Histoires extraordinaires - 08

Total number of words is 4609
Total number of unique words is 1460
42.5 of words are in the 2000 most common words
54.7 of words are in the 5000 most common words
59.9 of words are in the 8000 most common words
Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
fouet, Jupiter;—il n'est peut-être pas en état de le supporter.—Mais
ne peux-tu pas te faire une idée de ce qui a occasionné cette maladie,
ou plutôt ce changement de conduite? Lui est-il arrivé quelque chose de
fâcheux depuis que je vous ai vus?
—Non, massa, il n'est rien arrivé de fâcheux depuis lors,—mais _avant_
cela,—oui,—j'en ai peur,—c'était le jour même que vous étiez là-bas.
—Comment? que veux-tu dire?
—Eh! massa, je veux parler du scarabée, voilà tout.
—Du quoi?
—Du scarabée...—Je suis sûr que massa Will a été mordu quelque part à
la tête par ce scarabée d'or.
—Et quelle raison as-tu, Jupiter, pour faire une pareille supposition?
—Il a bien assez de pinces pour cela, massa, et une bouche aussi. Je
n'ai jamais vu un scarabée aussi endiablé;—il attrape et mord tout ce
qui l'approche. Massa Will l'avait d'abord attrapé, mais il l'a bien
vite lâché, je vous assure;—c'est alors, sans doute, qu'il a été mordu.
La mine de ce scarabée et sa bouche ne me plaisaient guère,
certes;—aussi je ne voulus pas le prendre avec mes doigts; mais je pris
un morceau de papier, et j'empoignai le scarabée dans le papier; je
l'enveloppai donc dans le papier, avec un petit morceau de papier dans
la bouche;—voilà comment je m'y pris.
—Et tu penses donc que ton maître a été réellement mordu par le
scarabée, et que cette morsure l'a rendu malade?
—Je ne pense rien du tout,—je le sais[13]. Pourquoi donc rêve-t-il
toujours d'or, si ce n'est parce qu'il a été mordu par le scarabée d'or?
J'en ai déjà entendu parler, de ces scarabées d'or.
—Mais comment sais-tu qu'il rêve d'or?
—Comment je le sais? parce qu'il en parle, même en dormant;—voilà
comment je le sais.
—Au fait, Jupiter, tu as peut-être raison; mais à quelle bienheureuse
circonstance dois-je l'honneur de ta visite aujourd'hui?
—Que voulez-vous dire, massa?
—M'apportes-tu un message de M. Legrand?
—Non, massa, je vous apporte une lettre que voici.
Et Jupiter me tendit un papier où je lus:
«Mon cher,
«Pourquoi donc ne vous ai-je pas vu depuis si longtemps? J'espère que
vous n'avez pas été assez enfant pour vous formaliser d'une petite
brusquerie de ma part; mais non,—cela est par trop improbable.
«Depuis que je vous ai vu, j'ai eu un grand sujet d'inquiétude. J'ai
quelque chose à vous dire, mais à peine sais-je comment vous le dire.
Sais-je même si je vous le dirai?
«Je n'ai pas été tout à fait bien depuis quelques jours, et le pauvre
vieux Jupiter m'ennuie insupportablement par toutes ses bonnes
intentions et attentions. Le croiriez-vous? Il avait, l'autre jour,
préparé un gros bâton à l'effet de me châtier, pour lui avoir échappé et
avoir passé la journée, seul, au milieu des collines, sur le continent.
Je crois vraiment que ma mauvaise mine m'a seule sauvé de la bastonnade.
«Je n'ai rien ajouté à ma collection depuis que nous nous sommes vus.
«Revenez avec Jupiter si vous le pouvez sans trop d'inconvénients.
_Venez, venez_. Je désire vous voir ce soir pour affaire grave. Je vous
assure que c'est de _la plus haute importance_.
«Votre tout dévoué,
«WILLIAM LEGRAND.»
Il y avait dans le ton de cette lettre quelque chose qui me causa une
forte inquiétude. Ce style différait absolument du style habituel de
Legrand. À quoi diable rêvait-il? Quelle nouvelle lubie avait pris
possession de sa trop excitable cervelle? Quelle affaire de _si haute
importance_ pouvait-il avoir à accomplir? Le rapport de Jupiter ne
présageait rien de bon; je tremblais que la pression continue de
l'infortune n'eût, à la longue, singulièrement dérangé la raison de mon
ami. Sans hésiter un instant, je me préparai donc à accompagner le
nègre.
En arrivant au quai, je remarquai une faux et trois bêches, toutes
également neuves, qui gisaient au fond du bateau dans lequel nous
allions nous embarquer.
—Qu'est-ce que tout cela signifie, Jupiter? demandai-je.
—Ça, c'est une faux, massa, et des bêches.
—Je le vois bien; mais qu'est-ce que tout cela fait ici?
—Massa Will m'a dit d'acheter pour lui cette faux et ces bêches à la
ville, et je les ai payées bien cher; cela nous coûte un argent de tous
les diables.
—Mais au nom de tout ce qu'il y a de mystérieux, qu'est-ce que ton
massa Will a à faire de faux et de bêches?
—Vous m'en demandez plus que je ne sais; lui-même, massa, n'en sait pas
davantage; le diable m'emporte si je n'en suis pas convaincu. Mais tout
cela vient du scarabée.
Voyant que je ne pouvais tirer aucun éclaircissement de Jupiter dont
tout l'entendement paraissait absorbé par le scarabée, je descendis dans
le bateau et je déployai la voile. Une belle et forte brise nous poussa
bien vite dans la petite anse au nord du fort Moultrie, et, après une
promenade de deux milles environ, nous arrivâmes à la hutte. Il était à
peu près trois heures de l'après-midi. Legrand nous attendait avec une
vive impatience. Il me serra la main avec un empressement nerveux qui
m'alarma et renforça mes soupçons naissants. Son visage était d'une
pâleur spectrale, et ses yeux, naturellement fort enfoncés, brillaient
d'un éclat surnaturel. Après quelques questions relatives à sa santé, je
lui demandai, ne trouvant rien de mieux à dire, si le lieutenant G...
lui avait enfin rendu son scarabée.
—Oh! oui, répliqua-t-il en rougissant beaucoup; je le lui ai repris le
lendemain matin. Pour rien au monde je ne me séparerais de ce scarabée.
Savez-vous bien que Jupiter a tout à fait raison à son égard?
—En quoi? demandai-je avec un triste pressentiment dans le cœur.
—En supposant que c'est un scarabée d'or véritable.
Il dit cela avec un sérieux profond, qui me fit indiciblement mal.
—Ce scarabée est destiné à faire ma fortune, continua-t-il avec un
sourire de triomphe, à me réintégrer dans mes possessions de famille.
Est-il donc étonnant que je le tienne en si haut prix? Puisque la
Fortune a jugé bon de me l'octroyer, je n'ai qu'à en user
convenablement, et j'arriverai jusqu'à l'or dont il est l'indice.
Jupiter, apporte-le-moi.
—Quoi? le scarabée, massa? J'aime mieux n'avoir rien à démêler avec le
scarabée; vous saurez bien le prendre vous-même.
Là-dessus, Legrand se leva avec un air grave et imposant, et alla me
chercher l'insecte sous un globe de verre où il était déposé. C'était un
superbe scarabée, inconnu à cette époque aux naturalistes, et qui devait
avoir un grand prix au point de vue scientifique. Il portait à l'une des
extrémités du dos deux taches noires et rondes, et à l'autre une tache
de forme allongée. Les élytres étaient excessivement durs et luisants et
avaient positivement l'aspect de l'or bruni. L'insecte était
remarquablement lourd, et, tout bien considéré, je ne pouvais pas trop
blâmer Jupiter de son opinion; mais que Legrand s'entendît avec lui sur
ce sujet, voilà ce qu'il m'était impossible de comprendre, et, quand il
se serait agi de ma vie, je n'aurais pas trouvé le mot de l'énigme.
—Je vous ai envoyé chercher, dit-il d'un ton magnifique, quand j'eus
achevé d'examiner l'insecte, je vous ai envoyé chercher pour vous
demander conseil et assistance dans l'accomplissement des vues de la
Destinée et du scarabée...
—Mon cher Legrand, m'écriai-je en l'interrompant, vous n'êtes
certainement pas bien, et vous feriez beaucoup mieux de prendre quelques
précautions. Vous allez vous mettre au lit, et je resterai auprès de
vous quelques jours, jusqu'à ce que vous soyez rétabli. Vous avez la
fièvre, et...
—Tâtez mon pouls, dit-il.
Je le tâtai, et, pour dire la vérité, je ne trouvai pas le plus léger
symptôme de fièvre.
—Mais vous pourriez bien être malade sans avoir la fièvre.
Permettez-moi, pour cette fois seulement, de faire le médecin avec vous.
Avant toute chose, allez vous mettre au lit. Ensuite...
—Vous vous trompez, interrompit-il; je suis aussi bien que je puis
espérer de l'être dans l'état d'excitation que j'endure. Si réellement
vous voulez me voir tout à fait bien, vous soulagerez cette excitation.
—Et que faut-il faire pour cela?
—C'est très facile. Jupiter et moi, nous partons pour une expédition
dans les collines, sur le continent, et nous avons besoin de l'aide
d'une personne en qui nous puissions absolument nous fier. Vous êtes
cette personne unique. Que notre entreprise échoue ou réussisse,
l'excitation que vous voyez en moi maintenant sera également apaisée.
—J'ai le vif désir de vous servir en toute chose, répliquai-je; mais
prétendez-vous dire que cet infernal scarabée ait quelque rapport avec
votre expédition dans les collines?
—Oui, certes.
—Alors, Legrand, il m'est impossible de coopérer à une entreprise aussi
parfaitement absurde.
—J'en suis fâché,—très-fâché,—car il nous faudra tenter l'affaire à
nous seuls.
—À vous seuls! Ah! le malheureux est fou, à coup sûr!—Mais voyons,
combien de temps durera votre absence?
—Probablement toute la nuit. Nous allons partir immédiatement, et, dans
tous les cas, nous serons de retour au lever du soleil.
—Et vous me promettez, sur votre honneur, que ce caprice passé, et
l'affaire du scarabée—bon Dieu!—vidée à votre satisfaction, vous
rentrerez au logis, et que vous y suivrez exactement mes prescriptions,
comme celles de votre médecin?
—Oui, je vous le promets; et maintenant partons, car nous n'avons pas
de temps à perdre.
J'accompagnai mon ami, le cœur gros. À quatre heures, nous nous mîmes
en route, Legrand, Jupiter, le chien et moi. Jupiter prit la faux et les
bêches; il insista pour s'en charger, plutôt, à ce qu'il me parut, par
crainte de laisser un de ces instruments dans la main de son maître que
par excès de zèle et de complaisance. Il était d'ailleurs d'une humeur
de chien, et ces mots: _Damné scarabée_! furent les seuls qui lui
échappèrent tout le long du voyage. J'avais, pour ma part, la charge de
deux lanternes sourdes; quant à Legrand, il s'était contenté du
scarabée, qu'il portait attaché au bout d'un morceau de ficelle, et
qu'il faisait tourner autour de lui, tout en marchant, avec des airs de
magicien. Quand j'observais ce symptôme suprême de démence dans mon
pauvre ami, je pouvais à peine retenir mes larmes. Je pensai toutefois
qu'il valait mieux épouser sa fantaisie, au moins pour le moment, ou
jusqu'à ce que je pusse prendre quelques mesures énergiques avec chance
de succès. Cependant, j'essayais, mais fort inutilement, de le sonder
relativement au but de l'expédition. Il avait réussi à me persuader de
l'accompagner, et semblait désormais peu disposé à lier conversation sur
un sujet d'une si maigre importance. À toutes mes questions, il ne
daignait répondre que par un «Nous verrons bien!».
Nous traversâmes dans un esquif la crique à la pointe de l'île, et,
grimpant sur les terrains montueux de la rive opposée, nous nous
dirigeâmes vers le nord-ouest, à travers un pays horriblement sauvage et
désolé, où il était impossible de découvrir la trace d'un pied humain.
Legrand suivait sa route avec décision, s'arrêtant seulement de temps en
temps pour consulter certaines indications qu'il paraissait avoir
laissées lui-même dans une occasion précédente.
Nous marchâmes ainsi deux heures environ, et le soleil était au moment
de se coucher quand nous entrâmes dans une région infiniment plus
sinistre que tout ce que nous avions vu jusqu'alors. C'était une espèce
de plateau au sommet d'une montagne affreusement escarpée, couverte de
bois de la base au sommet, et semée d'énormes blocs de pierre qui
semblaient éparpillés pêle-mêle sur le sol et dont plusieurs se seraient
infailliblement précipités dans les vallées inférieures sans le secours
des arbres contre lesquels ils s'appuyaient. De profondes ravines
irradiaient dans diverses directions et donnaient à la scène un
caractère de solennité plus lugubre.
La plate-forme naturelle sur laquelle nous étions grimpés était si
profondément encombrée de ronces, que nous vîmes bien que, sans la faux,
il nous eût été impossible de nous frayer un passage. Jupiter, d'après
les ordres de son maître, commença à nous éclaircir un chemin jusqu'au
pied d'un tulipier gigantesque qui se dressait, en compagnie de huit ou
dix chênes, sur la plate-forme, et les surpassait tous, ainsi que tous
les arbres que j'avais vus jusqu'alors, par la beauté de sa forme et de
son feuillage, par l'immense développement de son branchage et par la
majesté générale de son aspect. Quand nous eûmes atteint cet arbre,
Legrand se tourna vers Jupiter, et lui demanda s'il se croyait capable
d'y grimper. Le pauvre vieux parut légèrement étourdi par cette
question, et resta quelques instants sans répondre. Cependant, il
s'approcha de l'énorme tronc, en fit lentement le tour et l'examina avec
une attention minutieuse. Quand il eut achevé son examen, il dit
simplement:
—Oui, massa; Jup n'a pas vu d'arbre où il ne puisse grimper.
—Alors, monte; allons, allons! et rondement! car il fera bientôt trop
noir pour voir ce que nous faisons.
—Jusqu'où faut-il monter, massa? demanda Jupiter.
—Grimpe d'abord sur le tronc, et puis je te dirai quel chemin tu dois
suivre.—Ah! un instant!—prends ce scarabée avec toi.
—Le scarabée, massa Will!—le scarabée d'or! cria le nègre reculant de
frayeur; pourquoi donc faut-il que je porte avec moi ce scarabée sur
l'arbre? Que je sois damné si je le fais!
—Jup, si vous avez peur, vous, un grand nègre, un gros et fort nègre,
de toucher à un petit insecte mort et inoffensif, eh bien, vous pouvez
l'emporter avec cette ficelle;—mais, si vous ne l'emportez pas avec
vous d'une manière ou d'une autre, je serai dans la cruelle nécessité de
vous fendre la tête avec cette bêche.
—Mon Dieu! qu'est-ce qu'il y a donc, massa? dit Jup, que la honte
rendait évidemment plus complaisant; il faut toujours que vous cherchiez
noise à votre vieux nègre. C'est une farce, voilà tout. Moi, avoir peur
du scarabée! je m'en soucie bien, du scarabée!
Et il prit avec précaution l'extrême bout de la corde, et, maintenant
l'insecte aussi loin de sa personne que les circonstances le
permettaient, il se mit en devoir de grimper à l'arbre.
Dans sa jeunesse, le tulipier, ou _liriodendron tulipiferum_, le plus
magnifique des forestiers américains, a un tronc singulièrement lisse et
s'élève souvent à une grande hauteur, sans pousser de branches
latérales; mais quand il arrive à sa maturité, l'écorce devient rugueuse
et inégale, et de petits rudiments de branches se manifestent en grand
nombre sur le tronc. Aussi l'escalade, dans le cas actuel, était
beaucoup plus difficile en apparence qu'en réalité. Embrassant de son
mieux l'énorme cylindre avec ses bras et ses genoux, empoignant avec les
mains quelques-unes des pousses, appuyant ses pieds nus sur les autres,
Jupiter, après avoir failli tomber une ou deux fois, se hissa à la
longue jusqu'à la première grande fourche, et sembla dès lors regarder
la besogne comme virtuellement accomplie. En effet, le risque principal
de l'entreprise avait disparu, bien que le brave nègre se trouvât à
soixante ou soixante-dix pieds du sol.
—De quel côté faut-il que j'aille maintenant, massa Will? demanda-t-il.
—Suis toujours la plus grosse branche, celle de ce côté, dit Legrand.
Le nègre lui obéit promptement, et apparemment sans trop de peine; il
monta, monta toujours plus haut, de sorte qu'à la fin sa personne
rampante et ramassée disparut dans l'épaisseur du feuillage; il était
tout à fait invisible. Alors, sa voix lointaine se fit entendre; il
criait:
—Jusqu'où faut-il monter encore?
—À quelle hauteur es-tu? demanda Legrand.
—Si haut, si haut, répliqua le nègre, que je peux voir le ciel à
travers le sommet de l'arbre.
—Ne t'occupe pas du ciel, mais fais attention à ce que je te dis.
Regarde le tronc, et compte les branches au-dessus de toi, de ce côté.
Combien de branches as-tu passées?
—Une, deux, trois, quatre, cinq;—j'ai passé cinq grosses branches,
massa, de ce côté-ci.
—Alors monte encore d'une branche.
Au bout de quelques minutes, sa voix se fit entendre de nouveau. Il
annonçait qu'il avait atteint la septième branche.
—Maintenant, Jup, cria Legrand, en proie à une agitation manifeste, il
faut que tu trouves le moyen de t'avancer sur cette branche aussi loin
que tu pourras. Si tu vois quelque chose de singulier, tu me le diras.
Dès lors, les quelques doutes que j'avais essayé de conserver
relativement à la démence de mon pauvre ami disparurent complètement. Je
ne pouvais plus ne pas le considérer comme frappé d'aliénation mentale,
et je commençai à m'inquiéter sérieusement des moyens de le ramener au
logis. Pendant que je méditais sur ce que j'avais de mieux à faire, la
voix de Jupiter se fit entendre de nouveau.
—J'ai bien peur de m'aventurer un peu loin sur cette branche;—c'est
une branche morte presque dans toute sa longueur.
—Tu dis bien que c'est une branche morte, Jupiter? cria Legrand d'une
voix tremblante d'émotion.
—Oui, massa, morte comme un vieux clou de porte, c'est une affaire
faite,—elle est bien morte, tout à fait sans vie.
—Au nom du ciel, que faire? demanda Legrand, qui semblait en proie à un
vrai désespoir.
—Que faire? dis-je, heureux de saisir l'occasion pour placer un mot
raisonnable: retourner au logis et nous aller coucher. Allons,
venez!—Soyez gentil, mon camarade.—Il se fait tard, et puis
souvenez-vous de votre promesse.
—Jupiter, criait-il, sans m'écouter le moins du monde, m'entends-tu?
—Oui, massa Will, je vous entends parfaitement.
—Entame donc le bois avec ton couteau, et dis-moi si tu le trouves bien
pourri.
—Pourri, massa, assez pourri, répliqua bientôt le nègre, mais pas aussi
pourri qu'il pourrait l'être. Je pourrais m'aventurer un peu plus sur la
branche, mais moi seul.
—Toi seul!—qu'est-ce que tu veux dire?
—Je veux parler du scarabée. Il est bien lourd, le scarabée. Si je le
lâchais d'abord, la branche porterait bien, sans casser, le poids d'un
nègre tout seul.
—Infernal coquin! cria Legrand, qui avait l'air fort soulagé, quelles
sottises me chantes-tu là? Si tu laisses tomber l'insecte, je te tords
le cou. Fais-y attention, Jupiter;—tu m'entends, n'est-ce pas?
—Oui, massa, ce n'est pas la peine de traiter comme ça un pauvre nègre.
—Eh bien, écoute-moi, maintenant! Si tu te hasardes sur la branche
aussi loin que tu pourras le faire sans danger et sans lâcher le
scarabée, je te ferai cadeau d'un dollar d'argent aussitôt que tu seras
descendu.
—J'y vais, massa Will,—m'y voilà, répliqua lestement le nègre, je suis
presque au bout.
—Au bout! cria Legrand, très-radouci. Veux-tu dire que tu es au bout de
cette branche?
—Je suis bientôt au bout, massa.—oh! oh! oh! Seigneur Dieu!
miséricorde! qu'y a-t-il sur l'arbre?
—Eh bien, cria Legrand, au comble de la joie, qu'est-ce qu'il y a?
—Eh! ce n'est rien qu'un crâne;—quelqu'un a laissé sa tête sur
l'arbre, et les corbeaux ont becqueté toute la viande.
—Un crâne, dis-tu?—Très-bien!—Comment est-il attaché à la
branche?—qu'est-ce qui le retient?
—Oh! il tient bien;—mais il faut voir.—Ah! c'est une drôle de chose,
sur ma parole;—il y a un gros clou dans le crâne, qui le retient à
l'arbre.
—Bien! maintenant, Jupiter, fais exactement ce que je vais te dire;—tu
m'entends?
—Oui, massa.
—Fais bien attention!—trouve l'œil gauche du crâne.
—Oh! oh! voilà qui est drôle! Il n'y a pas d'œil gauche du tout.
—Maudite stupidité! Sais-tu distinguer ta main droite de ta main
gauche?
—Oui, je sais,—je sais tout cela; ma main gauche est celle avec
laquelle je fends le bois.
—Sans doute, tu es gaucher; et ton œil gauche est du même côté que ta
main gauche. Maintenant, je suppose, tu peux trouver l'œil gauche du
crâne, ou la place où était l'œil gauche. As-tu trouvé?
Il y eut ici une longue pause. Enfin, le nègre demanda:
—L'œil gauche du crâne est aussi du même côté que la main gauche du
crâne?—Mais le crâne n'a pas de mains du tout!—Cela ne fait rien! j'ai
trouvé l'œil gauche,—voilà l'œil gauche! Que faut-il faire,
maintenant?
—Laisse filer le scarabée à travers, aussi loin que la ficelle peut
aller; mais prends bien garde de lâcher le bout de la corde.
—Voilà qui est fait, massa Will; c'était chose facile de faire passer
le scarabée par le trou;—tenez, voyez-le descendre.
Pendant tout ce dialogue, la personne de Jupiter était restée invisible;
mais l'insecte qu'il laissait filer apparaissait maintenant au bout de
la ficelle, et brillait comme une boule d'or bruni aux derniers rayons
du soleil couchant, dont quelques-uns éclairaient encore faiblement
l'éminence où nous étions placés. Le scarabée en descendant émergeait
des branches, et, si Jupiter l'avait laissé tomber, il serait tombé à
nos pieds. Legrand prit immédiatement la faux et éclaircit un espace
circulaire de trois ou quatre yards de diamètre, juste au-dessous de
l'insecte, et, ayant achevé cette besogne, ordonna à Jupiter de lâcher
la corde et de descendre de l'arbre.
Avec un soin scrupuleux, mon ami enfonça dans la terre une cheville, à
l'endroit précis où le scarabée était tombé, et tira de sa poche un
ruban à mesurer. Il l'attacha par un bout à l'endroit du tronc de
l'arbre qui était le plus près de la cheville, le déroula jusqu'à la
cheville et continua ainsi à le dérouler dans la direction donnée par
ces deux points,—la cheville et le tronc,—jusqu'à la distance de
cinquante pieds. Pendant ce temps, Jupiter nettoyait les ronces avec la
faux. Au point ainsi trouvé, il enfonça une seconde cheville, qu'il prit
comme centre, et autour duquel il décrivit grossièrement un cercle de
quatre pieds de diamètre environ. Il s'empara alors d'une bêche, en
donna une à Jupiter, une à moi, et nous pria de creuser aussi vivement
que possible.
Pour parler franchement, je n'avais jamais eu beaucoup de goût pour un
pareil amusement, et, dans le cas présent, je m'en serais bien
volontiers passé; car la nuit s'avançait, et je me sentais passablement
fatigué de l'exercice que j'avais déjà pris; mais je ne voyais aucun
moyen de m'y soustraire, et je tremblais de troubler par un refus la
prodigieuse sérénité de mon pauvre ami. Si j'avais pu compter sur l'aide
de Jupiter, je n'aurais pas hésité à ramener par la force notre fou chez
lui; mais je connaissais trop bien le caractère du vieux nègre pour
espérer son assistance, dans le cas d'une lutte personnelle avec son
maître et dans n'importe quelle circonstance. Je ne doutais pas que
Legrand n'eût le cerveau infecté de quelqu'une des innombrables
superstitions du Sud relatives aux trésors enfouis, et que cette
imagination n'eût été confirmée par la trouvaille du scarabée, ou
peut-être même par l'obstination de Jupiter à soutenir que c'était un
scarabée d'or véritable. Un esprit tourné à la folie pouvait bien se
laisser entraîner par de pareilles suggestions, surtout quand elles
s'accordaient avec ses idées favorites préconçues; puis je me rappelais
le discours du pauvre garçon relativement au scarabée, _indice de sa
fortune_. Par-dessus tout, j'étais cruellement tourmenté et embarrassé;
mais enfin je résolus de faire contre mauvaise fortune bon cœur et
bêcher de bonne volonté, pour convaincre mon visionnaire le plus tôt
possible, par une démonstration oculaire, de l'inanité de ses rêveries.
Nous allumâmes les lanternes, et nous attaquâmes notre besogne avec un
ensemble et un zèle dignes d'une cause plus rationnelle; et, comme la
lumière tombait sur nos personnes et nos outils, je ne pus m'empêcher de
songer que nous composions un groupe vraiment pittoresque, et que, si
quelque intimes était tombé par hasard au milieu de nous, nous lui
serions apparus comme faisant une besogne bien étrange et bien suspecte.
Nous creusâmes ferme deux heures durant. Nous parlions peu. Notre
principal embarras était causé par les aboiements du chien, qui prenait
un intérêt excessif à nos travaux. À la longue, il devint tellement
turbulent, que nous craignîmes qu'il ne donnât l'alarme à quelques
rôdeurs du voisinage,—ou, plutôt, c'était la grande appréhension de
Legrand,—car, pour mon compte, je me serais réjoui de toute
interruption qui m'aurait permis de ramener mon vagabond à la maison. À
la fin, le vacarme fut étouffé, grâce à Jupiter, qui, s'élançant hors du
trou avec un air furieusement décidé, musela la gueule de l'animal avec
une de ses bretelles et puis retourna à sa tâche avec un petit rire de
triomphe très-grave.
Les deux heures écoulées, nous avions atteint une profondeur de cinq
pieds, et aucun indice de trésor ne se montrait. Nous fîmes une pause
générale, et je commençai à espérer que la farce touchait à sa fin.
Cependant Legrand, quoique évidemment très-déconcerté, s'essuya le front
d'un air pensif et reprit sa bêche. Notre trou occupait déjà toute
l'étendue du cercle de quatre pieds de diamètre; nous entamâmes
légèrement cette limite, et nous creusâmes encore de deux pieds. Rien
n'apparut. Mon chercheur d'or, dont j'avais sérieusement pitié, sauta
enfin du trou avec le plus affreux désappointement écrit sur le visage,
et se décida, lentement et comme à regret, à reprendre son habit qu'il
avait ôté avant de se mettre à l'ouvrage. Pour moi, je me gardai bien de
faire aucune remarque. Jupiter, à un signal de son maître, commença à
rassembler les outils. Cela fait, et le chien étant démuselé, nous
reprîmes notre chemin dans un profond silence.
Nous avions peut-être fait une douzaine de pas, quand Legrand, poussant
un terrible juron, sauta sur Jupiter et l'empoigna au collet. Le nègre
stupéfait ouvrit les yeux et la bouche dans toute leur ampleur, lâcha
les bêches et tomba sur les genoux.
—Scélérat! criait Legrand en faisant siffler les syllabes entre ses
dents, infernal noir! gredin de noir!—parle, te dis-je!—réponds-moi à
l'instant, et surtout ne prévarique pas!—Quel est, quel est ton œil
gauche?
—Ah! miséricorde, massa Will! n'est-ce pas là, pour sûr, mon œil
gauche? rugissait Jupiter épouvanté, plaçant sa main sur l'organe
_droit_ de la vision, et l'y maintenant avec l'opiniâtreté du désespoir,
comme s'il eût craint que son maître ne voulût le lui arracher.
—Je m'en doutais!—je le savais bien! hourra! vociféra Legrand, en
lâchant le nègre et en exécutant une série de gambades et de cabrioles,
au grand étonnement de son domestique, qui, en se relevant, promenait,
sans mot dire, ses regards de son maître à moi et de moi à son maître.
—Allons, il nous faut retourner, dit celui-ci; la partie n'est pas
perdue.
Et il reprit son chemin vers le tulipier.
—Jupiter, dit-il quand nous fûmes arrivés au pied de l'arbre, viens
ici! Le crâne est-il cloué à la branche avec la face tournée à
l'extérieur ou tournée contre la branche?
—La face est tournée à l'extérieur, massa, de sorte que les corbeaux
ont pu manger les yeux sans aucune peine.
—Bien. Alors, est-ce par cet œil-ci ou par celui-là que tu as fait
couler le scarabée?
Et Legrand touchait alternativement les deux yeux de Jupiter.
—Par cet œil-ci, massa,—par l'œil gauche,—juste comme vous me
l'aviez dit.
Et c'était encore son œil droit qu'indiquait le pauvre nègre.
—Allons, allons! il nous faut recommencer.
Alors, mon ami, dans la folie duquel je voyais maintenant, ou croyais
voir certains indices de méthode, reporta la cheville qui marquait
l'endroit où le scarabée était tombé, à trois pouces vers l'ouest de sa
première position. Étalant de nouveau son cordeau du point le plus
rapproché du tronc jusqu'à la cheville, comme il avait déjà fait, et
continuant à l'étendre en ligne droite à une distance de cinquante
pieds, il marqua un nouveau point éloigné de plusieurs yards de
l'endroit où nous avions précédemment creusé.
Autour de ce nouveau centre, un cercle fut tracé, un peu plus large que
le premier, et nous nous mîmes derechef à jouer de la bêche. J'étais
effroyablement fatigué; mais, sans me rendre compte de ce qui
occasionnait un changement dans ma pensée, je ne sentais plus une aussi
You have read 1 text from French literature.
Next - Histoires extraordinaires - 09
  • Parts
  • Histoires extraordinaires - 01
    Total number of words is 4454
    Total number of unique words is 1758
    33.0 of words are in the 2000 most common words
    45.8 of words are in the 5000 most common words
    52.0 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 02
    Total number of words is 4517
    Total number of unique words is 1698
    33.6 of words are in the 2000 most common words
    46.1 of words are in the 5000 most common words
    51.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 03
    Total number of words is 4613
    Total number of unique words is 1603
    37.3 of words are in the 2000 most common words
    49.0 of words are in the 5000 most common words
    53.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 04
    Total number of words is 4655
    Total number of unique words is 1447
    36.5 of words are in the 2000 most common words
    48.3 of words are in the 5000 most common words
    54.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 05
    Total number of words is 4625
    Total number of unique words is 1553
    37.7 of words are in the 2000 most common words
    51.3 of words are in the 5000 most common words
    58.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 06
    Total number of words is 4557
    Total number of unique words is 1412
    38.0 of words are in the 2000 most common words
    51.1 of words are in the 5000 most common words
    56.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 07
    Total number of words is 4696
    Total number of unique words is 1615
    37.5 of words are in the 2000 most common words
    48.9 of words are in the 5000 most common words
    54.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 08
    Total number of words is 4609
    Total number of unique words is 1460
    42.5 of words are in the 2000 most common words
    54.7 of words are in the 5000 most common words
    59.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 09
    Total number of words is 4565
    Total number of unique words is 1551
    35.2 of words are in the 2000 most common words
    47.7 of words are in the 5000 most common words
    53.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 10
    Total number of words is 4492
    Total number of unique words is 1485
    33.8 of words are in the 2000 most common words
    45.6 of words are in the 5000 most common words
    50.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 11
    Total number of words is 4523
    Total number of unique words is 1581
    36.0 of words are in the 2000 most common words
    48.5 of words are in the 5000 most common words
    54.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 12
    Total number of words is 4625
    Total number of unique words is 1627
    35.1 of words are in the 2000 most common words
    46.9 of words are in the 5000 most common words
    53.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 13
    Total number of words is 4520
    Total number of unique words is 1437
    34.3 of words are in the 2000 most common words
    46.4 of words are in the 5000 most common words
    50.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 14
    Total number of words is 4513
    Total number of unique words is 1430
    33.9 of words are in the 2000 most common words
    45.3 of words are in the 5000 most common words
    50.1 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 15
    Total number of words is 4499
    Total number of unique words is 1651
    34.3 of words are in the 2000 most common words
    46.3 of words are in the 5000 most common words
    52.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 16
    Total number of words is 4602
    Total number of unique words is 1614
    34.6 of words are in the 2000 most common words
    47.5 of words are in the 5000 most common words
    53.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 17
    Total number of words is 4708
    Total number of unique words is 1517
    38.6 of words are in the 2000 most common words
    51.0 of words are in the 5000 most common words
    56.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 18
    Total number of words is 4486
    Total number of unique words is 1544
    35.4 of words are in the 2000 most common words
    46.4 of words are in the 5000 most common words
    51.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 19
    Total number of words is 4385
    Total number of unique words is 1364
    34.3 of words are in the 2000 most common words
    44.3 of words are in the 5000 most common words
    50.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 20
    Total number of words is 4538
    Total number of unique words is 1681
    33.9 of words are in the 2000 most common words
    45.8 of words are in the 5000 most common words
    50.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 21
    Total number of words is 4550
    Total number of unique words is 1616
    34.4 of words are in the 2000 most common words
    46.1 of words are in the 5000 most common words
    51.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 22
    Total number of words is 4463
    Total number of unique words is 1638
    34.4 of words are in the 2000 most common words
    46.7 of words are in the 5000 most common words
    52.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 23
    Total number of words is 4482
    Total number of unique words is 1783
    33.6 of words are in the 2000 most common words
    45.7 of words are in the 5000 most common words
    52.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 24
    Total number of words is 4622
    Total number of unique words is 1679
    35.0 of words are in the 2000 most common words
    46.8 of words are in the 5000 most common words
    53.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 25
    Total number of words is 4613
    Total number of unique words is 1773
    34.1 of words are in the 2000 most common words
    46.4 of words are in the 5000 most common words
    51.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Histoires extraordinaires - 26
    Total number of words is 3987
    Total number of unique words is 1637
    32.2 of words are in the 2000 most common words
    44.2 of words are in the 5000 most common words
    50.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.