «Mais si vous voulez! Je vais suivre encore un moment la
file et dès que je pourrai, je couperai.» Quand passaient des
inconnus, elle laissait cependant autour de ses lèvres un sourire
oisif, comme tourné vers l’attente ou le souvenir d’un ami et qui
faisait dire: «Comme elle est belle!» Et pour certains hommes
seulement elle avait un sourire aigre, contraint, timide et froid et
qui signifiait: «Oui, rosse, je sais que vous avez une langue de
vipère, que vous ne pouvez pas vous tenir de parler! Est-ce que je
m’occupe de vous, moi!» Coquelin passait en discourant au milieu
d’amis qui l’écoutaient et faisait avec la main à des personnes en
voiture, un large bonjour de théâtre. Mais je ne pensais qu’à Mme
Swann et je faisais semblant de ne pas l’avoir vue, car je savais
qu’arrivée à la hauteur du Tir aux pigeons elle dirait à son cocher de
couper la file et de l’arrêter pour qu’elle pût descendre l’allée à
pied. Et les jours où je me sentais le courage de passer à côté
d’elle, j’entraînais Françoise dans cette direction. A un moment en
effet, c’est dans l’allée des piétons, marchant vers nous que
j’apercevais Mme Swann laissant s’étaler derrière elle la longue
traîne de sa robe mauve, vêtue, comme le peuple imagine les reines,
d’étoffes et de riches atours que les autres femmes ne portaient pas,
abaissant parfois son regard sur le manche de son ombrelle, faisant
peu attention aux personnes qui passaient, comme si sa grande affaire
et son but avaient été de prendre de l’exercice, sans penser qu’elle
était vue et que toutes les têtes étaient tournées vers elle. Parfois
pourtant quand elle s’était retournée pour appeler son lévrier, elle
jetait imperceptiblement un regard circulaire autour d’elle.
Ceux même qui ne la connaissaient pas étaient avertis par quelque
chose de singulier et d’excessif--ou peut-être par une radiation
télépathique comme celles qui déchaînaient des applaudissements dans
la foule ignorante aux moments où la Berma était sublime,--que ce
devait être quelque personne connue. Ils se demandaient: «Qui
est-ce?», interrogeaient quelquefois un passant, ou se promettaient de
se rappeler la toilette comme un point de repère pour des amis plus
instruits qui les renseigneraient aussitôt. D’autres promeneurs,
s’arrêtant à demi, disaient:
--«Vous savez qui c’est? Mme Swann! Cela ne vous dit rien? Odette de
Crécy?»
--«Odette de Crécy? Mais je me disais aussi, ces yeux tristes... Mais
savez-vous qu’elle ne doit plus être de la première jeunesse! Je me
rappelle que j’ai couché avec elle le jour de la démission de
Mac-Mahon.»
--«Je crois que vous ferez bien de ne pas le lui rappeler. Elle est
maintenant Mme Swann, la femme d’un monsieur du Jockey, ami du prince
de Galles. Elle est du reste encore superbe.»
--«Oui, mais si vous l’aviez connue à ce moment-là, ce qu’elle était
jolie! Elle habitait un petit hôtel très étrange avec des
chinoiseries. Je me rappelle que nous étions embêtés par le bruit des
crieurs de journaux, elle a fini par me faire lever.»
Sans entendre les réflexions, je percevais autour d’elle le murmure
indistinct de la célébrité. Mon cœur battait d’impatience quand je
pensais qu’il allait se passer un instant encore avant que tous ces
gens, au milieu desquels je remarquais avec désolation que n’était pas
un banquier mulâtre par lequel je me sentais méprisé, vissent le jeune
homme inconnu auquel ils ne prêtaient aucune attention, saluer (sans
la connaître, à vrai dire, mais je m’y croyais autorisé parce que mes
parents connaissaient son mari et que j’étais le camarade de sa
fille), cette femme dont la réputation de beauté, d’inconduite et
d’élégance était universelle. Mais déjà j’étais tout près de Mme
Swann, alors je lui tirais un si grand coup de chapeau, si étendu, si
prolongé, qu’elle ne pouvait s’empêcher de sourire. Des gens riaient.
Quant à elle, elle ne m’avait jamais vu avec Gilberte, elle ne savait
pas mon nom, mais j’étais pour elle--comme un des gardes du Bois, ou le
batelier ou les canards du lac à qui elle jetait du pain--un des
personnages secondaires, familiers, anonymes, aussi dénués de
caractères individuels qu’un «emploi de théâtre», de ses promenades au
bois. Certains jours où je ne l’avais pas vue allée des Acacias, il
m’arrivait de la rencontrer dans l’allée de la Reine-Marguerite où
vont les femmes qui cherchent à être seules, ou à avoir l’air de
chercher à l’être; elle ne le restait pas longtemps, bientôt rejointe
par quelque ami, souvent coiffé d’un «tube» gris, que je ne
connaissais pas et qui causait longuement avec elle, tandis que leurs
deux voitures suivaient.
Cette complexité du bois de Boulogne qui en fait un lieu factice et,
dans le sens zoologique ou mythologique du mot, un Jardin, je l’ai
retrouvée cette année comme je le traversais pour aller à Trianon, un
des premiers matins de ce mois de novembre où, à Paris, dans les
maisons, la proximité et la privation du spectacle de l’automne qui
s’achève si vite sans qu’on y assiste, donnent une nostalgie, une
véritable fièvre des feuilles mortes qui peut aller jusqu’à empêcher
de dormir. Dans ma chambre fermée, elles s’interposaient depuis un
mois, évoquées par mon désir de les voir, entre ma pensée et n’importe
quel objet auquel je m’appliquais, et tourbillonnaient comme ces
taches jaunes qui parfois, quoi que nous regardions, dansent devant
nos yeux. Et ce matin-là, n’entendant plus la pluie tomber comme les
jours précédents, voyant le beau temps sourire aux coins des rideaux
fermés comme aux coins d’une bouche close qui laisse échapper le
secret de son bonheur, j’avais senti que ces feuilles jaunes, je
pourrais les regarder traversées par la lumière, dans leur suprême
beauté; et ne pouvant pas davantage me tenir d’aller voir des arbres
qu’autrefois, quand le vent soufflait trop fort dans ma cheminée, de
partir pour le bord de la mer, j’étais sorti pour aller à Trianon, en
passant par le bois de Boulogne. C’était l’heure et c’était la saison
où le Bois semble peut-être le plus multiple, non seulement parce
qu’il est plus subdivisé, mais encore parce qu’il l’est autrement.
Même dans les parties découvertes où l’on embrasse un grand espace, çà
et là, en face des sombres masses lointaines des arbres qui n’avaient
pas de feuilles ou qui avaient encore leurs feuilles de l’été, un
double rang de marronniers orangés semblait, comme dans un tableau à
peine commencé, avoir seul encore été peint par le décorateur qui
n’aurait pas mis de couleur sur le reste, et tendait son allée en
pleine lumière pour la promenade épisodique de personnages qui ne
seraient ajoutés que plus tard.
Plus loin, là où toutes leurs feuilles vertes couvraient les arbres,
un seul, petit, trapu, étêté et têtu, secouait au vent une vilaine
chevelure rouge. Ailleurs encore c’était le premier éveil de ce mois
de mai des feuilles, et celles d’un empelopsis merveilleux et
souriant, comme une épine rose de l’hiver, depuis le matin même
étaient tout en fleur. Et le Bois avait l’aspect provisoire et factice
d’une pépinière ou d’un parc, où soit dans un intérêt botanique, soit
pour la préparation d’une fête, on vient d’installer, au milieu des
arbres de sorte commune qui n’ont pas encore été déplantés, deux ou
trois espèces précieuses aux feuillages fantastiques et qui semblent
autour d’eux réserver du vide, donner de l’air, faire de la clarté.
Ainsi c’était la saison où le Bois de Boulogne trahit le plus
d’essences diverses et juxtapose le plus de parties distinctes en un
assemblage composite. Et c’était aussi l’heure. Dans les endroits où
les arbres gardaient encore leurs feuilles, ils semblaient subir une
altération de leur matière à partir du point où ils étaient touchés
par la lumière du soleil, presque horizontale le matin comme elle le
redeviendrait quelques heures plus tard au moment où dans le
crépuscule commençant, elle s’allume comme une lampe, projette à
distance sur le feuillage un reflet artificiel et chaud, et fait
flamber les suprêmes feuilles d’un arbre qui reste le candélabre
incombustible et terne de son faîte incendié. Ici, elle épaississait
comme des briques, et, comme une jaune maçonnerie persane à dessins
bleus, cimentait grossièrement contre le ciel les feuilles des
marronniers, là au contraire les détachait de lui, vers qui elles
crispaient leurs doigts d’or. A mi-hauteur d’un arbre habillé de vigne
vierge, elle greffait et faisait épanouir, impossible à discerner
nettement dans l’éblouissement, un immense bouquet comme de fleurs
rouges, peut-être une variété d’œillet. Les différentes parties du
Bois, mieux confondues l’été dans l’épaisseur et la monotonie des
verdures se trouvaient dégagées. Des espaces plus éclaircis laissaient
voir l’entrée de presque toutes, ou bien un feuillage somptueux la
désignait comme une oriflamme. On distinguait, comme sur une carte en
couleur, Armenonville, le Pré Catelan, Madrid, le Champ de courses,
les bords du Lac. Par moments apparaissait quelque construction
inutile, une fausse grotte, un moulin à qui les arbres en s’écartant
faisaient place ou qu’une pelouse portait en avant sur sa moelleuse
plateforme. On sentait que le Bois n’était pas qu’un bois, qu’il
répondait à une destination étrangère à la vie de ses arbres,
l’exaltation que j’éprouvais n’était pas causée que par l’admiration
de l’automne, mais par un désir. Grande source d’une joie que l’âme
ressent d’abord sans en reconnaître la cause, sans comprendre que rien
au dehors ne la motive. Ainsi regardais-je les arbres avec une
tendresse insatisfaite qui les dépassait et se portait à mon insu vers
ce chef-d’œuvre des belles promeneuses qu’ils enferment chaque jour
pendant quelques heures. J’allais vers l’allée des Acacias. Je
traversais des futaies où la lumière du matin qui leur imposait des
divisions nouvelles, émondait les arbres, mariait ensemble les tiges
diverses et composait des bouquets. Elle attirait adroitement à elle
deux arbres; s’aidant du ciseau puissant du rayon et de l’ombre, elle
retranchait à chacun une moitié de son tronc et de ses branches, et,
tressant ensemble les deux moitiés qui restaient, en faisait soit un
seul pilier d’ombre, que délimitait l’ensoleillement d’alentour, soit
un seul fantôme de clarté dont un réseau d’ombre noire cernait le
factice et tremblant contour. Quand un rayon de soleil dorait les plus
hautes branches, elles semblaient, trempées d’une humidité
étincelante, émerger seules de l’atmosphère liquide et couleur
d’émeraude où la futaie tout entière était plongée comme sous la mer.
Car les arbres continuaient à vivre de leur vie propre et quand ils
n’avaient plus de feuilles, elle brillait mieux sur le fourreau de
velours vert qui enveloppait leurs troncs ou dans l’émail blanc des
sphères de gui qui étaient semées au faîte des peupliers, rondes comme
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