Du côté de chez Swann - 28

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d’impitoyable analyse, et répondit d’un air important et mystérieux,
en roulant l’r:
--«J’observe.»
Le monocle du marquis de Forestelle était minuscule, n’avait aucune
bordure et obligeant à une crispation incessante et douloureuse l’œil
où il s’incrustait comme un cartilage superflu dont la présence est
inexplicable et la matière recherchée, il donnait au visage du marquis
une délicatesse mélancolique, et le faisait juger par les femmes comme
capable de grands chagrins d’amour. Mais celui de M. de Saint-Candé,
entouré d’un gigantesque anneau, comme Saturne, était le centre de
gravité d’une figure qui s’ordonnait à tout moment par rapport à lui,
dont le nez frémissant et rouge et la bouche lippue et sarcastique
tâchaient par leurs grimaces d’être à la hauteur des feux roulants
d’esprit dont étincelait le disque de verre, et se voyait préférer aux
plus beaux regards du monde par des jeunes femmes snobs et dépravées
qu’il faisait rêver de charmes artificiels et d’un raffinement de
volupté; et cependant, derrière le sien, M. de Palancy qui avec sa
grosse tête de carpe aux yeux ronds, se déplaçait lentement au milieu
des fêtes, en desserrant d’instant en instant ses mandibules comme
pour chercher son orientation, avait l’air de transporter seulement
avec lui un fragment accidentel, et peut-être purement symbolique, du
vitrage de son aquarium, partie destinée à figurer le tout qui rappela
à Swann, grand admirateur des Vices et des Vertus de Giotto à Padoue,
cet Injuste à côté duquel un rameau feuillu évoque les forêts où se
cache son repaire.
Swann s’était avancé, sur l’insistance de Mme de Saint-Euverte et pour
entendre un air d’Orphée qu’exécutait un flûtiste, s’était mis dans un
coin où il avait malheureusement comme seule perspective deux dames
déjà mûres assises l’une à côté de l’autre, la marquise de Cambremer
et la vicomtesse de Franquetot, lesquelles, parce qu’elles étaient
cousines, passaient leur temps dans les soirées, portant leurs sacs et
suivies de leurs filles, à se chercher comme dans une gare et
n’étaient tranquilles que quand elles avaient marqué, par leur
éventail ou leur mouchoir, deux places voisines: Mme de Cambremer,
comme elle avait très peu de relations, étant d’autant plus heureuse
d’avoir une compagne, Mme de Franquetot, qui était au contraire très
lancée, trouvait quelque chose d’élégant, d’original, à montrer à
toutes ses belles connaissances qu’elle leur préférait une dame
obscure avec qui elle avait en commun des souvenirs de jeunesse. Plein
d’une mélancolique ironie, Swann les regardait écouter l’intermède de
piano («Saint François parlant aux oiseaux», de Liszt) qui avait
succédé à l’air de flûte, et suivre le jeu vertigineux du virtuose.
Mme de Franquetot anxieusement, les yeux éperdus comme si les touches
sur lesquelles il courait avec agilité avaient été une suite de
trapèzes d’où il pouvait tomber d’une hauteur de quatre-vingts mètres,
et non sans lancer à sa voisine des regards d’étonnement, de
dénégation qui signifiaient: «Ce n’est pas croyable, je n’aurais
jamais pensé qu’un homme pût faire cela», Mme de Cambremer, en femme
qui a reçu une forte éducation musicale, battant la mesure avec sa
tête transformée en balancier de métronome dont l’amplitude et la
rapidité d’oscillations d’une épaule à l’autre étaient devenues telles
(avec cette espèce d’égarement et d’abandon du regard qu’ont les
douleurs qui ne se connaissent plus ni ne cherchent à se maîtriser et
disent: «Que voulez-vous!») qu’à tout moment elle accrochait avec ses
solitaires les pattes de son corsage et était obligée de redresser les
raisins noirs qu’elle avait dans les cheveux, sans cesser pour cela
d’accélérer le mouvement. De l’autre côté de Mme de Franquetot, mais
un peu en avant, était la marquise de Gallardon, occupée à sa pensée
favorite, l’alliance qu’elle avait avec les Guermantes et d’où elle
tirait pour le monde et pour elle-même beaucoup de gloire avec quelque
honte, les plus brillants d’entre eux la tenant un peu à l’écart,
peut-être parce qu’elle était ennuyeuse, ou parce qu’elle était
méchante, ou parce qu’elle était d’une branche inférieure, ou
peut-être sans aucune raison. Quand elle se trouvait auprès de
quelqu’un qu’elle ne connaissait pas, comme en ce moment auprès de Mme
de Franquetot, elle souffrait que la conscience qu’elle avait de sa
parenté avec les Guermantes ne pût se manifester extérieurement en
caractères visibles comme ceux qui, dans les mosaïques des églises
byzantines, placés les uns au-dessous des autres, inscrivent en une
colonne verticale, à côté d’un Saint Personnage les mots qu’il est
censé prononcer. Elle songeait en ce moment qu’elle n’avait jamais
reçu une invitation ni une visite de sa jeune cousine la princesse des
Laumes, depuis six ans que celle-ci était mariée. Cette pensée la
remplissait de colère, mais aussi de fierté; car à force de dire aux
personnes qui s’étonnaient de ne pas la voir chez Mme des Laumes, que
c’est parce qu’elle aurait été exposée à y rencontrer la princesse
Mathilde--ce que sa famille ultra-légitimiste ne lui aurait jamais
pardonné, elle avait fini par croire que c’était en effet la raison
pour laquelle elle n’allait pas chez sa jeune cousine. Elle se
rappelait pourtant qu’elle avait demandé plusieurs fois à Mme des
Laumes comment elle pourrait faire pour la rencontrer, mais ne se le
rappelait que confusément et d’ailleurs neutralisait et au delà ce
souvenir un peu humiliant en murmurant: «Ce n’est tout de même pas à
moi à faire les premiers pas, j’ai vingt ans de plus qu’elle.» Grâce à
la vertu de ces paroles intérieures, elle rejetait fièrement en
arrière ses épaules détachées de son buste et sur lesquelles sa tête
posée presque horizontalement faisait penser à la tête «rapportée»
d’un orgueilleux faisan qu’on sert sur une table avec toutes ses
plumes. Ce n’est pas qu’elle ne fût par nature courtaude, hommasse et
boulotte; mais les camouflets l’avaient redressée comme ces arbres
qui, nés dans une mauvaise position au bord d’un précipice, sont
forcés de croître en arrière pour garder leur équilibre. Obligée, pour
se consoler de ne pas être tout à fait l’égale des autres Guermantes,
de se dire sans cesse que c’était par intransigeance de principes et
fierté qu’elle les voyait peu, cette pensée avait fini par modeler son
corps et par lui enfanter une sorte de prestance qui passait aux yeux
des bourgeoises pour un signe de race et troublait quelquefois d’un
désir fugitif le regard fatigué des hommes de cercle. Si on avait fait
subir à la conversation de Mme de Gallardon ces analyses qui en
relevant la fréquence plus ou moins grande de chaque terme permettent
de découvrir la clef d’un langage chiffré, on se fût rendu compte
qu’aucune expression, même la plus usuelle, n’y revenait aussi souvent
que «chez mes cousins de Guermantes», «chez ma tante de Guermantes»,
«la santé d’Elzéar de Guermantes», «la baignoire de ma cousine de
Guermantes». Quand on lui parlait d’un personnage illustre, elle
répondait que, sans le connaître personnellement, elle l’avait
rencontré mille fois chez sa tante de Guermantes, mais elle répondait
cela d’un ton si glacial et d’une voix si sourde qu’il était clair que
si elle ne le connaissait pas personnellement c’était en vertu de tous
les principes indéracinables et entêtés auxquels ses épaules
touchaient en arrière, comme à ces échelles sur lesquelles les
professeurs de gymnastique vous font étendre pour vous développer le
thorax.
Or, la princesse des Laumes qu’on ne se serait pas attendu à voir chez
Mme de Saint-Euverte, venait précisément d’arriver. Pour montrer
qu’elle ne cherchait pas à faire sentir dans un salon où elle ne
venait que par condescendance, la supériorité de son rang, elle était
entrée en effaçant les épaules là même où il n’y avait aucune foule à
fendre et personne à laisser passer, restant exprès dans le fond, de
l’air d’y être à sa place, comme un roi qui fait la queue à la porte
d’un théâtre tant que les autorités n’ont pas été prévenues qu’il est
là; et, bornant simplement son regard--pour ne pas avoir l’air de
signaler sa présence et de réclamer des égards--à la considération d’un
dessin du tapis ou de sa propre jupe, elle se tenait debout à
l’endroit qui lui avait paru le plus modeste (et d’où elle savait bien
qu’une exclamation ravie de Mme de Saint-Euverte allait la tirer dès
que celle-ci l’aurait aperçue), à côté de Mme de Cambremer qui lui
était inconnue. Elle observait la mimique de sa voisine mélomane, mais
ne l’imitait pas. Ce n’est pas que, pour une fois qu’elle venait
passer cinq minutes chez Mme de Saint-Euverte, la princesse des Laumes
n’eût souhaité, pour que la politesse qu’elle lui faisait comptât
double, se montrer le plus aimable possible. Mais par nature, elle
avait horreur de ce qu’elle appelait «les exagérations» et tenait à
montrer qu’elle «n’avait pas à» se livrer à des manifestations qui
n’allaient pas avec le «genre» de la coterie où elle vivait, mais qui
pourtant d’autre part ne laissaient pas de l’impressionner, à la
faveur de cet esprit d’imitation voisin de la timidité que développe
chez les gens les plus sûrs d’eux-mêmes l’ambiance d’un milieu
nouveau, fût-il inférieur. Elle commençait à se demander si cette
gesticulation n’était pas rendue nécessaire par le morceau qu’on
jouait et qui ne rentrait peut-être pas dans le cadre de la musique
qu’elle avait entendue jusqu’à ce jour, si s’abstenir n’était pas
faire preuve d’incompréhension à l’égard de l’œuvre et d’inconvenance
vis-à-vis de la maîtresse de la maison: de sorte que pour exprimer par
une «cote mal taillée» ses sentiments contradictoires, tantôt elle se
contentait de remonter la bride de ses épaulettes ou d’assurer dans
ses cheveux blonds les petites boules de corail ou d’émail rose,
givrées de diamant, qui lui faisaient une coiffure simple et
charmante, en examinant avec une froide curiosité sa fougueuse
voisine, tantôt de son éventail elle battait pendant un instant la
mesure, mais, pour ne pas abdiquer son indépendance, à contretemps. Le
pianiste ayant terminé le morceau de Liszt et ayant commencé un
prélude de Chopin, Mme de Cambremer lança à Mme de Franquetot un
sourire attendri de satisfaction compétente et d’allusion au passé.
Elle avait appris dans sa jeunesse à caresser les phrases, au long col
sinueux et démesuré, de Chopin, si libres, si flexibles, si tactiles,
qui commencent par chercher et essayer leur place en dehors et bien
loin de la direction de leur départ, bien loin du point où on avait pu
espérer qu’atteindrait leur attouchement, et qui ne se jouent dans cet
écart de fantaisie que pour revenir plus délibérément,--d’un retour
plus prémédité, avec plus de précision, comme sur un cristal qui
résonnerait jusqu’à faire crier,--vous frapper au cœur.
Vivant dans une famille provinciale qui avait peu de relations,
n’allant guère au bal, elle s’était grisée dans la solitude de son
manoir, à ralentir, à précipiter la danse de tous ces couples
imaginaires, à les égrener comme des fleurs, à quitter un moment le
bal pour entendre le vent souffler dans les sapins, au bord du lac, et
à y voir tout d’un coup s’avancer, plus différent de tout ce qu’on a
jamais rêvé que ne sont les amants de la terre, un mince jeune homme à
la voix un peu chantante, étrangère et fausse, en gants blancs. Mais
aujourd’hui la beauté démodée de cette musique semblait défraîchie.
Privée depuis quelques années de l’estime des connaisseurs, elle avait
perdu son honneur et son charme et ceux mêmes dont le goût est mauvais
n’y trouvaient plus qu’un plaisir inavoué et médiocre. Mme de
Cambremer jeta un regard furtif derrière elle. Elle savait que sa
jeune bru (pleine de respect pour sa nouvelle famille, sauf en ce qui
touchait les choses de l’esprit sur lesquelles, sachant jusqu’à
l’harmonie et jusqu’au grec, elle avait des lumières spéciales)
méprisait Chopin et souffrait quand elle en entendait jouer. Mais loin
de la surveillance de cette wagnérienne qui était plus loin avec un
groupe de personnes de son âge, Mme de Cambremer se laissait aller à
des impressions délicieuses. La princesse des Laumes les éprouvait
aussi. Sans être par nature douée pour la musique, elle avait reçu il
y a quinze ans les leçons qu’un professeur de piano du faubourg
Saint-Germain, femme de génie qui avait été à la fin de sa vie réduite
à la misère, avait recommencé, à l’âge de soixante-dix ans, à donner
aux filles et aux petites-filles de ses anciennes élèves. Elle était
morte aujourd’hui. Mais sa méthode, son beau son, renaissaient parfois
sous les doigts de ses élèves, même de celles qui étaient devenues
pour le reste des personnes médiocres, avaient abandonné la musique et
n’ouvraient presque plus jamais un piano. Aussi Mme des Laumes
put-elle secouer la tête, en pleine connaissance de cause, avec une
appréciation juste de la façon dont le pianiste jouait ce prélude
qu’elle savait par cœur. La fin de la phrase commencée chanta
d’elle-même sur ses lèvres. Et elle murmura «C’est toujours charmant»,
avec un double ch au commencement du mot qui était une marque de
délicatesse et dont elle sentait ses lèvres si romanesquement
froissées comme une belle fleur, qu’elle harmonisa instinctivement son
regard avec elles en lui donnant à ce moment-là une sorte de
sentimentalité et de vague. Cependant Mme de Gallardon était en train
de se dire qu’il était fâcheux qu’elle n’eût que bien rarement
l’occasion de rencontrer la princesse des Laumes, car elle souhaitait
lui donner une leçon en ne répondant pas à son salut. Elle ne savait
pas que sa cousine fût là. Un mouvement de tête de Mme de Franquetot
la lui découvrit. Aussitôt elle se précipita vers elle en dérangeant
tout le monde; mais désireuse de garder un air hautain et glacial qui
rappelât à tous qu’elle ne désirait pas avoir de relations avec une
personne chez qui on pouvait se trouver nez à nez avec la princesse
Mathilde, et au-devant de qui elle n’avait pas à aller car elle
n’était pas «sa contemporaine», elle voulut pourtant compenser cet air
de hauteur et de réserve par quelque propos qui justifiât sa démarche
et forçât la princesse à engager la conversation; aussi une fois
arrivée près de sa cousine, Mme de Gallardon, avec un visage dur, une
main tendue comme une carte forcée, lui dit: «Comment va ton mari?» de
la même voix soucieuse que si le prince avait été gravement malade. La
princesse éclatant d’un rire qui lui était particulier et qui était
destiné à la fois à montrer aux autres qu’elle se moquait de quelqu’un
et aussi à se faire paraître plus jolie en concentrant les traits de
son visage autour de sa bouche animée et de son regard brillant, lui
répondit:
--Mais le mieux du monde!
Et elle rit encore. Cependant tout en redressant sa taille et
refroidissant sa mine, inquiète encore pourtant de l’état du prince,
Mme de Gallardon dit à sa cousine:
--Oriane (ici Mme des Laumes regarda d’un air étonné et rieur un tiers
invisible vis-à-vis duquel elle semblait tenir à attester qu’elle
n’avait jamais autorisé Mme de Gallardon à l’appeler par son prénom),
je tiendrais beaucoup à ce que tu viennes un moment demain soir chez
moi entendre un quintette avec clarinette de Mozart. Je voudrais avoir
ton appréciation.
Elle semblait non pas adresser une invitation, mais demander un
service, et avoir besoin de l’avis de la princesse sur le quintette de
Mozart comme si ç’avait été un plat de la composition d’une nouvelle
cuisinière sur les talents de laquelle il lui eût été précieux de
recueillir l’opinion d’un gourmet.
--Mais je connais ce quintette, je peux te dire tout de suite... que je
l’aime!
--Tu sais, mon mari n’est pas bien, son foie..., cela lui ferait grand
plaisir de te voir, reprit Mme de Gallardon, faisant maintenant à la
princesse une obligation de charité de paraître à sa soirée.
La princesse n’aimait pas à dire aux gens qu’elle ne voulait pas aller
chez eux. Tous les jours elle écrivait son regret d’avoir été
privée--par une visite inopinée de sa belle-mère, par une invitation de
son beau-frère, par l’Opéra, par une partie de campagne--d’une soirée à
laquelle elle n’aurait jamais songé à se rendre. Elle donnait ainsi à
beaucoup de gens la joie de croire qu’elle était de leurs relations,
qu’elle eût été volontiers chez eux, qu’elle n’avait été empêchée de
le faire que par les contretemps princiers qu’ils étaient flattés de
voir entrer en concurrence avec leur soirée. Puis, faisant partie de
cette spirituelle coterie des Guermantes où survivait quelque chose de
l’esprit alerte, dépouillé de lieux communs et de sentiments convenus,
qui descend de Mérimée,--et a trouvé sa dernière expression dans le
théâtre de Meilhac et Halévy,--elle l’adaptait même aux rapports
sociaux, le transposait jusque dans sa politesse qui s’efforçait
d’être positive, précise, de se rapprocher de l’humble vérité. Elle ne
développait pas longuement à une maîtresse de maison l’expression du
désir qu’elle avait d’aller à sa soirée; elle trouvait plus aimable de
lui exposer quelques petits faits d’où dépendrait qu’il lui fût ou non
possible de s’y rendre.
--Ecoute, je vais te dire, dit-elle à Mme de Gallardon, il faut demain
soir que j’aille chez une amie qui m’a demandé mon jour depuis
longtemps. Si elle nous emmène au théâtre, il n’y aura pas, avec la
meilleure volonté, possibilité que j’aille chez toi; mais si nous
restons chez elle, comme je sais que nous serons seuls, je pourrai la
quitter.
--Tiens, tu as vu ton ami M. Swann?
--Mais non, cet amour de Charles, je ne savais pas qu’il fût là, je
vais tâcher qu’il me voie.
--C’est drôle qu’il aille même chez la mère Saint-Euverte, dit Mme de
Gallardon. Oh! je sais qu’il est intelligent, ajouta-t-elle en voulant
dire par là intrigant, mais cela ne fait rien, un juif chez la sœur et
la belle-sœur de deux archevêques!
--J’avoue à ma honte que je n’en suis pas choquée, dit la princesse des
Laumes.
--Je sais qu’il est converti, et même déjà ses parents et ses
grands-parents. Mais on dit que les convertis restent plus attachés à
leur religion que les autres, que c’est une frime, est-ce vrai?
--Je suis sans lumières à ce sujet.
Le pianiste qui avait à jouer deux morceaux de Chopin, après avoir
terminé le prélude avait attaqué aussitôt une polonaise. Mais depuis
que Mme de Gallardon avait signalé à sa cousine la présence de Swann,
Chopin ressuscité aurait pu venir jouer lui-même toutes ses œuvres
sans que Mme des Laumes pût y faire attention. Elle faisait partie
d’une de ces deux moitiés de l’humanité chez qui la curiosité qu’a
l’autre moitié pour les êtres qu’elle ne connaît pas est remplacée par
l’intérêt pour les êtres qu’elle connaît. Comme beaucoup de femmes du
faubourg Saint-Germain la présence dans un endroit où elle se trouvait
de quelqu’un de sa coterie, et auquel d’ailleurs elle n’avait rien de
particulier à dire, accaparait exclusivement son attention aux dépens
de tout le reste. A partir de ce moment, dans l’espoir que Swann la
remarquerait, la princesse ne fit plus, comme une souris blanche
apprivoisée à qui on tend puis on retire un morceau de sucre, que
tourner sa figure, remplie de mille signes de connivence dénués de
rapports avec le sentiment de la polonaise de Chopin, dans la
direction où était Swann et si celui-ci changeait de place, elle
déplaçait parallèlement son sourire aimanté.
--Oriane, ne te fâche pas, reprit Mme de Gallardon qui ne pouvait
jamais s’empêcher de sacrifier ses plus grandes espérances sociales et
d’éblouir un jour le monde, au plaisir obscur, immédiat et privé, de
dire quelque chose de désagréable, il y a des gens qui prétendent que
ce M. Swann, c’est quelqu’un qu’on ne peut pas recevoir chez soi,
est-ce vrai?
--Mais... tu dois bien savoir que c’est vrai, répondit la princesse des
Laumes, puisque tu l’as invité cinquante fois et qu’il n’est jamais
venu.
Et quittant sa cousine mortifiée, elle éclata de nouveau d’un rire qui
scandalisa les personnes qui écoutaient la musique, mais attira
l’attention de Mme de Saint-Euverte, restée par politesse près du
piano et qui aperçut seulement alors la princesse. Mme de
Saint-Euverte était d’autant plus ravie de voir Mme des Laumes qu’elle
la croyait encore à Guermantes en train de soigner son beau-père
malade.
--Mais comment, princesse, vous étiez là?
--Oui, je m’étais mise dans un petit coin, j’ai entendu de belles
choses.
--Comment, vous êtes là depuis déjà un long moment!
--Mais oui, un très long moment qui m’a semblé très court, long
seulement parce que je ne vous voyais pas.
Mme de Saint-Euverte voulut donner son fauteuil à la princesse qui
répondit:
--Mais pas du tout! Pourquoi? Je suis bien n’importe où!
Et, avisant avec intention, pour mieux manifester sa simplicité de
grande dame, un petit siège sans dossier:
--Tenez, ce pouf, c’est tout ce qu’il me faut. Cela me fera tenir
droite. Oh! mon Dieu, je fais encore du bruit, je vais me faire
conspuer.
Cependant le pianiste redoublant de vitesse, l’émotion musicale était
à son comble, un domestique passait des rafraîchissements sur un
plateau et faisait tinter des cuillers et, comme chaque semaine, Mme
de Saint-Euverte lui faisait, sans qu’il la vît, des signes de s’en
aller. Une nouvelle mariée, à qui on avait appris qu’une jeune femme
ne doit pas avoir l’air blasé, souriait de plaisir, et cherchait des
yeux la maîtresse de maison pour lui témoigner par son regard sa
reconnaissance d’avoir «pensé à elle» pour un pareil régal. Pourtant,
quoique avec plus de calme que Mme de Franquetot, ce n’est pas sans
inquiétude qu’elle suivait le morceau; mais la sienne avait pour
objet, au lieu du pianiste, le piano sur lequel une bougie tressautant
à chaque fortissimo, risquait, sinon de mettre le feu à l’abat-jour,
du moins de faire des taches sur le palissandre. À la fin elle n’y
tint plus et, escaladant les deux marches de l’estrade, sur laquelle
était placé le piano, se précipita pour enlever la bobèche. Mais à
peine ses mains allaient-elles la toucher que sur un dernier accord,
le morceau finit et le pianiste se leva. Néanmoins l’initiative hardie
de cette jeune femme, la courte promiscuité qui en résulta entre elle
et l’instrumentiste, produisirent une impression généralement
favorable.
--Vous avez remarqué ce qu’a fait cette personne, princesse, dit le
général de Froberville à la princesse des Laumes qu’il était venu
saluer et que Mme de Saint-Euverte quitta un instant. C’est curieux.
Est-ce donc une artiste?
--Non, c’est une petite Mme de Cambremer, répondit étourdiment la
princesse et elle ajouta vivement: Je vous répète ce que j’ai entendu
dire, je n’ai aucune espèce de notion de qui c’est, on a dit derrière
moi que c’étaient des voisins de campagne de Mme de Saint-Euverte,
mais je ne crois pas que personne les connaisse. Ça doit être des
«gens de la campagne»! Du reste, je ne sais pas si vous êtes très
répandu dans la brillante société qui se trouve ici, mais je n’ai pas
idée du nom de toutes ces étonnantes personnes. A quoi pensez-vous
qu’ils passent leur vie en dehors des soirées de Mme de Saint-Euverte?
Elle a dû les faire venir avec les musiciens, les chaises et les
rafraîchissements. Avouez que ces «invités de chez Belloir» sont
magnifiques. Est-ce que vraiment elle a le courage de louer ces
figurants toutes les semaines. Ce n’est pas possible!
--Ah! Mais Cambremer, c’est un nom authentique et ancien, dit le
général.
--Je ne vois aucun mal à ce que ce soit ancien, répondit sèchement la
princesse, mais en tous cas ce n’est-ce pas euphonique, ajouta-t-elle
en détachant le mot euphonique comme s’il était entre guillemets,
petite affectation de dépit qui était particulière à la coterie
Guermantes.
--Vous trouvez? Elle est jolie à croquer, dit le général qui ne perdait
pas Mme de Cambremer de vue. Ce n’est pas votre avis, princesse?
--Elle se met trop en avant, je trouve que chez une si jeune femme, ce
n’est pas agréable, car je ne crois pas qu’elle soit ma contemporaine,
répondit Mme des Laumes (cette expression étant commune aux Gallardon
et aux Guermantes).
Mais la princesse voyant que M. de Froberville continuait à regarder
Mme de Cambremer, ajouta moitié par méchanceté pour celle-ci, moitié
par amabilité pour le général: «Pas agréable... pour son mari! Je
regrette de ne pas la connaître puisqu’elle vous tient à cœur, je vous
aurais présenté,» dit la princesse qui probablement n’en aurait rien
fait si elle avait connu la jeune femme. «Je vais être obligée de vous
dire bonsoir, parce que c’est la fête d’une amie à qui je dois aller
la souhaiter, dit-elle d’un ton modeste et vrai, réduisant la réunion
mondaine à laquelle elle se rendait à la simplicité d’une cérémonie
ennuyeuse mais où il était obligatoire et touchant d’aller. D’ailleurs
je dois y retrouver Basin qui, pendant que j’étais ici, est allé voir
ses amis que vous connaissez, je crois, qui ont un nom de pont, les
Iéna.»
--«Ç’a été d’abord un nom de victoire, princesse, dit le général.
Qu’est-ce que vous voulez, pour un vieux briscard comme moi,
ajouta-t-il en ôtant son monocle pour l’essuyer, comme il aurait
changé un pansement, tandis que la princesse détournait
instinctivement les yeux, cette noblesse d’Empire, c’est autre chose
bien entendu, mais enfin, pour ce que c’est, c’est très beau dans son
genre, ce sont des gens qui en somme se sont battus en héros.»
--Mais je suis pleine de respect pour les héros, dit la princesse, sur
un ton légèrement ironique: si je ne vais pas avec Basin chez cette
princesse d’Iéna, ce n’est pas du tout pour ça, c’est tout simplement
parce que je ne les connais pas. Basin les connaît, les chérit. Oh!
non, ce n’est pas ce que vous pouvez penser, ce n’est pas un flirt, je
n’ai pas à m’y opposer! Du reste, pour ce que cela sert quand je veux
m’y opposer! ajouta-t-elle d’une voix mélancolique, car tout le monde
savait que dès le lendemain du jour où le prince des Laumes avait
épousé sa ravissante cousine, il n’avait pas cessé de la tromper. Mais
enfin ce n’est pas le cas, ce sont des gens qu’il a connus autrefois,
il en fait ses choux gras, je trouve cela très bien. D’abord je vous
dirai que rien que ce qu’il m’a dit de leur maison... Pensez que tous
leurs meubles sont «Empire!»
--Mais, princesse, naturellement, c’est parce que c’est le mobilier de
leurs grands-parents.
--Mais je ne vous dis pas, mais ça n’est pas moins laid pour ça. Je
comprends très bien qu’on ne puisse pas avoir de jolies choses, mais
au moins qu’on n’ait pas de choses ridicules. Qu’est-ce que vous
voulez? je ne connais rien de plus pompier, de plus bourgeois que cet
horrible style avec ces commodes qui ont des têtes de cygnes comme des
baignoires.
--Mais je crois même qu’ils ont de belles choses, ils doivent avoir la
fameuse table de mosaïque sur laquelle a été signé le traité de...
--Ah! Mais qu’ils aient des choses intéressantes au point de vue de
l’histoire, je ne vous dis pas. Mais ça ne peut pas être beau...
puisque c’est horrible! Moi j’ai aussi des choses comme ça que Basin a
héritées des Montesquiou. Seulement elles sont dans les greniers de
Guermantes où personne ne les voit. Enfin, du reste, ce n’est pas la
question, je me précipiterais chez eux avec Basin, j’irais les voir
même au milieu de leurs sphinx et de leur cuivre si je les
connaissais, mais... je ne les connais pas! Moi, on m’a toujours dit
quand j’étais petite que ce n’était pas poli d’aller chez les gens
qu’on ne connaissait pas, dit-elle en prenant un ton puéril. Alors, je
fais ce qu’on m’a appris. Voyez-vous ces braves gens s’ils voyaient
entrer une personne qu’ils ne connaissent pas? Ils me recevraient
peut-être très mal! dit la princesse.
Et par coquetterie elle embellit le sourire que cette supposition lui
arrachait, en donnant à son regard fixé sur le général une expression
rêveuse et douce.
--«Ah! princesse, vous savez bien qu’ils ne se tiendraient pas de
joie...»
--«Mais non, pourquoi?» lui demanda-t-elle avec une extrême vivacité,
soit pour ne pas avoir l’air de savoir que c’est parce qu’elle était
une des plus grandes dames de France, soit pour avoir le plaisir de
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