Actes et Paroles, Volume 2 - 24

Total number of words is 4482
Total number of unique words is 1520
38.2 of words are in the 2000 most common words
49.7 of words are in the 5000 most common words
57.7 of words are in the 8000 most common words
Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
cette difference que les russes ont tous ete tues par la mousqueterie
avant que l'artillerie ait donne. Sur cette place l'ennemi a maintenu
constamment une pluie de bombes pendant toute la nuit, mais, les
bombes n'eclataient que sur des morts.
"En traversant la route qui mene a Sebastopol, entre des monceaux
de morts russes, on arrive a la place ou les gardes ont ete obliges
d'abandonner la defense du retranchement qui domine la vallee
d'Inkermann. La nos morts sont aussi nombreux que ceux de l'ennemi. En
travers du sentier, cote a cote, sont etendus cinq gardes qui ont ete
tues par le meme boulet en chargeant l'ennemi. Ils sont couches dans
la meme attitude, serrant leur mousquet de leurs mains crispees, ayant
tous sur le visage le meme froncement douloureux et terrible. Au dela
de ce groupe, les fantassins de la ligne et de la garde russe sont
couches epais comme des feuilles au milieu des cadavres.
"Sur la droite du retranchement est la route qui mene a la batterie
des Deux-Canons. Le sentier passe a travers un fourre epais, mais le
sentier est glissant de sang, et le fourre est couche contre terre et
encombre de morts. La scene vue de la batterie est terrible, terrible
au dela de toute description. Je me suis tenu sur le parapet vers
neuf heures du soir, et j'ai senti mon coeur s'enfoncer comme si
j'assistais a la scene meme du carnage. La lune etait a son plein et
eclairait toute chose presque comme de jour. En face de moi etait la
vallee d'Inkermann, avec la Tchernaya serpentant gracieusement, entre
les hauteurs, comme une bande d'argent. C'etait une vue splendide qui,
pour la variete et le pittoresque, pouvait lutter avec les plus belles
du monde. Pourtant je ne me rappellerai jamais la vallee d'Inkermann
qu'avec un sentiment de repulsion et d'horreur; car autour de la place
ou je regardais etaient couches plus de cinq mille cadavres. Beaucoup
de blesses aussi etaient la; et les lents et penibles gemissements de
leur agonie frappaient mon oreille avec une precision sinistre, et,
ce qui est plus douloureux encore, j'entendais les cris enroues et le
rale desespere de ceux qui se debattaient avant d'expirer.
"Les ambulances aussi vite qu'elles pouvaient venir, recevaient leur
charge de souffrants, et on employait jusqu'a des couvertures pour
transporter les blesses.
"En dehors de la batterie, les russes sont couches par deux ou
trois les uns sur les autres. En dedans, la place est litteralement
encombree des gardes russes, du 55e et du 20e regiment. Les belles et
hautes formes de nos pauvres compatriotes pouvaient etre distinguees
d'un coup d'oeil, quoique les grands habits gris taches de leur sang
fussent devenus semblables a l'exterieur. Les hommes sont couches
comme ils sont tombes, en tas; ici un des notres sur trois ou quatre
russes, la un russe sur trois ou quatre des notres. Quelques-uns s'en
sont alles avec le sourire aux levres et semblent comme endormis;
d'autres sont horriblement contractes; leurs yeux hors de tete et
leurs traits enfles annoncent qu'ils sont morts agonisants, mais
menacants jusqu'au bout. Quelques-uns reposent comme s'ils etaient
prepares pour l'ensevelissement et comme si la main d'un parent avait
arrange leurs membres mutiles, tandis que d'autres sont encore dans
des positions de combat, a moitie debout ou a demi agenouilles,
serrant leur arme ou dechirant une cartouche. Beaucoup sont etendus,
les mains levees vers le ciel, comme pour detourner un coup ou pour
proferer une priere, tandis que d'autres ont le froncement hostile
de la crainte ou de la haine, comme si vraiment ils etaient morts
desesperes. La clarte de la lune repandait sur ces formes une paleur
surnaturelle, et le vent froid et humide qui balayait les collines
agitait les branches d'arbres au-dessus de ces faces retournees, si
bien que l'ombre leur donnait une apparence horrible de vitalite; et
il semblait que les morts riaient et allaient parler. Ce n'etait pas
seulement une place qui semblait ainsi animee, c'etait tout le champ
de bataille.
"Le long de la colline, de petits groupes avec des brancards
cherchaient ceux qui vivaient encore; d'autres avec des lanternes
retournaient les morts pour decouvrir les officiers qu'on savait tues,
mais qu'on n'avait pas retrouves. La aussi il y avait des femmes
anglaises dont les maris ou les parents n'etaient pas revenus; elles
couraient partout avec des cris lamentables, tournant avidement le
visage de nos morts vers la clarte de la lune, desesperees, et bien
plus a plaindre que ceux qui etaient gisants."
(_Morning Herald_ du vendredi 24 novembre 1854.)
"... On entendait le choc des verres et le bruit des bouteilles
brisees. Ca et la, dans l'ombre, une bougie de cire jaune ou une
lanterne a la main, des femmes rodaient parmi les cadavres, regardant
l'une apres l'autre ces faces pales et cherchant celle-ci son fils,
celle-la son mari."
(_Napoleon le Petit_, p. 196.)


1860
ADRESSE DE L'ILE DE JERSEY A VICTOR HUGO

Monsieur,
Le comite des amis de la Sicile, devant convoquer une reunion publique
des habitants de Jersey le 13 juin 1860, a l'effet d'exprimer leur
sympathie pour le peuple sicilien, luttant les armes a la main pour
la liberte contre un despotisme execrable et execre, les soussignes
sollicitent respectueusement la faveur de votre presence et de votre
precieuse assistance a la manifestation projetee.
La cause de la Sicile se recommande a tous ceux qui meritent
veritablement le nom d'hommes, a tout homme estimant les institutions
libres, a tout ami de la liberte et du genre humain, et nous sommes
persuades qu'une cause si sainte a votre plus ardente sympathie. Vous
avez consacre votre genie a la liberte, a la justice, a l'humanite;
votre eloquente voix elevee a Jersey en faveur des siciliens honorera
notre petite ile et contribuera a exciter encore les sympathies de
l'Angleterre, de la France et de l'Europe entiere en faveur de ce
vaillant peuple luttant contre des forces grandement superieures pour
le bien le plus precieux de cette vie. Ce n'est pas aller trop loin
que d'affirmer que votre eloquence infusera une nouvelle force dans
le coeur des combattants de la liberte, victorieux mais fatigues, et
portera la terreur dans l'ame de leurs ennemis.
Oui, monsieur, vos fervents plaidoyers en faveur de la liberte et de
l'humanite, vos protestations contre la tyrannie et les cruautes,
feront echo dans le camp de Garibaldi et sonneront le glas du
desespoir aux oreilles de l'infame roi de Naples.
Nous sollicitons de nouveau votre cooperation, et, en vous exprimant
notre sincere respect et admiration, nous avons l'honneur d'etre, etc.
(_Suivent les signatures._)


1862
LE BANQUET DE BRUXELLES

Un des plus excellents ecrivains de la presse belge et francaise, M.
Gustave Frederix, a publie, en 1862, sur le banquet de Bruxelles, de
remarquables pages qui eurent alors un grand retentissement et
qui seront consultees un jour, car elles font partie a la fois de
l'histoire politique et de l'histoire litteraire de notre temps [note:
_Souvenir du banquet donne a Victor Hugo_. Bruxelles.]. Le banquet de
Bruxelles fut une memorable rencontre d'intelligences et de renommees
venues de tous les points du monde civilise pour protester autour
d'un proscrit contre l'empire. On trouve dans l'eloquent ecrit de M.
Gustave Frederix tous les details de cette manifestation eclatante. M.
Victor Hugo presidait le banquet, ayant a sa droite le bourgmestre de
Bruxelles et a sa gauche le president de la chambre des representants.
De grandes voix parlerent, Louis Blanc, Eugene Pelletan; puis, au nom
de la presse de tous les pays, d'eminents journalistes, M. Berardi
pour la Belgique, M. Nefftzer pour la France, M. Cuesta pour l'Espagne,
M. Ferrari pour l'Italie, M. Low pour l'Angleterre. Les honorables
editeurs des _Miserables_, MM. Lacroix et Verboeckhoven remercierent
l'auteur du livre au nom de la Librairie internationale. Champfleury
salua Victor Hugo au nom des prosateurs, et Theodore de Banville le
salua au nom des poetes. Jamais de plus nobles paroles ne furent
entendues. Cette fete fut grave et solennelle.
Dans ce temps-la, le bourgmestre de Bruxelles etait un honnete homme;
il s'appelait Fontainas. Ce fut lui qui porta le toast a Victor Hugo;
il le fit en ces termes:
"Il m'est agreable de vous souhaiter la bienvenue, a vous, messieurs,
qui visitez la Belgique, si energiquement devouee a sa nationalite, si
profondement heureuse des liberales institutions qui la gouvernent; a
vous, messieurs, dont le talent charme, console ou eleve nos esprits.
Mais, parmi tant de noms illustres, il en est un plus illustre encore;
j'ai nomme Victor Hugo, dont la gloire peut se passer de mes eloges.
"Je porte un toast au grand ecrivain, au grand poete, a Victor Hugo!"

Victor Hugo se leva, et repondit:
"Messieurs,
"Je porte la sante du bourgmestre de Bruxelles.
"Je n'avais jamais rencontre M. Fontainas; je le connais depuis
vingtquatre heures, et je l'aime. Pourquoi? regardez-le, et vous
comprendrez. Jamais plus franche nature ne s'est peinte sur un visage
plus cordial; son serrement de main dit toute son ame; sa parole est
de la sympathie. J'honore et je salue dans cet homme excellent et
charmant la noble ville qu'il represente.
"J'ai du bonheur, en verite, avec les bourgmestres de Bruxelles; il
semble que je sois destine a toujours les aimer. Il y a onze ans,
quand j'arrivai a Bruxelles, le 12 decembre 1851, la premiere visite
que je recus, fut celle du bourgmestre, M. Charles de Brouckere.
Celui-la aussi etait une haute et penetrante intelligence, un esprit
ferme et bon, un coeur genereux.
"J'habitais la Grand' Place, de Bruxelles, qui, soit dit en passant,
avec son magnifique hotel de ville encadre de maisons magnifiques,
est tout entiere un monument. Presque tous les jours, M. Charles de
Brouckere, en allant a l'hotel de ville, poussait ma porte et entrait.
Tout ce que je lui demandais pour mes vaillants compagnons d'exil
etait immediatement accorde. Il etait lui-meme un vaillant; il avait
combattu dans les barricades de Bruxelles. Il m'apportait de la
cordialite, de la fraternite, de la gaite, et, en presence des maux
de ma patrie, de la consolation. L'amertume de Dante etait de monter
l'escalier de l'etranger; la joie de Charles de Brouckere etait de
monter l'escalier du proscrit. C'etait la un homme brave, noble et
bon. Eh bien, le chaud et vif accueil de M. de Brouckere, je l'ai
retrouve dans M. Fontainas; meme grace, meme esprit, meme bienvenue
charmante, meme ouverture d'ame et de visage; les deux hommes sont
differents, les deux coeurs sont pareils. Tenez, je viens de faire
une promenade en Belgique; j'ai ete un peu partout, depuis les dunes
jusqu'aux Ardennes. Eh bien, partout, j'ai entendu parler de M.
Fontainas; j'ai rencontre partout son nom et son eloge; il est aime
dans le moindre village, comme dans la capitale; ce n'est pas la une
popularite de clocher, c'est une popularite de nation. Il semble
que ce bourgmestre de Bruxelles soit le bourgmestre de la Belgique.
Honneur a de tels magistrats! ils consolent des autres.
"Je bois a l'honorable M. Fontainas, bourgmestre de Bruxelles; et je
felicite cette illustre ville d'avoir a sa tete un de ces hommes en
qui se personnifient l'hospitalite et la liberte, l'hospitalite, qui
etait la vertu des peuples antiques, et la liberte, qui est la force
des peuples nouveaux."


1863
AUX MEMBRES DU MEETING DE JERSEY POUR LA POLOGNE

Hauteville-House, 27 mars 1863.
Messieurs,--je suis atteint en ce moment d'un acces d'une angine
chronique qui m'empeche de me rendre a votre invitation, dont je
ressens tout l'honneur. Croyez a mon regret profond.
La sympathie est une presence; je serai donc en esprit au milieu de
vous. Je m'associe du fond de l'ame a toutes vos genereuses pensees.
L'assassinat d'une nation est impossible. Le droit, c'est l'astre; il
s'eclipse, mais il reparait. La Hongrie le prouve, Venise le prouve,
la Pologne le prouve.
La Pologne, a l'heure ou nous sommes, est eclatante; elle n'est pas en
pleine vie, mais elle est en pleine gloire; toute sa lumiere lui est
revenue, la Pologne, accablee, sanglante et debout, eblouit le monde.
Les peuples vivent et les despotes meurent; c'est la loi d'en haut. Ne
nous lassons pas de la rappeler a ce coupable empereur qui pese en cet
instant sur deux nations, pour le malheur de l'une et pour la honte de
l'autre. La plus a plaindre des deux, ce n'est pas la Pologne qu'il
egorge, c'est la Russie qu'il deshonore. C'est degrader un peuple que
d'en faire le massacreur d'un autre peuple. Je souhaite a la Pologne
la resurrection a la liberte, et a la Russie la resurrection a
l'honneur.
Ces deux resurrections, je fais plus que les souhaiter, je les
attends.
Oui, le doute serait impie et presque complice, oui, la Pologne
triomphera. Sa mort definitive serait un peu notre mort a tous. La
Pologne fait partie du coeur de l'Europe. Le jour ou le dernier
battement de vie s'eteindrait en Pologne, la civilisation tout entiere
sentirait le froid du sepulcre.
Laissez-moi vous jeter de loin ce cri qui aura de l'echo dans vos
ames!--Vive la Pologne! Vive le droit! Vivent la liberte des hommes et
l'independance des peuples!
Permettez qu'a cette occasion, j'envoie tous mes voeux de bonheur a
l'ile de Jersey qui m'est bien chere et a votre excellente population,
et recevez, mes amis, mon salut cordial.
VICTOR HUGO.


1864
LE CENTENAIRE DE SHAKESPEARE

Louis Blanc avait fait part a Victor Hugo du desir qu'avait le Comite
du centenaire de Shakespeare de le compter parmi ses membres ainsi que
son fils Francois-Victor Hugo, le traducteur de Shakespeare.
Victor Hugo ecrivit a M. N.-Hepworth Dixon, secretaire du Comite de
Shakespeare a Londres:
"Hauteville-House, 20 janvier 1864.
"Monsieur,
"La lettre que vous a communiquee mon noble et cher ami M. Louis Blanc
est, je pense, la reponse que voici a une lettre de lui:
"Hauteville-House, 11 octobre 1863.
"Cher Louis Blanc,
"Pendant les mois de juin, de juillet et d'aout, les journaux ont
publie un certain nombre d'acceptations de personnes distinguees,
invitees a faire partie du Comite de Shakespeare. Mon fils, le
traducteur de Shakespeare, n'a pas ete invite. Il l'est aujourd'hui.
Je trouve que c'est trop tard.
"Dans cet espace de trois mois, je n'ai pas ete invite non plus, mais
peu importe. Il s'agit de mon fils, et c'est dans mon fils que je me
sens atteint. Quant a moi, je ne suis pas offense, ni offensable.
"Je ne serai point du Comite de Shakespeare, mais puisque dans
le Comite il y aura Louis Blanc, la France sera admirablement
representee.
"VICTOR HUGO."
"La courtoise lettre que vous m'ecrivez, monsieur, en date du 19
janvier 1864, au nom du Comite de Shakespeare, vient modifier
ma situation vis-a-vis du Comite, en me laissant pourtant un
regret,--regret, a la verite, qui n'est sensible que pour moi.
"Ce regret, permettez-moi de vous l'indiquer.
"Si le cordial appel que vous me faites l'honneur de m'adresser
aujourd'hui m'avait ete fait il y a six mois, comme aux diverses
personnes honorables dont vous citez les noms, j'aurais pu, a ce
moment-la, prevenu d'avance, disposer mes occupations de facon a
pouvoir prendre part aux seances du Comite; c'eut ete pour moi un
devoir et un bonheur; mais n'etant point convie a en faire partie,
je n'ai vu nulle difficulte a accepter, depuis cette epoque, des
propositions et des engagements qui maintenant absorbent tout
mon temps et me creent des obligations de travail imperieux. Ces
engagements, pris par suite du malentendu que vous voulez bien
m'expliquer, ne me laissent plus la liberte de sieger parmi vous, et,
par l'urgence des travaux qu'ils m'imposent, me priveront, selon
toute apparence, de l'honneur d'assister a Londres, a votre grandiose
solennite du 23 avril.
"C'est un inconvenient, facheux pour moi, mais pour moi seulement, je
le repete, et tres leger a tous les points de vue. Ma presence, comme
mon absence, est un fait indifferent.
"A cet inconvenient pres, qui est peu de chose, le malentendu, si
courtoisement explique dans votre lettre, est tout a fait reparable.
Le Comite de Shakespeare, dont vous etes l'organe, veut bien desirer
que mon nom soit inscrit sur son honorable liste, je m'empresse d'y
consentir, en regrettant de ne pouvoir completer cette cooperation
nominale par une cooperation effective. Quant a la fete illustre que
vous preparez a votre grand homme, je n'y pourrai assister que de
coeur, mais j'y serai present pourtant dans la personne de mon
fils Francois-Victor, heureux de prendre parmi vous, apres votre
explication excellente, la place glorieuse que vous lui offrez.
"Le jubile du 23 avril sera la vraie fete de l'Angleterre. Cette noble
Angleterre, representee par sa fiere et eloquente tribune, et par son
admirable presse libre et souveraine, a toutes les gloires qui font
les grands peuples dignes des grands poetes. L'Angleterre merite
Shakespeare.
"Veuillez, monsieur, communiquer cette lettre au Comite, et recevoir
l'assurance de mes sentiments tres distingues.
"VICTOR HUGO."


1865
LA PEINE DE MORT

Ce qui suit est extrait du _Courrier de l'Europe_:
"Les symptomes precurseurs de l'abolition de la peine de mort se
prononcent de plus en plus, et de tous les cotes a la fois. Les
executions elle-memes, en se multipliant, hatent la suppression
de l'echafaud par le soulevement de la conscience publique. Tout
recemment, M. Victor Hugo a recu, dans la meme semaine, a quelques
jours d'intervalle, deux lettres relatives a la peine de mort, venant
l'une d'Italie, l'autre d'Angleterre. La premiere, ecrite a Victor
Hugo par le comite central italien, etait signee "comte _Ferdinand
Trivulzio_, docteur _Georges de Giulini_, avocat _Jean Capretti_,
docteur _Albert Sarola_, docteur _Joseph Mussi_, conseiller
provincial, docteur _Frederic Bonola_." Cette lettre, datee de Milan,
1er fevrier, annoncait a Victor Hugo la convocation d'un grand meeting
populaire a Milan, pour l'abrogation de la peine capitale, et priait
l'exile de Guernesey d'envoyer, par telegramme, immediatement, au
peuple de Milan assemble; quelques paroles "destinees, nous citons la
lettre, a produire une commotion electrique dans toute l'Italie". Le
comite ignorait qu'il n'y a malheureusement point de fil telegraphique
a Guernesey. La deuxieme lettre, envoyee de Londres, emanee d'un
philanthrope anglais distingue, M. Lilly, contenait le detail du
proces d'un italien nomme Polioni, condamne au gibet pour un coup
de couteau donne dans une rixe de cabaret, et priait Victor Hugo
d'intervenir pour empecher l'execution de cet homme.
M. Victor Hugo a repondu au message venu d'Italie la lettre qu'on va
lire:
A MM. LES MEMBRES DU COMITE CENTRAL ITALIEN POUR L'ABOLITION DE LA
PEINE DE MORT
Hauteville-House, samedi 4 fevrier 1865.
Messieurs,--Il n'y a point de telegraphe electrique a Guernesey. Votre
lettre m'arrive aujourd'hui 4, et la poste ne repart que lundi 6. Mon
regret est profond de ne pouvoir repondre en temps utile a votre noble
et touchant appel. J'eusse ete heureux que mon applaudissement arrivat
au peuple de Milan faisant un grand acte.
L'inviolabilite de la vie humaine est le droit des droits. Tous les
principes decoulent de celui-la. Il est la racine, ils sont les
rameaux. L'echafaud est un crime permanent. C'est le plus insolent des
outrages a la dignite humaine, a la civilisation, au progres. Toutes
les fois que l'echafaud est dresse, nous recevons un soufflet. Ce
crime est commis en notre nom.
L'Italie a ete la mere des grands hommes, et elle est la mere des
grands exemples. Elle va, je n'en doute pas, abroger la peine de mort.
Votre commission, composee de tant d'hommes distingues et genereux,
reussira. Avant peu, nous verrons cet admirable spectacle: l'Italie,
avec l'echafaud de moins et Rome et Venise de plus.
Je serre vos mains dans les miennes, et je suis votre ami.
VICTOR HUGO.

A la lettre venue d'Angleterre, Victor Hugo a repondu:
A M. LILLY, 9, SAINT-PETER'S TERRACE, NOTTING-HILL, LONDRES.
Hauteville-House, 12 fevrier 1865.
Monsieur,--Vous me faites l'honneur de vous tourner vers moi, je vous
en remercie.
Un echafaud va se dresser; vous m'en avertissez. Vous me croyez la
puissance de renverser cet echafaud. Helas! je ne l'ai pas. Je n'ai
pu sauver Tapner, je ne pourrais sauver Polioni. A qui m'adresser? Au
gouvernement? au peuple? Pour le peuple anglais je suis un etranger,
et pour le gouvernement anglais un proscrit. Moins que rien, vous
le voyez. Je suis pour l'Angleterre une voix quelconque, importune
peut-etre, impuissante a coup sur. Je ne puis rien, monsieur; plaignez
Polioni et plaignez-moi.
En France, Polioni eut ete condamne, pour meurtre sans premeditation,
a une peine temporaire. La penalite anglaise manque de ce grand
correctif, _les circonstances attenuantes_.
Que l'Angleterre, dans sa fierte, y songe; a l'heure qu'il est,
sa legislation criminelle ne vaut pas la legislation criminelle
francaise, si imparfaite pourtant. De ce cote, l'Angleterre est en
retard sur la France. L'Angleterre veut-elle regagner en un instant
tout le terrain perdu, et laisser la France derriere elle? Elle le
peut. Elle n'a qu'a faire ce pas: _Abolir la peine de mort_.
Cette grande chose est digne de ce grand peuple. Je l'y convie.
La peine de mort vient d'etre abolie dans plusieurs republiques de
l'Amerique du Sud. Elle va l'etre, si elle ne l'est deja, en Italie,
en Portugal, en Suisse, en Roumanie, en Grece. La Belgique ne
tardera point a suivre ces beaux exemples. Il serait admirable que
l'Angleterre prit la meme initiative, et prouvat, par la suppression
de l'echafaud, que la nation de la liberte est aussi la nation de
l'humanite.
Il va sans dire, monsieur, que je vous laisse maitre de faire de cette
lettre l'usage que vous voudrez.
Recevez l'assurance de mes sentiments tres distingues.
VICTOR HUGO.
Apres avoir cite ces deux lettres, le _Courrier de l'Europe_ ajoute:
"Il y a vraiment quelque chose de touchant a voir les adversaires du
bourreau se tourner tous vers le rocher de Guernesey, pour demander
aide et assistance a celui dont la main puissante a deja ebranle
l'echafaud et finira par le renverser, "Le beau, serviteur du vrai"
est le plus grand des spectacles. Victor Hugo se faisant l'avocat de
Dieu pour revendiquer ses droits immuables--usurpes par la justice
humaine--sur la vie de l'homme, c'est naturel. Qui parlera au nom de
la divinite; si ce n'est le genie!"


1866
LES INSURRECTIONS ETOUFFEES

Hauteville-House, 18 novembre 1866.
J'ai ete bien sensible au genereux appel de l'honorable et eloquent
redacteur en chef du journal _l'Orient_. Malheureusement il est trop
tard. De toutes parts on annonce l'insurrection comme etouffee. Encore
un cercueil de peuple qui s'ouvre, helas! et qui se ferme.
Quant a moi, c'est la quatrieme fois qu'un appel de ce genre m'arrive
trop tard depuis deux ans. Les insurges de Haiti, de Roumanie et de
Sicile se sont adresses a moi, et toujours trop tard. Dieu sait si
je les eusse servis avec zele! Mais ne pourrait-on mieux s'entendre?
Pourquoi les hommes de mouvement ne previennent-ils pas les hommes de
progres? Pourquoi les combattants de l'epee ne se concertent-ils
pas avec les combattants de l'idee? C'est avant et non apres qu'il
faudrait reclamer notre concours. Averti a temps, j'ecrirais a propos,
et tous s'entr'aideraient pour le succes general de la revolution et
pour la delivrance universelle. Communiquez ceci a notre honorable
ami, et recevez mon hatif et cordial serrement de main.
VICTOR HUGO.

LE DINER DES ENFANTS PAUVRES
Pour faire tout a fait comprendre ce qu'on a pu lire dans ce livre
sur la petite institution du Diner des Enfants pauvres, il n'est pas
inutile de reproduire un des comptes rendus de la presse anglaise.
Voici la lettre de lady Thompson et l'article de _l'Express_ dont il
est question dans le discours de Victor Hugo:
"A VICTOR HUGO
35, Wimpole Street, London, 30 novembre 1866.
"Cher Monsieur,--Apres l'interet que vous avez pris au succes de nos
diners aux pauvres enfants, j'ai beaucoup de plaisir a vous envoyer le
compte rendu de l'annee passee. Notre plan marche toujours bien, et je
viens de recommencer pour l'annee qui vient. J'aime a croire que vous
vous portez bien, et que vous trouvez votre genereuse idee de plus en
plus repandue.
"Croyez a mon profond respect,
"KATE THOMPSON."
"Cette fondation des diners pour les enfants pauvres a ce rare merite
parmi les institutions d'assistance d'etre simple, directe, pratique,
aisement imitable, sans aucune pretention de secte ni de systeme. Il
ne faut pas oublier l'homme qui le premier a eu l'idee de ces diners
d'enfants indigents. L'Angleterre a du beaucoup dans les temps passes
aux exiles politiques francais. Cette "societe des diners d'enfants
pauvres" doit sa creation au coeur genereux du plus grand poete de
notre temps, a Victor Hugo, qui, depuis des annees, donne toutes les
semaines, dans sa maison de Guernesey, a ses propres frais, des diners
pour quarante pauvres enfants, dont il ne considere ni la nationalite,
ni la religion, mais seulement la misere. A Noel, Victor Hugo augmente
le nombre de ses petits convives et les pourvoit, non seulement de
quoi manger et boire, mais d'un choix de jolies etrennes pour egayer
et consoler leurs jeunes coeurs et leurs imaginations enfantines, sans
oublier de nourrir leurs bouches affamees et de couvrir leurs membres
grelottants. Une societe qui a ete formee a Londres d'apres l'exemple
de Victor Hugo, s'adresse a tous "ceux qui ont de la sympathie pour
les miseres des enfants en haillons et demi-morts de faim dans cette
vaste metropole".
"Le nombre des diners donnes en 1867, dans trente-sept salles a manger
speciales, a ete a peu pres de 85,000. Depuis ce temps, des dons
nouveaux ont ete faits representant 30,000 diners. La somme entiere
depensee alors a ete 1,146 livres, et le nombre entier des diners
115,000."
(_Express_ du 17 decembre 1866.)

LA NOEL A HAUTEVILLE-HOUSE
La page qui suit est extraite de la _Gazette de Guernesey_, en date du
29 decembre 1866:
"Jeudi dernier, une foule elegante et distinguee se pressait chez M.
Victor Hugo pour etre temoin de la distribution annuelle de vetements
et de jouets que M. Victor Hugo fait aux petits enfants pauvres qu'il
a pris sous ses soins. La fete se composait comme d'usage: 1r d'un
gouter de _sandwiches_, de gateaux, de fruits et de vin; 2e d'une
distribution de vetements; 3e d'un arbre de Noel sur lequel etaient
arrangees des masses de jouets. Avant la distribution de vetements,
M. Victor Hugo a adresse un speech aux personnes presentes. Voici le
resume de ce que nous avons pu recueillir:
"Mesdames,
"Vous connaissez le but de cette petite reunion. C'est ce que
j'appelle, a defaut d'un mot plus simple, la fete des petits enfants
pauvres. Je voudrais en parler dans les termes les plus humbles, je
voudrais pouvoir emprunter pour cela la simplicite d'un des petits
enfants qui m'ecoutent.
"Faire du bien aux enfants pauvres, dans la mesure de ce que je puis,
voila mon but. Il n'y a aucun merite, croyez-le bien, et ce que je dis
la je le pense profondement, il n'y a aucun merite a faire pour les
pauvres ce que l'on peut; car ce que l'on peut, c'est ce que l'on
doit. Connaissez-vous quelque chose de plus triste que la souffrance
des enfants? Quand nous souffrons, nous hommes, c'est justement,
nous avons ce que nous meritons, mais les enfants sont innocents, et
l'innocence qui souffre, n'est-ce pas ce qu'il y a de plus de triste
au monde? Ici, la providence nous confie une partie de sa propre
You have read 1 text from French literature.
Next - Actes et Paroles, Volume 2 - 25
  • Parts
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 01
    Total number of words is 4566
    Total number of unique words is 1735
    34.8 of words are in the 2000 most common words
    48.0 of words are in the 5000 most common words
    54.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 02
    Total number of words is 4431
    Total number of unique words is 1565
    38.0 of words are in the 2000 most common words
    50.3 of words are in the 5000 most common words
    56.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 03
    Total number of words is 4553
    Total number of unique words is 1527
    35.7 of words are in the 2000 most common words
    48.4 of words are in the 5000 most common words
    54.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 04
    Total number of words is 4594
    Total number of unique words is 1565
    34.0 of words are in the 2000 most common words
    45.2 of words are in the 5000 most common words
    51.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 05
    Total number of words is 4585
    Total number of unique words is 1546
    34.1 of words are in the 2000 most common words
    46.0 of words are in the 5000 most common words
    53.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 06
    Total number of words is 4771
    Total number of unique words is 1522
    38.4 of words are in the 2000 most common words
    51.0 of words are in the 5000 most common words
    57.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 07
    Total number of words is 4505
    Total number of unique words is 1515
    35.7 of words are in the 2000 most common words
    46.8 of words are in the 5000 most common words
    54.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 08
    Total number of words is 4534
    Total number of unique words is 1594
    33.9 of words are in the 2000 most common words
    46.7 of words are in the 5000 most common words
    53.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 09
    Total number of words is 4533
    Total number of unique words is 1594
    34.1 of words are in the 2000 most common words
    47.2 of words are in the 5000 most common words
    53.1 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 10
    Total number of words is 4477
    Total number of unique words is 1554
    37.0 of words are in the 2000 most common words
    48.9 of words are in the 5000 most common words
    54.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 11
    Total number of words is 4490
    Total number of unique words is 1585
    35.5 of words are in the 2000 most common words
    46.9 of words are in the 5000 most common words
    54.0 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 12
    Total number of words is 4604
    Total number of unique words is 1555
    37.1 of words are in the 2000 most common words
    49.9 of words are in the 5000 most common words
    56.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 13
    Total number of words is 4538
    Total number of unique words is 1564
    38.3 of words are in the 2000 most common words
    49.9 of words are in the 5000 most common words
    56.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 14
    Total number of words is 4639
    Total number of unique words is 1598
    35.0 of words are in the 2000 most common words
    47.6 of words are in the 5000 most common words
    53.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 15
    Total number of words is 4483
    Total number of unique words is 1601
    37.4 of words are in the 2000 most common words
    49.0 of words are in the 5000 most common words
    55.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 16
    Total number of words is 4477
    Total number of unique words is 1493
    37.4 of words are in the 2000 most common words
    48.9 of words are in the 5000 most common words
    55.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 17
    Total number of words is 4422
    Total number of unique words is 1535
    34.9 of words are in the 2000 most common words
    47.6 of words are in the 5000 most common words
    54.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 18
    Total number of words is 4374
    Total number of unique words is 1700
    35.5 of words are in the 2000 most common words
    49.9 of words are in the 5000 most common words
    57.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 19
    Total number of words is 4543
    Total number of unique words is 1520
    37.3 of words are in the 2000 most common words
    49.3 of words are in the 5000 most common words
    55.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 20
    Total number of words is 4453
    Total number of unique words is 1497
    37.6 of words are in the 2000 most common words
    48.9 of words are in the 5000 most common words
    54.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 21
    Total number of words is 4537
    Total number of unique words is 1565
    36.5 of words are in the 2000 most common words
    49.1 of words are in the 5000 most common words
    56.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 22
    Total number of words is 4594
    Total number of unique words is 1605
    36.9 of words are in the 2000 most common words
    50.6 of words are in the 5000 most common words
    57.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 23
    Total number of words is 4470
    Total number of unique words is 1513
    36.4 of words are in the 2000 most common words
    50.4 of words are in the 5000 most common words
    56.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 24
    Total number of words is 4482
    Total number of unique words is 1520
    38.2 of words are in the 2000 most common words
    49.7 of words are in the 5000 most common words
    57.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 25
    Total number of words is 4459
    Total number of unique words is 1550
    39.3 of words are in the 2000 most common words
    51.1 of words are in the 5000 most common words
    57.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 26
    Total number of words is 205
    Total number of unique words is 109
    37.5 of words are in the 2000 most common words
    52.1 of words are in the 5000 most common words
    55.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.