Du côté de chez Swann - 21

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--«Il ne va jamais que dans les endroits chics.»
Et si Swann lui demandait ce qu’elle entendait par là, elle lui
répondait avec un peu de mépris:
--«Mais les endroits chics, parbleu! Si, à ton âge, il faut t’apprendre
ce que c’est que les endroits chics, que veux-tu que je te dise, moi,
par exemple, le dimanche matin, l’avenue de l’Impératrice, à cinq
heures le tour du Lac, le jeudi l’Éden Théâtre, le vendredi
l’Hippodrome, les bals...»
--Mais quels bals?
--«Mais les bals qu’on donne à Paris, les bals chics, je veux dire.
Tiens, Herbinger, tu sais, celui qui est chez un coulissier? mais si,
tu dois savoir, c’est un des hommes les plus lancés de Paris, ce grand
jeune homme blond qui est tellement snob, il a toujours une fleur à la
boutonnière, une raie dans le dos, des paletots clairs; il est avec ce
vieux tableau qu’il promène à toutes les premières. Eh bien! il a
donné un bal, l’autre soir, il y avait tout ce qu’il y a de chic à
Paris. Ce que j’aurais aimé y aller! mais il fallait présenter sa
carte d’invitation à la porte et je n’avais pas pu en avoir. Au fond
j’aime autant ne pas y être allée, c’était une tuerie, je n’aurais
rien vu. C’est plutôt pour pouvoir dire qu’on était chez Herbinger. Et
tu sais, moi, la gloriole! Du reste, tu peux bien te dire que sur cent
qui racontent qu’elles y étaient, il y a bien la moitié dont ça n’est
pas vrai... Mais ça m’étonne que toi, un homme si «pschutt», tu n’y
étais pas.»
Mais Swann ne cherchait nullement à lui faire modifier cette
conception du chic; pensant que la sienne n’était pas plus vraie,
était aussi sotte, dénuée d’importance, il ne trouvait aucun intérêt à
en instruire sa maîtresse, si bien qu’après des mois elle ne
s’intéressait aux personnes chez qui il allait que pour les cartes de
pesage, de concours hippique, les billets de première qu’il pouvait
avoir par elles. Elle souhaitait qu’il cultivât des relations si
utiles mais elle était par ailleurs, portée à les croire peu chic,
depuis qu’elle avait vu passer dans la rue la marquise de Villeparisis
en robe de laine noire, avec un bonnet à brides.
--Mais elle a l’air d’une ouvreuse, d’une vieille concierge, darling!
Ça, une marquise! Je ne suis pas marquise, mais il faudrait me payer
bien cher pour me faire sortir nippée comme ça!
Elle ne comprenait pas que Swann habitât l’hôtel du quai d’Orléans
que, sans oser le lui avouer, elle trouvait indigne de lui.
Certes, elle avait la prétention d’aimer les «antiquités» et prenait
un air ravi et fin pour dire qu’elle adorait passer toute une journée
à «bibeloter», à chercher «du bric-à-brac», des choses «du temps».
Bien qu’elle s’entêtât dans une sorte de point d’honneur (et semblât
pratiquer quelque précepte familial) en ne répondant jamais aux
questions et en ne «rendant pas de comptes» sur l’emploi de ses
journées, elle parla une fois à Swann d’une amie qui l’avait invitée
et chez qui tout était «de l’époque». Mais Swann ne put arriver à lui
faire dire quelle était cette époque. Pourtant, après avoir réfléchi,
elle répondit que c’était «moyenâgeux». Elle entendait par là qu’il y
avait des boiseries. Quelque temps après, elle lui reparla de son amie
et ajouta, sur le ton hésitant et de l’air entendu dont on cite
quelqu’un avec qui on a dîné la veille et dont on n’avait jamais
entendu le nom, mais que vos amphitryons avaient l’air de considérer
comme quelqu’un de si célèbre qu’on espère que l’interlocuteur saura
bien de qui vous voulez parler: «Elle a une salle à manger... du...
dix-huitième!» Elle trouvait du reste cela affreux, nu, comme si la
maison n’était pas finie, les femmes y paraissaient affreuses et la
mode n’en prendrait jamais. Enfin, une troisième fois, elle en reparla
et montra à Swann l’adresse de l’homme qui avait fait cette salle à
manger et qu’elle avait envie de faire venir, quand elle aurait de
l’argent pour voir s’il ne pourrait pas lui en faire, non pas certes
une pareille, mais celle qu’elle rêvait et que, malheureusement, les
dimensions de son petit hôtel ne comportaient pas, avec de hauts
dressoirs, des meubles Renaissance et des cheminées comme au château
de Blois. Ce jour-là, elle laissa échapper devant Swann ce qu’elle
pensait de son habitation du quai d’Orléans; comme il avait critiqué
que l’amie d’Odette donnât non pas dans le Louis XVI, car, disait-il,
bien que cela ne se fasse pas, cela peut être charmant, mais dans le
faux ancien: «Tu ne voudrais pas qu’elle vécût comme toi au milieu de
meubles cassés et de tapis usés», lui dit-elle, le respect humain de
la bourgeoise l’emportant encore chez elle sur le dilettantisme de la
cocotte.
De ceux qui aimaient à bibeloter, qui aimaient les vers, méprisaient
les bas calculs, rêvaient d’honneur et d’amour, elle faisait une élite
supérieure au reste de l’humanité. Il n’y avait pas besoin qu’on eût
réellement ces goûts pourvu qu’on les proclamât; d’un homme qui lui
avait avoué à dîner qu’il aimait à flâner, à se salir les doigts dans
les vieilles boutiques, qu’il ne serait jamais apprécié par ce siècle
commercial, car il ne se souciait pas de ses intérêts et qu’il était
pour cela d’un autre temps, elle revenait en disant: «Mais c’est une
âme adorable, un sensible, je ne m’en étais jamais doutée!» et elle se
sentait pour lui une immense et soudaine amitié. Mais, en revanche
ceux, qui comme Swann, avaient ces goûts, mais n’en parlaient pas, la
laissaient froide. Sans doute elle était obligée d’avouer que Swann ne
tenait pas à l’argent, mais elle ajoutait d’un air boudeur: «Mais lui,
ça n’est pas la même chose»; et en effet, ce qui parlait à son
imagination, ce n’était pas la pratique du désintéressement, c’en
était le vocabulaire.
Sentant que souvent il ne pouvait pas réaliser ce qu’elle rêvait, il
cherchait du moins à ce qu’elle se plût avec lui, à ne pas
contrecarrer ces idées vulgaires, ce mauvais goût qu’elle avait en
toutes choses, et qu’il aimait d’ailleurs comme tout ce qui venait
d’elle, qui l’enchantaient même, car c’était autant de traits
particuliers grâce auxquels l’essence de cette femme lui apparaissait,
devenait visible. Aussi, quand elle avait l’air heureux parce qu’elle
devait aller à la Reine Topaze, ou que son regard devenait sérieux,
inquiet et volontaire, si elle avait peur de manquer la rite des
fleurs ou simplement l’heure du thé, avec muffins et toasts, au «Thé
de la Rue Royale» où elle croyait que l’assiduité était indispensable
pour consacrer la réputation d’élégance d’une femme, Swann, transporté
comme nous le sommes par le naturel d’un enfant ou par la vérité d’un
portrait qui semble sur le point de parler, sentait si bien l’âme de
sa maîtresse affleurer à son visage qu’il ne pouvait résister à venir
l’y toucher avec ses lèvres. «Ah! elle veut qu’on la mène à la fête
des fleurs, la petite Odette, elle veut se faire admirer, eh bien, on
l’y mènera, nous n’avons qu’à nous incliner.» Comme la vue de Swann
était un peu basse, il dut se résigner à se servir de lunettes pour
travailler chez lui, et à adopter, pour aller dans le monde, le
monocle qui le défigurait moins. La première fois qu’elle lui en vit
un dans l’œil, elle ne put contenir sa joie: «Je trouve que pour un
homme, il n’y a pas à dire, ça a beaucoup de chic! Comme tu es bien
ainsi! tu as l’air d’un vrai gentleman. Il ne te manque qu’un titre!»
ajouta-t-elle, avec une nuance de regret. Il aimait qu’Odette fût
ainsi, de même que, s’il avait été épris d’une Bretonne, il aurait été
heureux de la voir en coiffe et de lui entendre dire qu’elle croyait
aux revenants. Jusque-là, comme beaucoup d’hommes chez qui leur goût
pour les arts se développe indépendamment de la sensualité, une
disparate bizarre avait existé entre les satisfactions qu’il accordait
à l’un et à l’autre, jouissant, dans la compagnie de femmes de plus en
plus grossières, des séductions d’œuvres de plus en plus raffinées,
emmenant une petite bonne dans une baignoire grillée à la
représentation d’une pièce décadente qu’il avait envie d’entendre ou à
une exposition de peinture impressionniste, et persuadé d’ailleurs
qu’une femme du monde cultivée n’y eut pas compris davantage, mais
n’aurait pas su se taire aussi gentiment. Mais, au contraire, depuis
qu’il aimait Odette, sympathiser avec elle, tâcher de n’avoir qu’une
âme à eux deux lui était si doux, qu’il cherchait à se plaire aux
choses qu’elle aimait, et il trouvait un plaisir d’autant plus profond
non seulement à imiter ses habitudes, mais à adopter ses opinions,
que, comme elles n’avaient aucune racine dans sa propre intelligence,
elles lui rappelaient seulement son amour, à cause duquel il les avait
préférées. S’il retournait à Serge Panine, s’il recherchait les
occasions d’aller voir conduire Olivier Métra, c’était pour la douceur
d’être initié dans toutes les conceptions d’Odette, de se sentir de
moitié dans tous ses goûts. Ce charme de le rapprocher d’elle,
qu’avaient les ouvrages ou les lieux qu’elle aimait, lui semblait plus
mystérieux que celui qui est intrinsèque à de plus beaux, mais qui ne
la lui rappelaient pas. D’ailleurs, ayant laissé s’affaiblir les
croyances intellectuelles de sa jeunesse, et son scepticisme d’homme
du monde ayant à son insu pénétré jusqu’à elles, il pensait (ou du
moins il avait si longtemps pensé cela qu’il le disait encore) que les
objets de nos goûts n’ont pas en eux une valeur absolue, mais que tout
est affaire d’époque, de classe, consiste en modes, dont les plus
vulgaires valent celles qui passent pour les plus distinguées. Et
comme il jugeait que l’importance attachée par Odette à avoir des
cartes pour le vernissage n’était pas en soi quelque chose de plus
ridicule que le plaisir qu’il avait autrefois à déjeuner chez le
prince de Galles, de même, il ne pensait pas que l’admiration qu’elle
professait pour Monte-Carlo ou pour le Righi fût plus déraisonnable
que le goût qu’il avait, lui, pour la Hollande qu’elle se figurait
laide et pour Versailles qu’elle trouvait triste. Aussi, se privait-il
d’y aller, ayant plaisir à se dire que c’était pour elle, qu’il
voulait ne sentir, n’aimer qu’avec elle.
Comme tout ce qui environnait Odette et n’était en quelque sorte que
le mode selon lequel il pouvait la voir, causer avec elle, il aimait
la société des Verdurin. Là, comme au fond de tous les
divertissements, repas, musique, jeux, soupers costumés, parties de
campagne, parties de théâtre, même les rares «grandes soirées» données
pour les «ennuyeux», il y avait la présence d’Odette, la vue d’Odette,
la conversation avec Odette, dont les Verdurin faisaient à Swann, en
l’invitant, le don inestimable, il se plaisait mieux que partout
ailleurs dans le «petit noyau», et cherchait à lui attribuer des
mérites réels, car il s’imaginait ainsi que par goût il le
fréquenterait toute sa vie. Or, n’osant pas se dire, par peur de ne
pas le croire, qu’il aimerait toujours Odette, du moins en cherchant à
supposer qu’il fréquenterait toujours les Verdurin (proposition qui, a
priori, soulevait moins d’objections de principe de la part de son
intelligence), il se voyait dans l’avenir continuant à rencontrer
chaque soir Odette; cela ne revenait peut-être pas tout à fait au même
que l’aimer toujours, mais, pour le moment, pendant qu’il l’aimait,
croire qu’il ne cesserait pas un jour de la voir, c’est tout ce qu’il
demandait. «Quel charmant milieu, se disait-il. Comme c’est au fond la
vraie vie qu’on mène là! Comme on y est plus intelligent, plus artiste
que dans le monde. Comme Mme Verdurin, malgré de petites exagérations
un peu risibles, a un amour sincère de la peinture, de la musique!
quelle passion pour les œuvres, quel désir de faire plaisir aux
artistes! Elle se fait une idée inexacte des gens du monde; mais avec
cela que le monde n’en a pas une plus fausse encore des milieux
artistes! Peut-être n’ai-je pas de grands besoins intellectuels à
assouvir dans la conversation, mais je me plais parfaitement bien avec
Cottard, quoiqu’il fasse des calembours ineptes. Et quant au peintre,
si sa prétention est déplaisante quand il cherche à étonner, en
revanche c’est une des plus belles intelligences que j’aie connues. Et
puis surtout, là, on se sent libre, on fait ce qu’on veut sans
contrainte, sans cérémonie. Quelle dépense de bonne humeur il se fait
par jour dans ce salon-là! Décidément, sauf quelques rares exceptions,
je n’irai plus jamais que dans ce milieu. C’est là que j’aurai de plus
en plus mes habitudes et ma vie.»
Et comme les qualités qu’il croyait intrinsèques aux Verdurin
n’étaient que le reflet sur eux de plaisirs qu’avait goûtés chez eux
son amour pour Odette, ces qualités devenaient plus sérieuses, plus
profondes, plus vitales, quand ces plaisirs l’étaient aussi. Comme Mme
Verdurin donnait parfois à Swann ce qui seul pouvait constituer pour
lui le bonheur; comme, tel soir où il se sentait anxieux parce
qu’Odette avait causé avec un invité plus qu’avec un autre, et où,
irrité contre elle, il ne voulait pas prendre l’initiative de lui
demander si elle reviendrait avec lui, Mme Verdurin lui apportait la
paix et la joie en disant spontanément: «Odette, vous allez ramener M.
Swann, n’est-ce pas»? comme cet été qui venait et où il s’était
d’abord demandé avec inquiétude si Odette ne s’absenterait pas sans
lui, s’il pourrait continuer à la voir tous les jours, Mme Verdurin
allait les inviter à le passer tous deux chez elle à la
campagne,--Swann laissant à son insu la reconnaissance et l’intérêt
s’infiltrer dans son intelligence et influer sur ses idées, allait
jusqu’à proclamer que Mme Verdurin était une grande âme. De quelques
gens exquis ou éminents que tel de ses anciens camarades de l’école du
Louvre lui parlât: «Je préfère cent fois les Verdurin, lui
répondait-il.» Et, avec une solennité qui était nouvelle chez lui: «Ce
sont des êtres magnanimes, et la magnanimité est, au fond, la seule
chose qui importe et qui distingue ici-bas. Vois-tu, il n’y a que deux
classes d’êtres: les magnanimes et les autres; et je suis arrivé à un
âge où il faut prendre parti, décider une fois pour toutes qui on veut
aimer et qui on veut dédaigner, se tenir à ceux qu’on aime et, pour
réparer le temps qu’on a gâché avec les autres, ne plus les quitter
jusqu’à sa mort. Eh bien! ajoutait-il avec cette légère émotion qu’on
éprouve quand même sans bien s’en rendre compte, on dit une chose non
parce qu’elle est vraie, mais parce qu’on a plaisir à la dire et qu’on
l’écoute dans sa propre voix comme si elle venait d’ailleurs que de
nous-mêmes, le sort en est jeté, j’ai choisi d’aimer les seuls cœurs
magnanimes et de ne plus vivre que dans la magnanimité. Tu me demandes
si Mme Verdurin est véritablement intelligente. Je t’assure qu’elle
m’a donné les preuves d’une noblesse de cœur, d’une hauteur d’âme où,
que veux-tu, on n’atteint pas sans une hauteur égale de pensée. Certes
elle a la profonde intelligence des arts. Mais ce n’est peut-être pas
là qu’elle est le plus admirable; et telle petite action
ingénieusement, exquisement bonne, qu’elle a accomplie pour moi, telle
géniale attention, tel geste familièrement sublime, révèlent une
compréhension plus profonde de l’existence que tous les traités de
philosophie.»
Il aurait pourtant pu se dire qu’il y avait des anciens amis de ses
parents aussi simples que les Verdurin, des camarades de sa jeunesse
aussi épris d’art, qu’il connaissait d’autres êtres d’un grand cœur,
et que, pourtant, depuis qu’il avait opté pour la simplicité, les arts
et la magnanimité, il ne les voyait plus jamais. Mais ceux-là ne
connaissaient pas Odette, et, s’ils l’avaient connue, ne se seraient
pas souciés de la rapprocher de lui.
Ainsi il n’y avait sans doute pas, dans tout le milieu Verdurin, un
seul fidèle qui les aimât ou crût les aimer autant que Swann. Et
pourtant, quand M. Verdurin avait dit que Swann ne lui revenait pas,
non seulement il avait exprimé sa propre pensée, mais il avait deviné
celle de sa femme. Sans doute Swann avait pour Odette une affection
trop particulière et dont il avait négligé de faire de Mme Verdurin la
confidente quotidienne: sans doute la discrétion même avec laquelle il
usait de l’hospitalité des Verdurin, s’abstenant souvent de venir
dîner pour une raison qu’ils ne soupçonnaient pas et à la place de
laquelle ils voyaient le désir de ne pas manquer une invitation chez
des «ennuyeux», sans doute aussi, et malgré toutes les précautions
qu’il avait prises pour la leur cacher, la découverte progressive
qu’ils faisaient de sa brillante situation mondaine, tout cela
contribuait à leur irritation contre lui. Mais la raison profonde en
était autre. C’est qu’ils avaient très vite senti en lui un espace
réservé, impénétrable, où il continuait à professer silencieusement
pour lui-même que la princesse de Sagan n’était pas grotesque et que
les plaisanteries de Cottard n’étaient pas drôles, enfin et bien que
jamais il ne se départît de son amabilité et ne se révoltât contre
leurs dogmes, une impossibilité de les lui imposer, de l’y convertir
entièrement, comme ils n’en avaient jamais rencontré une pareille chez
personne. Ils lui auraient pardonné de fréquenter des ennuyeux
(auxquels d’ailleurs, dans le fond de son cœur, il préférait mille
fois les Verdurin et tout le petit noyau) s’il avait consenti, pour le
bon exemple, à les renier en présence des fidèles. Mais c’est une
abjuration qu’ils comprirent qu’on ne pourrait pas lui arracher.
Quelle différence avec un «nouveau» qu’Odette leur avait demandé
d’inviter, quoiqu’elle ne l’eût rencontré que peu de fois, et sur
lequel ils fondaient beaucoup d’espoir, le comte de Forcheville! (Il
se trouva qu’il était justement le beau-frère de Saniette, ce qui
remplit d’étonnement les fidèles: le vieil archiviste avait des
manières si humbles qu’ils l’avaient toujours cru d’un rang social
inférieur au leur et ne s’attendaient pas à apprendre qu’il
appartenait à un monde riche et relativement aristocratique.) Sans
doute Forcheville était grossièrement snob, alors que Swann ne l’était
pas; sans doute il était bien loin de placer, comme lui, le milieu des
Verdurin au-dessus de tous les autres. Mais il n’avait pas cette
délicatesse de nature qui empêchait Swann de s’associer aux critiques
trop manifestement fausses que dirigeait Mme Verdurin contre des gens
qu’il connaissait. Quant aux tirades prétentieuses et vulgaires que le
peintre lançait à certains jours, aux plaisanteries de commis voyageur
que risquait Cottard et auxquelles Swann, qui les aimait l’un et
l’autre, trouvait facilement des excuses mais n’avait pas le courage
et l’hypocrisie d’applaudir, Forcheville était au contraire d’un
niveau intellectuel qui lui permettait d’être abasourdi, émerveillé
par les unes, sans d’ailleurs les comprendre, et de se délecter aux
autres. Et justement le premier dîner chez les Verdurin auquel assista
Forcheville, mit en lumière toutes ces différences, fit ressortir ses
qualités et précipita la disgrâce de Swann.
Il y avait, à ce dîner, en dehors des habitués, un professeur de la
Sorbonne, Brichot, qui avait rencontré M. et Mme Verdurin aux eaux et
si ses fonctions universitaires et ses travaux d’érudition n’avaient
pas rendu très rares ses moments de liberté, serait volontiers venu
souvent chez eux. Car il avait cette curiosité, cette superstition de
la vie, qui unie à un certain scepticisme relatif à l’objet de leurs
études, donne dans n’importe quelle profession, à certains hommes
intelligents, médecins qui ne croient pas à la médecine, professeurs
de lycée qui ne croient pas au thème latin, la réputation d’esprits
larges, brillants, et même supérieurs. Il affectait, chez Mme
Verdurin, de chercher ses comparaisons dans ce qu’il y avait de plus
actuel quand il parlait de philosophie et d’histoire, d’abord parce
qu’il croyait qu’elles ne sont qu’une préparation à la vie et qu’il
s’imaginait trouver en action dans le petit clan ce qu’il n’avait
connu jusqu’ici que dans les livres, puis peut-être aussi parce que,
s’étant vu inculquer autrefois, et ayant gardé à son insu, le respect
de certains sujets, il croyait dépouiller l’universitaire en prenant
avec eux des hardiesses qui, au contraire, ne lui paraissaient telles,
que parce qu’il l’était resté.
Dès le commencement du repas, comme M. de Forcheville, placé à la
droite de Mme Verdurin qui avait fait pour le «nouveau» de grands
frais de toilette, lui disait: «C’est original, cette robe blanche»,
le docteur qui n’avait cessé de l’observer, tant il était curieux de
savoir comment était fait ce qu’il appelait un «de», et qui cherchait
une occasion d’attirer son attention et d’entrer plus en contact avec
lui, saisit au vol le mot «blanche» et, sans lever le nez de son
assiette, dit: «blanche? Blanche de Castille?», puis sans bouger la
tête lança furtivement de droite et de gauche des regards incertains
et souriants. Tandis que Swann, par l’effort douloureux et vain qu’il
fit pour sourire, témoigna qu’il jugeait ce calembour stupide,
Forcheville avait montré à la fois qu’il en goûtait la finesse et
qu’il savait vivre, en contenant dans de justes limites une gaieté
dont la franchise avait charmé Mme Verdurin.
--Qu’est-ce que vous dites d’un savant comme cela? avait-elle demandé à
Forcheville. Il n’y a pas moyen de causer sérieusement deux minutes
avec lui. Est-ce que vous leur en dites comme cela, à votre hôpital?
avait-elle ajouté en se tournant vers le docteur, ça ne doit pas être
ennuyeux tous les jours, alors. Je vois qu’il va falloir que je
demande à m’y faire admettre.
--Je crois avoir entendu que le docteur parlait de cette vieille chipie
de Blanche de Castille, si j’ose m’exprimer ainsi. N’est-il pas vrai,
madame? demanda Brichot à Mme Verdurin qui, pâmant, les yeux fermés,
précipita sa figure dans ses mains d’où s’échappèrent des cris
étouffés.
«Mon Dieu, Madame, je ne voudrais pas alarmer les âmes respectueuses
s’il y en a autour de cette table, sub rosa... Je reconnais d’ailleurs
que notre ineffable république athénienne--ô combien!--pourrait honorer
en cette capétienne obscurantiste le premier des préfets de police à
poigne. Si fait, mon cher hôte, si fait, reprit-il de sa voix bien
timbrée qui détachait chaque syllabe, en réponse à une objection de M.
Verdurin. La chronique de Saint-Denis dont nous ne pouvons contester
la sûreté d’information ne laisse aucun doute à cet égard. Nulle ne
pourrait être mieux choisie comme patronne par un prolétariat
laïcisateur que cette mère d’un saint à qui elle en fit d’ailleurs
voir de saumâtres, comme dit Suger et autres saint Bernard; car avec
elle chacun en prenait pour son grade.
--Quel est ce monsieur? demanda Forcheville à Mme Verdurin, il a l’air
d’être de première force.
--Comment, vous ne connaissez pas le fameux Brichot? il est célèbre
dans toute l’Europe.
--Ah! c’est Bréchot, s’écria Forcheville qui n’avait pas bien entendu,
vous m’en direz tant, ajouta-t-il tout en attachant sur l’homme
célèbre des yeux écarquillés. C’est toujours intéressant de dîner avec
un homme en vue. Mais, dites-moi, vous nous invitez-là avec des
convives de choix. On ne s’ennuie pas chez vous.
--Oh! vous savez ce qu’il y a surtout, dit modestement Mme Verdurin,
c’est qu’ils se sentent en confiance. Ils parlent de ce qu’ils
veulent, et la conversation rejaillit en fusées. Ainsi Brichot, ce
soir, ce n’est rien: je l’ai vu, vous savez, chez moi, éblouissant, à
se mettre à genoux devant; eh bien! chez les autres, ce n’est plus le
même homme, il n’a plus d’esprit, il faut lui arracher les mots, il
est même ennuyeux.
--C’est curieux! dit Forcheville étonné.
Un genre d’esprit comme celui de Brichot aurait été tenu pour
stupidité pure dans la coterie où Swann avait passé sa jeunesse, bien
qu’il soit compatible avec une intelligence réelle. Et celle du
professeur, vigoureuse et bien nourrie, aurait probablement pu être
enviée par bien des gens du monde que Swann trouvait spirituels. Mais
ceux-ci avaient fini par lui inculquer si bien leurs goûts et leurs
répugnances, au moins en tout ce qui touche à la vie mondaine et même
en celle de ses parties annexes qui devrait plutôt relever du domaine
de l’intelligence: la conversation, que Swann ne put trouver les
plaisanteries de Brichot que pédantesques, vulgaires et grasses à
écœurer. Puis il était choqué, dans l’habitude qu’il avait des bonnes
manières, par le ton rude et militaire qu’affectait, en s’adressant à
chacun, l’universitaire cocardier. Enfin, peut-être avait-il surtout
perdu, ce soir-là, de son indulgence en voyant l’amabilité que Mme
Verdurin déployait pour ce Forcheville qu’Odette avait eu la
singulière idée d’amener. Un peu gênée vis-à-vis de Swann, elle lui
avait demandé en arrivant:
--Comment trouvez-vous mon invité?
Et lui, s’apercevant pour la première fois que Forcheville qu’il
connaissait depuis longtemps pouvait plaire à une femme et était assez
bel homme, avait répondu: «Immonde!» Certes, il n’avait pas l’idée
d’être jaloux d’Odette, mais il ne se sentait pas aussi heureux que
d’habitude et quand Brichot, ayant commencé à raconter l’histoire de
la mère de Blanche de Castille qui «avait été avec Henri Plantagenet
des années avant de l’épouser», voulut s’en faire demander la suite
par Swann en lui disant: «n’est-ce pas, monsieur Swann?» sur le ton
martial qu’on prend pour se mettre à la portée d’un paysan ou pour
donner du cœur à un troupier, Swann coupa l’effet de Brichot à la
grande fureur de la maîtresse de la maison, en répondant qu’on voulût
bien l’excuser de s’intéresser si peu à Blanche de Castille, mais
qu’il avait quelque chose à demander au peintre. Celui-ci, en effet,
était allé dans l’après-midi visiter l’exposition d’un artiste, ami de
Mme Verdurin qui était mort récemment, et Swann aurait voulu savoir
par lui (car il appréciait son goût) si vraiment il y avait dans ces
dernières œuvres plus que la virtuosité qui stupéfiait déjà dans les
précédentes.
--A ce point de vue-là, c’était extraordinaire, mais cela ne semblait
pas d’un art, comme on dit, très «élevé», dit Swann en souriant.
--Élevé... à la hauteur d’une institution, interrompit Cottard en
levant les bras avec une gravité simulée.
Toute la table éclata de rire.
--Quand je vous disais qu’on ne peut pas garder son sérieux avec lui,
dit Mme Verdurin à Forcheville. Au moment où on s’y attend le moins,
il vous sort une calembredaine.
Mais elle remarqua que seul Swann ne s’était pas déridé. Du reste il
n’était pas très content que Cottard fît rire de lui devant
Forcheville. Mais le peintre, au lieu de répondre d’une façon
intéressante à Swann, ce qu’il eût probablement fait s’il eût été seul
avec lui, préféra se faire admirer des convives en plaçant un morceau
sur l’habileté du maître disparu.
--Je me suis approché, dit-il, pour voir comment c’était fait, j’ai mis
le nez dessus. Ah! bien ouiche! on ne pourrait pas dire si c’est fait
avec de la colle, avec du rubis, avec du savon, avec du bronze, avec
du soleil, avec du caca!
--Et un font douze, s’écria trop tard le docteur dont personne ne
comprit l’interruption.
--«Ça a l’air fait avec rien, reprit le peintre, pas plus moyen de
découvrir le truc que dans la Ronde ou les Régentes et c’est encore
plus fort comme patte que Rembrandt et que Hals. Tout y est, mais non,
je vous jure.»
Et comme les chanteurs parvenus à la note la plus haute qu’ils
puissent donner continuent en voix de tête, piano, il se contenta de
murmurer, et en riant, comme si en effet cette peinture eût été
dérisoire à force de beauté:
--«Ça sent bon, ça vous prend à la tête, ça vous coupe la respiration,
ça vous fait des chatouilles, et pas mèche de savoir avec quoi c’est
fait, c’en est sorcier, c’est de la rouerie, c’est du miracle
(éclatant tout à fait de rire): c’en est malhonnête!» En s’arrêtant,
redressant gravement la tête, prenant une note de basse profonde qu’il
tâcha de rendre harmonieuse, il ajouta: «et c’est si loyal!»
Sauf au moment où il avait dit: «plus fort que la Ronde», blasphème
qui avait provoqué une protestation de Mme Verdurin qui tenait «la
Ronde» pour le plus grand chef-d’œuvre de l’univers avec «la Neuvième»
et «la Samothrace», et à: «fait avec du caca» qui avait fait jeter à
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