Actes et Paroles, Volume 2 - 01

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OEUVRES COMPLETES DE VICTOR HUGO

ACTES ET PAROLES II

PENDANT L'EXIL 1852-1870


CE QUE C'EST QUE L'EXIL


I

Le droit incarne, c'est le citoyen; le droit couronne, c'est le
legislateur. Les republiques anciennes se representaient le droit
assis dans la chaise curule, ayant en main ce sceptre, la loi, et vetu
de cette pourpre, l'autorite. Cette figure etait vraie, et l'ideal
n'est pas autre aujourd'hui. Toute societe reguliere doit avoir a
son sommet le droit sacre et arme, sacre par la justice, arme de la
liberte.
Dans ce qui vient d'etre dit, le mot force n'a pas ete prononce. La
force existe pourtant; mais elle n'existe pas hors du droit; elle
existe dans le droit.
Qui dit droit dit force.
Qu'y a-t-il donc hors du droit?
La violence.
Il n'y a qu'une necessite, la verite; c'est pourquoi il n'y a qu'une
force, le droit. Le succes en dehors de la verite et du droit est une
apparence. La courte vue des tyrans s'y trompe; un guet-apens reussi
leur fait l'effet d'une victoire, mais cette victoire est pleine de
cendre; le criminel croit que son crime est son complice; erreur; son
crime est son punisseur; toujours l'assassin se coupe a son couteau;
toujours la trahison trahit le traitre; les delinquants, sans qu'ils
s'en doutent, sont tenus au collet par leur forfait, spectre invisible;
jamais une mauvaise action ne vous lache; et fatalement, par un
itineraire inexorable, aboutissant aux cloaques de sang pour la
gloire et aux abimes de boue pour la honte, sans remission pour les
coupables, les Dix-huit Brumaire conduisent les grands a Waterloo et
les Deux-Decembre trainent les petits a Sedan.
Quand ils depouillent et decouronnent le droit, les hommes de violence
et les traitres d'etat ne savent ce qu'ils font.


II

L'exil, c'est la nudite du droit. Rien de plus terrible. Pour qui?
Pour celui qui subit l'exil? Non, pour celui qui l'inflige. Le
supplice se retourne et mord le bourreau.
Un reveur qui se promene seul sur une greve, un desert autour d'un
songeur, une tete vieillie et tranquille autour de laquelle tournent
des oiseaux de tempete, etonnes, l'assiduite d'un philosophe au lever
rassurant du matin, Dieu pris a temoin de temps en temps en presence
des rochers et des arbres, un roseau qui non seulement pense, mais
medite, des cheveux qui de noirs deviennent gris et de gris deviennent
blancs dans la solitude, un homme qui se sent de plus en plus devenir
une ombre, le long passage des annees sur celui qui est absent, mais
qui n'est pas mort, la gravite de ce desherite, la nostalgie de cet
innocent, rien de plus redoutable pour les malfaiteurs couronnes.
Quoi que fassent les tout-puissants momentanes, l'eternel fond
leur resiste. Ils n'ont que la surface de la certitude, le dessous
appartient aux penseurs. Vous exilez un homme. Soit. Et apres? Vous
pouvez arracher un arbre de ses racines, vous n'arracherez pas le jour
du ciel. Demain, l'aurore.
Pourtant, rendons cette justice aux proscripteurs; ils sont logiques,
parfaits, abominables. Ils font tout ce qu'ils peuvent pour aneantir
le proscrit.
Parviennent-ils a leur but? reussissent-ils? sans doute.
Un homme tellement ruine qu'il n'a plus que son honneur, tellement
depouille qu'il n'a plus que sa conscience, tellement isole qu'il n'a
plus pres de lui que l'equite, tellement renie qu'il n'a plus avec lui
que la verite, tellement jete aux tenebres qu'il ne lui reste plus que
le soleil, voila ce que c'est qu'un proscrit.


III

L'exil n'est pas une chose materielle, c'est une chose morale. Tous
les coins de terre se valent. _Angulus ridet_. Tout lieu de reverie
est bon, pourvu que le coin soit obscur et que l'horizon soit vaste.
En particulier l'archipel de la Manche est attrayant; il n'a pas de
peine a ressembler a la patrie, etant la France. Jersey et Guernesey
sont des morceaux de la Gaule, cassee au huitieme siecle par la mer.
Jersey a eu plus de coquetterie que Guernesey; elle y a gagne d'etre
plus jolie et moins belle. A Jersey la foret s'est faite jardin; a
Guernesey le rocher est reste colosse. Plus de grace ici, plus de
majeste la. A Jersey on est en Normandie, a Guernesey on est en
Bretagne. Un bouquet grand comme la ville de Londres, c'est Jersey.
Tout y est parfum, rayon, sourire; ce qui n'empeche pas les visites de
la tempete. Celui qui ecrit ces pages a quelque part qualifie Jersey
"une idylle en pleine mer". Aux temps paiens, Jersey a ete plus
romaine et Guernesey plus celtique; on sent a Jersey Jupiter et a
Guernesey Teutates. A Guernesey, la ferocite a disparu, mais la
sauvagerie est restee. A Guernesey, ce qui fut jadis druidique est
maintenant huguenot; ce n'est plus Moloch, mais c'est Calvin; l'eglise
est froide, le paysage est prude, la religion a de l'humeur. Somme
toute, deux iles charmantes; l'une aimable, l'autre reveche.
Un jour la reine d'Angleterre, plus que la reine d'Angleterre, la
duchesse de Normandie, venerable et sacree six jours sur sept, fit une
visite, avec salves, fumee, vacarme et ceremonie, a Guernesey. C'etait
un dimanche, le seul jour de la semaine qui ne fut pas a elle.
La reine, devenue brusquement "cette femme", violait le repos du
Seigneur. Elle descendit sur le quai au milieu de la foule muette.
Pas un front ne se decouvrit. Un seul homme la salua, le proscrit qui
parle ici.
Il ne saluait pas une reine; mais une femme.
L'ile devote fut bourrue. Ce puritanisme a sa grandeur.
Guernesey est faite pour ne laisser au proscrit que de bons souvenirs;
mais l'exil existe en dehors du lieu d'exil. Au point de vue
interieur, on peut dire: il n'y a pas de bel exil.
L'exil est le pays severe; la tout est renverse, inhabitable, demoli
et gisant, hors le devoir, seul debout, qui, comme un clocher d'eglise
dans une ville ecroulee, parait plus haut de toute cette chute autour
de lui.
L'exil est un lieu de chatiment.
De qui?
Du tyran.
Mais le tyran se defend.


IV

Attendez-vous a tout, vous qui etes proscrit. On vous jette au loin,
mais on ne vous lache pas. Le proscripteur est curieux et son regard
se multiplie sur vous. Il vous fait des visites ingenieuses et
variees. Un respectable pasteur protestant s'assied a votre foyer, ce
protestantisme emarge a la caisse Tronsin-Dumersan; un prince etranger
qui baragouine se presente, c'est Vidocq qui vient vous voir; est-ce
un vrai prince? oui; il est de sang royal, et aussi de la police;
un professeur gravement doctrinaire s'introduit chez vous, vous le
surprenez lisant vos papiers. Tout est permis contre vous; vous etes
hors la loi, c'est-a-dire hors l'equite, hors la raison, hors le
respect, hors la vraisemblance; on se dira autorise par vous a publier
vos conversations, et l'on aura soin qu'elles soient stupides; on vous
attribuera des paroles que vous n'avez pas dites, des lettres que vous
n'avez pas ecrites, des actions que vous n'avez pas faites. On vous
approche pour mieux choisir la place ou l'on vous poignardera; l'exil
est a claire-voie; on y regarde comme dans une fosse aux betes; vous
etes isole, et guette.
N'ecrivez pas a vos amis de France; il est permis d'ouvrir vos
lettres; la cour de cassation y consent; defiez-vous de vos relations
de proscrit, elles aboutissent a des choses obscures; cet homme qui
vous sourit a Jersey vous dechire a Paris; celui-ci qui vous salue
sous son nom vous insulte sous un pseudonyme; celui-la, a Jersey meme,
ecrit contre les hommes de l'exil des pages dignes d'etre offertes
aux hommes de l'empire, et auxquelles du reste il rend justice en les
dediant aux banquiers Pereire. Tout cela est tout simple, sachez-le.
Vous etes au lazaret. Si quelqu'un d'honnete vient vous voir, malheur
a lui. La frontiere l'attend, et l'empereur est la sous sa forme
gendarme. On mettra des femmes nues pour chercher sur elles un livre
de vous, et si elles resistent, si elles s'indignent, on leur dira:
_ce n'est pas pour votre peau_!
Le maitre, qui est le traitre, vous entoure de qui bon lui semble; le
prescripteur dispose de la qualite de proscrit; il en orne ses agents;
aucune securite; prenez garde a vous; vous parlez a un visage, c'est
un masque qui entend; votre exil est hante par ce spectre, l'espion.
Un inconnu, tres mysterieux, vient vous parler bas a l'oreille;
il vous declare que, si vous le voulez, il se charge d'assassiner
l'empereur; c'est Bonaparte qui vous offre de tuer Bonaparte. A vos
banquets de fraternite, quelqu'un dans un coin criera: _Vive Marat!
vive Hebert! vive la guillotine_! Avec un peu d'attention vous
reconnaitrez la voix de Carlier. Quelquefois l'espion mendie;
l'empereur vous demande l'aumone par son Pietri; vous donnez, il rit;
gaite de bourreau. Vous payez les dettes d'auberge de cet exile, c'est
un agent; vous payez le voyage de ce fugitif, c'est un sbire; vous
passez la rue, vous entendez dire: _Voila le vrai tyran!_ C'est de
vous qu'on parle; vous vous retournez; qui est cet homme? on vous
repond: c'est un proscrit. Point. C'est un fonctionnaire. Il est
farouche et paye. C'est un republicain signe _Maupas_. Coco se deguise
en Scaevola.
Quant aux inventions, quant aux impostures, quant aux turpitudes,
acceptez-les. Ce sont les projectiles de l'empire.
Surtout ne reclamez pas. On rirait. Apres la reclamation, l'injure
recommencera, la meme, sans meme prendre la peine de varier; a quoi
bon changer de bave? celle d'hier est bonne.
L'outrage continuera, sans relache, tous les jours, avec la
tranquillite infatigable et la conscience satisfaite de la roue qui
tourne et de la venalite qui ment. De represailles point; l'injure se
defend par sa bassesse; la platitude sauve l'insecte. L'ecrasement de
zero est impossible. Et la calomnie, sure de l'impunite, s'en donne a
coeur joie; elle descend a de si niaises indignites que l'abaissement
de la dementir depasse le degout de l'endurer.
Les insulteurs ont pour public les imbeciles. Cela fait un gros rire.
On en vient a s'etonner que vous ne trouviez pas tout naturel d'etre
calomnie. Est-ce que vous n'etes pas la pour cela? O homme naif, vous
etes cible. Tel personnage est de l'academie pour vous avoir insulte;
tel autre a la croix pour le meme acte de bravoure, l'empereur l'a
decore sur le champ d'honneur de la calomnie; tel autre, qui s'est
distingue aussi par des affronts d'eclat, est nomme prefet. Vous
outrager est lucratif. Il faut bien que les gens vivent. Dame!
pourquoi etes-vous exile?
Soyez raisonnable. Vous etes dans votre tort. Qui vous forcait de
trouver mauvais le coup d'etat? Quelle idee avez-vous eue de combattre
pour le droit? Quel caprice vous a passe par la tete de vous revolter
du cote de la loi? Est-ce qu'on prend la defense du droit et de la loi
quand ils n'ont plus personne pour eux? Voila bien les demagogues!
s'enteter, perseverer, persister, c'est absurde. Un homme poignarde le
droit et assassine la loi. Il est probable qu'il a ses raisons. Soyez
avec cet homme. Le succes le fait juste. Soyez avec le succes puisque
le succes devient le droit. Tout le monde vous en saura gre. Nous
ferons votre eloge. Au lieu d'etre proscrit vous serez senateur, et
vous n'aurez pas la figure d'un idiot.
Osez-vous douter du bon droit de cet homme? mais vous voyez bien
qu'il a reussi! Vous voyez bien que les juges qui l'avaient mis en
accusation lui pretent serment! Vous voyez bien que les pretres, les
soldats, les eveques, les generaux, sont avec lui! Vous croyez avoir
plus de vertu que tout cela! vous voulez tenir tete a tout cela!
Allons donc! D'un cote tout ce qui est respecte, tout ce qui est
respectable, tout ce qui est venere, tout ce qui est venerable, de
l'autre, vous! C'est inepte; et nous vous bafouons, et nous faisons
bien. Mentir contre une brute est permis. Tous les honnetes gens sont
contre vous; et nous, les calomniateurs, nous sommes avec les honnetes
gens. Voyons, reflechissez, rentrez en vous-meme. Il fallait bien
sauver la societe. De qui? de vous. De quoi ne la menaciez-vous pas?
Plus de guerre, plus d'echafaud, l'abolition de la peine de mort,
l'enseignement gratuit et obligatoire, tout le monde sachant lire!
C'etait affreux. Et que d'utopies abominables! la femme de mineure
faite majeure, cette moitie du genre humain admise au suffrage
universel, le mariage libere par le divorce; l'enfant pauvre instruit
comme l'enfant riche, l'egalite resultant de l'education; l'impot
diminue d'abord et supprime enfin par la destruction des parasitismes,
par la mise en location des edifices nationaux, par l'egout
transforme en engrais, par la repartition des biens communaux, par
le defrichement des jacheres, par l'exploitation de la plus-value
sociale; la vie a bon marche, par l'empoissonnement des fleuves; plus
de classes, plus de frontieres, plus de ligatures, la republique
d'Europe, l'unite monetaire continentale, la circulation decuplee
decuplant la richesse; que de folies! il fallait bien se garer de tout
cela! Quoi! la paix serait faite parmi les hommes, il n'y aurait plus
d'armee, il n'y aurait plus de service militaire! Quoi! la France
serait cultivee de facon a pouvoir nourrir deux cent cinquante
millions d'hommes; il n'y aurait plus d'impot, la France vivrait de
ses rentes! Quoi! la femme voterait, l'enfant aurait un droit devant
le pere, la mere de famille ne serait plus une sujette et une
servante, le mari n'aurait plus le droit de tuer sa femme! Quoi!
le pretre ne serait plus le maitre! Quoi! il n'y aurait plus de
batailles, il n'y aurait plus de soldats, il n'y aurait plus de
bourreaux, il n'y aurait plus de potences et de guillotines! mais
c'est epouvantable! il fallait nous sauver. Le president l'a fait;
vive l'empereur!--Vous lui resistez; nous vous dechirons; nous
ecrivons sur vous des choses quelconques. Nous savons bien que ce que
nous disons n'est pas vrai, mais nous protegeons la societe, et la
calomnie qui protege la societe est d'utilite publique. Puisque la
magistrature est avec le coup d'etat, la justice y est aussi; puisque
le clerge est avec le coup d'etat, la religion y est aussi; la
religion et la justice sont des figures immaculees et saintes; la
calomnie qui leur est utile participe de l'honneur qu'on leur
doit; c'est une fille publique, soit, mais elle sert des vierges.
Respectez-la.
Ainsi raisonnent les insulteurs.
Ce que le proscrit a de mieux a faire, c'est de penser a autre chose.


V

Puisqu'il est au bord de la mer, qu'il en profite. Que cette mobilite
sous l'infini lui donne la sagesse. Qu'il medite sur l'emeute
eternelle des flots contre le rivage et des impostures contre la
verite. Les diatribes sont vainement convulsives. Qu'il regarde la
vague cracher sur le rocher, et qu'il se demande ce que cette salive y
gagne et ce que ce granit y perd.
Non, pas de revolte contre l'injure, pas de depense d'emotion, pas de
represailles, ayez une tranquillite severe. La roche ruisselle, mais
ne bouge pas. Parfois elle brille du ruissellement. La calomnie finit
par etre un lustre. A un ruban d'argent sur la rose, on reconnait que
la chenille a passe.
Le crachat au front du Christ, quoi de plus beau!
Un pretre, un certain Segur, a appele Garibaldi poltron. Et, en verve
de metaphore, il ajoute: _Comme la lune_.--Garibaldi poltron comme
la lune! Ceci plait a la pensee. Et il en decoule des consequences.
Achille est lache, donc Thersite est brave; Voltaire est stupide, donc
Segur est profond.
Que le proscrit fasse son devoir, et qu'il laisse la diatribe faire sa
besogne.
Que le proscrit traque, trahi, hue, aboye, mordu, se taise.
C'est grand le silence.
Aussi bien vouloir eteindre l'injure, c'est l'attiser. Tout ce que
l'on jette a la calomnie lui est combustible. Elle emploie a son
metier sa propre honte. La contredire, c'est la satisfaire. Au fond,
la calomnie estime profondement le calomnie. C'est elle qui souffre;
elle meurt du dedain. Elle aspire a l'honneur d'un dementi. Ne le lui
accordez pas. Etre souffletee lui prouverait qu'on l'apercoit. Elle
montrerait sa joue toute chaude en disant: Donc j'existe!


VI

D'ailleurs, pourquoi et de quoi les proscrits se plaindraient-ils?
Regardez toute l'histoire. Les grands hommes sont encore plus insultes
qu'eux.
L'outrage est une vieille habitude humaine; jeter des pierres plait
aux mains faineantes; malheur a tout ce qui depasse le niveau; les
sommets ont la propriete de faire venir d'en haut la foudre et d'en
bas la lapidation. C'est presque leur faute; pourquoi sont-ils des
sommets? Ils attirent le regard et l'affront. Ce passant, l'envieux,
n'est jamais absent de la rue et a pour fonction la haine; et toujours
on le rencontre, petit et furieux, dans l'ombre des hauts edifices.
Les specialistes auraient des etudes a faire dans la recherche des
causes d'insomnie des grands hommes. Homere dort, _bonus dormitat_;
ce sommeil est pique par Zoile. Eschyle sent sur sa peau la cuisson
d'Eupolis et de Cratinus; ces infiniment petits abondent; Virgile a
sur lui Moevius; Horace, Licilius; Juvenal, Codrus; Dante a Cecchi;
Shakespeare a Green; Rotrou a Scuderi, et Corneille a l'academie;
Moliere a Donneau de Vise, Montesquieu a Desfontaines, Buffon a
Labeaumelle, Jean-Jacques a Palissot, Diderot a Nonotte, Voltaire a
Freron. La gloire, lit dore ou il y a des punaises.
L'exil n'est pas la gloire, mais il a avec la gloire cette
ressemblance, la vermine. L'adversite n'est pas une chose qu'on laisse
tranquille. Voir le sommeil du juste banni deplait aux ramasseurs de
miettes sous les tables de Neron ou de Tibere. Comment, il dort! il
est donc heureux! mordons-le!
Un homme terrasse, gisant, balaye dehors (ce qui est tout simple;
quand Vitellius est l'idole, Juvenal est l'ordure), un expulse, un
desherite, un vaincu, on est jaloux de cela. Chose bizarre, les
proscrits ont des envieux. Cela se comprendrait des hautes vertus
enviant les hautes infortunes, de Caton enviant Regulus, de Thraseas
enviant Brutus, de Rabbe enviant Barbes. Mais point. Ce sont les vils
qui se melent d'etre jaloux des altiers; ce qui est importune par la
fiere protestation du vaincu, c'est la nullite plate et vaine. Gustave
Planche jalouse Louis Blanc, Baculard jalouse Milton, et Jocrisse
jalouse Eschyle.
L'insulteur antique ne suivait que le char du vainqueur, l'insulteur
actuel suit la claie du vaincu. Le vaincu saigne. Les insulteurs
ajoutent leur boue a ce sang. Soit. Qu'ils aient cette joie.
Cette joie parait d'autant plus reelle qu'elle n'est point haie
du maitre et qu'elle est habituellement payee. Les fonds secrets
s'epanouissent en outrages publics. Les despotes, dans leur guerre aux
proscrits, ont deux auxiliaires; premierement, l'envie, deuxiemement,
la corruption.
Quand on dit ce que c'est que l'exil, il faut entrer un peu dans le
detail. L'indication de certains rongeurs speciaux fait partie du
sujet, et nous avons du penetrer dans cette entomologie.


VII

Tels sont les petits cotes de l'exil, voici les grands:
Songer, penser, souffrir.
Etre seul et sentir qu'on est avec tous; execrer le succes du mal,
mais plaindre le bonheur du mechant; s'affermir comme citoyen et se
purifier comme philosophe; etre pauvre, et reparer sa ruine avec son
travail; mediter et premediter, mediter le bien et premediter le
mieux; n'avoir d'autre colere que la colere publique, ignorer la haine
personnelle; respirer le vaste air vivant des solitudes, s'absorber
dans la grande reverie absolue; regarder ce qui est en haut sans
perdre de vue ce qui est en bas; ne jamais pousser la contemplation
de l'ideal jusqu'a l'oubli du tyran; constater en soi le magnifique
melange de l'indignation qui s'accroit et de l'apaisement qui
augmente; avoir deux ames, son ame et la patrie.
Une chose est douce, c'est la pitie d'avance; tenir la clemence prete
pour le coupable quand il sera terrasse et agenouille; se dire qu'on
ne repoussera jamais des mains jointes. On sent une joie auguste a
faire aux vaincus de l'avenir, quels qu'ils soient, et aux fugitifs
inconnus une promesse d'hospitalite. La colere desarme devant l'ennemi
accable. Celui qui ecrit ces lignes a habitue ses compagnons d'exil
a lui entendre dire:--_Si jamais, le lendemain d'une revolution,
Bonaparte en fuite frappe a ma porte et me demande asile, pas un
cheveu ne tombera de sa tete_.
Ces meditations, compliquees de tous les dechainements de l'adversite,
plaisent a la conscience du proscrit. Elles ne l'empechent pas de
faire son devoir. Loin de la. Elles l'y encouragent. Sois d'autant
plus severe aujourd'hui que tu seras plus compatissant demain;
foudroie le puissant en attendant que tu secoures le suppliant. Plus
tard, tu ne mettras a ton amnistie qu'une condition, le repentir.
Aujourd'hui tu as affaire au crime heureux. Frappe.
Creuser le precipice a l'ennemi vainqueur, preparer l'asile a l'ennemi
vaincu, combattre avec l'espoir de pouvoir pardonner, c'est la le
grand effort et le grand reve de l'exil. Ajoutez a cela le devouement
a la souffrance universelle. Le proscrit a ce contentement magnanime
de ne pas etre inutile. Blesse lui-meme, saignant lui-meme, il
s'oublie, et il panse de son mieux la plaie humaine. On croit qu'il
fait des songes; non; il cherche la realite. Disons plus, il la
trouve. Il rode dans le desert et il songe aux villes, aux tumultes,
aux fourmillements, aux miseres, a tout ce qui travaille, a la pensee,
a la charrue, a l'aiguille, aux doigts rouges de l'ouvriere sans feu
dans la mansarde, au mal qui pousse la ou l'on ne seme pas le bien,
au chomage du pere, a l'ignorance de l'enfant, a la croissance des
mauvaises herbes dans les cerveaux laisses incultes, aux rues le soir,
aux pales reverberes, aux offres que la faim peut faire aux passants,
aux extremites sociales, a la triste fille qui se prostitue, hommes,
par notre faute. Sondages douloureux et utiles. Couvez le probleme, la
solution eclora. Il reve sans relache. Ses pas le long de la mer ne
sont point perdus. Il fraternise avec cette puissance, l'abime. Il
regarde l'infini, il ecoute l'ignore. La grande voix sombre lui parle.
Toute la nature en foule s'offre a ce solitaire. Les analogies severes
l'enseignent et le conseillent. Fatal, persecute, pensif, il a devant
lui les nuees, les souffles, les aigles; il constate que sa destinee
est tonnante et noire comme les nuees, que ses persecuteurs sont vains
comme les souffles, et que son ame est libre comme les aigles.
Un exile est un bienveillant. Il aime les roses, les nids, le
va-et-vient des papillons. L'ete il s'epanouit dans la douce joie des
etres; il a une foi inebranlable dans la bonte secrete et infinie,
etant pueril au point de croire en Dieu; il fait du printemps sa
maison; les entrelacements des branches, pleins de charmants antres
verts, sont la demeure de son esprit; il vit en avril, il habite
floreal; il regarde les jardins et les prairies, emotion profonde; il
guette les mysteres d'une touffe de gazon; il etudie ces republiques,
les fourmis et les abeilles; il compare les melodies diverses joutant
pour l'oreille d'un Virgile invisible dans la georgique des bois; il
est souvent attendri jusqu'aux larmes parce que la nature est belle;
la sauvagerie des halliers l'attire, et il en sort doucement effare;
les attitudes des rochers l'occupent; il voit a travers sa reverie les
petites filles de trois ans courir sur la greve, leurs pieds nus dans
la mer, leurs jupes retroussees a deux bras, montrant a la fecondite
immense leur ventre innocent; l'hiver, il emiette du pain sur la neige
pour les oiseaux. De temps en temps on lui ecrit: Vous savez, telle
penalite est abolie; vous savez, telle tete ne sera pas coupee. Et il
leve les mains au ciel.


VIII

Contre cet homme dangereux les gouvernements se pretent main-forte.
Ils s'accordent reciproquement entre eux la persecution des proscrits,
les internements, les expulsions, quelquefois les extraditions. Les
extraditions! oui, les extraditions. Il en fut question a Jersey,
en 1855. Les exiles purent voir, le 18 octobre, amarre au quai de
Saint-Helier, un navire de la marine imperiale, l'_Ariel_, qui venait
les chercher; Victoria offrait les proscrits a Napoleon; d'un trone a
l'autre on se fait de ces politesses.
Le cadeau n'eut pas lieu. La presse royaliste anglaise applaudissait;
mais le peuple de Londres le prenait mal. Il se mit a gronder. Ce
peuple est ainsi fait; son gouvernement peut etre caniche, lui il
est dogue. Le dogue, c'est un lion dans un chien; la majeste dans la
probite, c'est le peuple anglais.
Ce bon et fier peuple montra les dents; Palmerston et Bonaparte durent
se contenter de l'expulsion. Les proscrits s'emurent mediocrement.
Ils recurent avec un sourire la signification officielle, un peu
baragouinee. Soit, dirent les proscrits. _Expioulcheune_. Cette
prononciation les satisfit.
A cette epoque, si les gouvernements etaient de connivence avec le
prescripteur, on sentait entre les proscrits et les peuples une
complicite superbe. Cette solidarite, d'ou resultera l'avenir, se
manifestait sous toutes les formes, et l'on en trouvera les marques a
chacune des pages de ce livre. Elle eclatait a l'occasion d'un passant
quelconque, d'un homme isole, d'un voyageur reconnu sur une route;
faits imperceptibles sans doute, et de peu d'importance, mais
significatifs. En voici un qui merite peut-etre qu'on s'en souvienne.


IX

En l'ete de 1867, Louis Bonaparte avait atteint le maximum de gloire
possible a un crime. Il etait sur le sommet de sa montagne, car on
arrive en haut de la honte; rien ne lui faisait plus obstacle; il
etait infame et supreme; pas de victoire plus complete, car il
semblait avoir vaincu les consciences. Majestes et altesses, tout
etait a ses pieds ou dans ses bras; Windsor, le Kremlin, Schoenbrunn
et Potsdam se donnaient rendez-vous aux Tuileries; on avait tout, la
gloire politique, M. Rouher; la gloire militaire, M. Bazaine; et
la gloire litteraire, M. Nisard; on etait accepte par de grands
caracteres, tels que MM. Vieillard et Merimee; le Deux-Decembre avait
pour lui la duree, les quinze annees de Tacite, _grande mortalis
oevi spatium_; l'empire etait en plein triomphe et en plein midi,
s'etalant. On se moquait d'Homere sur les theatres et de Shakespeare
a l'academie. Les professeurs d'histoire affirmaient que Leonidas et
Guillaume Tell n'avaient jamais existe; tout etait en harmonie; rien
ne detonnait, et il y avait accord entre la platitude des idees et
la soumission des hommes; la bassesse des doctrines etait egale a
la fierte des personnages; l'avilissement faisait loi; une sorte
d'Anglo-France existait, mi-partie de Bonaparte et de Victoria,
composee de liberte selon Palmerston et d'empire selon Troplong; plus
qu'une alliance, presque un baiser. Le grand juge d'Angleterre rendait
des arrets de complaisance; le gouvernement britannique se declarait
le serviteur du gouvernement imperial, et, comme on vient de le voir,
lui prouvait sa subordination par des expulsions, des proces, des
menaces d'alien-bill, et de petites persecutions, format anglais.
Cette Anglo-France proscrivait la France et humiliait l'Angleterre,
mais elle regnait; la France esclave, l'Angleterre domestique, telle
etait la situation. Quant a l'avenir, il etait masque. Mais le present
etait de l'opprobre a visage decouvert, et, de l'aveu de tous, c'etait
magnifique. A Paris, l'exposition universelle resplendissait et
eblouissait l'Europe; il y avait la des merveilles; entre autres, sur
un piedestal, le canon Krupp, et l'empereur des francais felicitait le
roi de Prusse.
C'etait le grand moment prospere.
Jamais les proscrits n'avaient ete plus mal vus. Dans certains
journaux anglais, on les appelait "les rebelles".
Dans ce meme ete, un jour du mois de juillet, un passager faisait la
traversee de Guernesey a Southampton. Ce passager etait un de ces
"rebelles" dont on vient de parler. Il etait representant du peuple en
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