Actes et Paroles, Volume 2 - 04

Total number of words is 4594
Total number of unique words is 1565
34.0 of words are in the 2000 most common words
45.2 of words are in the 5000 most common words
51.9 of words are in the 8000 most common words
Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
annees de Louis XIV, la Pologne a couvert le continent, periodiquement
epouvante par la crue formidable des turcs. L'Europe a vecu, a grandi,
a pense, s'est developpee, a ete heureuse, est devenue Europe derriere
ce boulevard. La barbarie, maree montante, ecumait sur la Pologne
comme l'ocean sur la falaise, et la Pologne disait a la barbarie comme
la falaise a l'ocean: tu n'iras pas plus loin. Cela a dure trois cents
ans.
Quelle a ete la recompense? Un beau jour, l'Europe, que la Pologne
avait sauvee de la Turquie, a livre la Pologne a la Russie. Et,
aveuglement qui est un chatiment! en commettant un crime, l'Europe
ne s'est pas apercue qu'elle faisait une sottise. La situation
continentale avait change; la menace ne venait plus du meme cote. Le
dix-huitieme siecle, preparation en toute chose du dix-neuvieme, est
marque par la decroissance du sultan et par la croissance du czar.
L'Europe ne s'etait pas rendu compte de ce phenomene. Pierre Ier, et
son rude precepteur Charles XII, avaient change la Moscovie en Russie.
Dans la seconde moitie du dix-huitieme siecle, la Turquie s'en allait,
la Russie arrivait. La gueule ouverte desormais, ce n'etait plus la
Turquie, c'etait la Russie. Le rugissement sourd qu'on entendait ne
venait plus de Stamboul, il venait de Petersbourg. Le peril s'etait
deplace, mais la Pologne etait restee. Chose frappante, elle etait
providentiellement placee aussi bien pour resister aux russes que pour
repousser les turcs. Cette situation etant donnee, en 1772, qu'a fait
l'Europe? La Pologne etait la sentinelle. L'Europe l'a livree. A qui?
a l'ennemi.
Et qui a fait cette chose sans nom? les diplomates, les cervelles
politiques du temps, les hommes d'etat de profession. Or, ce n'est pas
seulement ingrat, c'est inepte. Ce n'est pas seulement infame, c'est
bete.
Aujourd'hui, l'Europe porte la peine du crime. A son tour, le cadavre
de la Pologne livre l'Europe a la Russie.
Et la Russie, citoyens, est un bien autre peril que n'etait la
Turquie. Toutes deux sont l'Asie; mais la Turquie etait l'Asie chaude,
coloree, ardente, la lave qui met le feu, mais qui peut feconder; la
Russie est l'Asie froide, l'Asie pale et glacee, l'Asie morte, la
pierre du sepulcre qui tombe et ne se releve plus. La Turquie, ce
n'etait que l'islamisme; c'etait feroce, mais cela n'avait pas de
systeme. La Russie est quelque chose d'autrement redoutable, c'est le
passe debout, qui s'obstine a vivre et a epouser le present. Mieux
vaut la morsure d'un leopard que l'etreinte d'un spectre. La Turquie
n'attaquait qu'une forme de civilisation, le christianisme, forme dont
la face catholique est deja morte; la Russie, elle, veut etouffer
toute la civilisation d'un coup et a la fois dans la democratie.
Ce qu'elle veut tuer, c'est la revolution, c'est le progres, c'est
l'avenir. Il semble que le despotisme russe se soit dit: j'ai un
ennemi, l'esprit humain.
Je resume ceci d'un mot. Apres les turcs, la Grece a survecu; l'Europe
ne survivrait pas apres les russes.
O polonais, je vous le dis du fond de l'ame, je vous admire. Vous etes
les aines de la persecution. Cette coupe d'amertume ou nous buvons
aujourd'hui, nous y trouvons la trace de vos levres. Vous portez les
chevrons de l'exil. Vos freres sont en Siberie comme les notres sont
en Afrique. Bannis de Pologne, les proscrits de France vous saluent.
Nous saluons ton histoire, peuple polonais, bon peuple! Leve la tete
dans ton accablement. Tu es grand, gisant sur le fumier russe. O Job
des nations, tes plaies, sont des gloires.
Nous saluons ton histoire et l'histoire de tous les peuples qui ont
souffert et qui ont lutte.
Cette reunion, cette date auguste, 29 novembre 1830, evoquent a nos
yeux tous les grands souvenirs revolutionnaires, tous les grands
hommes liberateurs, et, dans notre reconnaissance religieuse et
profonde, nous convions Kosciuszko, Washington, Bolivar, Botzaris,
tous les vaillants lutteurs du progres, tous les glorieux martyrs
de l'idee, a ces saintes agapes de la proscription. Ici, dans cette
salle, est-ce qu'il ne vous semble pas comme a moi les voir au-dessus
de nos tetes? Est-ce qu'il n'y a pas la, autour de cette date
splendide, comme une nuee lumineuse ou ces triomphateurs, nos
vrais ancetres, nous apparaissent et nous sourient? Regardez-les,
contemplez-les comme moi, ces transfigures! Eux aussi ont souffert.
Au jour mysterieux qui sort de la tombe, ceux qui n'etaient que des
hommes deviennent des demi-dieux, et les couronnes d'epines qui
faisaient saigner le front des vivants se changent en couronnes de
lauriers et font rayonner le front des fantomes.
Citoyens, cinq nations sont ici representees, la Pologne, la Hongrie,
l'Allemagne, l'Italie et la France, cinq nations illustres devant le
genre humain, aujourd'hui couchees dans la fosse.
Les hommes de despotisme en fremissent de joie. Leur joie a tort. Je
ne me lasserai jamais de le redire, quoique assassinees, ces grandes
nations ne sont pas mortes. Les tyrans, qui n'ont pas d'ame, ne savent
pas que les peuples en ont une.
Quand les tyrans ont scelle sur un peuple la pierre du tombeau,
qu'est-ce qu'ils ont fait? Ils croient avoir enferme une nation dans
la tombe, ils y ont enferme une idee. Or, la tombe ne fait rien a qui
ne meurt pas, et l'idee est immortelle. Citoyens, un peuple n'est pas
une chair; un peuple est une pensee! Qu'est-ce que la Pologne? c'est
l'independance. Qu'est-ce que l'Allemagne? c'est la vertu. Qu'est-ce
que la Hongrie? c'est l'heroisme. Qu'est-ce que l'Italie? c'est la
gloire. Qu'est-ce que la France? c'est la liberte. Citoyens, le jour
ou l'independance, la vertu, l'heroisme, la gloire et la liberte
mourront, ce jour-la, ce jour-la seulement, la Pologne, l'Allemagne,
la Hongrie, l'Italie et la France seront mortes.
Ce jour-la, citoyens, l'ame du monde aurait disparu.
Or, l'ame du monde, c'est Dieu.
Citoyens, buvons a l'idee qui ne meurt pas! buvons aux peuples qui
ressuscitent!


1853
_Les proscrits meurent.--La guerre eclate. Paroles d'esperance sur les
tombeaux et sur les peuples_.


I
SUR LA TOMBE DE JEAN BOUSQUET AU CIMETIERE SAINT-JEAN, A JERSEY
20 avril 1853.

Victor Hugo a Jersey habitait une solitude, une maison appelee
Marine-Terrace, isolee au bord de la mer.
Cependant les proscrits commencaient a mourir. Un homme ne doit pas
etre mis dans la tombe sans qu'une parole soit dite qui aille de lui a
Dieu.
Les proscrits vinrent trouver Victor Hugo, et lui demanderent de dire,
au nom de tous, cette parole.
Citoyens,
L'homme auquel nous sommes venus dire l'adieu supreme, Jean Bousquet,
de Tarn-et-Garonne, fut un energique soldat de la democratie. Nous
l'avons vu, proscrit inflexible, deperir douloureusement au milieu de
nous. Le mal le rongeait; il se sentait lentement empoisonne par le
souvenir de tout ce qu'on laisse derriere soi; il pouvait revoir les
etres absents, les lieux aimes, sa ville, sa maison; il pouvait revoir
la France, il n'avait qu'un mot a dire, cette humiliation execrable
que M. Bonaparte appelle amnistie ou grace s'offrait a lui, il l'a
chastement repoussee, et il est mort. Il avait trente-quatre ans.
Maintenant le voila! (_L'orateur montre la fosse._)
Je n'ajouterai pas un eloge a cette simple vie, a cette grande mort.
Qu'il repose en paix, dans cette fosse obscure ou la terre va le
couvrir, et ou son ame est allee retrouver les esperances eternelles
du tombeau!
Qu'il dorme ici, ce republicain, et que le peuple sache qu'il y a
encore des coeurs fiers et purs, devoues a sa cause! Que la republique
sache qu'on meurt plutot que de l'abandonner! Que la France sache
qu'on meurt parce qu'on ne la voit plus!
Qu'il dorme, ce patriote, au pays de l'etranger! Et nous, ses
compagnons de lutte et d'adversite, nous qui lui avons ferme les yeux,
a sa ville natale, a sa famille, a ses amis, s'ils nous demandent:
Ou est-il? nous repondrons: Mort dans l'exil! comme les soldats
repondaient au nom de Latour d'Auvergne: Mort au champ d'honneur!
Citoyens! aujourd'hui, en France, les apostasies sont en joie. La
vieille terre du 14 juillet et du 10 aout assiste a l'epanouissement
hideux des turpitudes et a la marche triomphale des traitres. Pas une
indignite qui ne recoive immediatement une recompense. Ce maire a
viole la loi, on le fait prefet; ce soldat a deshonore le drapeau, on
le fait general; ce pretre a vendu la religion, on le fait eveque; ce
juge a prostitue la justice, on le fait senateur; cet aventurier, ce
prince a commis tous les crimes, depuis les vilenies devant lesquelles
reculerait un filou jusqu'aux horreurs devant lesquelles reculerait un
assassin, il passe empereur. Autour de ces hommes, tout est fanfares,
banquets, danses, harangues, applaudissements, genuflexions. Les
servilites viennent feliciter les ignominies. Citoyens, ces hommes ont
leurs fetes; eh bien! nous aussi nous avons les notres. Quand un de
nos compagnons de bannissement, devore par la nostalgie, epuise par la
fievre lente des habitudes rompues et des affections brisees, apres
avoir bu jusqu'a la lie toutes les agonies de la proscription,
succombe enfin et meurt, nous suivons sa biere couverte d'un drap
noir; nous venons au bord de la fosse; nous nous mettons a genoux,
nous aussi, non devant le succes, mais devant le tombeau; nous nous
penchons sur notre frere enseveli et nous lui disons:--Ami! nous
te felicitons d'avoir ete vaillant, nous te felicitons d'avoir ete
genereux et intrepide, nous te felicitons d'avoir ete fidele, nous
te felicitons d'avoir donne a ta foi jusqu'au dernier souffle de ta
bouche, jusqu'au dernier battement de ton coeur, nous te felicitons
d'avoir souffert, nous te felicitons d'etre mort!--Puis nous relevons
la tete, et nous nous en allons le coeur plein d'une sombre joie. Ce
sont la les fetes de l'exil.
Telle est la pensee austere et sereine qui est au fond de toutes
nos ames; et devant ce sepulcre, devant ce gouffre ou il semble que
l'homme s'engloutit, devant cette sinistre apparence du neant, nous
nous sentons consolides dans nos principes et dans nos certitudes;
l'homme convaincu n'a jamais le pied plus ferme que sur la terre,
mouvante du tombeau; et, l'oeil fixe sur ce mort, sur cet etre
evanoui, sur cette ombre qui a passe, croyants inebranlables, nous
glorifions celle qui est immortelle et celui qui est eternel, la
liberte et Dieu!
Oui, Dieu! Jamais une tombe ne doit se fermer sans que ce grand mot,
sans que ce mot vivant y soit tombe. Les morts le reclament, et ce
n'est pas nous qui le leur refuserons. Que le peuple religieux et
libre au milieu duquel nous vivons le comprenne bien, les hommes du
progres, les hommes de la democratie, les hommes de la revolution
savent que la destinee de l'ame est double, et l'abnegation qu'ils
montrent dans cette vie prouve combien ils comptent profondement sur
l'autre. Leur foi dans ce grand et mysterieux avenir resiste meme au
spectacle repoussant que nous donne depuis le 2 decembre le clerge
catholique asservi. Le papisme romain en ce moment epouvante la
conscience humaine. Ah! je le dis, et j'ai le coeur plein d'amertume,
en songeant a tant d'abjection et de honte, ces pretres, qui, pour de
l'argent, pour des palais, des mitres et des crosses, pour l'amour des
biens temporels, benissent et glorifient le parjure, le meurtre et la
trahison, ces eglises ou l'on chante _Te Deum_ au crime couronne,
oui, ces eglises, oui, ces pretres suffiraient pour ebranler les
plus fermes convictions dans les ames les plus profondes, si l'on
n'apercevait, au-dessus de l'eglise, le ciel, et, au-dessus du pretre,
Dieu!
Et ici, citoyens, sur le seuil de cette tombe ouverte, au milieu de
cette foule recueillie qui environne cette fosse, le moment est venu
de semer, pour qu'elle germe dans toutes les consciences, une grave et
solennelle parole.
Citoyens, a l'heure ou nous sommes, heure fatale et qui sera comptee
dans les siecles, le principe absolutiste, le vieux principe du passe,
triomphe par toute l'Europe; il triomphe comme il lui convient de
triompher, par le glaive, par la hache, par la corde et le billot,
par les massacres, par les fusillades, par les tortures, par les
supplices. Le despotisme, ce Moloch entoure d'ossements, celebre a la
face du soleil ses effroyables mysteres sous le pontificat sanglant
des Haynau, des Bonaparte et des Radetzky. Potences en Hongrie,
potences en Lombardie, potences en Sicile; en France, la guillotine,
la deportation et l'exil. Rien que dans les etats du pape, et je cite
le pape qui s'intitule _le roi de douceur_, rien que dans les etats du
pape, dis-je, depuis trois ans, seize cent quarante-quatre patriotes,
le chiffre est authentique, sont morts fusilles ou pendus, sans
compter les innombrables morts ensevelis vivants dans les cachots et
les oubliettes. Au moment ou je parle, le continent, comme aux plus
odieux temps de l'histoire, est encombre d'echafauds et de cadavres;
et, le jour ou la revolution voudrait se faire un drapeau des linceuls
de toutes les victimes, l'ombre de ce drapeau noir couvrirait
l'Europe.
Ce sang, tout ce sang qui coule, de toutes parts, a ruisseaux, a
torrents, democrates, c'est le votre.
Eh bien, citoyens, en presence de cette saturnale de massacre et de
meurtre, en presence de ces infames tribunaux ou siegent des assassins
en robe de juges, en presence de tous ces cadavres chers et sacres,
en presence de cette lugubre et feroce victoire des reactions, je le
declare solennellement, au nom des proscrits de Jersey qui m'en
ont donne le mandat, et j'ajoute au nom de tous les proscrits
republicains, car pas une voix de vrai republicain ayant quelque
autorite ne me dementira, je le declare devant ce cercueil d'un
proscrit, le deuxieme que nous descendons dans la fosse depuis dix
jours, nous les exiles, nous les victimes, nous abjurons, au jour
inevitable et prochain du grand denument revolutionnaire, nous
abjurons toute volonte, tout sentiment, toute idee de represailles
sanglantes!
Les coupables seront chaties, certes, tous les coupables, et chaties
severement, il le faut; mais pas une tete ne tombera; pas une goutte
de sang, pas une eclaboussure d'echafaud ne tachera la robe immaculee
de la republique de Fevrier. La tete meme du brigand de decembre sera
respectee avec horreur par le progres. La revolution fera de cet homme
un plus grand exemple en remplacant sa pourpre d'empereur par la
casaque de forcat. Non, nous ne repliquerons pas a l'echafaud par
l'echafaud. Nous repudions la vieille et inepte loi du talion. Comme
la monarchie, le talion fait partie du passe; nous repudions le passe.
La peine de mort, glorieusement abolie par la republique en 1848,
odieusement retablie par Louis Bonaparte, reste abolie pour nous,
abolie a jamais. Nous avons emporte dans l'exil le depot sacre du
progres; nous le rapporterons a la France fidelement. Ce que nous
demandons a l'avenir, ce que nous voulons de lui, c'est la justice, ce
n'est pas la vengeance. D'ailleurs, de meme que pour avoir a jamais le
degout des orgies, il suffisait aux spartiates d'avoir vu des esclaves
ivres de vin, a nous republicains, pour avoir a jamais horreur des
echafauds, il nous suffit de voir les rois ivres de sang.
Oui, nous le declarons, et nous attestons cette mer qui lie Jersey
a la France, ces champs, cette calme nature qui nous entoure, cette
libre Angleterre qui nous ecoute, les hommes de la revolution, quoi
qu'en disent les abominables calomnies bonapartistes, rentreront en
France, non comme des exterminateurs, mais comme des freres! Nous
prenons a temoin de nos paroles ce ciel sacre qui rayonne au-dessus de
nos tetes et qui ne verse dans nos ames que des pensees de concorde et
de paix! nous attestons ce mort qui est la dans cette fosse et qui,
pendant que je parle, murmure a voix basse dans son suaire: Oui,
freres, repoussez la mort! je l'ai acceptee pour moi, je n'en veux pas
pour autrui!
La republique, c'est l'union, l'unite, l'harmonie, la lumiere, le
travail creant le bien-etre, la suppression des conflits d'homme a
homme et de nation a nation, la fin des exploitations inhumaines,
l'abolition de la loi de mort, et l'etablissement de la loi de vie.
Citoyens, cette pensee est dans vos esprits, et je n'en suis que
l'interprete; le temps des sanglantes et terribles necessites
revolutionnaires est passe; pour ce qui reste a faire, l'indomptable
loi du progres suffit. D'ailleurs, soyons tranquilles, tout combat
avec nous dans les grandes batailles qui nous restent a livrer;
batailles dont l'evidente necessite n'altere pas la serenite des
penseurs; batailles dans lesquelles l'energie revolutionnaire egalera
l'acharnement monarchique; batailles dans lesquelles la force unie
au droit terrassera la violence alliee a l'usurpation; batailles
superbes, glorieuses, enthousiastes, decisives, dont l'issue n'est pas
douteuse, et qui seront les Tolbiac, les Hastings et les Austerlitz de
la democratie. Citoyens, l'epoque de la dissolution du vieux monde
est arrivee. Les antiques despotismes sont condamnes par la loi
providentielle; le temps, ce fossoyeur courbe dans l'ombre, les
ensevelit; chaque jour qui tombe les enfouit plus avant dans le neant.
Dieu jette les annees sur les trones comme nous jetons les pelletees
de terre sur les cercueils.
Et maintenant, freres, au moment de nous separer, poussons le cri de
triomphe, poussons le cri du reveil; comme je vous le disais il y a
quelques mois a propos de la Pologne, c'est sur les tombes qu'il faut
parler de resurrection. Certes, l'avenir, un avenir prochain, je le
repete, nous promet en France la victoire de l'idee democratique,
l'avenir nous promet la victoire de l'idee sociale; mais il nous
promet plus encore, il nous promet sous tous les climats, sous tous
les soleils, dans tous les continents, en Amerique aussi bien qu'en
Europe, la fin de toutes les oppressions et de tous les esclavages.
Apres les rudes epreuves que nous subissons, ce qu'il nous faut, ce
n'est pas seulement l'emancipation de telle ou telle classe qui a
souffert trop longtemps, l'abolition de tel ou tel privilege, la
consecration de tel ou tel droit; cela, nous l'aurons; mais cela ne
nous suffit pas; ce qu'il nous faut, ce que nous obtiendrons, n'en
doutez pas, ce que pour ma part, du fond de cette nuit sombre de
l'exil, je contemple d'avance avec l'eblouissement de la joie,
citoyens, c'est la delivrance de tous les peuples, c'est
l'affranchissement de tous les hommes! Amis, nos souffrances
engagent Dieu. Il nous en doit le prix. Il est debiteur fidele, il
s'acquittera. Ayons donc une foi virile, et faisons avec transport
notre sacrifice. Opprimes de toutes les nations, offrez vos plaies;
polonais, offrez vos miseres; hongrois, offrez votre gibet; italiens,
offrez votre croix; heroiques deportes de Cayenne et d'Afrique, nos
freres, offrez votre chaine; proscrits, offrez votre proscription; et
toi, martyr, offre ta mort a la liberte du genre humain.


II
SUR LA TOMBE DE LOUISE JULIEN
CIMETIERE DE SAINT-JEAN
26 juillet 1853.

Citoyens,
Trois cercueils en quatre mois.
La mort se hate, et Dieu nous delivre un a un.
Nous ne t'accusons pas, nous te remercions, Dieu puissant qui nous
rouvres, a nous exiles, les portes de la patrie eternelle!
Cette fois, l'etre inanime et cher que nous apportons a la tombe,
c'est une femme.
Le 21 janvier dernier, une femme fut arretee chez elle par le sieur
Boudrot, commissaire de police a Paris. Cette femme, jeune encore,
elle avait trente-cinq ans; mais estropiee et infirme, fut envoyee
a la prefecture et enfermee dans la cellule no. 1, dite _cellule
d'essai_. Cette cellule, sorte de cage de sept a huit pieds carres a
peu pres, sans air et sans jour, la malheureuse prisonniere l'a peinte
d'un mot; elle l'appelle: _cellule-tombeau_; elle dit, je cite ses
propres paroles: " C'est dans cette cellule-tombeau, qu'estropiee,
malade, j'ai passe vingt et un jours, collant mes levres d'heure en
heure contre le treillage pour aspirer un peu d'air vital et ne pas
mourir." [Note: Voir _les Bagnes d'Afrique et la Transportation de
decembre_, par Ch. Ribeyrolles, p. 199.]--Au bout de ces vingt et un
jours, le 14 fevrier, le gouvernement de decembre mit cette femme
dehors et l'expulsa. Il la jeta a la fois hors de la prison et hors de
la patrie. La proscrite sortait du cachot d'essai avec les germes de
la phthisie. Elle quitta la France et gagna la Belgique. Le denument
la forca de voyager toussant, crachant le sang, les poumons malades,
en plein hiver, dans le nord, sous la pluie et la neige, dans ces
affreux wagons decouverts qui deshonorent les riches entreprises des
chemins de fer. Elle arriva a Ostende; elle etait chassee de France,
la Belgique la chassa. Elle passa en Angleterre. A peine debarquee a
Londres, elle se mit au lit. La maladie contractee dans le cachot,
aggravee par le voyage force de l'exil, etait devenue menacante. La
proscrite, je devrais dire la condamnee a mort, resta gisante deux
mois et demi. Puis, esperant un peu de printemps et de soleil, elle
vint a Jersey. On se souvient encore de l'y avoir vue arriver par une
froide matinee pluvieuse, a travers les brumes de la mer, ralant et
grelottant sous sa pauvre robe de toile toute mouillee. Peu de jours
apres son arrivee, elle se coucha; elle ne s'est plus relevee.
Il y a trois jours elle est morte.
Vous me demanderez ce qu'etait cette femme et ce qu'elle avait fait
pour etre traitee ainsi; je vais vous le dire.
Cette femme, par des chansons patriotiques, par de sympathiques et
cordiales paroles, par de bonnes et civiques actions, avait rendu
celebre, dans les faubourgs de Paris, le nom de Louise Julien sous
lequel le peuple la connaissait et la saluait. Ouvriere, elle avait
nourri sa mere malade; elle l'a soignee et soutenue dix ans. Dans les
jours de lutte civile, elle faisait de la charpie; et, boiteuse et se
trainant, elle allait dans les ambulances, et secourait les blesses de
tous les partis. Cette femme du peuple etait un poete, cette femme du
peuple etait un esprit; elle chantait la republique, elle aimait la
liberte, elle appelait ardemment l'avenir fraternel de toutes les
nations et de tous les hommes; elle croyait a Dieu, au peuple, au
progres, a la France; elle versait autour d'elle, comme un vase, dans
les esprits des proletaires, son grand coeur plein d'amour et de foi.
Voila ce que faisait cette femme. M. Bonaparte l'a tuee.
Ah! une telle tombe n'est pas muette; elle est pleine de sanglots, de
gemissements et de clameurs.
Citoyens, les peuples, dans le legitime orgueil de leur
toute-puissance et de leur droit, construisent avec le granit et le
marbre des edifices sonores, des enceintes majestueuses, des estrades
sublimes, du haut desquelles parle leur genie, du haut desquelles se
repandent a flots dans les ames les eloquences saintes du patriotisme,
du progres et de la liberte; les peuples, s'imaginant qu'il suffit
d'etre souverains pour etre invincibles, croient inaccessibles et
imprenables ces citadelles de la parole, ces forteresses sacrees
de l'intelligence humaine et de la civilisation, et ils disent: la
tribune est indestructible. Ils se trompent; ces tribunes-la peuvent
etre renversees. Un traitre vient, des soldats arrivent, une bande
de brigands se concerte, se demasque, fait feu, et le sanctuaire est
envahi, et la pierre et le marbre sont disperses, et le palais, et le
temple, ou la grande nation parlait au monde, s'ecroule, et l'immonde
tyran vainqueur s'applaudit, bat des mains, et dit: C'est fini.
Personne ne parlera plus. Pas une voix ne s'elevera desormais. Le
silence est fait.--Citoyens! a son tour le tyran se trompe. Dieu ne
veut pas que le silence se fasse; Dieu ne veut pas que la liberte,
qui est son verbe, se taise. Citoyens! au moment ou les despotes
triomphants croient la leur avoir otee a jamais, Dieu redonne la
parole aux idees. Cette tribune detruite, il la reconstruit. Non au
milieu de la place publique, non avec le granit et le marbre, il n'en
a pas besoin. Il la reconstruit dans la solitude; il la reconstruit
avec l'herbe du cimetiere, avec l'ombre des cypres, avec le monticule
sinistre que font les cercueils caches sous terre; et de cette
solitude, de cette herbe, de ces cypres, de ces cercueils disparus,
savez-vous ce qui sort, citoyens? Il en sort le cri dechirant de
l'humanite, il en sort la denonciation et le temoignage, il en sort
l'accusation inexorable qui fait palir l'accuse couronne, il en sort
la formidable protestation des morts! Il en sort la voix vengeresse,
la voix inextinguible, la voix qu'on n'etouffe pas, la voix qu'on ne
baillonne pas!--Ah! M. Bonaparte a fait taire la tribune; c'est bien;
maintenant qu'il fasse donc taire le tombeau!
Lui et ses pareils n'auront rien fait tant qu'on entendra sortir un
soupir d'une tombe, et tant qu'on verra rouler une larme dans les yeux
augustes de la pitie.
Pitie! ce mot que je viens de prononcer, il a jailli du plus profond
de mes entrailles devant ce cercueil, cercueil d'une femme, cercueil
d'une soeur, cercueil d'une martyre! Pauline Roland en Afrique, Louise
Julien a Jersey, Francesca Maderspach a Temeswar, Blanca Teleki a
Pesth, tant d'autres, Rosalie Gobert, Eugenie Guillemot, Augustine
Pean, Blanche Clouart, Josephine Prabeil, Elisabeth Parles, Marie
Reviel, Claudine Hibruit, Anne Sangla, veuve Combescure, Armantine
Huet, et tant d'autres encore, soeurs, meres, filles, epouses,
proscrites, exilees, transportees, torturees, suppliciees,
crucifiees, o pauvres femmes! Oh! quel sujet de larmes profondes et
d'inexprimables attendrissements! Faibles, souffrantes, malades,
arrachees a leurs familles, a leurs maris, a leurs parents, a leurs
soutiens, vieilles quelquefois et brisees par l'age, toutes ont ete
des heroines, plusieurs ont ete des heros! Oh! ma pensee en ce moment
se precipite dans ce sepulcre et baise les pieds froids de cette morte
dans son cercueil! Ce n'est pas une femme que je venere dans Louise
Julien, c'est la femme; la femme de nos jours, la femme digne de
devenir citoyenne; la femme telle que nous la voyons autour de nous,
dans tout son devouement, dans toute sa douceur, dans tout son
sacrifice, dans toute sa majeste! Amis, dans les temps futurs, dans
cette belle, et paisible, et tendre, et fraternelle republique sociale
de l'avenir, le role de la femme sera grand; mais quel magnifique
prelude a ce role que de tels martyres si vaillamment endures! Hommes
et citoyens, nous avons dit plus d'une fois dans notre orgueil:--Le
dix-huitieme siecle a proclame le droit de l'homme; le dix-neuvieme
proclamera le droit de la femme;--mais, il faut l'avouer, citoyens,
nous ne nous sommes point hates; beaucoup, de considerations, qui
etaient graves, j'en conviens, et qui voulaient etre murement
examinees, nous ont arretes; et a l'instant ou je parle, au point meme
ou le progres est parvenu, parmi les meilleurs republicains, parmi
les democrates les plus vrais et les plus purs, bien des esprits
excellents hesitent encore a admettre dans l'homme et dans la femme
l'egalite de l'ame humaine, et, par consequent, l'assimilation,
sinon l'identite complete, des droits civiques. Disons-le bien haut,
citoyens, tant que la prosperite a dure, tant que la republique a ete
debout, les femmes, oubliees par nous, se sont oubliees elles-memes;
elles se sont bornees a rayonner comme la lumiere; a echauffer les
esprits, a attendrir les coeurs, a eveiller les enthousiasmes, a
montrer du doigt a tous le bon, le juste, le grand et le vrai. Elles
n'ont rien ambitionne au dela. Elles qui, par moment, sont, l'image,
de la patrie vivante, elles qui pouvaient etre l'ame de la cite, elles
ont ete simplement l'ame de la famille. A l'heure de l'adversite,
leur attitude a change, elles ont cesse d'etre modestes; a l'heure de
l'adversite, elles nous ont dit:--Nous ne savons pas si nous, avons
droit a votre puissance, a votre liberte, a votre grandeur; mais ce
que nous savons, c'est que nous avons droit a votre misere. Partager
vos souffrances, vos accablements, vos denuments, vos detresses, vos
You have read 1 text from French literature.
Next - Actes et Paroles, Volume 2 - 05
  • Parts
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 01
    Total number of words is 4566
    Total number of unique words is 1735
    34.8 of words are in the 2000 most common words
    48.0 of words are in the 5000 most common words
    54.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 02
    Total number of words is 4431
    Total number of unique words is 1565
    38.0 of words are in the 2000 most common words
    50.3 of words are in the 5000 most common words
    56.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 03
    Total number of words is 4553
    Total number of unique words is 1527
    35.7 of words are in the 2000 most common words
    48.4 of words are in the 5000 most common words
    54.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 04
    Total number of words is 4594
    Total number of unique words is 1565
    34.0 of words are in the 2000 most common words
    45.2 of words are in the 5000 most common words
    51.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 05
    Total number of words is 4585
    Total number of unique words is 1546
    34.1 of words are in the 2000 most common words
    46.0 of words are in the 5000 most common words
    53.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 06
    Total number of words is 4771
    Total number of unique words is 1522
    38.4 of words are in the 2000 most common words
    51.0 of words are in the 5000 most common words
    57.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 07
    Total number of words is 4505
    Total number of unique words is 1515
    35.7 of words are in the 2000 most common words
    46.8 of words are in the 5000 most common words
    54.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 08
    Total number of words is 4534
    Total number of unique words is 1594
    33.9 of words are in the 2000 most common words
    46.7 of words are in the 5000 most common words
    53.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 09
    Total number of words is 4533
    Total number of unique words is 1594
    34.1 of words are in the 2000 most common words
    47.2 of words are in the 5000 most common words
    53.1 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 10
    Total number of words is 4477
    Total number of unique words is 1554
    37.0 of words are in the 2000 most common words
    48.9 of words are in the 5000 most common words
    54.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 11
    Total number of words is 4490
    Total number of unique words is 1585
    35.5 of words are in the 2000 most common words
    46.9 of words are in the 5000 most common words
    54.0 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 12
    Total number of words is 4604
    Total number of unique words is 1555
    37.1 of words are in the 2000 most common words
    49.9 of words are in the 5000 most common words
    56.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 13
    Total number of words is 4538
    Total number of unique words is 1564
    38.3 of words are in the 2000 most common words
    49.9 of words are in the 5000 most common words
    56.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 14
    Total number of words is 4639
    Total number of unique words is 1598
    35.0 of words are in the 2000 most common words
    47.6 of words are in the 5000 most common words
    53.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 15
    Total number of words is 4483
    Total number of unique words is 1601
    37.4 of words are in the 2000 most common words
    49.0 of words are in the 5000 most common words
    55.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 16
    Total number of words is 4477
    Total number of unique words is 1493
    37.4 of words are in the 2000 most common words
    48.9 of words are in the 5000 most common words
    55.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 17
    Total number of words is 4422
    Total number of unique words is 1535
    34.9 of words are in the 2000 most common words
    47.6 of words are in the 5000 most common words
    54.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 18
    Total number of words is 4374
    Total number of unique words is 1700
    35.5 of words are in the 2000 most common words
    49.9 of words are in the 5000 most common words
    57.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 19
    Total number of words is 4543
    Total number of unique words is 1520
    37.3 of words are in the 2000 most common words
    49.3 of words are in the 5000 most common words
    55.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 20
    Total number of words is 4453
    Total number of unique words is 1497
    37.6 of words are in the 2000 most common words
    48.9 of words are in the 5000 most common words
    54.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 21
    Total number of words is 4537
    Total number of unique words is 1565
    36.5 of words are in the 2000 most common words
    49.1 of words are in the 5000 most common words
    56.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 22
    Total number of words is 4594
    Total number of unique words is 1605
    36.9 of words are in the 2000 most common words
    50.6 of words are in the 5000 most common words
    57.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 23
    Total number of words is 4470
    Total number of unique words is 1513
    36.4 of words are in the 2000 most common words
    50.4 of words are in the 5000 most common words
    56.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 24
    Total number of words is 4482
    Total number of unique words is 1520
    38.2 of words are in the 2000 most common words
    49.7 of words are in the 5000 most common words
    57.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 25
    Total number of words is 4459
    Total number of unique words is 1550
    39.3 of words are in the 2000 most common words
    51.1 of words are in the 5000 most common words
    57.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 26
    Total number of words is 205
    Total number of unique words is 109
    37.5 of words are in the 2000 most common words
    52.1 of words are in the 5000 most common words
    55.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.