Actes et Paroles, Volume 2 - 14

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tromper? Pas plus que la felonie quand elle s'appelle raison d'etat.
Pas plus que le fratricide quand il met des epaulettes et qu'il
s'appelle la guerre. De Maistre a beau farder Dracon; la rhetorique
sanglante perd sa peine, elle ne parvient pas a deguiser la difformite
du fait qu'elle couvre; les sophistes sont des habilleurs inutiles;
l'injuste reste injuste, l'horrible reste horrible. Il y a des mots
qui sont des masques; mais a travers leurs trous on apercoit la sombre
lueur du mal.
Quand donc la loi s'ajustera-t-elle au droit? quand donc la justice
humaine prendra-t-elle mesure sur la justice divine? quand donc ceux
qui lisent la bible comprendront-ils la vie sauve de Cain? quand donc
ceux qui lisent l'evangile comprendront-ils le gibet du Christ? quand
donc pretera-t-on l'oreille a la grande voix vivante qui, du fond de
l'inconnu, crie a travers nos tenebres: Ne tue point! quand donc ceux
qui sont en bas, juge, pretre, peuple, roi, s'apercevront-ils qu'il
y a quelqu'un au-dessus d'eux? Republiques a esclaves, monarchies a
soldats, societes a bourreaux; partout la force, nulle part le
droit. O les tristes maitres du monde! chenilles d'infirmites, boas
d'orgueil.
Une occasion se presente ou le progres peut faire un pas. Geneve va
deliberer sur la peine de mort. De la votre lettre, monsieur. Vous me
demandez d'intervenir, de prendre part a la discussion, de dire un
mot. Je crains que vous ne vous abusiez sur l'efficacite d'une chetive
parole isolee comme la mienne. Que suis-je? Que puis-je? Voila bien
des annees deja,--cela date de 1828,--que je lutte avec les faibles
forces d'un homme contre cette chose colossale, contradictoire et
monstrueuse, la peine de mort, composee d'assez de justice pour
satisfaire la foule et d'assez d'iniquite pour epouvanter le penseur.
D'autres ont fait plus et mieux que moi. La peine de mort a cede un
peu de terrain; voila tout. Elle s'est sentie honteuse dans Paris, en
presence de toute cette lumiere. La guillotine a perdu son assurance,
sans abdiquer pourtant; chassee de la Greve, elle a reparu barriere
Saint-Jacques; chassee de la barriere Saint-Jacques, elle a reparu a
la Roquette. Elle recule, mais elle reste.
Puisque vous reclamez mon concours, monsieur, je vous le dois. Mais ne
vous faites pas illusion sur le peu de part que j'aurai au succes si
vous reussissez. Depuis trente-cinq ans, je le repete, j'essaye de
faire obstacle au meurtre en place publique. J'ai denonce sans relache
cette voie de fait de la loi d'en bas sur la loi d'en haut. J'ai
pousse a la revolte la conscience universelle; j'ai attaque cette
exaction par la logique, et par la pitie, cette logique supreme; j'ai
combattu, dans l'ensemble et dans le detail, la penalite demesuree
et aveugle qui tue; tantot traitant la these generale, tachant
d'atteindre et de blesser le fait dans son principe meme, et
m'efforcant de renverser, une fois pour toutes, non un echafaud, mais
l'echafaud; tantot me bornant a un cas particulier, et ayant pour but
de sauver tout simplement la vie d'un homme. J'ai quelquefois reussi,
plus souvent echoue. Beaucoup de nobles esprits se sont devoues a la
meme tache; et, il y a dix mois a peine, la genereuse presse belge,
me venant energiquement en aide lors de mon intervention pour les
condamnes de Charleroi, est parvenue a sauver sept tetes sur neuf.
Les ecrivains du dix-huitieme siecle ont detruit la torture; les
ecrivains du dix-neuvieme, je n'en doute pas, detruiront la peine de
mort. Ils ont deja fait supprimer en France le poing coupe et le
fer rouge; ils ont fait abroger la mort civile; et ils ont suggere
l'admirable expedient provisoire des circonstances attenuantes.
--"C'est a d'execrables livres comme _le Dernier jour d'un Condamne_,
disait le depute Salverte, qu'on doit la detestable introduction des
circonstances attenuantes." Les circonstances attenuantes, en effet,
c'est le commencement de l'abolition. Les circonstances attenuantes
dans la loi, c'est le coin dans le chene. Saisissons le marteau divin,
frappons sur le coin sans relache, frappons a grands coups de verite,
et nous ferons eclater le billot.
Lentement, j'en conviens. Il faudra du temps, certes. Pourtant ne
nous decourageons pas. Nos efforts, meme dans le detail, ne sont pas
toujours inutiles. Je viens de vous rappeler le fait de Charleroi; en
voici un autre. Il y a huit ans, a Guernesey, en 1854, un homme, nomme
Tapner, fut condamne au gibet; j'intervins, un recours en grace fut
signe par six cents notables de l'ile, l'homme fut pendu; maintenant
ecoutez: quelques-uns des journaux d'Europe qui contenaient la lettre
ecrite par moi aux guernesiais pour empecher le supplice arriverent en
Amerique a temps pour que cette lettre put etre reproduite utilement
par les journaux americains; on allait pendre un homme a Quebec, un
nomme Julien; le peuple du Canada considera avec raison comme adressee
a lui-meme la lettre que j'avais ecrite au peuple de Guernesey, et,
par un contre-coup providentiel, cette lettre sauva, passez-moi
l'expression, non Tapner qu'elle visait, mais Julien qu'elle ne visait
pas. Je cite ces faits; pourquoi? parce qu'ils prouvent la necessite
de persister. Helas! le glaive persiste aussi.
Les statistiques de la guillotine et de la potence conservent leurs
hideux niveaux; le chiffre du meurtre legal ne s'est amoindri dans
aucun pays. Depuis une dizaine d'annees meme, le sens moral ayant
baisse, le supplice a repris faveur, et il y a recrudescence. Vous
petit peuple, dans votre seule ville de Geneve, vous avez vu deux
guillotines dressees en dix-huit mois. En effet, ayant tue Vary,
pourquoi ne pas tuer Elcy? En Espagne, il y a le garrot; en Russie,
la mort par les verges. A Rome, l'eglise ayant horreur du sang, le
condamne est assomme, _ammazzato_. L'Angleterre, ou regne une femme,
vient de pendre une femme.
Cela n'empeche pas la vieille penalite de jeter les hauts cris, de
protester qu'on la calomnie, et de faire l'innocente. On jase sur son
compte, c'est affreux. Elle a toujours ete douce et tendre; elle
fait des lois qui ont l'air severe, mais elle est incapable de les
appliquer. Elle, envoyer Jean Valjean au bagne pour le vol d'un pain!
Allons donc! il est bien vrai qu'en 1816 elle envoyait aux travaux
forces a perpetuite les emeutiers affames du departement de la Somme;
il est bien vrai qu'en 1846....--Helas! ceux qui me reprochent le
bagne de Jean Valjean oublient la guillotine de Buzancais.
La faim a toujours ete vue de travers par la loi.
Je parlais tout a l'heure de la torture abolie. Eh bien! en 1849, la
torture existait encore. Ou? en Chine? Non, en Suisse. Dans votre
pays, monsieur. En octobre 1849, a Zug, un juge instructeur, voulant
faire avouer un vol d'un fromage (vol d'un comestible. Encore la
faim!) a une fille appelee Mathilde Wildemberg, lui serra les pouces
dans un etau, et, au moyen d'une poulie, et d'une corde attachee a cet
etau, fit hisser la miserable jusqu'au plafond. Ainsi suspendue par
les pouces, un valet de bourreau la batonnait. En 1862, a Guernesey
que j'habite, la peine tortionnaire du fouet est encore en vigueur.
L'ete passe, on a, par arret de justice, fouette un homme de cinquante
ans.
Cet homme se nommait Torode. C'etait, lui aussi, un affame, devenu
voleur.
Non, ne nous lassons point. Faisons une emeute de philosophes
pour l'adoucissement des codes. Diminuons la penalite, augmentons
l'instruction. Par les pas deja faits, jugeons des pas a faire! Quel
bienfait que les circonstances attenuantes! elles eussent empeche ce
que je vais vous raconter.
A Paris, en 1818 ou 19, un jour d'ete, vers midi, je passais sur
la place du Palais de justice. Il y avait la une foule autour d'un
poteau. Je m'approchai. A ce poteau etait liee, carcan au cou,
ecriteau sur la tete, une creature humaine, une jeune femme ou une
jeune fille. Un rechaud plein de charbons ardents etait a ses pieds
devant elle, un fer a manche de bois, plonge dans la braise, y
rougissait, la foule semblait contente. Cette femme etait coupable
de ce que la jurisprudence appelle _vol domestique_ et la metaphore
banale, _danse de l'anse du panier_. Tout a coup, comme midi sonnait,
en arriere de la femme et sans etre vu d'elle, un homme monta sur
l'echafaud; j'avais remarque que la camisole de bure de cette femme
avait par derriere une fente rattachee par des cordons; l'homme denoua
rapidement les cordons, ecarta la camisole, decouvrit jusqu'a la
ceinture le dos de la femme, saisit le fer dans le rechaud, et
l'appliqua, en appuyant profondement, sur l'epaule nue. Le fer et le
poing du bourreau disparurent dans une fumee blanche. J'ai encore dans
l'oreille, apres plus de quarante ans, et j'aurai toujours dans l'ame
l'epouvantable cri de la suppliciee. Pour moi, c'etait une voleuse,
ce fut une martyre. Je sortis de la determine--j'avais seize ans--a
combattre a jamais les mauvaises actions de la loi.
De ces mauvaises actions la peine de mort est la pire. Et que
n'a-t-on pas vu, meme dans notre siecle, et sans sortir des tribunaux
ordinaires et des delits communs! Le 20 avril 1849, une servante,
Sarah Thomas, une fille de dix-sept ans, fut executee a Bristol pour
avoir, dans un moment de colere, tue d'un coup de buche sa maitresse
qui la battait. La condamnee ne voulait pas mourir. Il fallut sept
hommes pour la trainer au gibet. On la pendit de force. Au moment ou
on lui passait le noeud coulant, le bourreau lui demanda si elle avait
quelque chose a faire dire a son pere. Elle interrompit son rale pour
repondre: _oui, oui, dites-lui que je l'aime_. Au commencement du
siecle, sous George III, a Londres, trois enfants de la classe des
_ragged_ (deguenilles) furent condamnes a mort pour vol. Le plus age,
le _Newgate Calendar_ constate le fait, n'avait pas quatorze ans. Les
trois enfants furent pendus.
Quelle idee les hommes se font-ils donc du meurtre? Quoi! en habit, je
ne puis tuer; en robe je le puis! comme la soutane de Richelieu, la
toge couvre tout! Vindicte publique? Ah! je vous en prie, ne me vengez
pas! Meurtre, meurtre! vous dis-je. Hors le cas de legitime defense
entendu dans son sens le plus etroit (car, une fois votre agresseur
blesse par vous et tombe, vous lui devez secours), est-ce que
l'homicide est jamais permis? est-ce que ce qui est interdit a
l'individu est permis a la collection? Le bourreau, voila une sinistre
espece d'assassin! l'assassin officiel, l'assassin patente, entretenu,
rente, mande a certains jours, travaillant en public, tuant au soleil,
ayant pour engins "les bois de justice", reconnu assassin de l'etat!
l'assassin fonctionnaire, l'assassin qui a un logement dans la loi,
l'assassin au nom de tous! Il a ma procuration et la votre, pour tuer.
Il etrangle ou egorge, puis frappe sur l'epaule de la societe, et
lui dit: Je travaille pour toi, paye-moi. Il est l'assassin _cum
privilegio legis,_ l'assassin dont l'assassinat est decrete par le
legislateur, delibere par le jure, ordonne par le juge, consenti
par le pretre, garde par le soldat, contemple par le peuple. Il est
l'assassin qui a parfois pour lui l'assassine; car j'ai discute,
moi qui parle, avec un condamne a mort appele Marquis, qui etait en
theorie partisan de la peine de mort; de meme que, deux ans avant un
proces celebre, j'ai discute avec un magistrat nomme Teste qui etait
partisan des peines infamantes. Que la civilisation y songe, elle
repond du bourreau. Ah! vous haissez l'assassinat jusqu'a tuer
l'assassin; moi je hais le meurtre jusqu'a vous empecher de devenir
meurtrier. Tous contre un, la puissance sociale condensee en
guillotine, la force collective employee a une agonie, quoi de plus
odieux? Un homme tue par un homme effraye la pensee, un homme tue par
les hommes la consterne.
Faut-il vous le redire sans cesse? cet homme, pour se reconnaitre et
s'amender, et se degager de la responsabilite accablante qui pese sur
son ame, avait besoin de tout ce qui lui restait de vie. Vous lui
donnez quelques minutes! de quel droit? Comment osez-vous prendre sur
vous cette redoutable abreviation des phenomenes divers du repentir?
Vous rendez-vous compte de cette responsabilite damnee par vous, et
qui se retourne contre vous, et qui devient la votre? vous faites plus
que tuer un homme, vous tuez une conscience.
De quel droit consituez-vous Dieu juge avant son heure? quelle qualite
avez-vous pour le saisir? est-ce que cette justice-la est un des
degres de la votre? est-ce qu'il y a plain-pied de votre barre a
celle-la? De deux choses l'une: ou vous etes croyant, ou vous ne
l'etes pas. Si vous etes croyant, comment osez-vous jeter une
immortalite a l'eternite? Si vous ne l'etes pas, comment osez-vous
jeter un etre au neant?
Il existe un criminaliste qui a fait cette distinction:--"On a tort
de dire _execution_; on doit se borner a dire _reparation_. La societe
ne tue pas, elle retranche." --Nous sommes des laiques, nous autres,
nous ne comprenons pas ces finesses-la.
On prononce ce mot: justice. La justice! oh! cette idee entre toutes
auguste et venerable, ce supreme equilibre, cette droiture rattachee
aux profondeurs, ce mysterieux scrupule puise dans l'ideal, cette
rectitude souveraine compliquee d'un tremblement devant l'enormite
eternelle beante devant nous, cette chaste pudeur de l'impartialite
inaccessible, cette ponderation ou entre l'imponderable, cette
acception faite de tout, cette sublimation de la sagesse combinee avec
la pitie, cet examen des actions humaines avec l'oeil divin, cette
bonte severe, cette resultante lumineuse de la conscience universelle,
cette abstraction de l'absolu se faisant realite terrestre, cette
vision du droit, cet eclair d'eternite apparu a l'homme, la justice!
cette intuition sacree du vrai qui determine, par sa seule presence,
les quantites relatives du bien et du mal et qui, a l'instant ou elle
illumine l'homme, le fait momentanement Dieu, cette chose finie qui a
pour loi d'etre proportionnee a l'infini, cette entite celeste dont
le paganisme fait une deesse et le christianisme un archange, cette
figure immense qui a les pieds sur le coeur humain et les ailes dans
les etoiles, cette Yungfrau des vertus humaines, cette cime de l'ame,
cette vierge, o Dieu bon, Dieu eternel, est-ce qu'il est possible
de se l'imaginer debout sur la guillotine? est-ce qu'on peut se
l'imaginer bouclant les courroies de la bascule sur les jarrets d'un
miserable? est-ce qu'on peut se l'imaginer defaisant avec ses doigts
de lumiere la ficelle monstrueuse du couperet? se l'imagine-t-on
sacrant et degradant a la fois ce valet terrible, l'executeur? se
l'imagine-t-on etalee, depliee et collee par l'afficheur sur le poteau
infame du pilori? se la represente-t-on enfermee et voyageant dans ce
sac de nuit du bourreau Calcraft ou est melee a des chaussettes et a
des chemises la corde avec laquelle il a pendu hier et avec laquelle
il pendra demain!
Tant que la peine de mort existera, on aura froid en entrant dans une
cour d'assises, et il y fera nuit.
En janvier dernier, en Belgique, a l'epoque des debats de
Charleroi,--debats dans lesquels, par parenthese, il sembla resulter
des revelations d'un nomme Rabet que deux guillotines des annees
precedentes, Goethals et Coecke, etaient peut-etre innocents (quel
peut-etre!)--au milieu de ces debats, devant tant de crimes nes des
brutalites de l'ignorance, un avocat crut devoir et pouvoir demontrer
la necessite de l'enseignement gratuit et obligatoire. Le procureur
general l'interrompit et le railla: _Avocat_, dit-il, _ce n'est point
ici la chambre_. Non, monsieur le procureur general, c'est ici la
tombe.
La peine de mort a des partisans de deux sortes, ceux qui l'expliquent
et ceux qui l'appliquent; en d'autres termes, ceux qui se chargent de
la theorie et ceux qui se chargent de la pratique. Or la pratique
et la theorie ne sont pas d'accord; elles se donnent etrangement la
replique. Pour demolir la peine de mort, vous n'avez qu'a ouvrir
le debat entre la theorie et la pratique. Ecoutez plutot. Ceux qui
veulent le supplice, pourquoi le veulent-ils? Est-ce parce que le
supplice est un exemple? Oui, dit la theorie. Non, dit la pratique. Et
elle cache l'echafaud le plus qu'elle peut, elle detruit Montfaucon,
elle supprime le crieur public, elle evite les jours de marche, elle
batit sa mecanique a minuit, elle fait son coup de grand matin; dans
de certains pays, en Amerique et en Prusse, on pend et on decapite a
huis clos. Est-ce parce que la peine de mort est la justice? Oui, dit
la theorie; l'homme etait coupable, il est puni. Non, dit la pratique;
car l'homme est puni, c'est bien, il est mort, c'est bon; mais
qu'est-ce que cette femme? c'est une veuve. Et qu'est-ce que ces
enfants? ce sont des orphelins. Le mort a laisse cela derriere lui.
Veuve et orphelins, c'est-a-dire punis et pourtant innocents. Ou
est votre justice? Mais si la peine de mort n'est pas juste, est-ce
qu'elle est utile? Oui, dit la theorie; le cadavre nous laissera
tranquilles. Non, dit la pratique; car ce cadavre vous legue une
famille; famille sans pere, famille sans pain; et voila la veuve
qui se prostitue pour vivre, et voila les orphelins qui volent pour
manger.
Dumolard, voleur a l'age de cinq ans, etait orphelin d'un guillotine.
J'ai ete fort insulte, il y a quelques mois, pour avoir ose dire que
c'etait la une circonstance attenuante.
On le voit, la peine de mort n'est ni exemplaire, ni juste, ni utile.
Qu'est-elle donc? Elle est. _Sum qui sum_. Elle a sa raison d'etre en
elle-meme. Mais alors quoi! la guillotine pour la guillotine, l'art
pour l'art!
Recapitulons.
Ainsi toutes les questions, toutes sans exception, se dressent autour
de la peine de mort, la question sociale, la question morale, la
question philosophique, la question religieuse. Celle-ci surtout,
cette derniere, qui est l'insondable, vous en rendez-vous compte? Ah!
j'y insiste, vous qui voulez la mort, avez-vous reflechi? Avez-vous
medite sur cette brusque chute d'une vie humaine dans l'infini, chute
inattendue des profondeurs, arrivee hors de tour, sorte de surprise
redoutable faite au mystere? Vous mettez un pretre la, mais il tremble
autant que le patient. Lui aussi, il ignore. Vous faites rassurer la
noirceur par l'obscurite.
Vous ne vous etes donc jamais penches sur l'inconnu? Comment osez-vous
precipiter la dedans quoi que ce soit? Des que, sur le pave de nos
villes, un echafaud apparait, il se fait dans les tenebres autour de
ce point terrible un immense fremissement qui part de votre place de
Greve et ne s'arrete qu'a Dieu. Cet empietement etonne la nuit. Une
execution capitale, c'est la main de la societe qui tient un homme
au-dessus du gouffre, s'ouvre et le lache. L'homme tombe. Le penseur,
a qui certains phenomenes de l'inconnu sont perceptibles, sent
tressaillir la prodigieuse obscurite. O hommes, qu'avez-vous fait? qui
donc connait les frissons de l'ombre? ou va cette ame? que savez-vous?
Il y a pres de Paris un champ hideux, Clamart. C'est le lieu des
fosses maudites; c'est le rendez-vous des supplicies; pas un squelette
n'est la avec sa tete. Et la societe humaine dort tranquille a cote de
cela! Qu'il y ait sur la terre des cimetieres faits par Dieu, cela
ne nous regarde pas, et Dieu sait pourquoi. Mais peut-on songer sans
horreur a ceci, a un cimetiere fait par l'homme!
Non, ne nous lassons pas de repeter ce cri: Plus d'echafaud! mort a la
mort!
C'est a un certain respect mysterieux de la vie qu'on reconnait
l'homme qui pense.
Je sais bien que les philosophes sont des songe-creux.--A qui en
veulent-ils? Vraiment, ils pretendent abolir la peine de mort! Ils
disent que la peine de mort est un deuil pour l'humanite. Un deuil!
qu'ils aillent donc un peu voir la foule rire autour de l'echafaud!
qu'ils rentrent donc dans la realite! Ou ils affirment le deuil, nous
constatons le rire. Ces gens-la sont dans les nuages. Ils crient a la
sauvagerie et a la barbarie parce qu'on pend un homme et qu'on coupe
une tete de temps en temps. Voila des reveurs! Pas de peine de mort,
y pense-t-on? peut-on rien imaginer de plus extravagant? Quoi! plus
d'echafaud, et en meme temps, plus de guerre! ne plus tuer personne,
je vous demande un peu si cela a du bon sens! qui nous delivrera des
philosophes? quand aura-t-on fini des systemes, des theories, des
impossibilites et des folies? Folies au nom de quoi, je vous prie?
au nom du progres? mot vide; au nom de l'ideal? mot sonore. Plus de
bourreau, ou en serions-nous? Une societe n'ayant pas la mort pour
code, quelle chimere! La vie, quelle utopie! Qu'est-ce que tous ces
faiseurs de reformes? des poetes. Gardons-nous des poetes. Ce qu'il
faut au genre humain, ce n'est pas Homere, c'est M. Fulchiron.
Il ferait beau voir une societe menee et une civilisation conduite par
Eschyle, Sophocle, Isaie, Job, Pythagore, Pindare, Plaute, Lucrece,
Virgile, Juvenal, Dante, Cervantes, Shakespeare, Milton, Corneille,
Moliere et Voltaire. Ce serait a se tenir les cotes.
Tous les hommes serieux eclateraient de rire. Tous les gens graves
hausseraient les epaules; John Bull aussi bien que Prudhomme. Et de
plus ce serait le chaos; demandez a tous les parquets possibles, a
celui des agents de change comme a celui des procureurs du roi.
Quoi qu'il en soit, monsieur, cette question enorme, le meurtre legal,
vous allez la discuter de nouveau. Courage! Ne lachez pas prise. Que
les hommes de bien s'acharnent a la reussite.
Il n'y a pas de petit peuple. Je le disais il y a peu de mois a la
Belgique a propos des condamnes de Charleroi; qu'il me soit permis
de le repeter a la Suisse aujourd'hui. La grandeur d'un peuple ne se
mesure pas plus au nombre que la grandeur d'un homme ne se mesure a
la taille. L'unique mesure, c'est la quantite d'intelligence et la
quantite de vertu. Qui donne un grand exemple est grand. Les petites
nations seront les grandes nations le jour ou, a cote des peuples
forts en nombre et vastes en territoire qui s'obstinent dans les
fanatismes et les prejuges, dans la haine, dans la guerre, dans
l'esclavage et dans la mort, elles pratiqueront doucement et fierement
la fraternite, abhorreront le glaive, aneantiront l'echafaud,
glorifieront le progres, et souriront, sereines comme le ciel. Les
mots sont vains si les idees ne sont pas dessous. Il ne suffit pas
d'etre la republique, il faut encore etre la liberte; il ne suffit pas
d'etre la democratie, il faut encore etre l'humanite. Un peuple doit
etre un homme, et un homme doit etre une ame. Au moment ou l'Europe
recule, il serait beau que Geneve avancat. Que la Suisse y songe, et
votre noble petite republique en particulier, une republique placant
en face des monarchies la peine de mort abolie, ce serait admirable.
Ce serait grand de faire revivre sous un aspect nouveau le vieil
antagonisme instructif, Geneve et Rome, et d'offrir aux regards et a
la meditation du monde civilise, d'un cote Rome avec sa papaute qui
condamne et damne, de l'autre Geneve avec son evangile qui pardonne.
O peuple de Geneve, votre ville est sur un lac de l'eden, vous etes
dans un lieu beni; toutes les magnificences de la creation vous
environnent; la contemplation habituelle du beau revele le vrai et
impose des devoirs; la civilisation doit etre harmonie comme la
nature; prenez conseil de toutes ces clementes merveilles, croyez-en
votre ciel radieux, la bonte descend de l'azur, abolissez l'echafaud.
Ne soyez pas ingrats. Qu'il ne soit pas dit qu'en remerciment et en
echange, sur cet admirable coin de terre ou Dieu montre a l'homme la
splendeur sacree des Alpes, l'Arve et le Rhone, le Leman bleu, le mont
Blanc dans une aureole de soleil, l'homme montre a Dieu la guillotine!

Si rapide qu'eut ete la reponse de Victor Hugo, la deliberation du
comite constituant fut plus hative encore, et, quand la lettre arriva,
le travail etait termine. Le projet de constitution maintenait la
peine de mort. Victor Hugo ne se decouragea pas. Le peuple n'ayant pas
encore vote, tout n'etait pas fini. Victor Hugo ecrivit a M. Bost:

Hauteville-House, 29 novembre 1862.
Monsieur,
La lettre que j'ai eu l'honneur de vous envoyer le 17 novembre vous
est parvenue, je pense, le 19 ou le 20. Le lendemain meme du jour ou
je dictais cette lettre, a eclate, devant la cour d'assises de la
Somme, cette affaire Doise-Gardin qui non seulement a tout a coup mis
en lumiere certaines eventualites epouvantables de la peine de mort,
mais encore a rendu palpable l'urgence d'une grande revision penale;
les faits monstrueux ont une maniere a eux de demontrer la necessite
des reformes.
Aujourd'hui, 20 novembre, je lis dans la _Presse_ ces lignes datees du
24, et de Berne:
"Vous avez reproduit la lettre adressee par M. Victor Hugo a M. Bost,
de Geneve, au sujet de la peine de mort. La publication de cette
lettre est venue un peu tard; depuis quinze jours la constituante
genevoise a termine ses travaux. La constitution qu'elle a elaboree ne
donne point satisfaction aux voeux du poete, puisqu'elle n'abolit pas
la peine de mort, sinon pour delit politique."
Non, il n'est pas trop tard.
En ecrivant, je m'adressais moins au comite constituant, qui prepare,
qu'au peuple, qui decide.
Dans quelques jours, le 7 decembre, le projet de constitution sera
soumis au peuple. Donc il est temps encore.
Une constitution qui, au dix-neuvieme siecle, contient une quantite
quelconque de peine de mort, n'est pas digne d'une republique; qui dit
republique, dit expressement civilisation; et le peuple de Geneve, en
rejetant, comme c'est son droit et son devoir, le projet qu'on va lui
soumettre, fera un de ces actes doublement grands qui ont tout a la
fois l'empreinte de la souverainete et l'empreinte de la justice.
Vous jugerez peut-etre utile de publier cette lettre.
Je vous offre, monsieur, la nouvelle assurance de ma haute estime et
de ma vive cordialite.
V. H.

La lettre fut publiee, le peuple vota, il rejeta le projet de
constitution.
Quelques jours apres, Victor Hugo recut cette lettre:
"... Nous avons triomphe, la constitution des conservateurs est
rejetee. Votre lettre a produit son effet, tous les journaux l'ont
publiee, les catholiques l'ont combattue, M. Bost l'a imprimee a
part a mille exemplaires, et le comite radical a quatre mille. Les
radicaux, M. James Fazy en tete, se sont fait de votre lettre une arme
de guerre, et les independants se sont aussi prononces a votre suite
pour l'abolition. Votre preponderance a ete complete. Quelques
radicaux n'etaient pas tres decides auparavant; c'est un radical, M.
Heroi, qui passe pour avoir determine les deux executions de Vary et
d'Elcy, et le grand conseil, qui a refuse ces deux graces, est tout
radical.
"Cependant, en somme, les radicaux sont gens de progres et, maintenant
que les voila engages contre la peine de mort, ils ne reculeront pas.
On regarde ici l'abolition de l'echafaud comme certaine, et l'honneur,
monsieur, vous en revient. J'espere que nous arriverons aussi a cet
autre grand progres, la separation de l'eglise et de l'etat.
"Je ne suis qu'un homme bien obscur, monsieur, mais je suis heureux;
je vous felicite et je nous felicite. L'immense effet de votre lettre
nous honore. La patrie de M. de Sellon ne pouvait etre insensible a la
voix de Victor Hugo.
"Excusez cette lettre ecrite en hate, et veuillez agreer mon profond
respect.
"A. GAYET (de Bonneville)."

VI
AFFAIRE DOISE

A M. LE REDACTEUR DU _TEMPS_
Monsieur,
Veuillez, je vous prie, m'inscrire dans la souscription Doise. Mais il
ne faut pas se borner a de l'argent. Quelque chose de pire peut-etre
que Lesurques, la question retablie en France au dix-neuvieme siecle,
l'aveu arrache par l'asphyxie, la camisole de force a une femme
grosse, la prisonniere poussee a la folie, on ne sait quel effroyable
infanticide legal, l'enfant tue par la torture dans le ventre de la
mere, la conduite du juge d'instruction, des deux presidents et des
deux procureurs generaux, l'innocence condamnee, et, quand elle est
reconnue, insultee en pleine cour d'assises au nom de la justice qui
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