Du côté de chez Swann - 22

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Forcheville un coup d’œil circulaire sur la table pour voir si le mot
passait et avait ensuite amené sur sa bouche un sourire prude et
conciliant, tous les convives, excepté Swann, avaient attaché sur le
peintre des regards fascinés par l’admiration.
--«Ce qu’il m’amuse quand il s’emballe comme ça, s’écria, quand il eut
terminé, Mme Verdurin, ravie que la table fût justement si
intéressante le jour où M. de Forcheville venait pour la première
fois. Et toi, qu’est-ce que tu as à rester comme cela, bouche bée
comme une grande bête? dit-elle à son mari. Tu sais pourtant qu’il
parle bien; on dirait que c’est la première fois qu’il vous entend. Si
vous l’aviez vu pendant que vous parliez, il vous buvait. Et demain il
nous récitera tout ce que vous avez dit sans manger un mot.»
--Mais non, c’est pas de la blague, dit le peintre, enchanté de son
succès, vous avez l’air de croire que je fais le boniment, que c’est
du chiqué; je vous y mènerai voir, vous direz si j’ai exagéré, je vous
fiche mon billet que vous revenez plus emballée que moi!
--Mais nous ne croyons pas que vous exagérez, nous voulons seulement
que vous mangiez, et que mon mari mange aussi; redonnez de la sole
normande à Monsieur, vous voyez bien que la sienne est froide. Nous ne
sommes pas si pressés, vous servez comme s’il y avait le feu, attendez
donc un peu pour donner la salade.
Mme Cottard qui était modeste et parlait peu, savait pourtant ne pas
manquer d’assurance quand une heureuse inspiration lui avait fait
trouver un mot juste. Elle sentait qu’il aurait du succès, cela la
mettait en confiance, et ce qu’elle en faisait était moins pour
briller que pour être utile à la carrière de son mari. Aussi ne
laissa-t-elle pas échapper le mot de salade que venait de prononcer
Mme Verdurin.
--Ce n’est pas de la salade japonaise? dit-elle à mi-voix en se
tournant vers Odette.
Et ravie et confuse de l’à-propos et de la hardiesse qu’il y avait à
faire ainsi une allusion discrète, mais claire, à la nouvelle et
retentissante pièce de Dumas, elle éclata d’un rire charmant
d’ingénue, peu bruyant, mais si irrésistible qu’elle resta quelques
instants sans pouvoir le maîtriser. «Qui est cette dame? elle a de
l’esprit», dit Forcheville.
--«Non, mais nous vous en ferons si vous venez tous dîner vendredi.»
--Je vais vous paraître bien provinciale, monsieur, dit Mme Cottard à
Swann, mais je n’ai pas encore vu cette fameuse Francillon dont tout
le monde parle. Le docteur y est allé (je me rappelle même qu’il m’a
dit avoir eu le très grand plaisir de passer la soirée avec vous) et
j’avoue que je n’ai pas trouvé raisonnable qu’il louât des places pour
y retourner avec moi. Évidemment, au Théâtre-Français, on ne regrette
jamais sa soirée, c’est toujours si bien joué, mais comme nous avons
des amis très aimables (Mme Cottard prononçait rarement un nom propre
et se contentait de dire «des amis à nous», «une de mes amies», par
«distinction», sur un ton factice, et avec l’air d’importance d’une
personne qui ne nomme que qui elle veut) qui ont souvent des loges et
ont la bonne idée de nous emmener à toutes les nouveautés qui en
valent la peine, je suis toujours sûre de voir Francillon un peu plus
tôt ou un peu plus tard, et de pouvoir me former une opinion. Je dois
pourtant confesser que je me trouve assez sotte, car, dans tous les
salons où je vais en visite, on ne parle naturellement que de cette
malheureuse salade japonaise. On commence même à en être un peu
fatigué, ajouta-t-elle en voyant que Swann n’avait pas l’air aussi
intéressé qu’elle aurait cru par une si brûlante actualité. Il faut
avouer pourtant que cela donne quelquefois prétexte à des idées assez
amusantes. Ainsi j’ai une de mes amies qui est très originale, quoique
très jolie femme, très entourée, très lancée, et qui prétend qu’elle a
fait faire chez elle cette salade japonaise, mais en faisant mettre
tout ce qu’Alexandre Dumas fils dit dans la pièce. Elle avait invité
quelques amies à venir en manger. Malheureusement je n’étais pas des
élues. Mais elle nous l’a raconté tantôt, à son jour; il paraît que
c’était détestable, elle nous a fait rire aux larmes. Mais vous savez,
tout est dans la manière de raconter, dit-elle en voyant que Swann
gardait un air grave.
Et supposant que c’était peut-être parce qu’il n’aimait pas
Francillon:
--Du reste, je crois que j’aurai une déception. Je ne crois pas que
cela vaille Serge Panine, l’idole de Mme de Crécy. Voilà au moins des
sujets qui ont du fond, qui font réfléchir; mais donner une recette de
salade sur la scène du Théâtre-Français! Tandis que Serge Panine! Du
reste, comme tout ce qui vient de la plume de Georges Ohnet, c’est
toujours si bien écrit. Je ne sais pas si vous connaissez Le Maître de
Forges que je préférerais encore à Serge Panine.
--«Pardonnez-moi, lui dit Swann d’un air ironique, mais j’avoue que mon
manque d’admiration est à peu près égal pour ces deux chefs-d’œuvre.»
--«Vraiment, qu’est-ce que vous leur reprochez? Est-ce un parti pris?
Trouvez-vous peut-être que c’est un peu triste? D’ailleurs, comme je
dis toujours, il ne faut jamais discuter sur les romans ni sur les
pièces de théâtre. Chacun a sa manière de voir et vous pouvez trouver
détestable ce que j’aime le mieux.»
Elle fut interrompue par Forcheville qui interpellait Swann. En effet,
tandis que Mme Cottard parlait de Francillon, Forcheville avait
exprimé à Mme Verdurin son admiration pour ce qu’il avait appelé le
petit «speech» du peintre.
--Monsieur a une facilité de parole, une mémoire! avait-il dit à Mme
Verdurin quand le peintre eut terminé, comme j’en ai rarement
rencontré. Bigre! je voudrais bien en avoir autant. Il ferait un
excellent prédicateur. On peut dire qu’avec M. Bréchot, vous avez là
deux numéros qui se valent, je ne sais même pas si comme platine,
celui-ci ne damerait pas encore le pion au professeur. Ça vient plus
naturellement, c’est moins recherché. Quoiqu’il ait chemin faisant
quelques mots un peu réalistes, mais c’est le goût du jour, je n’ai
pas souvent vu tenir le crachoir avec une pareille dextérité, comme
nous disions au régiment, où pourtant j’avais un camarade que
justement monsieur me rappelait un peu. A propos de n’importe quoi, je
ne sais que vous dire, sur ce verre, par exemple, il pouvait dégoiser
pendant des heures, non, pas à propos de ce verre, ce que je dis est
stupide; mais à propos de la bataille de Waterloo, de tout ce que vous
voudrez et il nous envoyait chemin faisant des choses auxquelles vous
n’auriez jamais pensé. Du reste Swann était dans le même régiment; il
a dû le connaître.»
--Vous voyez souvent M. Swann? demanda Mme Verdurin.
--Mais non, répondit M. de Forcheville et comme pour se rapprocher plus
aisément d’Odette, il désirait être agréable à Swann, voulant saisir
cette occasion, pour le flatter, de parler de ses belles relations,
mais d’en parler en homme du monde sur un ton de critique cordiale et
n’avoir pas l’air de l’en féliciter comme d’un succès inespéré:
«N’est-ce pas, Swann? je ne vous vois jamais. D’ailleurs, comment
faire pour le voir? Cet animal-là est tout le temps fourré chez les La
Trémoïlle, chez les Laumes, chez tout ça!...» Imputation d’autant plus
fausse d’ailleurs que depuis un an Swann n’allait plus guère que chez
les Verdurin. Mais le seul nom de personnes qu’ils ne connaissaient
pas était accueilli chez eux par un silence réprobateur. M. Verdurin,
craignant la pénible impression que ces noms d’«ennuyeux», surtout
lancés ainsi sans tact à la face de tous les fidèles, avaient dû
produire sur sa femme, jeta sur elle à la dérobée un regard plein
d’inquiète sollicitude. Il vit alors que dans sa résolution de ne pas
prendre acte, de ne pas avoir été touchée par la nouvelle qui venait
de lui être notifiée, de ne pas seulement rester muette, mais d’avoir
été sourde comme nous l’affectons, quand un ami fautif essaye de
glisser dans la conversation une excuse que ce serait avoir l’air
d’admettre que de l’avoir écoutée sans protester, ou quand on prononce
devant nous le nom défendu d’un ingrat, Mme Verdurin, pour que son
silence n’eût pas l’air d’un consentement, mais du silence ignorant
des choses inanimées, avait soudain dépouillé son visage de toute vie,
de toute motilité; son front bombé n’était plus qu’une belle étude de
ronde bosse où le nom de ces La Trémoïlle chez qui était toujours
fourré Swann, n’avait pu pénétrer; son nez légèrement froncé laissait
voir une échancrure qui semblait calquée sur la vie. On eût dit que sa
bouche entr’ouverte allait parler. Ce n’était plus qu’une cire perdue,
qu’un masque de plâtre, qu’une maquette pour un monument, qu’un buste
pour le Palais de l’Industrie devant lequel le public s’arrêterait
certainement pour admirer comment le sculpteur, en exprimant
l’imprescriptible dignité des Verdurin opposée à celle des La
Trémoïlle et des Laumes qu’ils valent certes ainsi que tous les
ennuyeux de la terre, était arrivé à donner une majesté presque papale
à la blancheur et à la rigidité de la pierre. Mais le marbre finit par
s’animer et fit entendre qu’il fallait ne pas être dégoûté pour aller
chez ces gens-là, car la femme était toujours ivre et le mari si
ignorant qu’il disait collidor pour corridor.
--«On me paierait bien cher que je ne laisserais pas entrer ça chez
moi», conclut Mme Verdurin, en regardant Swann d’un air impérieux.
Sans doute elle n’espérait pas qu’il se soumettrait jusqu’à imiter la
sainte simplicité de la tante du pianiste qui venait de s’écrier:
--Voyez-vous ça? Ce qui m’étonne, c’est qu’ils trouvent encore des
personnes qui consentent à leur causer; il me semble que j’aurais
peur: un mauvais coup est si vite reçu! Comment y a-t-il encore du
peuple assez brute pour leur courir après.
Que ne répondait-il du moins comme Forcheville: «Dame, c’est une
duchesse; il y a des gens que ça impressionne encore», ce qui avait
permis au moins à Mme Verdurin de répliquer: «Grand bien leur fasse!»
Au lieu de cela, Swann se contenta de rire d’un air qui signifiait
qu’il ne pouvait même pas prendre au sérieux une pareille
extravagance. M. Verdurin, continuant à jeter sur sa femme des regards
furtifs, voyait avec tristesse et comprenait trop bien qu’elle
éprouvait la colère d’un grand inquisiteur qui ne parvient pas à
extirper l’hérésie, et pour tâcher d’amener Swann à une rétractation,
comme le courage de ses opinions paraît toujours un calcul et une
lâcheté aux yeux de ceux à l’encontre de qui il s’exerce, M. Verdurin
l’interpella:
--Dites donc franchement votre pensée, nous n’irons pas le leur
répéter.
A quoi Swann répondit:
--Mais ce n’est pas du tout par peur de la duchesse (si c’est des La
Trémoïlle que vous parlez). Je vous assure que tout le monde aime
aller chez elle. Je ne vous dis pas qu’elle soit «profonde» (il
prononça profonde, comme si ç’avait été un mot ridicule, car son
langage gardait la trace d’habitudes d’esprit qu’une certaine
rénovation, marquée par l’amour de la musique, lui avait momentanément
fait perdre--il exprimait parfois ses opinions avec chaleur--) mais,
très sincèrement, elle est intelligente et son mari est un véritable
lettré. Ce sont des gens charmants.
Si bien que Mme Verdurin, sentant que, par ce seul infidèle, elle
serait empêchée de réaliser l’unité morale du petit noyau, ne put pas
s’empêcher dans sa rage contre cet obstiné qui ne voyait pas combien
ses paroles la faisaient souffrir, de lui crier du fond du cœur:
--Trouvez-le si vous voulez, mais du moins ne nous le dites pas.
--Tout dépend de ce que vous appelez intelligence, dit Forcheville qui
voulait briller à son tour. Voyons, Swann, qu’entendez-vous par
intelligence?
--Voilà! s’écria Odette, voilà les grandes choses dont je lui demande
de me parler, mais il ne veut jamais.
--Mais si... protesta Swann.
--Cette blague! dit Odette.
--Blague à tabac? demanda le docteur.
--Pour vous, reprit Forcheville, l’intelligence, est-ce le bagout du
monde, les personnes qui savent s’insinuer?
--Finissez votre entremets qu’on puisse enlever votre assiette, dit Mme
Verdurin d’un ton aigre en s’adressant à Saniette, lequel absorbé dans
des réflexions, avait cessé de manger. Et peut-être un peu honteuse du
ton qu’elle avait pris: «Cela ne fait rien, vous avez votre temps,
mais, si je vous le dis, c’est pour les autres, parce que cela empêche
de servir.»
--Il y a, dit Brichot en martelant les syllabes, une définition bien
curieuse de l’intelligence dans ce doux anarchiste de Fénelon...
--Ecoutez! dit à Forcheville et au docteur Mme Verdurin, il va nous
dire la définition de l’intelligence par Fénelon, c’est intéressant,
on n’a pas toujours l’occasion d’apprendre cela.
Mais Brichot attendait que Swann eût donné la sienne. Celui-ci ne
répondit pas et en se dérobant fit manquer la brillante joute que Mme
Verdurin se réjouissait d’offrir à Forcheville.
--Naturellement, c’est comme avec moi, dit Odette d’un ton boudeur, je
ne suis pas fâchée de voir que je ne suis pas la seule qu’il ne trouve
pas à la hauteur.
--Ces de La Trémouaille que Mme Verdurin nous a montrés comme si peu
recommandables, demanda Brichot, en articulant avec force,
descendent-ils de ceux que cette bonne snob de Mme de Sévigné avouait
être heureuse de connaître parce que cela faisait bien pour ses
paysans? Il est vrai que la marquise avait une autre raison, et qui
pour elle devait primer celle-là, car gendelettre dans l’âme, elle
faisait passer la copie avant tout. Or dans le journal qu’elle
envoyait régulièrement à sa fille, c’est Mme de la Trémouaille, bien
documentée par ses grandes alliances, qui faisait la politique
étrangère.
--Mais non, je ne crois pas que ce soit la même famille, dit à tout
hasard Mme Verdurin.
Saniette qui, depuis qu’il avait rendu précipitamment au maître
d’hôtel son assiette encore pleine, s’était replongé dans un silence
méditatif, en sortit enfin pour raconter en riant l’histoire d’un
dîner qu’il avait fait avec le duc de La Trémoïlle et d’où il
résultait que celui-ci ne savait pas que George Sand était le
pseudonyme d’une femme. Swann qui avait de la sympathie pour Saniette
crut devoir lui donner sur la culture du duc des détails montrant
qu’une telle ignorance de la part de celui-ci était matériellement
impossible; mais tout d’un coup il s’arrêta, il venait de comprendre
que Saniette n’avait pas besoin de ces preuves et savait que
l’histoire était fausse pour la raison qu’il venait de l’inventer il y
avait un moment. Cet excellent homme souffrait d’être trouvé si
ennuyeux par les Verdurin; et ayant conscience d’avoir été plus terne
encore à ce dîner que d’habitude, il n’avait voulu le laisser finir
sans avoir réussi à amuser. Il capitula si vite, eut l’air si
malheureux de voir manqué l’effet sur lequel il avait compté et
répondit d’un ton si lâche à Swann pour que celui-ci ne s’acharnât pas
à une réfutation désormais inutile: «C’est bon, c’est bon; en tous
cas, même si je me trompe, ce n’est pas un crime, je pense» que Swann
aurait voulu pouvoir dire que l’histoire était vraie et délicieuse. Le
docteur qui les avait écoutés eut l’idée que c’était le cas de dire:
«Se non e vero», mais il n’était pas assez sûr des mots et craignit de
s’embrouiller.
Après le dîner Forcheville alla de lui-même vers le docteur.
--«Elle n’a pas dû être mal, Mme Verdurin, et puis c’est une femme avec
qui on peut causer, pour moi tout est là. Évidemment elle commence à
avoir un peu de bouteille. Mais Mme de Crécy voilà une petite femme
qui a l’air intelligente, ah! saperlipopette, on voit tout de suite
qu’elle a l’œil américain, celle-là! Nous parlons de Mme de Crécy,
dit-il à M. Verdurin qui s’approchait, la pipe à la bouche. Je me
figure que comme corps de femme...»
--«J’aimerais mieux l’avoir dans mon lit que le tonnerre», dit
précipitamment Cottard qui depuis quelques instants attendait en vain
que Forcheville reprît haleine pour placer cette vieille plaisanterie
dont il craignait que ne revînt pas l’à-propos si la conversation
changeait de cours, et qu’il débita avec cet excès de spontanéité et
d’assurance qui cherche à masquer la froideur et l’émoi inséparables
d’une récitation. Forcheville la connaissait, il la comprit et s’en
amusa. Quant à M. Verdurin, il ne marchanda pas sa gaieté, car il
avait trouvé depuis peu pour la signifier un symbole autre que celui
dont usait sa femme, mais aussi simple et aussi clair. A peine
avait-il commencé à faire le mouvement de tête et d’épaules de
quelqu’un qui s’esclaffe qu’aussitôt il se mettait à tousser comme
si, en riant trop fort, il avait avalé la fumée de sa pipe. Et la
gardant toujours au coin de sa bouche, il prolongeait indéfiniment le
simulacre de suffocation et d’hilarité. Ainsi lui et Mme Verdurin, qui
en face, écoutant le peintre qui lui racontait une histoire, fermait
les yeux avant de précipiter son visage dans ses mains, avaient l’air
de deux masques de théâtre qui figuraient différemment la gaieté.
M. Verdurin avait d’ailleurs fait sagement en ne retirant pas sa pipe
de sa bouche, car Cottard qui avait besoin de s’éloigner un instant
fit à mi-voix une plaisanterie qu’il avait apprise depuis peu et qu’il
renouvelait chaque fois qu’il avait à aller au même endroit: «Il faut
que j’aille entretenir un instant le duc d’Aumale», de sorte que la
quinte de M. Verdurin recommença.
--Voyons, enlève donc ta pipe de ta bouche, tu vois bien que tu vas
t’étouffer à te retenir de rire comme ça, lui dit Mme Verdurin qui
venait offrir des liqueurs.
--«Quel homme charmant que votre mari, il a de l’esprit comme quatre,
déclara Forcheville à Mme Cottard. Merci madame. Un vieux troupier
comme moi, ça ne refuse jamais la goutte.»
--«M. de Forcheville trouve Odette charmante», dit M. Verdurin à sa
femme.
--Mais justement elle voudrait déjeuner une fois avec vous. Nous allons
combiner ça, mais il ne faut pas que Swann le sache. Vous savez, il
met un peu de froid. Ça ne vous empêchera pas de venir dîner,
naturellement, nous espérons vous avoir très souvent. Avec la belle
saison qui vient, nous allons souvent dîner en plein air. Cela ne vous
ennuie pas les petits dîners au Bois? bien, bien, ce sera très gentil.
Est-ce que vous n’allez pas travailler de votre métier, vous!
cria-t-elle au petit pianiste, afin de faire montre, devant un nouveau
de l’importance de Forcheville, à la fois de son esprit et de son
pouvoir tyrannique sur les fidèles.
--M. de Forcheville était en train de me dire du mal de toi, dit Mme
Cottard à son mari quand il rentra au salon.
Et lui, poursuivant l’idée de la noblesse de Forcheville qui
l’occupait depuis le commencement du dîner, lui dit:
--«Je soigne en ce moment une baronne, la baronne Putbus, les Putbus
étaient aux Croisades, n’est-ce pas? Ils ont, en Poméranie, un lac qui
est grand comme dix fois la place de la Concorde. Je la soigne pour de
l’arthrite sèche, c’est une femme charmante. Elle connaît du reste Mme
Verdurin, je crois.
Ce qui permit à Forcheville, quand il se retrouva, un moment après,
seul avec Mme Cottard, de compléter le jugement favorable qu’il avait
porté sur son mari:
--Et puis il est intéressant, on voit qu’il connaît du monde. Dame, ça
sait tant de choses, les médecins.
--Je vais jouer la phrase de la Sonate pour M. Swann? dit le pianiste.
--Ah! bigre! ce n’est pas au moins le «Serpent à Sonates»? demanda M.
de Forcheville pour faire de l’effet.
Mais le docteur Cottard, qui n’avait jamais entendu ce calembour, ne
le comprit pas et crut à une erreur de M. de Forcheville. Il
s’approcha vivement pour la rectifier:
--«Mais non, ce n’est pas serpent à sonates qu’on dit, c’est serpent à
sonnettes», dit-il d’un ton zélé, impatient et triomphal.
Forcheville lui expliqua le calembour. Le docteur rougit.
--Avouez qu’il est drôle, docteur?
--Oh! je le connais depuis si longtemps, répondit Cottard.
Mais ils se turent; sous l’agitation des trémolos de violon qui la
protégeaient de leur tenue frémissante à deux octaves de là--et comme
dans un pays de montagne, derrière l’immobilité apparente et
vertigineuse d’une cascade, on aperçoit, deux cents pieds plus bas, la
forme minuscule d’une promeneuse--la petite phrase venait d’apparaître,
lointaine, gracieuse, protégée par le long déferlement du rideau
transparent, incessant et sonore. Et Swann, en son cœur, s’adressa à
elle comme à une confidente de son amour, comme à une amie d’Odette
qui devrait bien lui dire de ne pas faire attention à ce Forcheville.
--Ah! vous arrivez tard, dit Mme Verdurin à un fidèle qu’elle n’avait
invité qu’en «cure-dents», «nous avons eu «un» Brichot incomparable,
d’une éloquence! Mais il est parti. N’est-ce pas, monsieur Swann? Je
crois que c’est la première fois que vous vous rencontriez avec lui,
dit-elle pour lui faire remarquer que c’était à elle qu’il devait de
le connaître. «N’est-ce pas, il a été délicieux, notre Brichot?»
Swann s’inclina poliment.
--Non? il ne vous a pas intéressé? lui demanda sèchement Mme Verdurin.
--«Mais si, madame, beaucoup, j’ai été ravi. Il est peut-être un peu
péremptoire et un peu jovial pour mon goût. Je lui voudrais parfois un
peu d’hésitations et de douceur, mais on sent qu’il sait tant de
choses et il a l’air d’un bien brave homme.
Tour le monde se retira fort tard. Les premiers mots de Cottard à sa
femme furent:
--J’ai rarement vu Mme Verdurin aussi en verve que ce soir.
--Qu’est-ce que c’est exactement que cette Mme Verdurin, un
demi-castor? dit Forcheville au peintre à qui il proposa de revenir
avec lui.
Odette le vit s’éloigner avec regret, elle n’osa pas ne pas revenir
avec Swann, mais fut de mauvaise humeur en voiture, et quand il lui
demanda s’il devait entrer chez elle, elle lui dit: «Bien entendu» en
haussant les épaules avec impatience. Quand tous les invités furent
partis, Mme Verdurin dit à son mari:
--As-tu remarqué comme Swann a ri d’un rire niais quand nous avons
parlé de Mme La Trémoïlle?»
Elle avait remarqué que devant ce nom Swann et Forcheville avaient
plusieurs fois supprimé la particule. Ne doutant pas que ce fût pour
montrer qu’ils n’étaient pas intimidés par les titres, elle souhaitait
d’imiter leur fierté, mais n’avait pas bien saisi par quelle forme
grammaticale elle se traduisait. Aussi sa vicieuse façon de parler
l’emportant sur son intransigeance républicaine, elle disait encore
les de La Trémoïlle ou plutôt par une abréviation en usage dans les
paroles des chansons de café-concert et les légendes des
caricaturistes et qui dissimulait le de, les d’La Trémoïlle, mais elle
se rattrapait en disant: «Madame La Trémoïlle.» «La Duchesse, comme
dit Swann», ajouta-t-elle ironiquement avec un sourire qui prouvait
qu’elle ne faisait que citer et ne prenait pas à son compte une
dénomination aussi naïve et ridicule.
--Je te dirai que je l’ai trouvé extrêmement bête.
Et M. Verdurin lui répondit:
--Il n’est pas franc, c’est un monsieur cauteleux, toujours entre le
zist et le zest. Il veut toujours ménager la chèvre et le chou. Quelle
différence avec Forcheville. Voilà au moins un homme qui vous dit
carrément sa façon de penser. Ça vous plaît ou ça ne vous plaît pas.
Ce n’est pas comme l’autre qui n’est jamais ni figue ni raisin. Du
reste Odette a l’air de préférer joliment le Forcheville, et je lui
donne raison. Et puis enfin puisque Swann veut nous la faire à l’homme
du monde, au champion des duchesses, au moins l’autre a son titre; il
est toujours comte de Forcheville, ajouta-t-il d’un air délicat, comme
si, au courant de l’histoire de ce comté, il en soupesait
minutieusement la valeur particulière.
--Je te dirai, dit Mme Verdurin, qu’il a cru devoir lancer contre
Brichot quelques insinuations venimeuses et assez ridicules.
Naturellement, comme il a vu que Brichot était aimé dans la maison,
c’était une manière de nous atteindre, de bêcher notre dîner. On sent
le bon petit camarade qui vous débinera en sortant.
--Mais je te l’ai dit, répondit M. Verdurin, c’est le raté, le petit
individu envieux de tout ce qui est un peu grand.
En réalité il n’y avait pas un fidèle qui ne fût plus malveillant que
Swann; mais tous ils avaient la précaution d’assaisonner leurs
médisances de plaisanteries connues, d’une petite pointe d’émotion et
de cordialité; tandis que la moindre réserve que se permettait Swann,
dépouillée des formules de convention telles que: «Ce n’est pas du mal
que nous disons» et auxquelles il dédaignait de s’abaisser, paraissait
une perfidie. Il y a des auteurs originaux dont la moindre hardiesse
révolte parce qu’ils n’ont pas d’abord flatté les goûts du public et
ne lui ont pas servi les lieux communs auxquels il est habitué; c’est
de la même manière que Swann indignait M. Verdurin. Pour Swann comme
pour eux, c’était la nouveauté de son langage qui faisait croire à là
noirceur de ses intentions.
Swann ignorait encore la disgrâce dont il était menacé chez les
Verdurin et continuait à voir leurs ridicules en beau, au travers de
son amour.
Il n’avait de rendez-vous avec Odette, au moins le plus souvent, que
le soir; mais le jour, ayant peur de la fatiguer de lui en allant chez
elle, il aurait aimé du moins ne pas cesser d’occuper sa pensée, et à
tous moments il cherchait à trouver une occasion d’y intervenir, mais
d’une façon agréable pour elle. Si, à la devanture d’un fleuriste ou
d’un joaillier, la vue d’un arbuste ou d’un bijou le charmait,
aussitôt il pensait à les envoyer à Odette, imaginant le plaisir
qu’ils lui avaient procuré, ressenti par elle, venant accroître la
tendresse qu’elle avait pour lui, et les faisait porter immédiatement
rue La Pérouse, pour ne pas retarder l’instant où, comme elle
recevrait quelque chose de lui, il se sentirait en quelque sorte près
d’elle. Il voulait surtout qu’elle les reçût avant de sortir pour que
la reconnaissance qu’elle éprouverait lui valût un accueil plus tendre
quand elle le verrait chez les Verdurin, ou même, qui sait, si le
fournisseur faisait assez diligence, peut-être une lettre qu’elle lui
enverrait avant le dîner, ou sa venue à elle en personne chez lui, en
une visite supplémentaire, pour le remercier. Comme jadis quand il
expérimentait sur la nature d’Odette les réactions du dépit, il
cherchait par celles de la gratitude à tirer d’elle des parcelles
intimes de sentiment qu’elle ne lui avait pas révélées encore.
Souvent elle avait des embarras d’argent et, pressée par une dette, le
priait de lui venir en aide. Il en était heureux comme de tout ce qui
pouvait donner à Odette une grande idée de l’amour qu’il avait pour
elle, ou simplement une grande idée de son influence, de l’utilité
dont il pouvait lui être. Sans doute si on lui avait dit au début:
«c’est ta situation qui lui plaît», et maintenant: «c’est pour ta
fortune qu’elle t’aime», il ne l’aurait pas cru, et n’aurait pas été
d’ailleurs très mécontent qu’on se la figurât tenant à lui,--qu’on les
sentît unis l’un à l’autre--par quelque chose d’aussi fort que le
snobisme ou l’argent. Mais, même s’il avait pensé que c’était vrai,
peut-être n’eût-il pas souffert de découvrir à l’amour d’Odette pour
lui cet état plus durable que l’agrément ou les qualités qu’elle
pouvait lui trouver: l’intérêt, l’intérêt qui empêcherait de venir
jamais le jour où elle aurait pu être tentée de cesser de le voir.
Pour l’instant, en la comblant de présents, en lui rendant des
services, il pouvait se reposer sur des avantages extérieurs à sa
personne, à son intelligence, du soin épuisant de lui plaire par
lui-même. Et cette volupté d’être amoureux, de ne vivre que d’amour,
de la réalité de laquelle il doutait parfois, le prix dont en somme il
la payait, en dilettante de sensations immatérielles, lui en
augmentait la valeur,--comme on voit des gens incertains si le
spectacle de la mer et le bruit de ses vagues sont délicieux, s’en
convaincre ainsi que de la rare qualité de leurs goûts désintéressés,
en louant cent francs par jour la chambre d’hôtel qui leur permet de
les goûter.
Un jour que des réflexions de ce genre le ramenaient encore au
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