Actes et Paroles, Volume 2 - 19

Total number of words is 4543
Total number of unique words is 1520
37.3 of words are in the 2000 most common words
49.3 of words are in the 5000 most common words
55.6 of words are in the 8000 most common words
Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
Voila ce qu'annonce Manin rentrant a Venise.
Dans un mort comme Manin il y a de l'esperance.
VICTOR HUGO.


II
GUSTAVE FLOURENS

En presence de certains faits, un cri d'indignation echappe.
M. Gustave Flourens est un jeune ecrivain de talent. Fils d'un pere
devoue a la science, il est devoue au progres. Quand l'insurrection de
Crete a eclate, il est alle en Crete. La nature l'avait fait penseur,
la liberte l'a fait soldat. Il a epouse la cause cretoise, il a lutte
pour la reunion de la Crete a la Grece; il a finalement adopte cette
Candie heroique; il a saigne et souffert sur cette terre infortunee,
il y a eu chaud et froid, faim et soif; il a guerroye, ce parisien,
dans les monts Blancs de Sphakia, il a subi les durs etes et les rudes
hivers, il a connu les sombres champs de bataille, et plus d'une fois,
apres le combat, il a dormi dans la neige a cote de ceux qui dormaient
dans la mort. Il a donne son sang, il a donne son argent. Detail
touchant, il lui est arrive de preter trois cents francs a ce
gouvernement de Crete, dedaigne, on le comprend, des gouvernements qui
s'endettent de treize milliards [note: C'etait a cette epoque la dette
de la France sous l'empire. Depuis, Sedan et ses suites ont accru
cette dette de dix milliards. Grace a l'aventure finale de l'empire,
la France doit dix milliards de plus; il est vrai qu'elle a deux
provinces de moins.]. Apres des annees d'un opiniatre devouement, ce
francais a ete fait cretois. L'assemblee nationale candiote s'est
adjoint M. Gustave Flourens; elle l'a envoye en Grece faire acte
de fraternite, et l'a charge d'introduire les deputes cretois au
parlement hellenique. A Athenes, M. Gustave Flourens a voulu voir
Georges de Danemark, qui est roi de Grece, a ce qu'il parait. M.
Gustave Flourens a ete arrete.
Francais, il avait un droit; cretois, il avait un devoir. Devoir
et droit ont ete meconnus. Le gouvernement grec et le gouvernement
francais, deux complices, l'ont embarque sur un paquebot de passage,
et il a ete apporte de force a Marseille. La, il etait difficile de ne
pas le laisser libre; on a du le lacher. Mis en liberte, M. Gustave
Flourens est immediatement reparti pour la Grece. Moins de huit jours
apres avoir ete expulse d'Athenes, il y rentrait. C'etait son devoir.
M. Gustave Flourens a accepte une mission sacree, il est le depute
d'un peuple qui expire, il est porteur d'un cri d'agonie, il est
depositaire du plus auguste des fideicommis, du droit d'une nation;
ce fideicommis, il veut y faire honneur; cette mission, il veut la
remplir. De la son obstination intrepide. Or, sous de certains regnes,
qui fait son devoir, fait un crime. A cette heure, M. Gustave Flourens
est hors la loi. Le gouvernement grec le traque, le gouvernement
francais le livre, et voici ce que ce lutteur stoique m'ecrit
d'Athenes, ou il est cache: _Si je suis pris, je m'attends au poison
dans quelque cachot_.
Dans une autre lettre, qu'on nous ecrit de Grece, nous lisons:
_Gustave Flourens est abandonne_.
Non, il n'est pas abandonne. Que les gouvernements le sachent, ceux
qui se croient forts comme la Russie, et ceux qui se sentent faibles
comme la Grece, ceux qui torturent la Pologne, comme ceux qui
trahissent la Crete, qu'ils le sachent, et qu'ils y songent, la France
est une immense force inconnue. La France n'est pas un empire, la
France n'est pas une armee, la France n'est pas une circonscription
geographique, la France n'est pas meme une masse de trente-huit
millions d'hommes plus ou moins distraits du droit par la fatigue; la
France est une ame. Ou est-elle? Partout. Peut-etre meme en ce moment
est-elle plutot ailleurs qu'en France. Il arrive quelquefois a une
patrie d'etre exilee. Une nation comme la France est un principe,
et son vrai territoire c'est le droit. C'est la qu'elle se refugie,
laissant la terre, devenue glebe, au joug, et le domaine materiel a
l'oppression materielle. Non, la Crete, qu'on met hors les nations,
n'est pas abandonnee. Non, son depute et son soldat, Gustave Flourens,
qu'on met hors la loi, n'est pas abandonne. La verite, cette grande
menace, est la, et veille. Les gouvernements dorment ou font semblant,
mais il y a quelque part des yeux ouverts. Ces yeux voient et jugent.
Ces yeux fixes sont redoutables. Une prunelle ou est la lumiere est
une attaque continue a tout ce qui est faux, inique et nocturne.
Sait-on pourquoi les cesars, les sultans, les vieux rois, les vieux
codes et les vieux dogmes se sont ecroules? C'est parce qu'ils avaient
sur eux cette lumiere. Sait-on pourquoi Napoleon est tombe? C'est
parce que la justice, debout dans l'ombre, le regardait.
VICTOR HUGO.
Hauteville-House, 9 juillet 1868.

Trois semaines apres la publication de cette lettre, Victor Hugo recut
le billet que voici:
Naples, 25 juillet 1868.
"Maitre,
"Grace a vous je suis hors de prison et de danger. Les gouvernements
ont ete forces, par la conscience publique, de lacher l'homme reclame
par Victor Hugo. Barbes vous a du la vie; je vous dois la liberte.
"GUSTAVE FLOURENS."


III
L'ESPAGNE

En 1868, l'homme exile fut frappe deux fois; il perdit coup sur
coup sa femme et son petit-fils, le premier-ne de son fils Charles.
L'enfant mourut en mars et Mme Victor Hugo en aout. Victor Hugo put
garder l'enfant pres de lui; on l'enterra dans la terre d'exil; mais
Mme Victor Hugo rentra en France. La mere avait exprime le voeu de
dormir pres de sa fille; on l'enterra au cimetiere de Villequier. Le
proscrit ne put suivre la morte. De loin, et debout sur la frontiere,
il vit le cercueil disparaitre a l'horizon. L'adieu supreme fut dit
en son nom sur la tombe de Villequier par une noble voix. Voici les
hautes et grandes paroles que prononca Paul Meurice:
"Je voudrais seulement lui dire adieu pour nous tous.
"Vous savez bien, vous qui l'entourez,--pour la derniere fois!--ce
qu'etait, ce qu'est cette ame si belle et si douce, cet adorable
esprit, ce grand coeur.
"Ah! ce grand coeur surtout! Comme elle aimait aimer! comme elle
aimait a etre aimee! comme elle savait souffrir avec ceux qu'elle
aimait!
"Elle etait la femme de l'homme le plus grand qui soit, et, par le
coeur, elle se haussait a ce genie. Elle l'egalait presque a force de
le comprendre.
"Et il faut qu'elle nous quitte! il faut que nous la quittions!
"Elle a deja, elle, retrouve a aimer. Elle a retrouve ses deux
enfants, ici (_montrant la fosse_)--et la (_montrant le ciel_).
"Victor Hugo m'a dit a la frontiere, hier soir: "Dites a ma fille
qu'en attendant je lui envoie sa mere." C'est dit, et je crois que
c'est entendu.
"Et maintenant, adieu donc! adieu pour les presents! adieu pour les
absents! adieu, notre amie; adieu, notre soeur!
"Adieu, mais au revoir!
Mais le devoir ne lache pas prise. Il a d'imperieuses urgences. Mme
Victor Hugo, on vient de le voir, etait morte en aout. En octobre,
l'ecroulement de la royaute en Espagne redonnait la parole a Victor
Hugo. Mis en demeure par de si decisifs evenements, il dut, quel que
fut son deuil, rompre le silence.

A L'ESPAGNE
Un peuple a ete pendant mille ans, du sixieme au seizieme siecle, le
premier peuple de l'Europe, egal a la Grece par l'epopee, a l'Italie
par l'art, a la France par la philosophie; ce peuple a eu Leonidas
sous le nom de Pelage, et Achille sous le nom de Cid; ce peuple a
commence par Viriate et a fini par Riego; il a eu Lepante, comme
les grecs ont eu Salamine; sans lui Corneille n'aurait pas cree la
tragedie et Christophe Colomb n'aurait pas decouvert l'Amerique; ce
peuple est le peuple indomptable du Fuero-Juzgo; presque aussi defendu
que la Suisse par son relief geologique, car le Mulhacen est au
mont Blanc comme 18 est a 24, il a eu son assemblee de la foret,
contemporaine du forum de Rome, meeting des bois ou le peuple regnait
deux fois par mois, a la nouvelle lune et a la pleine lune; il a eu
les cortes a Leon soixante-dix-sept ans avant que les anglais eussent
le parlement a Londres; il a eu son serment du Jeu de Paume a Medina
del Campo, sous Don Sanche; des 1133, aux cortes de Borja, il a eu le
tiers etat preponderant, et l'on a vu dans l'assemblee de cette nation
une seule ville, comme Saragosse, envoyer quinze deputes; des 1307,
sous Alphonse III, il a proclame le droit et le devoir d'insurrection;
en Aragon il a institue l'homme appele Justice, superieur a l'homme
appele Roi; il a dresse en face du trone le redoutable _sino no_; il
a refuse l'impot a Charles-Quint. Naissant, ce peuple a tenu en echec
Charlemagne, et, mourant, Napoleon. Ce peuple a eu des maladies et
subi des vermines, mais, en somme, n'a pas ete plus deshonore par les
moines que les lions par les poux. Il n'a manque a ce peuple que deux
choses, savoir se passer du pape, et savoir se passer du roi. Par la
navigation, par l'aventure, par l'industrie, par le commerce, par
l'invention appliquee au globe, par la creation des itineraires
inconnus, par l'initiative, par la colonisation universelle, il a ete
une Angleterre, avec l'isolement de moins et le soleil de plus. Il a
eu des capitaines, des docteurs, des poetes, des prophetes, des heros,
des sages. Ce peuple a l'Alhambra, comme Athenes a le Parthenon, et
a Cervantes, comme nous avons Voltaire. L'ame immense de ce peuple
a jete sur la terre tant de lumiere que pour l'etouffer il a fallu
Torquemada; sur ce flambeau, les papes ont pose la tiare, eteignoir
enorme. Le papisme et l'absolutisme se sont ligues pour venir a bout
de cette nation. Puis toute sa lumiere, ils la lui ont rendue en
flamme, et l'on a vu l'Espagne liee au bucher. Ce _quemadero_ demesure
a couvert le monde, sa fumee a ete pendant trois siecles le nuage
hideux de la civilisation, et, le supplice fini, le brulement acheve,
on a pu dire: Cette cendre, c'est ce peuple.
Aujourd'hui, de cette cendre cette nation renait. Ce qui est faux du
phenix est vrai du peuple.
Ce peuple renait. Renaitra-t-il petit? Renaitra-t-il grand? Telle est
la question.
Reprendre son rang, l'Espagne le peut. Redevenir l'egale de la France
et de l'Angleterre. Offre immense de la providence. L'occasion est
unique. L'Espagne la laissera-t-elle echapper?
Une monarchie de plus sur le continent, a quoi bon? L'Espagne sujette
d'un roi sujet des puissances, quel amoindrissement! D'ailleurs
etablir a cette heure une monarchie, c'est prendre de la peine pour
peu de temps. Le decor va changer.
Une republique en Espagne, ce serait le hola en Europe; et le hola
dit aux rois, c'est la paix; ce serait la France et la Prusse
neutralisees, la guerre entre les monarchies militaires impossible par
le seul fait de la revolution presente, la museliere mise a Sadowa
comme a Austerlitz, la perspective des tueries remplacee par la
perspective du travail et de la fecondite, Chassepot destitue au
profit de Jacquart; ce serait l'equilibre du continent brusquement
fait aux depens des fictions par ce poids dans la balance, la verite;
ce serait cette vieille puissance, l'Espagne, regeneree par cette
jeune force, le peuple; ce serait, au point de vue de la marine et
du commerce, la vie rendue a ce double littoral qui a regne sur la
Mediterranee avant Venise et sur l'Ocean avant l'Angleterre; ce serait
l'industrie fourmillant la ou croupit la misere; ce serait Cadix egale
a Southampton, Barcelone egale a Liverpool, Madrid egale a Paris. Ce
serait le Portugal, a un moment donne, faisant retour a l'Espagne, par
la seule attraction de la lumiere et de la prosperite; la liberte
est l'aimant des annexions. Une republique en Espagne, ce serait
la constatation pure et simple de la souverainete de l'homme sur
lui-meme, souverainete indiscutable, souverainete qui ne se met pas
aux voix; ce serait la production sans tarif, la consommation sans
douane, la circulation sans ligature, l'atelier sans proletariat, la
richesse sans parasitisme, la conscience sans prejuges, la parole sans
baillon, la loi sans mensonge, la force sans armee, la fraternite sans
Cain; ce serait le travail pour tous, l'instruction pour tous, la
justice pour tous, l'echafaud pour personne; ce serait l'ideal devenu
palpable, et, de meme qu'il y a l'hirondelle-guide, il y aurait la
nation-exemple. De peril point. L'Espagne citoyenne, c'est l'Espagne
forte; l'Espagne democratie, c'est l'Espagne citadelle. La republique
en Espagne, ce serait la probite administrant, la verite gouvernant,
la liberte regnant; ce serait la souveraine realite inexpugnable; la
liberte est tranquille parce qu'elle est invincible, et invincible
parce qu'elle est contagieuse. Qui l'attaque la gagne. L'armee envoyee
contre elle ricoche sur le despote. C'est pourquoi on la laisse en
paix. La republique en Espagne, ce serait, a l'horizon, l'irradiation
du vrai, promesse pour tous, menace pour le mal seulement; ce serait
ce geant, le droit, debout en Europe, derriere cette barricade, les
Pyrenees.
Si l'Espagne renait monarchie, elle est petite.
Si elle renait republique, elle est grande.
Qu'elle choisisse.
VICTOR HUGO.
Hauteville-House, 22 octobre 1868.


IV
SECONDE LETTRE A L'ESPAGNE

De plusieurs points de l'Espagne, de la Corogne, par l'organe du
comite democratique, d'Oviedo, de Seville, de Barcelone, de Saragosse,
la ville patriote, de Cadix, la ville revolutionnaire, de Madrid, par
la genereuse voix d'Emilio Castelar, un deuxieme appel m'est fait. On
m'interroge. Je reponds.
De quoi s'agit-il? De l'esclavage.
L'Espagne, qui d'une seule secousse vient de rejeter tous les
vieux opprobres, fanatisme, absolutisme, echafaud, droit divin,
gardera-t-elle de tout ce passe ce qu'il y a de plus odieux,
l'esclavage? Je dis: Non!
Abolition, et abolition immediate. Tel est le devoir.
Est-ce qu'il y a lieu d'hesiter? Est-ce que c'est possible? Quoi! ce
que l'Angleterre a fait en 1838, ce que la France a fait en 1848, en
1868 l'Espagne ne le ferait pas! Quoi! etre une nation affranchie,
et avoir sous ses pieds une race asservie et garrottee! Quoi! ce
contresens! etre chez soi la lumiere, et hors de chez soi la nuit!
etre chez soi la justice, et hors de chez soi l'iniquite! citoyen ici,
negrier la! faire une revolution qui aurait un cote de gloire et
un cote d'ignominie! Quoi! apres la royaute chassee, l'esclavage
resterait! il y aurait pres de vous un homme qui serait a vous, un
homme qui serait votre chose! vous auriez sur la tete un bonnet de
liberte pour vous et a la main une chaine pour lui! Qu'est-ce que
le fouet du planteur? c'est le sceptre du roi, naif et dedore. L'un
brise, l'autre tombe.
Une monarchie a esclaves est logique. Une republique a esclaves est
cynique. Ce qui rehausse la monarchie deshonore la republique. La
republique est une virginite.
Or, des a present, et sans attendre aucun vote, vous etes republique.
Pourquoi? parce que vous etes la grande Espagne. Vous etes republique;
l'Europe democratique en a pris acte. O espagnols! vous ne pouvez
rester fiers qu'a la condition de rester libres. Dechoir vous est
impossible. Croitre est dans la nature; se rapetisser, non.
Vous resterez libres. Or la liberte est entiere. Elle a la sombre
jalousie de sa grandeur et de sa purete. Aucun compromis. Aucune
concession. Aucune diminution. Elle exclut en haut la royaute et en
bas l'esclavage.
Avoir des esclaves, c'est meriter d'etre esclave. L'esclave au-dessous
de vous justifie le tyran au-dessus de vous.
Il y a dans l'histoire de la traite une annee hideuse, 1768. Cette
annee-la le maximum du crime fut atteint; l'Europe vola a l'Afrique
cent quatre mille noirs, qu'elle vendit a l'Amerique. Cent quatre
mille! jamais si effroyable chiffre de vente de chair humaine ne
s'etait vu. Il y a de cela juste cent ans. Eh bien! celebrez ce
centenaire par l'abolition de l'esclavage; qu'a une annee infame
une annee auguste reponde; et montrez qu'entre l'Espagne de 1768 et
l'Espagne de 1868 il y a plus qu'un siecle, il y a un abime, il y a
l'infranchissable profondeur qui separe le faux du vrai, le mal du
bien, l'injuste du juste, l'abjection de la gloire, la monarchie de
la republique, la servitude de la liberte. Precipice toujours ouvert
derriere le progres; qui recule y tombe.
Un peuple s'augmente de tous les hommes qu'il affranchit. Soyez la
grande Espagne complete. Ce qu'il vous faut, c'est Gibraltar de plus
et Cuba de moins.
Un dernier mot. Dans la profondeur du mal, despotisme et esclavage
se rencontrent et produisent le meme effet. Pas d'identite plus
saisissante. Le joug de l'esclavage est plus encore peut-etre sur le
maitre que sur l'esclave. Lequel des deux possede l'autre? question.
C'est une erreur de croire qu'on est le proprietaire de l'homme
qu'on achete ou qu'on vend; on est son prisonnier. Il vous tient. Sa
rudesse, sa grossierete, son ignorance, sa sauvagerie, vous devez les
partager; sinon, vous vous feriez horreur a vous-meme. Ce noir, vous
le croyez a vous; c'est vous qui etes a lui. Vous lui avez pris son
corps, il vous prend votre intelligence et votre honneur. Il s'etablit
entre vous et lui un mysterieux niveau. L'esclave vous chatie d'etre
son maitre. Tristes et justes represailles, d'autant plus terribles
que l'esclave, votre sombre dominateur, n'en a pas conscience. Ses
vices sont vos crimes; ses malheurs deviendront vos catastrophes. Un
esclave dans une maison, c'est une ame farouche qui est chez vous,
et qui est en vous. Elle vous penetre et vous obscurcit, lugubre
empoisonnement. Ah! l'on ne commet pas impunement ce grand crime,
l'esclavage! La fraternite meconnue devient fatalite. Si vous etes un
peuple eclatant et illustre, l'esclavage, accepte comme institution,
vous fait abominable. La couronne au front du despote, le carcan au
cou de l'esclave, c'est le meme cercle, et votre ame de peuple y est
enfermee. Toutes vos splendeurs ont cette tache, le negre. L'esclave
vous impose ses tenebres. Vous ne lui communiquez pas la civilisation,
et il vous communique la barbarie. Par l'esclave, l'Europe s'inocule
l'Afrique.
O noble peuple espagnol! c'est la, pour vous, la deuxieme liberation.
Vous vous etes delivre du despote; maintenant delivrez-vous de
l'esclave.
VICTOR HUGO.
Hauteville-House, 22 novembre 1868.


V
LES ENFANTS PAUVRES

Noel 1868.
Les deuils qui nous eprouvent n'empechent pas qu'il y ait des pauvres.
Si nous pouvions oublier ce que souffrent les autres, ce que nous
souffrons nous-memes nous en ferait souvenir; le deuil est un appel au
devoir.
La petite institution d'assistance pour l'enfance, que j'ai fondee
il y a sept ans, a Guernesey, dans ma maison, fructifie, et vous,
mesdames, qui m'ecoutez avec tant de grace, vous serez sensibles a
cette bonne nouvelle.
Ce n'est pas de ce que je fais ici qu'il est question, mais de ce qui
se fait au dehors. Ce que je fais n'est rien, et ne vaut pas la peine
d'en parler.
Cette fondation du Diner des Enfants pauvres n'a qu'une chose pour
elle, c'est d'etre une idee simple. Aussi a-t-elle ete tout de suite
comprise, surtout dans les pays de liberte, en Angleterre, en Suisse
et en Amerique; la elle est appliquee sur une grande echelle.--Je
note le fait sans y insister, mais je crois qu'il y a une certaine
affinite entre les idees simples et les pays libres.
Pour que vous jugiez du progres que fait l'idee du Diner des Enfants
pauvres, je vous citerai seulement deux ou trois chiffres. Ces
chiffres, je les prends en Angleterre, je les prends a Londres,
c'est-a-dire chez vous.
Vous avez pu lire dans les journaux la lettre que m'a adressee
l'honorable lady Thompson. Dans la seule paroisse de Marylebone, en
l'annee 1868, le nombre des enfants assistes s'est eleve de 5,000
a 7,850. Une societe d'assistance, intitulee _Childrens' Provident
Society_, vient de se fonder, Maddox street, Regent's street, au
capital de vingt mille livres sterling. Enfin, troisieme fait, vous
vous rappelez que l'an dernier, a pareil jour, je me felicitais de
lire dans les journaux anglais que l'idee de Hauteville-House avait
fructifie a Londres, au point qu'on y secourait trente mille enfants.
Eh bien, lisez aujourd'hui l'excellent journal _l'Express_ du 17
decembre, vous y constaterez une progression magnifique. En 1866, il
y avait a Londres six mille enfants secourus de la facon que j'ai
indiquee; en 1867, trente mille; en 1868, il y en a cent quinze mille.
A ces 115,000 ajoutez les 7,850 de Marylebone, societe distincte, et
vous aurez un total de 122,850 enfants secourus.
Ce que c'est qu'un grain mis dans le sillon, quand Dieu consent a le
feconder! Combien voyez-vous ici d'enfants? Quarante. C'est bien peu.
Ce n'est rien. Eh bien, chacun de ces quarante enfants en produit
au dehors trois mille, et les quarante enfants de Hauteville-House
deviennent a Londres cent vingt mille.
Je pourrais citer d'autres faits encore, je m'arrete. Je parle de moi,
mais c'est malgre moi. Dans tout ceci aucun honneur ne me revient,
et mon merite est nul. Toutes les actions de graces doivent etre
adressees a mes admirables cooperateurs d'Angleterre et d'Amerique.
Un mot pour terminer.
Je trouve l'exil bon. D'abord, il m'a fait connaitre cette ile
hospitaliere; ensuite, il m'a donne le loisir de realiser cette
idee que j'avais depuis longtemps, un essai pratique d'amelioration
immediate du sort des enfants--des pauvres enfants--au point de vue de
la double hygiene, c'est-a-dire de la sante physique et de la sante
intellectuelle. L'idee a reussi. C'est pourquoi je remercie l'exil.
Ah! je ne me lasserai jamais de le dire:--Songeons aux enfants!
La societe des hommes est toujours, plus ou moins, une societe
coupable. Dans cette faute collective que nous commettons tous, et qui
s'appelle tantot la loi, tantot les moeurs, nous ne sommes surs que
d'une innocence, l'innocence des enfants.
Eh bien, aimons-la, nourrissons-la, vetissons-la, donnons-lui du pain
et des souliers, guerissons-la, eclairons-la, venerons-la.
Quant a moi,--etes-vous curieux de savoir mon opinion politique?--je
vais vous la dire. Je suis du parti de l'innocence. Surtout du parti
de l'innocence punie--pourquoi, mon Dieu?--par la misere.
Quelles que soient les douleurs de cette vie, je ne m'en plaindrai
pas, s'il m'est donne de realiser les deux plus hautes ambitions qu'un
homme puisse avoir sur la terre. Ces deux ambitions, les voici: etre
esclave, et etre serviteur. Esclave de la conscience, et serviteur des
pauvres.


1869
_La Grece se tourne vers l'Amerique. Declaration de guerre prochaine
et de paix future. Le_ Rappel.--_Le congres de Lausanne.--Peabody
mort. Charles Hugo condamne.--Le 29 octobre a Paris. Symptomes de
l'ecroulement de l'empire. Les enfants pauvres_.


I
LA CRETE

A M. VOLOUDAKI
PRESIDENT DU GOUVERNEMENT DE LA CRETE
Monsieur,
Votre lettre eloquente m'a vivement touche. Oui, vous avez raison de
compter sur moi. Le peu que je suis et le peu que je puis appartient a
votre noble cause. La cause de la Crete est celle de la Grece, et
la cause de la Grece est celle de l'Europe. Ces enchainements-la
echappent aux rois et sont pourtant la grande logique. La diplomatie
n'est autre chose que la ruse des princes contre la logique de Dieu.
Mais, dans un temps donne, Dieu a raison.
Dieu et droit sont synonymes. Je ne suis qu'une voix, opiniatre, mais
perdue dans le tumulte triomphal des iniquites regnantes. Qu'importe?
ecoute ou non, je ne me lasserai pas. Vous me dites que la Crete me
demande ce que l'Espagne m'a demande. Helas! je ne puis que pousser un
cri. Pour la Crete, je l'ai fait deja, je le ferai encore.
Puisque vous le croyez utile, l'Europe etant sourde, je me tournerai
vers l'Amerique. Esperons de ce cote-la.
Je vous serre la main.
VICTOR HUGO.

APPEL A L'AMERIQUE
Le sombre abandon d'un peuple au viol et a l'egorgement en pleine
civilisation est une ignominie qui etonnera l'histoire. Ceux qui font
de telles taches a ce grand dix-neuvieme siecle sont responsables
devant la conscience universelle. Les presents gouvernements mettent
la rougeur au front de l'Europe.
A l'heure ou nous sommes, d'un cote il y a des massacres, de l'autre
une conversation de diplomates; d'un cote on tue, on decapite, on
mutile, on eventre des femmes, des vieillards et des enfants, qu'on
laisse pourrir dans la neige ou au soleil, de l'autre on redige des
protocoles; les depeches de chancellerie, envolees de tous les points
de l'horizon, s'abattent sur la table verte de la conference, et les
vautours sur Arcadion. Tel est le spectacle.
Trahir et livrer la Crete, c'est une mauvaise action, et c'est une
mauvaise politique.
De deux choses l'une: ou l'insurrection candiote persistera, ou elle
expirera; ou la Crete attisera et continuera son flamboiement superbe,
ou elle s'eteindra. Dans le premier cas, ce pays sera un heros; dans
le second cas, il sera un martyr. Redoutable complication future. Il
faut, tot ou tard, compter avec les heros, et plus encore avec les
martyrs. Les heros triomphent par la vie, les martyrs par la mort.
Voyez Baudin. Craignez les spectres. La Crete morte aura l'importunite
terrible du sepulcre. Ce sera un miasme de plus dans votre politique.
L'Europe aura desormais deux Polognes, l'une au nord, l'autre au midi.
L'ordre regnera dans les monts Sphakia comme il regne a Varsovie, et,
rois de l'Europe, vous aurez une prosperite entre deux cadavres.
Le continent en ce moment n'appartient pas aux nations, mais aux rois.
Disons-le nettement, pour l'instant, la Grece et la Crete n'ont plus
rien a attendre de l'Europe.
Tout espoir est-il donc perdu pour elles?
Non.
Ici la question change d'aspect. Ici se declare, incident admirable,
une phase nouvelle.
L'Europe recule, l'Amerique avance.
L'Europe refuse son role, l'Amerique le prend.
Abdication compensee par un avenement.
Une grande chose va se faire.
Cette republique d'autrefois, la Grece, sera soutenue et protegee par
la republique d'aujourd'hui, les Etats-Unis. Thrasybule appelle a son
secours Washington. Rien de plus grand.
Washington entendra et viendra. Avant peu le libre pavillon americain,
n'en doutons pas, flottera entre Gibraltar et les Dardanelles.
C'est le point du jour. L'avenir blanchit l'horizon. La fraternite des
peuples s'ebauche. Solidarite sublime.
Ceci est l'arrivee du nouveau monde dans le vieux monde. Nous saluons
cet avenement. Ce n'est pas seulement au secours de la Grece que
viendra l'Amerique, c'est au secours de l'Europe. L'Amerique sauvera
la Grece du demembrement et l'Europe de la honte.
Pour l'Amerique, c'est la sortie de la politique locale. C'est
l'entree dans la gloire.
Au dix-huitieme siecle, la France a delivre l'Amerique; au
dix-neuvieme siecle, l'Amerique va delivrer la Grece. Remboursement
magnifique.
Americains, vous etiez endettes envers nous de cette grande dette, la
liberte! Delivrez la Grece, et nous vous donnons quittance. Payer a la
Grece, c'est payer a la France.
VICTOR HUGO.
Hauteville-House, 6 fevrier 1869.


II
AUX CINQ REDACTEURS-FONDATEURS DU _RAPPEL_
[Note: Paul Meurice, Auguste Vacquerie, Henri Rochefort, Charles Hugo,
Francois Hugo.]

Chers amis,
Ayant ete investi d'un mandat, qui est suspendu, mais non termine,
je ne pourrais reparaitre, soit a la tribune, soit dans la presse
politique, que pour y reprendre ce mandat au point ou il a ete
interrompu, et pour exercer un devoir severe, et il me faudrait pour
cela la liberte comme en Amerique. Vous connaissez ma declaration a
ce sujet, et vous savez que, jusqu'a ce que l'heure soit venue, je ne
puis cooperer a aucun journal, de meme que je ne puis accepter aucune
candidature. Je dois donc demeurer etranger au _Rappel_.
Du reste, pour d'autres raisons, resultant des complications de la
double vie politique et litteraire qui m'est imposee, je n'ai
You have read 1 text from French literature.
Next - Actes et Paroles, Volume 2 - 20
  • Parts
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 01
    Total number of words is 4566
    Total number of unique words is 1735
    34.8 of words are in the 2000 most common words
    48.0 of words are in the 5000 most common words
    54.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 02
    Total number of words is 4431
    Total number of unique words is 1565
    38.0 of words are in the 2000 most common words
    50.3 of words are in the 5000 most common words
    56.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 03
    Total number of words is 4553
    Total number of unique words is 1527
    35.7 of words are in the 2000 most common words
    48.4 of words are in the 5000 most common words
    54.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 04
    Total number of words is 4594
    Total number of unique words is 1565
    34.0 of words are in the 2000 most common words
    45.2 of words are in the 5000 most common words
    51.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 05
    Total number of words is 4585
    Total number of unique words is 1546
    34.1 of words are in the 2000 most common words
    46.0 of words are in the 5000 most common words
    53.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 06
    Total number of words is 4771
    Total number of unique words is 1522
    38.4 of words are in the 2000 most common words
    51.0 of words are in the 5000 most common words
    57.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 07
    Total number of words is 4505
    Total number of unique words is 1515
    35.7 of words are in the 2000 most common words
    46.8 of words are in the 5000 most common words
    54.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 08
    Total number of words is 4534
    Total number of unique words is 1594
    33.9 of words are in the 2000 most common words
    46.7 of words are in the 5000 most common words
    53.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 09
    Total number of words is 4533
    Total number of unique words is 1594
    34.1 of words are in the 2000 most common words
    47.2 of words are in the 5000 most common words
    53.1 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 10
    Total number of words is 4477
    Total number of unique words is 1554
    37.0 of words are in the 2000 most common words
    48.9 of words are in the 5000 most common words
    54.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 11
    Total number of words is 4490
    Total number of unique words is 1585
    35.5 of words are in the 2000 most common words
    46.9 of words are in the 5000 most common words
    54.0 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 12
    Total number of words is 4604
    Total number of unique words is 1555
    37.1 of words are in the 2000 most common words
    49.9 of words are in the 5000 most common words
    56.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 13
    Total number of words is 4538
    Total number of unique words is 1564
    38.3 of words are in the 2000 most common words
    49.9 of words are in the 5000 most common words
    56.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 14
    Total number of words is 4639
    Total number of unique words is 1598
    35.0 of words are in the 2000 most common words
    47.6 of words are in the 5000 most common words
    53.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 15
    Total number of words is 4483
    Total number of unique words is 1601
    37.4 of words are in the 2000 most common words
    49.0 of words are in the 5000 most common words
    55.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 16
    Total number of words is 4477
    Total number of unique words is 1493
    37.4 of words are in the 2000 most common words
    48.9 of words are in the 5000 most common words
    55.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 17
    Total number of words is 4422
    Total number of unique words is 1535
    34.9 of words are in the 2000 most common words
    47.6 of words are in the 5000 most common words
    54.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 18
    Total number of words is 4374
    Total number of unique words is 1700
    35.5 of words are in the 2000 most common words
    49.9 of words are in the 5000 most common words
    57.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 19
    Total number of words is 4543
    Total number of unique words is 1520
    37.3 of words are in the 2000 most common words
    49.3 of words are in the 5000 most common words
    55.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 20
    Total number of words is 4453
    Total number of unique words is 1497
    37.6 of words are in the 2000 most common words
    48.9 of words are in the 5000 most common words
    54.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 21
    Total number of words is 4537
    Total number of unique words is 1565
    36.5 of words are in the 2000 most common words
    49.1 of words are in the 5000 most common words
    56.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 22
    Total number of words is 4594
    Total number of unique words is 1605
    36.9 of words are in the 2000 most common words
    50.6 of words are in the 5000 most common words
    57.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 23
    Total number of words is 4470
    Total number of unique words is 1513
    36.4 of words are in the 2000 most common words
    50.4 of words are in the 5000 most common words
    56.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 24
    Total number of words is 4482
    Total number of unique words is 1520
    38.2 of words are in the 2000 most common words
    49.7 of words are in the 5000 most common words
    57.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 25
    Total number of words is 4459
    Total number of unique words is 1550
    39.3 of words are in the 2000 most common words
    51.1 of words are in the 5000 most common words
    57.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 26
    Total number of words is 205
    Total number of unique words is 109
    37.5 of words are in the 2000 most common words
    52.1 of words are in the 5000 most common words
    55.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.