Du côté de chez Swann - 05

Total number of words is 4730
Total number of unique words is 1595
35.6 of words are in the 2000 most common words
46.9 of words are in the 5000 most common words
53.0 of words are in the 8000 most common words
Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
prêtait à ses moindres sensations une importance extraordinaire; elle
les douait d’une motilité qui lui rendait difficile de les garder pour
elle, et à défaut de confident à qui les communiquer, elle se les
annonçait à elle-même, en un perpétuel monologue qui était sa seule
forme d’activité. Malheureusement, ayant pris l’habitude de penser
tout haut, elle ne faisait pas toujours attention à ce qu’il n’y eût
personne dans la chambre voisine, et je l’entendais souvent se dire à
elle-même: «Il faut que je me rappelle bien que je n’ai pas dormi»
(car ne jamais dormir était sa grande prétention dont notre langage à
tous gardait le respect et la trace: le matin Françoise ne venait pas
«l’éveiller», mais «entrait» chez elle; quand ma tante voulait faire
un somme dans la journée, on disait qu’elle voulait «réfléchir» ou
«reposer»; et quand il lui arrivait de s’oublier en causant jusqu’à
dire: «Ce qui m’a réveillée» ou «j’ai rêvé que», elle rougissait et se
reprenait au plus vite).
Au bout d’un moment, j’entrais l’embrasser; Françoise faisait infuser
son thé; ou, si ma tante se sentait agitée, elle demandait à la place
sa tisane et c’était moi qui étais chargé de faire tomber du sac de
pharmacie dans une assiette la quantité de tilleul qu’il fallait
mettre ensuite dans l’eau bouillante. Le dessèchement des tiges les
avait incurvées en un capricieux treillage dans les entrelacs duquel
s’ouvraient les fleurs pâles, comme si un peintre les eût arrangées,
les eût fait poser de la façon la plus ornementale. Les feuilles,
ayant perdu ou changé leur aspect, avaient l’air des choses les
plus disparates, d’une aile transparente de mouche, de l’envers
blanc d’une étiquette, d’un pétale de rose, mais qui eussent été
empilées, concassées ou tressées comme dans la confection d’un nid.
Mille petits détails inutiles,--charmante prodigalité du
pharmacien,--qu’on eût supprimés dans une préparation factice, me
donnaient, comme un livre où on s’émerveille de rencontrer le nom
d’une personne de connaissance, le plaisir de comprendre que c’était
bien des tiges de vrais tilleuls, comme ceux que je voyais avenue de
la Gare, modifiées, justement parce que c’étaient non des doubles,
mais elles-même et qu’elles avaient vieilli. Et chaque caractère
nouveau n’y étant que la métamorphose d’un caractère ancien, dans de
petites boules grises je reconnaissais les boutons verts qui ne sont
pas venus à terme; mais surtout l’éclat rose, lunaire et doux qui
faisait se détacher les fleurs dans la forêt fragile des tiges où
elles étaient suspendues comme de petites roses d’or,--signe, comme la
lueur qui révèle encore sur une muraille la place d’une fresque
effacée, de la différence entre les parties de l’arbre qui avaient été
«en couleur» et celles qui ne l’avaient pas été--me montrait que ces
pétales étaient bien ceux qui avant de fleurir le sac de pharmacie
avaient embaumé les soirs de printemps. Cette flamme rose de cierge,
c’était leur couleur encore, mais à demi éteinte et assoupie dans
cette vie diminuée qu’était la leur maintenant et qui est comme le
crépuscule des fleurs. Bientôt ma tante pouvait tremper dans l’infusion
bouillante dont elle savourait le goût de feuille morte ou de fleur
fanée une petite madeleine dont elle me tendait un morceau quand il
était suffisamment amolli.
D’un côté de son lit était une grande commode jaune en bois de
citronnier et une table qui tenait à la fois de l’officine et du
maître-autel, où, au-dessus d’une statuette de la Vierge et d’une
bouteille de Vichy-Célestins, on trouvait des livres de messe et des
ordonnances de médicaments, tous ce qu’il fallait pour suivre de son
lit les offices et son régime, pour ne manquer l’heure ni de la
pepsine, ni des vêpres. De l’autre côté, son lit longeait la fenêtre,
elle avait la rue sous les yeux et y lisait du matin au soir, pour se
désennuyer, à la façon des princes persans, la chronique quotidienne
mais immémoriale de Combray, qu’elle commentait ensuite avec
Françoise.
Je n’étais pas avec ma tante depuis cinq minutes, qu’elle me renvoyait
par peur que je la fatigue. Elle tendait à mes lèvres son triste front
pâle et fade sur lequel, à cette heure matinale, elle n’avait pas
encore arrangé ses faux cheveux, et où les vertèbres transparaissaient
comme les pointes d’une couronne d’épines ou les grains d’un rosaire,
et elle me disait: «Allons, mon pauvre enfant, va-t’en, va te préparer
pour la messe; et si en bas tu rencontres Françoise, dis-lui de ne pas
s’amuser trop longtemps avec vous, qu’elle monte bientôt voir si je
n’ai besoin de rien.»
Françoise, en effet, qui était depuis des années a son service et ne
se doutait pas alors qu’elle entrerait un jour tout à fait au nôtre
délaissait un peu ma tante pendant les mois où nous étions là. Il y
avait eu dans mon enfance, avant que nous allions à Combray, quand ma
tante Léonie passait encore l’hiver à Paris chez sa mère, un temps où
je connaissais si peu Françoise que, le 1er janvier, avant d’entrer
chez ma grand’tante, ma mère me mettait dans la main une pièce de cinq
francs et me disait: «Surtout ne te trompe pas de personne. Attends
pour donner que tu m’entendes dire: «Bonjour Françoise»; en même temps
je te toucherai légèrement le bras. A peine arrivions-nous dans
l’obscure antichambre de ma tante que nous apercevions dans l’ombre,
sous les tuyaux d’un bonnet éblouissant, raide et fragile comme s’il
avait été de sucre filé, les remous concentriques d’un sourire de
reconnaissance anticipé. C’était Françoise, immobile et debout dans
l’encadrement de la petite porte du corridor comme une statue de
sainte dans sa niche. Quand on était un peu habitué à ces ténèbres de
chapelle, on distinguait sur son visage l’amour désintéressé de
l’humanité, le respect attendri pour les hautes classes qu’exaltait
dans les meilleures régions de son cœur l’espoir des étrennes. Maman
me pinçait le bras avec violence et disait d’une voix forte: «Bonjour
Françoise.» A ce signal mes doigts s’ouvraient et je lâchais la pièce
qui trouvait pour la recevoir une main confuse, mais tendue. Mais
depuis que nous allions à Combray je ne connaissais personne mieux que
Françoise; nous étions ses préférés, elle avait pour nous, au moins
pendant les premières années, avec autant de considération que pour ma
tante, un goût plus vif, parce que nous ajoutions, au prestige de
faire partie de la famille (elle avait pour les liens invisibles que
noue entre les membres d’une famille la circulation d’un même sang,
autant de respect qu’un tragique grec), le charme de n’être pas ses
maîtres habituels. Aussi, avec quelle joie elle nous recevait, nous
plaignant de n’avoir pas encore plus beau temps, le jour de notre
arrivée, la veille de Pâques, où souvent il faisait un vent glacial,
quand maman lui demandait des nouvelles de sa fille et de ses neveux,
si son petit-fils était gentil, ce qu’on comptait faire de lui, s’il
ressemblerait à sa grand’mère.
Et quand il n’y avait plus de monde là, maman qui savait que Françoise
pleurait encore ses parents morts depuis des années, lui parlait d’eux
avec douceur, lui demandait mille détails sur ce qu’avait été leur
vie.
Elle avait deviné que Françoise n’aimait pas son gendre et qu’il lui
gâtait le plaisir qu’elle avait à être avec sa fille, avec qui elle ne
causait pas aussi librement quand il était là. Aussi, quand Françoise
allait les voir, à quelques lieues de Combray, maman lui disait en
souriant: «N’est-ce pas Françoise, si Julien a été obligé de
s’absenter et si vous avez Marguerite à vous toute seule pour toute la
journée, vous serez désolée, mais vous vous ferez une raison?» Et
Françoise disait en riant: «Madame sait tout; madame est pire que les
rayons X (elle disait x avec une difficulté affectée et un sourire
pour se railler elle-même, ignorante, d’employer ce terme savant),
qu’on a fait venir pour Mme Octave et qui voient ce que vous avez dans
le cœur», et disparaissait, confuse qu’on s’occupât d’elle, peut-être
pour qu’on ne la vît pas pleurer; maman était la première personne qui
lui donnât cette douce émotion de sentir que sa vie, ses bonheurs, ses
chagrins de paysanne pouvaient présenter de l’intérêt, être un motif
de joie ou de tristesse pour une autre qu’elle-même. Ma tante se
résignait à se priver un peu d’elle pendant notre séjour, sachant
combien ma mère appréciait le service de cette bonne si intelligente
et active, qui était aussi belle dès cinq heures du matin dans sa
cuisine, sous son bonnet dont le tuyautage éclatant et fixe avait
l’air d’être en biscuit, que pour aller à la grand’messe; qui faisait
tout bien, travaillant comme un cheval, qu’elle fût bien portante ou
non, mais sans bruit, sans avoir l’air de rien faire, la seule des
bonnes de ma tante qui, quand maman demandait de l’eau chaude ou du
café noir, les apportait vraiment bouillants; elle était un de ces
serviteurs qui, dans une maison, sont à la fois ceux qui déplaisent le
plus au premier abord à un étranger, peut-être parce qu’ils ne
prennent pas la peine de faire sa conquête et n’ont pas pour lui de
prévenance, sachant très bien qu’ils n’ont aucun besoin de lui, qu’on
cesserait de le recevoir plutôt que de les renvoyer; et qui sont en
revanche ceux à qui tiennent le plus les maîtres qui ont éprouvé leur
capacités réelles, et ne se soucient pas de cet agrément superficiel,
de ce bavardage servile qui fait favorablement impression à un
visiteur, mais qui recouvre souvent une inéducable nullité.
Quand Françoise, après avoir veillé à ce que mes parents eussent tout
ce qu’il leur fallait, remontait une première fois chez ma tante pour
lui donner sa pepsine et lui demander ce qu’elle prendrait pour
déjeuner, il était bien rare qu’il ne fallût pas donner déjà son avis
ou fournir des explications sur quelque événement d’importance:
--«Françoise, imaginez-vous que Mme Goupil est passée plus d’un quart
d’heure en retard pour aller chercher sa sœur; pour peu qu’elle
s’attarde sur son chemin cela ne me surprendrait point qu’elle arrive
après l’élévation.»
--«Hé! il n’y aurait rien d’étonnant», répondait Françoise.
--«Françoise, vous seriez venue cinq minutes plus tôt, vous auriez vu
passer Mme Imbert qui tenait des asperges deux fois grosses comme
celles de la mère Callot; tâchez donc de savoir par sa bonne où elle
les a eues. Vous qui, cette année, nous mettez des asperges à toutes
les sauces, vous auriez pu en prendre de pareilles pour nos
voyageurs.»
--«Il n’y aurait rien d’étonnant qu’elles viennent de chez M. le Curé»,
disait Françoise.
--«Ah! je vous crois bien, ma pauvre Françoise, répondait ma tante en
haussant les épaules, chez M. le Curé! Vous savez bien qu’il ne fait
pousser que de petites méchantes asperges de rien. Je vous dis que
celles-là étaient grosses comme le bras. Pas comme le vôtre, bien sûr,
mais comme mon pauvre bras qui a encore tant maigri cette année.»
--«Françoise, vous n’avez pas entendu ce carillon qui m’a cassé la
tête?»
--«Non, madame Octave.»
--«Ah! ma pauvre fille, il faut que vous l’ayez solide votre tête, vous
pouvez remercier le Bon Dieu. C’était la Maguelone qui était venue
chercher le docteur Piperaud. Il est ressorti tout de suite avec elle
et ils ont tourné par la rue de l’Oiseau. Il faut qu’il y ait quelque
enfant de malade.»
--«Eh! là, mon Dieu», soupirait Françoise, qui ne pouvait pas entendre
parler d’un malheur arrivé à un inconnu, même dans une partie du monde
éloignée, sans commencer à gémir.
--«Françoise, mais pour qui donc a-t-on sonné la cloche des morts? Ah!
mon Dieu, ce sera pour Mme Rousseau. Voilà-t-il pas que j’avais oublié
qu’elle a passé l’autre nuit. Ah! il est temps que le Bon Dieu me
rappelle, je ne sais plus ce que j’ai fait de ma tête depuis la mort
de mon pauvre Octave. Mais je vous fais perdre votre temps, ma fille.»
--«Mais non, madame Octave, mon temps n’est pas si cher; celui qui l’a
fait ne nous l’a pas vendu. Je vas seulement voir si mon feu ne
s’éteint pas.»
Ainsi Françoise et ma tante appréciaient-elles ensemble au cours de
cette séance matinale, les premiers événements du jour. Mais
quelquefois ces événements revêtaient un caractère si mystérieux et si
grave que ma tante sentait qu’elle ne pourrait pas attendre le moment
où Françoise monterait, et quatre coups de sonnette formidables
retentissaient dans la maison.
--«Mais, madame Octave, ce n’est pas encore l’heure de la pepsine,
disait Françoise. Est-ce que vous vous êtes senti une faiblesse?»
--«Mais non, Françoise, disait ma tante, c’est-à-dire si, vous savez
bien que maintenant les moments où je n’ai pas de faiblesse sont bien
rares; un jour je passerai comme Mme Rousseau sans avoir eu le temps
de me reconnaître; mais ce n’est pas pour cela que je sonne.
Croyez-vous pas que je viens de voir comme je vous vois Mme Goupil
avec une fillette que je ne connais point. Allez donc chercher deux
sous de sel chez Camus. C’est bien rare si Théodore ne peut pas vous
dire qui c’est.»
--«Mais ça sera la fille à M. Pupin», disait Françoise qui préférait
s’en tenir à une explication immédiate, ayant été déjà deux fois
depuis le matin chez Camus.
--«La fille à M. Pupin! Oh! je vous crois bien, ma pauvre Françoise!
Avec cela que je ne l’aurais pas reconnue?»
--«Mais je ne veux pas dire la grande, madame Octave, je veux dire la
gamine, celle qui est en pension à Jouy. Il me ressemble de l’avoir
déjà vue ce matin.»
--«Ah! à moins de ça, disait ma tante. Il faudrait qu’elle soit venue
pour les fêtes. C’est cela! Il n’y a pas besoin de chercher, elle sera
venue pour les fêtes. Mais alors nous pourrions bien voir tout à
l’heure Mme Sazerat venir sonner chez sa sœur pour le déjeuner. Ce
sera ça! J’ai vu le petit de chez Galopin qui passait avec une tarte!
Vous verrez que la tarte allait chez Mme Goupil.»
--«Dès l’instant que Mme Goupil a de la visite, madame Octave, vous
n’allez pas tarder à voir tout son monde rentrer pour le déjeuner, car
il commence à ne plus être de bonne heure», disait Françoise qui,
pressé de redescendre s’occuper du déjeuner, n’était pas fâchée de
laisser à ma tante cette distraction en perspective.
--«Oh! pas avant midi, répondait ma tante d’un ton résigné, tout en
jetant sur la pendule un coup d’œil inquiet, mais furtif pour ne pas
laisser voir qu’elle, qui avait renoncé à tout, trouvait pourtant, à
apprendre que Mme Goupil avait à déjeuner, un plaisir aussi vif, et
qui se ferait malheureusement attendre encore un peu plus d’une heure.
Et encore cela tombera pendant mon déjeuner!» ajouta-t-elle à mi-voix
pour elle-même. Son déjeuner lui était une distraction suffisante pour
qu’elle n’en souhaitât pas une autre en même temps. «Vous n’oublierez
pas au moins de me donner mes œufs à la crème dans une assiette
plate?» C’étaient les seules qui fussent ornées de sujets, et ma tante
s’amusait à chaque repas à lire la légende de celle qu’on lui servait
ce jour-là. Elle mettait ses lunettes, déchiffrait: Alibaba et
quarante voleurs, Aladin ou la Lampe merveilleuse, et disait en
souriant: Très bien, très bien.
--«Je serais bien allée chez Camus...» disait Françoise en voyant que
ma tante ne l’y enverrait plus.
--«Mais non, ce n’est plus la peine, c’est sûrement Mlle Pupin. Ma
pauvre Françoise, je regrette de vous avoir fait monter pour rien.»
Mais ma tante savait bien que ce n’était pas pour rien qu’elle avait
sonné Françoise, car, à Combray, une personne «qu’on ne connaissait
point» était un être aussi peu croyable qu’un dieu de la mythologie,
et de fait on ne se souvenait pas que, chaque fois que s’était
produite, dans la rue de Saint-Esprit ou sur la place, une de ces
apparitions stupéfiantes, des recherches bien conduites n’eussent pas
fini par réduire le personnage fabuleux aux proportions d’une
«personne qu’on connaissait», soit personnellement, soit
abstraitement, dans son état civil, en tant qu’ayant tel degré de
parenté avec des gens de Combray. C’était le fils de Mme Sauton qui
rentrait du service, la nièce de l’abbé Perdreau qui sortait de
couvent, le frère du curé, percepteur à Châteaudun qui venait de
prendre sa retraite ou qui était venu passer les fêtes. On avait eu en
les apercevant l’émotion de croire qu’il y avait à Combray des gens
qu’on ne connaissait point simplement parce qu’on ne les avait pas
reconnus ou identifiés tout de suite. Et pourtant, longtemps à
l’avance, Mme Sauton et le curé avaient prévenu qu’ils attendaient
leurs «voyageurs». Quand le soir, je montais, en rentrant, raconter
notre promenade à ma tante, si j’avais l’imprudence de lui dire que
nous avions rencontré près du Pont-Vieux, un homme que mon grand-père
ne connaissait pas: «Un homme que grand-père ne connaissait point,
s’écriait elle. Ah! je te crois bien!» Néanmoins un peu émue de cette
nouvelle, elle voulait en avoir le cœur net, mon grand-père était
mandé. «Qui donc est-ce que vous avez rencontré près du Pont-Vieux,
mon oncle? un homme que vous ne connaissiez point?»--«Mais si,
répondait mon grand-père, c’était Prosper le frère du jardinier de Mme
Bouillebœuf.»--«Ah! bien», disait ma tante, tranquillisée et un peu
rouge; haussant les épaules avec un sourire ironique, elle ajoutait:
«Aussi il me disait que vous aviez rencontré un homme que vous ne
connaissiez point!» Et on me recommandait d’être plus circonspect une
autre fois et de ne plus agiter ainsi ma tante par des paroles
irréfléchies. On connaissait tellement bien tout le monde, à Combray,
bêtes et gens, que si ma tante avait vu par hasard passer un chien
«qu’elle ne connaissait point», elle ne cessait d’y penser et de
consacrer à ce fait incompréhensible ses talents d’induction et ses
heures de liberté.
--«Ce sera le chien de Mme Sazerat», disait Françoise, sans grande
conviction, mais dans un but d’apaisement et pour que ma tante ne se
«fende pas la tête.»
--«Comme si je ne connaissais pas le chien de Mme Sazerat!» répondait
ma tante dont l’esprit critique n’admettait pas si facilement un fait.
--«Ah! ce sera le nouveau chien que M. Galopin a rapporté de Lisieux.»
--«Ah! à moins de ça.»
--«Il paraît que c’est une bête bien affable», ajoutait Françoise qui
tenait le renseignement de Théodore, «spirituelle comme une personne,
toujours de bonne humeur, toujours aimable, toujours quelque chose de
gracieux. C’est rare qu’une bête qui n’a que cet âge-là soit déjà si
galante. Madame Octave, il va falloir que je vous quitte, je n’ai pas
le temps de m’amuser, voilà bientôt dix heures, mon fourneau n’est
seulement pas éclairé, et j’ai encore à plumer mes asperges.»
--«Comment, Françoise, encore des asperges! mais c’est une vraie
maladie d’asperges que vous avez cette année, vous allez en fatiguer
nos Parisiens!»
--«Mais non, madame Octave, ils aiment bien ça. Ils rentreront de
l’église avec de l’appétit et vous verrez qu’ils ne les mangeront pas
avec le dos de la cuiller.»
--«Mais à l’église, ils doivent y être déjà; vous ferez bien de ne pas
perdre de temps. Allez surveiller votre déjeuner.»
Pendant que ma tante devisait ainsi avec Françoise, j’accompagnais mes
parents à la messe. Que je l’aimais, que je la revois bien, notre
Église! Son vieux porche par lequel nous entrions, noir, grêlé comme
une écumoire, était dévié et profondément creusé aux angles (de même
que le bénitier où il nous conduisait) comme si le doux effleurement
des mantes des paysannes entrant à l’église et de leurs doigts timides
prenant de l’eau bénite, pouvait, répété pendant des siècles, acquérir
une force destructive, infléchir la pierre et l’entailler de sillons
comme en trace la roue des carrioles dans la borne contre laquelle
elle bute tous les jours. Ses pierres tombales, sous lesquelles la
noble poussière des abbés de Combray, enterrés là, faisait au chœur
comme un pavage spirituel, n’étaient plus elles-mêmes de la matière
inerte et dure, car le temps les avait rendues douces et fait couler
comme du miel hors des limites de leur propre équarrissure qu’ici
elles avaient dépassées d’un flot blond, entraînant à la dérive une
majuscule gothique en fleurs, noyant les violettes blanches du marbre;
et en deçà desquelles, ailleurs, elles s’étaient résorbées,
contractant encore l’elliptique inscription latine, introduisant un
caprice de plus dans la disposition de ces caractères abrégés,
rapprochant deux lettres d’un mot dont les autres avaient été
démesurément distendues. Ses vitraux ne chatoyaient jamais tant que
les jours où le soleil se montrait peu, de sorte que fît-il gris
dehors, on était sûr qu’il ferait beau dans l’église; l’un était
rempli dans toute sa grandeur par un seul personnage pareil à un Roi
de jeu de cartes, qui vivait là-haut, sous un dais architectural,
entre ciel et terre; (et dans le reflet oblique et bleu duquel,
parfois les jours de semaine, à midi, quand il n’y a pas d’office,--à
l’un de ces rares moments où l’église aérée, vacante, plus humaine,
luxueuse, avec du soleil sur son riche mobilier, avait l’air presque
habitable comme le hall de pierre sculptée et de verre peint, d’un
hôtel de style moyen âge,--on voyait s’agenouiller un instant Mme
Sazerat, posant sur le prie-Dieu voisin un paquet tout ficelé de
petits fours qu’elle venait de prendre chez le pâtissier d’en face et
qu’elle allait rapporter pour le déjeuner); dans un autre une montagne
de neige rose, au pied de laquelle se livrait un combat, semblait
avoir givré à même la verrière qu’elle boursouflait de son trouble
grésil comme une vitre à laquelle il serait resté des flocons, mais
des flocons éclairés par quelque aurore (par la même sans doute qui
empourprait le retable de l’autel de tons si frais qu’ils semblaient
plutôt posés là momentanément par une lueur du dehors prête à
s’évanouir que par des couleurs attachées à jamais à la pierre); et
tous étaient si anciens qu’on voyait çà et là leur vieillesse argentée
étinceler de la poussière des siècles et monter brillante et usée
jusqu’à la corde la trame de leur douce tapisserie de verre. Il y en
avait un qui était un haut compartiment divisé en une centaine de
petits vitraux rectangulaires où dominait le bleu, comme un grand jeu
de cartes pareil à ceux qui devaient distraire le roi Charles VI; mais
soit qu’un rayon eût brillé, soit que mon regard en bougeant eût
promené à travers la verrière tour à tour éteinte et rallumée, un
mouvant et précieux incendie, l’instant d’après elle avait pris
l’éclat changeant d’une traîne de paon, puis elle tremblait et
ondulait en une pluie flamboyante et fantastique qui dégouttait du
haut de la voûte sombre et rocheuse, le long des parois humides, comme
si c’était dans la nef de quelque grotte irisée de sinueux stalactites
que je suivais mes parents, qui portaient leur paroissien; un instant
après les petits vitraux en losange avaient pris la transparence
profonde, l’infrangible dureté de saphirs qui eussent été juxtaposés
sur quelque immense pectoral, mais derrière lesquels on sentait, plus
aimé que toutes ces richesses, un sourire momentané de soleil; il
était aussi reconnaissable dans le flot bleu et doux dont il baignait
les pierreries que sur le pavé de la place ou la paille du marché; et,
même à nos premiers dimanches quand nous étions arrivés avant Pâques,
il me consolait que la terre fût encore nue et noire, en faisant
épanouir, comme en un printemps historique et qui datait des
successeurs de saint Louis, ce tapis éblouissant et doré de myosotis
en verre.
Deux tapisseries de haute lice représentaient le couronnement d’Esther
(le tradition voulait qu’on eût donné à Assuérus les traits d’un roi
de France et à Esther ceux d’une dame de Guermantes dont il était
amoureux) auxquelles leurs couleurs, en fondant, avaient ajouté une
expression, un relief, un éclairage: un peu de rose flottait aux
lèvres d’Esther au delà du dessin de leur contour, le jaune de sa robe
s’étalait si onctueusement, si grassement, qu’elle en prenait une
sorte de consistance et s’enlevait vivement sur l’atmosphère refoulée;
et la verdure des arbres restée vive dans les parties basses du
panneau de soie et de laine, mais ayant «passé» dans le haut, faisait
se détacher en plus pâle, au-dessus des troncs foncés, les hautes
branches jaunissantes, dorées et comme à demi effacées par la brusque
et oblique illumination d’un soleil invisible. Tout cela et plus
encore les objets précieux venus à l’église de personnages qui étaient
pour moi presque des personnages de légende (la croix d’or travaillée
disait-on par saint Éloi et donnée par Dagobert, le tombeau des fils
de Louis le Germanique, en porphyre et en cuivre émaillé) à cause de
quoi je m’avançais dans l’église, quand nous gagnions nos chaises,
comme dans une vallée visitée des fées, où le paysan s’émerveille de
voir dans un rocher, dans un arbre, dans une mare, la trace palpable
de leur passage surnaturel, tout cela faisait d’elle pour moi quelque
chose d’entièrement différent du reste de la ville: un édifice
occupant, si l’on peut dire, un espace à quatre dimensions--la
quatrième étant celle du Temps,--déployant à travers les siècles son
vaisseau qui, de travée en travée, de chapelle en chapelle, semblait
vaincre et franchir non pas seulement quelques mètres, mais des
époques successives d’où il sortait victorieux; dérobant le rude et
farouche XIe siècle dans l’épaisseur de ses murs, d’où il
n’apparaissait avec ses lourds cintres bouchés et aveuglés de
grossiers moellons que par la profonde entaille que creusait près du
porche l’escalier du clocher, et, même là, dissimulé par les
gracieuses arcades gothiques qui se pressaient coquettement devant lui
comme de plus grandes sœurs, pour le cacher aux étrangers, se placent
en souriant devant un jeune frère rustre, grognon et mal vêtu; élevant
dans le ciel au-dessus de la Place, sa tour qui avait contemplé saint
Louis et semblait le voir encore; et s’enfonçant avec sa crypte dans
une nuit mérovingienne où, nous guidant à tâtons sous la voûte obscure
et puissamment nervurée comme la membrane d’une immense chauve-souris
de pierre, Théodore et sa sœur nous éclairaient d’une bougie le
tombeau de la petite fille de Sigebert, sur lequel une profonde
valve,--comme la trace d’un fossile,--avait été creusée, disait-on, «par
une lampe de cristal qui, le soir du meurtre de la princesse franque,
s’était détachée d’elle-même des chaînes d’or où elle était suspendue
à la place de l’actuelle abside, et, sans que le cristal se brisât,
sans que la flamme s’éteignît, s’était enfoncée dans la pierre et
l’avait fait mollement céder sous elle.»
L’abside de l’église de Combray, peut-on vraiment en parler? Elle
était si grossière, si dénuée de beauté artistique et même d’élan
religieux. Du dehors, comme le croisement des rues sur lequel elle
donnait était en contre-bas, sa grossière muraille s’exhaussait d’un
soubassement en moellons nullement polis, hérissés de cailloux, et qui
n’avait rien de particulièrement ecclésiastique, les verrières
semblaient percées à une hauteur excessive, et le tout avait plus
l’air d’un mur de prison que d’église. Et certes, plus tard, quand je
me rappelais toutes les glorieuses absides que j’ai vues, il ne me
serait jamais venu à la pensée de rapprocher d’elles l’abside de
Combray. Seulement, un jour, au détour d’une petite rue provinciale,
j’aperçus, en face du croisement de trois ruelles, une muraille fruste
et surélevée, avec des verrières percées en haut et offrant le même
aspect asymétrique que l’abside de Combray. Alors je ne me suis pas
demandé comme à Chartres ou à Reims avec quelle puissance y était
exprimé le sentiment religieux, mais je me suis involontairement
écrié: «L’Église!»
L’église! Familière; mitoyenne, rue Saint-Hilaire, où était sa porte
nord, de ses deux voisines, la pharmacie de M. Rapin et la maison de
Mme Loiseau, qu’elle touchait sans aucune séparation; simple citoyenne
de Combray qui aurait pu avoir son numéro dans la rue si les rues de
Combray avaient eu des numéros, et où il semble que le facteur aurait
dû s’arrêter le matin quand il faisait sa distribution, avant d’entrer
chez Mme Loiseau et en sortant de chez M. Rapin, il y avait pourtant
entre elle et tout ce qui n’était pas elle une démarcation que mon
You have read 1 text from French literature.
Next - Du côté de chez Swann - 06
  • Parts
  • Du côté de chez Swann - 01
    Total number of words is 4764
    Total number of unique words is 1631
    36.4 of words are in the 2000 most common words
    48.0 of words are in the 5000 most common words
    53.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 02
    Total number of words is 4805
    Total number of unique words is 1555
    37.5 of words are in the 2000 most common words
    49.2 of words are in the 5000 most common words
    54.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 03
    Total number of words is 4847
    Total number of unique words is 1552
    37.3 of words are in the 2000 most common words
    48.6 of words are in the 5000 most common words
    54.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 04
    Total number of words is 4691
    Total number of unique words is 1691
    32.2 of words are in the 2000 most common words
    44.6 of words are in the 5000 most common words
    50.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 05
    Total number of words is 4730
    Total number of unique words is 1595
    35.6 of words are in the 2000 most common words
    46.9 of words are in the 5000 most common words
    53.0 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 06
    Total number of words is 4703
    Total number of unique words is 1678
    35.1 of words are in the 2000 most common words
    46.0 of words are in the 5000 most common words
    51.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 07
    Total number of words is 4754
    Total number of unique words is 1606
    35.6 of words are in the 2000 most common words
    48.1 of words are in the 5000 most common words
    53.1 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 08
    Total number of words is 4670
    Total number of unique words is 1615
    36.5 of words are in the 2000 most common words
    48.0 of words are in the 5000 most common words
    53.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 09
    Total number of words is 4739
    Total number of unique words is 1537
    37.3 of words are in the 2000 most common words
    48.9 of words are in the 5000 most common words
    55.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 10
    Total number of words is 4695
    Total number of unique words is 1671
    35.5 of words are in the 2000 most common words
    46.9 of words are in the 5000 most common words
    52.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 11
    Total number of words is 4755
    Total number of unique words is 1639
    36.7 of words are in the 2000 most common words
    48.1 of words are in the 5000 most common words
    52.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 12
    Total number of words is 4670
    Total number of unique words is 1694
    34.9 of words are in the 2000 most common words
    45.5 of words are in the 5000 most common words
    50.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 13
    Total number of words is 4743
    Total number of unique words is 1637
    35.6 of words are in the 2000 most common words
    47.2 of words are in the 5000 most common words
    53.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 14
    Total number of words is 4692
    Total number of unique words is 1668
    36.0 of words are in the 2000 most common words
    47.0 of words are in the 5000 most common words
    52.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 15
    Total number of words is 4694
    Total number of unique words is 1513
    35.3 of words are in the 2000 most common words
    47.3 of words are in the 5000 most common words
    52.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 16
    Total number of words is 4739
    Total number of unique words is 1593
    35.0 of words are in the 2000 most common words
    46.5 of words are in the 5000 most common words
    52.0 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 17
    Total number of words is 4719
    Total number of unique words is 1565
    38.2 of words are in the 2000 most common words
    49.3 of words are in the 5000 most common words
    54.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 18
    Total number of words is 4684
    Total number of unique words is 1512
    37.2 of words are in the 2000 most common words
    49.9 of words are in the 5000 most common words
    56.1 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 19
    Total number of words is 4686
    Total number of unique words is 1573
    35.8 of words are in the 2000 most common words
    46.8 of words are in the 5000 most common words
    52.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 20
    Total number of words is 4750
    Total number of unique words is 1506
    37.9 of words are in the 2000 most common words
    49.1 of words are in the 5000 most common words
    54.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 21
    Total number of words is 4703
    Total number of unique words is 1525
    38.0 of words are in the 2000 most common words
    48.5 of words are in the 5000 most common words
    54.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 22
    Total number of words is 4734
    Total number of unique words is 1490
    38.3 of words are in the 2000 most common words
    49.0 of words are in the 5000 most common words
    54.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 23
    Total number of words is 4676
    Total number of unique words is 1466
    37.3 of words are in the 2000 most common words
    48.7 of words are in the 5000 most common words
    54.0 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 24
    Total number of words is 4721
    Total number of unique words is 1487
    39.4 of words are in the 2000 most common words
    51.4 of words are in the 5000 most common words
    56.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 25
    Total number of words is 4708
    Total number of unique words is 1436
    38.7 of words are in the 2000 most common words
    50.3 of words are in the 5000 most common words
    54.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 26
    Total number of words is 4723
    Total number of unique words is 1477
    37.1 of words are in the 2000 most common words
    47.8 of words are in the 5000 most common words
    53.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 27
    Total number of words is 4684
    Total number of unique words is 1562
    37.2 of words are in the 2000 most common words
    47.6 of words are in the 5000 most common words
    53.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 28
    Total number of words is 4690
    Total number of unique words is 1518
    37.8 of words are in the 2000 most common words
    48.6 of words are in the 5000 most common words
    53.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 29
    Total number of words is 4712
    Total number of unique words is 1548
    37.5 of words are in the 2000 most common words
    48.0 of words are in the 5000 most common words
    53.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 30
    Total number of words is 4743
    Total number of unique words is 1540
    38.1 of words are in the 2000 most common words
    49.4 of words are in the 5000 most common words
    54.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 31
    Total number of words is 4811
    Total number of unique words is 1461
    39.4 of words are in the 2000 most common words
    51.2 of words are in the 5000 most common words
    56.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 32
    Total number of words is 4741
    Total number of unique words is 1609
    37.4 of words are in the 2000 most common words
    47.8 of words are in the 5000 most common words
    52.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 33
    Total number of words is 4729
    Total number of unique words is 1643
    34.2 of words are in the 2000 most common words
    45.3 of words are in the 5000 most common words
    50.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 34
    Total number of words is 4744
    Total number of unique words is 1553
    37.3 of words are in the 2000 most common words
    49.3 of words are in the 5000 most common words
    54.1 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 35
    Total number of words is 4664
    Total number of unique words is 1652
    34.9 of words are in the 2000 most common words
    46.8 of words are in the 5000 most common words
    51.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Du côté de chez Swann - 36
    Total number of words is 1369
    Total number of unique words is 641
    43.0 of words are in the 2000 most common words
    55.6 of words are in the 5000 most common words
    59.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.