Actes et Paroles, Volume 2 - 12

Total number of words is 4604
Total number of unique words is 1555
37.1 of words are in the 2000 most common words
49.9 of words are in the 5000 most common words
56.2 of words are in the 8000 most common words
Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
Garibaldi. Qu'est-ce que c'est que Garibaldi? C'est un homme, rien de
plus. Mais un homme dans toute l'acception sublime du mot. Un homme
de la liberte; un homme de l'humanite. _Vir_, dirait son compatriote
Virgile.
A-t-il une armee? Non. Une poignee de volontaires. Des munitions de
guerre? Point. De la poudre? Quelques barils a peine. Des canons? Ceux
de l'ennemi. Quelle est donc sa force? qu'est-ce qui le fait vaincre?
qu'a-t-il avec lui? L'ame des peuples. Il va, il court, sa marche est
une trainee de flamme, sa poignee d'hommes meduse les regiments, ses
faibles armes sont enchantees, les balles de ses carabines tiennent
tete aux boulets de canon; il a avec lui la Revolution, et, de temps
en temps, dans le chaos de la bataille, dans la fumee, dans l'eclair,
comme si c'etait un heros d'Homere, on voit derriere lui la deesse.
(_Acclamation._)
Quelque opiniatre que soit la resistance, cette guerre est surprenante
par sa simplicite. C'est l'assaut donne par un homme a une royaute;
son essaim vole autour de lui; les femmes lui jettent des fleurs,
les hommes se battent en chantant, l'armee royale fuit; toute cette
aventure est epique; c'est lumineux, formidable et charmant, comme une
attaque d'abeilles.
Admirez ces etapes radieuses. Et, je vous le predis, pas une ne fera
defaut dans les echeances infaillibles de l'avenir. Apres Marsala,
Palerme; apres Palerme, Messine; apres Messine, Naples; apres Naples,
Rome; apres Rome, Venise; apres Venise, tout. (_Applaudissements
enthousiastes._)
Messieurs, il vient de Dieu le tremblement de cette Sicile au-dessus
de laquelle on voit flamboyer aujourd'hui le patriotisme, la foi, la
liberte, l'honneur, l'heroisme, et une revolution a eclipser l'Etna!
Oui, cela devait etre, et il est magnifique que l'exemple soit donne
au monde par la terre des eruptions. (_Bravos._)
Oh! quand l'heure est venue, que c'est beau un peuple! Quelle
admirable chose que cette rumeur, que ce soulevement, que cet oubli
des interets vils et des bas cotes de l'homme, que ces femmes poussant
leurs maris et combattant elles-memes, que ces meres criant a leurs
fils: va! que cette joie de courir aux armes, de respirer et d'etre,
que ce cri de tous, que cette immense lueur a l'horizon! On ne
pense plus a l'enrichissement, a l'or, au ventre, aux plaisirs, a
l'hebetement de l'orgie; on a honte et orgueil; on se redresse; le
pli fier des tetes provoque les tyrans; les barbaries s'en vont, les
despotismes croulent, les consciences rejettent les esclavages, les
parthenons secouent les croissants, la Minerve austere se dresse dans
le soleil sa lance a la main. Les fosses s'ouvrent; on s'appelle
de tombeau en tombeau. Ressuscitez! c'est plus que la vie, c'est
l'apotheose. Oh! c'est un divin battement de coeur, et les anciens
vaincus heroiques se consolent, et l'oeil des philosophes proscrits
s'emplit de larmes, quand ce qui etait dechu s'indigne, quand ce qui
etait tombe se releve, quand les splendeurs eclipsees reparaissent
charmantes et redoutables; quand Stamboul redevient Byzance, quand
Setiniah redevient Athenes, quand Rome redevient Rome! (_Acclamations
redoublees._)
Tous, qui que nous soyons, battons des mains a l'Italie.
Glorifions-la, cette terre aux grands enfantements. _Alma parens_.
C'est dans de telles nations que de certains dogmes abstraits
apparaissent reels et visibles; elles sont vierges par l'honneur et
meres par le progres.
Vous qui m'ecoutez, vous la representez-vous, cette vision splendide,
l'Italie libre? libre! libre du golfe de Tarente aux lagunes de
Saint-Marc, car, je te l'affirme dans ta tombe, o Manin, Venise sera
de la fete! Dites, vous la figurez-vous, cette vision qui sera une
realite demain? C'est fini, tout ce qui etait mensonge, fiction,
cendre et nuit, s'est dissipe. L'Italie existe. L'Italie est l'Italie.
Ou il y avait un terme geographique, il y a une nation; ou il y avait
un cadavre, il y a une ame; ou il y avait un spectre, il y a un
archange, l'immense archange des peuples, la Liberte, debout, les
ailes deployees. L'Italie, la grande morte, s'est reveillee; voyez-la,
elle se leve et sourit au genre humain. Elle dit a la Grece: je suis
ta fille; elle dit a la France: je suis ta mere. Elle a autour d'elle
ses poetes, ses orateurs, ses artistes, ses philosophes, tous ces
conseillers de l'humanite, tous ces peres conscrits de l'intelligence
universelle, tous ces membres du senat des siecles, et a sa droite et
a sa gauche ces deux effrayants grands hommes, Dante et Michel-Ange.
Oh! puisque la politique aime ces mots-la, ce sera bien la le plus
majestueux des faits accomplis! Quel triomphe! quel avenement! quel
merveilleux phenomene que l'unite traversant d'un seul eclair cette
variete magnifique de villes soeurs, Milan, Turin, Genes, Florence,
Bologne, Pise, Sienne, Verone, Parme, Palerme, Messine, Naples,
Venise, Rome! L'Italie se dresse, l'Italie marche, _patuit dea_; elle
eclate; elle communique au progres du monde entier la grande
fievre joyeuse propre a son genie; et l'Europe s'electrisera a ce
resplendissement prodigieux; et il n'y aura pas moins d'extase dans
l'oeil des peuples, pas moins de reverberation sublime dans les
fronts, pas moins d'admiration, pas moins d'allegresse, pas moins
d'eblouissement pour cette nouvelle clarte sur la terre que pour une
nouvelle etoile dans le ciel. (_Bravo! Bravo!_)
Messieurs, si nous voulons nous rendre compte de ce qui se prepare en
meme temps que de ce qui se fait, n'oublions point ceci que Garibaldi,
l'homme d'aujourd'hui, l'homme de demain, est aussi l'homme d'hier;
avant d'etre le soldat de l'unite italienne il a ete le combattant de
la republique romaine; et a nos yeux, et aux yeux de quiconque sait
comprendre les meandres necessaires du progres serpentant vers son
but et les avatars de l'idee se transformant pour reparaitre, 1860
continue 1849. (_Sensation._)
Les liberateurs sont grands. Que l'acclamation reconnaissante des
peuples les suive dans leurs fortunes! Hier c'etaient les larmes,
aujourd'hui c'est l'hosanna. La providence a de ces retablissements
d'equilibre; John Brown succombe en Amerique, mais Garibaldi
triomphe en Europe. L'humanite, consternee devant l'infame gibet de
Charlestown, se rassure devant la flamboyante epee de Catalafimi.
(_Bravo!_)
O mes freres en humanite, c'est l'heure de la joie et de
l'embrassement. Mettons de cote toute nuance exclusive, tout
dissentiment politique, petit en ce moment; a cette minute sainte ou
nous sommes, fixons uniquement nos yeux sur cette oeuvre sacree, sur
ce but solennel, sur cette vaste aurore, les nations affranchies,
et confondons toutes nos ames dans ce cri formidable digne du genre
humain et du ciel: vive la liberte! Oui, puisque l'Amerique, helas!
lugubrement conservatrice de la servitude, penche vers la nuit,
que l'Europe se rallume! Oui, que cette civilisation de l'ancien
continent, qui a aboli la superstition par Voltaire, l'esclavage par
Wilberforce, l'echafaud par Beccaria, que cette civilisation ainee
reparaisse dans son rayonnement desormais inextinguible, et qu'elle
eleve au-dessus des hommes son vieux phare compose de ces
trois grandes flammes, la France, l'Angleterre et l'Italie!
(_Acclamations._)
Messieurs, encore un mot. Ne quittons pas cette Sicile sans lui jeter
un dernier regard. Concluons.
Quelle est la resultante de cette epopee splendide? Que se degage-t-il
de tout ceci? Une loi morale, une loi auguste; et cette loi, la voici:
La force n'existe pas.
Non, la force n'est pas. Il n'y a que le droit.
Il n'y a que les principes; il n'y a que la justice et la verite; il
n'y a que les peuples; il n'y a que les ames, ces forces de l'ideal;
il n'y a que la conscience ici-bas et la providence la-haut.
(_Sensation._)
Qu'est-ce que la force? qu'est-ce que le glaive? Qui donc parmi ceux
qui pensent a peur du glaive? Ce n'est pas nous, les hommes libres de
France; ce n'est pas vous, les hommes libres d'Angleterre. Le droit
senti fait la tete haute. La force et le glaive, c'est du neant. Le
glaive n'est qu'une lueur hideuse dans les tenebres, un rapide et
tragique evanouissement; le droit, lui, c'est l'eternel rayon; le
droit, c'est la permanence du vrai dans les ames; le droit, c'est Dieu
vivant dans l'homme. De la vient que la ou est le droit, la est la
certitude du triomphe. Un seul homme qui a avec lui le droit s'appelle
Legion; une seule epee qui a avec elle le droit s'appelle la foudre.
Qui dit le droit dit la victoire. Des obstacles? il n'y en a pas. Non,
il n'y en a pas. Il n'y a pas de veto contre la volonte de l'avenir.
Voyez ou en est la resistance en Europe; la paralysie gagne l'Autriche
et la resignation gagne la Russie. Voyez Naples; la lutte est vaine.
Le passe agonisant perd sa peine. Le glaive s'en va en fumee. Ces
etres appeles Lanza, Landi, Aquila, sont des fantomes. A l'heure qu'il
est, Francois II croit peut-etre encore exister; il se trompe; je lui
declare ceci, c'est qu'il est une ombre. Il aurait beau refuser toute
capitulation, assassiner Messine comme il a assassine Palerme, se
cramponner a l'atrocite; c'est fini. Il a regne. Les sombres chevaux
de l'exil frappent du pied a la porte de son palais. Messieurs, il n'y
a que le droit, vous dis-je. Voulez-vous comparer le droit a la force?
Jugez-en par un chiffre. Le 11 mai, a Marsala, huit cents hommes
debarquent. Vingt-sept jours apres, le 7 juin, a Palerme, dix-huit
mille hommes, terrifies,--s'embarquent. Les huit cents hommes, c'est
le droit; les dix-huit mille hommes, c'est la force.
Oh! que partout les souffrants se consolent, que les enchaines se
rassurent. Tout ce qui se passe en ce moment, c'est de la logique.
Oui, aux quatre vents de l'horizon, l'esperance! Que le mougick, que
le fellah, que le proletaire, que le paria, que le negre vendu, que le
blanc opprime, que tous esperent; les chaines sont un reseau; elles se
tiennent toutes; une rompue, la maille se defait. De la la solidarite
des despotismes; le pape est plus frere du sultan qu'il ne croit.
Mais, je le repete, c'est fini. Oh! la belle chose que la force des
choses! il y a du surhumain dans la delivrance. La liberte est un
abime divin qui attire; l'irresistible est au fond des revolutions.
Le progres n'est autre chose qu'un phenomene de gravitation; qui donc
l'entraverait? Une fois l'impulsion donnee, l'indomptable commence.
O despotes, je vous en defie, arretez la pierre qui tombe, arretez le
torrent, arretez l'avalanche, arretez l'Italie, arretez 89, arretez
le monde precipite par Dieu dans la lumiere! (_Applaudissements
frenetiques._)
Victor Hugo avait, a propos de John Brown, predit la guerre civile a
l'Amerique, et, a propos de Garibaldi, predit l'unite a l'Italie. Ces
deux predictions se realiserent.
Apres le meeting, un banquet eut lieu; ce banquet se termina par un
toast a Victor Hugo.
Victor Hugo repondit:
Messieurs,
Puisque je suis debout, permettez-moi de ne point me rasseoir. Je sens
le besoin de remercier immediatement l'homme inspire et cordial [note:
Le pasteur N. Martin.] que nous venons d'entendre. Je dirai peu de
mots. Les sentiments profonds abregent volontiers, et les coeurs
penetres ont pour eloquence leur emotion meme. Eh bien, je suis tres
emu.
La meilleure maniere de vous remercier, c'est de vous dire que j'aime
Jersey. Je vous l'ai dit hier, vous l'avez entendu au meeting et
lu dans les journaux, je vous le repete aujourd'hui; mais c'est a
l'oreille d'un peuple, c'est au coeur d'un peuple que je parle, et les
nations sont comme les femmes, elles ne se lassent pas de s'entendre
dire: Je vous aime. J'ai quitte Jersey avec regret, je la retrouve
avec bonheur. Les liberateurs ont cela de merveilleux et de charmant
qu'ils delivrent quelquefois au dela de leur effort. Sans s'en douter,
Garibaldi a fait d'une pierre deux coups; il a fait sortir les
Bourbons de la Sicile, et il m'a fait rentrer a Jersey.
Vos applaudissements et vos interruptions cordiales en ce moment me
touchent au point que les mots me manquent pour vous le dire. Je
ne sais comment repondre a une bienvenue si universelle et si
gracieusement souriante de toutes parts, et a tant d'acclamations et
a tant de sympathie. Je vous dirais presque: Epargnez-moi. Vous etes
tous contre un. Il y a un certain monstre fabuleux qui me parait a
cette heure fort doue. J'envie ce monstre. Il s'appelait Briaree. Je
voudrais avoir comme lui cent bras pour vous donner cent poignees de
main.
Ce que j'aime dans Jersey, je vais vous le dire; j'en aime tout.
J'aime ce climat ou l'hiver et l'ete s'amortissent, ces fleurs qui
ont toujours l'air d'etre en avril, ces arbres qui sont normands, ces
roches qui sont bretonnes, ce ciel qui me rappelle la France, cette
mer qui me rappelle Paris. J'aime cette population qui travaille et
qui lutte, tous ces braves hommes qu'on rencontre a chaque instant
dans vos rues et dans vos champs, et dont la physionomie se compose
de la liberte anglaise et de la grace francaise, qui est aussi une
liberte.
Quand je suis arrive ici, il y a huit ans, au sortir des plus
prodigieuses luttes politiques du siecle, moi, naufrage encore tout
ruisselant de la catastrophe de decembre, tout effare de cette
tempete, tout echevele de cet ouragan, savez-vous ce que j'ai trouve a
Jersey? Une chose sainte, sublime, inattendue, la paix. Oui, le plus
grand crime politique des temps modernes, la liberte etouffee dans
le pays meme de la lumiere, en pleine France, helas! ce monstrueux
attentat venait d'etre accompli; j'avais lutte contre cet
asservissement d'un peuple par un homme, tout ce combat convulsif
tremblait encore en moi de la tete aux pieds; j'etais indigne, eperdu
et haletant. Eh bien, Jersey m'a calme. J'ai trouve, je le repete,
la paix, le repos, un apaisement severe et profond dans cette douce
nature de vos campagnes, dans ce salut affectueux de vos laboureurs,
dans ces vallees, dans ces solitudes, dans ces nuits qui sur la mer
semblent plus largement etoilees, dans cet ocean eternellement emu qui
semble palpiter directement sous l'haleine de Dieu. Et c'est ainsi
que, tout en gardant la colere sacree contre le crime, j'ai senti
l'immensite meler a cette colere son elargissement serein, et ce qui
grondait en moi s'est pacifie. Oui, je rends graces a Jersey. Je vous
rends graces. Je sentais sous vos toits et dans vos villes la bonte
humaine, et dans vos champs et sur vos mers je sentais la bonte
divine. Oh! je ne l'oublierai jamais, ce majestueux apaisement
des premiers jours de l'exil par la nature! Nous pouvons le dire
aujourd'hui, la fierte ne nous defend plus cet aveu, et aucun de mes
compagnons de proscription ne me dementira, nous avons tous souffert
en quittant Jersey. Nous y avions tous des racines. Des fibres
de notre coeur etaient entrees dans votre sol et y tenaient.
L'arrachement a ete douloureux. Nous aimions tous Jersey. Les uns
l'aimaient pour y avoir ete heureux, les autres pour y avoir ete
malheureux. La souffrance n'est pas une attache moins profonde que la
joie. Helas! on peut eprouver de telles douleurs dans une terre de
refuge, qu'il devient impossible de s'en separer, quand meme la patrie
s'offrirait. Tenez, une chose que j'ai vue hier traverse en ce moment
mon esprit, cette reunion est a la fois solennelle et intime, et ce
que je vais vous dire convient a ce double caractere. Ecoutez. Hier,
j'etais alle, avec quelques amis chers, visiter cette ile, revoir les
lieux aimes, les promenades preferees jadis, et tous ces rayonnants
paysages qui etaient restes dans notre memoire comme des visions. En
revenant, une pensee pieuse nous restait a satisfaire, et nous avons
voulu finir notre visite par ce qui est la fin, par le cimetiere.
Nous avons fait arreter la voiture qui nous menait devant ce champ de
Saint-Jean ou sont plusieurs des notres. Au moment ou nous arrivions,
savez-vous ce qui nous a fait tressaillir, savez-vous ce que nous
avons vu? Une femme, ou, pour mieux dire, une forme humaine sous
un linceul noir, etait la, a terre, plus qu'agenouillee, plus que
prosternee, etendue, et en quelque sorte abimee sur une tombe. Nous
sommes restes immobiles, silencieux, mettant le doigt sur nos bouches
devant cette majestueuse douleur. Cette femme, apres avoir prie, s'est
relevee, a cueilli une fleur dans l'herbe du sepulcre, et l'a cachee
dans son coeur. Nous l'avons reconnue alors. Nous avons reconnu cette
face pale, ces yeux inconsolables et ces cheveux blancs. C'etait une
mere! c'etait la mere d'un proscrit! du jeune et genereux Philippe
Faure, mort il y a quatre ans sur la breche sainte de l'exil. Depuis
quatre ans, tous les jours, quelque temps qu'il fasse, cette mere
vient la; depuis quatre ans, cette mere s'agenouille sur cette pierre
et la baise. Essayez donc de l'en arracher. Montrez-lui la France,
oui, la France elle-meme! Que lui importe a cette mere! Dites-lui: "Ce
n'est pas ici votre pays"; elle ne vous croira pas. Dites-lui: "Ce
n'est pas ici que vous etes nee"; elle vous repondra: "C'est ici que
mon fils est mort." Et vous vous tairez devant cette reponse, car la
patrie d'une mere, c'est le tombeau de son enfant.
Messieurs, voila comment il se fait qu'on aime une terre avec sa
chair, avec son sang, avec son ame. Notre ame a nous est melee a
celle-ci. Nous y avons nos amis morts. Sachez-le, il n'y a pas de
terre etrangere; partout la terre est la mere de l'homme, sa mere
tendre, severe et profonde. Dans tous les lieux ou il a aime, ou il a
pleure, ou il a souffert, c'est-a-dire partout, l'homme est chez lui.
Messieurs, je reponds au toast qui m'est porte par un toast a Jersey.
Je bois a Jersey, a sa prosperite, a son enrichissement, a son
amelioration, a son agrandissement industriel et commercial, et aussi
et plus encore a son agrandissement intellectuel et moral.
Il y a deux choses qui font les peuples grands et charmants, ces deux
choses sont la liberte et l'hospitalite, l'hospitalite etait la
gloire des nations antiques, la liberte est la splendeur des nations
modernes. Jersey a ces deux couronnes, qu'elle les garde!
Qu'elle les garde a jamais! C'est de la liberte qu'il convient de
parler d'abord. Veillez, oui, veillez jalousement sur votre liberte.
Ne souffrez plus que qui que ce soit ose y toucher. Cette ile est
une terre de beaute, de bonheur et d'independance. Vous n'y etes pas
seulement pour y vivre et pour en jouir, vous y etes pour y faire
votre devoir. Dieu se chargera de la maintenir belle; vos femmes se
chargeront de la maintenir heureuse; vous, les hommes, chargez-vous de
la conserver libre.
Et quant a votre hospitalite, conservez-la, elle aussi, religieusement.
Les nations hospitalieres ont, entre toutes, une sorte de grace auguste
et venerable. Elles donnent l'exemple; dans le vaste et tumultueux
mouvement des peuples, elles ne font pas seulement de l'hospitalite,
elles font de l'education; l'hospitalite des nations est le commencement
de la fraternite des hommes. Or, la fraternite humaine, c'est la le but.
Soyez a jamais hospitaliers. Que cette fonction sacree, l'hospitalite,
honore eternellement cette ile; et, permettez-moi de lui associer
Guernesey, sa soeur, et tout l'archipel de la Manche. C'est la une
grande terre d'asile; grande, non par l'etendue, mais par le nombre de
refugies de tous les partis et de toutes les patries que depuis trois
siecles elle a abrites et consoles. Oh! rien au monde n'est plus beau
que cela, etre l'asile! Soyez l'asile. Continuez d'accueillir tout ce qui
vient a vous. Soyez l'archipel beni et sauveur. Dieu vous a mis ici pour
ouvrir vos ports a toutes les voiles battues par la tempete, et vos
coeurs a tous les hommes battus par la destinee.
Et pas de limites a cette hospitalite sainte; ne discutez pas celui
qui vient a vous; recevez-le sans l'examiner. L'hospitalite a cela de
grand, que quiconque souffre est digne d'elle. Nous qui sommes ici,
tous les proscrits de France, nous n'avons fait de mal a personne,
nous avons defendu les droits et les lois de notre pays, nous avons
rempli nos mandats et ecoute nos consciences, nous souffrons pour ce
qui est juste et pour ce qui est vrai; vous nous accueillez, et c'est
bien; mais il faut prevoir d'autres naufrages que nous. Si les bons
ont leurs desastres, les coupables ont leurs ecueils; parce qu'on fait
le mal, ce n'est pas une raison pour triompher toujours. Ecoutez ceci:
s'il vous arrive jamais des vaincus de la cause injuste, recevez-les
comme vous nous recevez. Le malheur est une des formes saintes du
droit; et, entendez-le bien, de ces vaincus possibles, je n'excepte
personne. Il se peut qu'un jour,--car les evenements sont dans la main
divine, et la main divine, c'est la main inepuisable,--il se peut que,
parmi ceux que les grandes tempetes ou les grandes marees de l'avenir
jetteront sur vos bords, il y ait notre propre prescripteur a nous
qui sommes ici, chasse a son tour et malheureux. Eh bien! soyez-lui
clements comme vous nous etes justes;--s'il frappe a votre porte,
ouvrez-la-lui, et dites-lui: "Ce sont ceux que vous avez proscrits qui
nous ont demande pour vous cet asile que nous vous donnons."


II

Le _Progres_, de Port-au-Prince, publia la lettre suivante, ecrite
par Victor Hugo a M. Heurtelou, redacteur en chef de ce journal, en
reponse aux remerciments que M. Heurtelou lui avait adresses pour la
defense de John Brown:
Hauteville-House, 31 mars 1860.
Vous etes, monsieur, un noble echantillon de cette humanite noire si
longtemps opprimee et meconnue.
D'un bout a l'autre de la terre, la meme flamme est dans l'homme; et
les noirs comme vous le prouvent. Y a-t-il eu plusieurs Adam? Les
naturalistes peuvent discuter la question; mais ce qui est certain,
c'est qu'il n'y a qu'un Dieu.
Puisqu'il n'y a qu'un pere, nous sommes freres.
C'est pour cette verite que John Brown est mort; c'est pour cette
verite que je lutte. Vous m'en remerciez, et je ne saurais vous dire
combien vos belles paroles me touchent.
Il n'y a sur la terre ni blancs ni noirs, il y a des esprits; vous en
etes un. Devant Dieu, toutes les ames sont blanches.
J'aime votre pays, votre race, votre liberte, votre revolution, votre
republique. Votre ile magnifique et douce plait a cette heure aux
ames libres; elle vient de donner un grand exemple; elle a brise le
despotisme.
Elle nous aidera a briser l'esclavage.
Car la servitude, sous toutes ses formes, disparaitra. Ce que les
etats du sud viennent de tuer, ce n'est pas John Brown, c'est
l'esclavage.
Des aujourd'hui, l'Union americaine peut, quoi qu'en dise le honteux
message du president Buchanan, etre consideree comme rompue. Je le
regrette profondement, mais cela est desormais fatal; entre le Sud et
le Nord, il y a le gibet de Brown. La solidarite n'est pas possible.
Un tel crime ne se porte pas a deux.
Ce crime, continuez de le fletrir, et continuez de consolider votre
genereuse revolution. Poursuivez votre oeuvre, vous et vos dignes
concitoyens. Haiti est maintenant une lumiere. Il est beau que parmi
les flambeaux du progres, eclairant la route des hommes, on en voie un
tenu par la main d'un negre.
Votre frere,
VICTOR HUGO.


1861
_L'Expedition de Chine._

AU CAPITAINE BUTLER
Hauteville-House, 25 novembre 1861.
Vous me demandez mon avis, monsieur, sur l'expedition de Chine. Vous
trouvez cette expedition honorable et belle, et vous etes assez bon
pour attacher quelque prix a mon sentiment; selon vous, l'expedition
de Chine, faite sous le double pavillon de la reine Victoria et de
l'empereur Napoleon, est une gloire a partager entre la France
et l'Angleterre, et vous desirez savoir quelle est la quantite
d'approbation que je crois pouvoir donner a cette victoire anglaise et
francaise.
Puisque vous voulez connaitre mon avis, le voici:
Il y avait, dans un coin du monde, une merveille du monde; cette
merveille s'appelait le Palais d'ete. L'art a deux principes, l'Idee,
qui produit l'art europeen, et la Chimere, qui produit l'art oriental.
Le Palais d'ete etait a l'art chimerique ce que le Parthenon est a
l'art ideal. Tout ce que peut enfanter l'imagination d'un peuple
presque extra-humain etait la. Ce n'etait pas, comme le Parthenon,
une oeuvre rare et unique; c'etait une sorte d'enorme modele de la
chimere, si la chimere peut avoir un modele. Imaginez on ne sait
quelle construction inexprimable, quelque chose comme un edifice
lunaire, et vous aurez le Palais d'ete. Batissez un songe avec du
marbre, du jade, du bronze, de la porcelaine, charpentez-le en bois
de cedre, couvrez-le de pierreries, drapez-le de soie, faites-le ici
sanctuaire, la harem, la citadelle, mettez-y des dieux, mettez-y des
monstres, vernissez-le, emaillez-le, dorez-le, fardez-le, faites
construire par des architectes qui soient des poetes les mille et un
reves des mille et une nuits, ajoutez des jardins, des bassins, des
jaillissements d'eau et d'ecume, des cygnes, des ibis, des paons,
supposez en un mot une sorte d'eblouissante caverne de la fantaisie
humaine ayant une figure de temple et de palais, c'etait la ce
monument. Il avait fallu, pour le creer, le long travail de deux
generations. Cet edifice, qui avait l'enormite d'une ville, avait ete
bati par les siecles, pour qui? pour les peuples. Garce que fait le
temps appartient a l'homme. Les artistes, les poetes, les philosophes,
connaissaient le Palais d'ete; Voltaire en parle. On disait: le
Parthenon en Grece, les Pyramides en Egypte, le Colisee a Rome,
Notre-Dame a Paris, le Palais d'ete en Orient. Si on ne le voyait pas,
on le revait. C'etait une sorte d'effrayant chef-d'oeuvre inconnu
entrevu au loin dans on ne sait quel crepuscule comme une silhouette
de la civilisation d'Asie sur l'horizon de la civilisation d'Europe.
Cette merveille a disparu.
Un jour, deux bandits sont entres dans le Palais d'ete. L'un a pille,
l'autre a incendie. La victoire peut etre une voleuse, a ce qu'il
parait. Une devastation en grand du Palais d'ete s'est faite de compte
a demi entre les deux vainqueurs. On voit mele a tout cela le nom
d'Elgin, qui a la propriete fatale de rappeler le Parthenon. Ce
qu'on avait fait au Parthenon, on l'a fait au Palais d'ete, plus
completement et mieux, de maniere a ne rien laisser. Tous les tresors
de toutes nos cathedrales reunies n'egaleraient pas ce formidable
et splendide musee de l'orient. Il n'y avait pas seulement la des
chefs-d'oeuvre d'art, il y avait un entassement d'orfevreries. Grand
exploit, bonne aubaine. L'un des deux vainqueurs a empli ses poches,
ce que voyant, l'autre a empli ses coffres; et l'on est revenu en
Europe, bras dessus, bras dessous, en riant. Telle est l'histoire des
deux bandits.
Nous europeens, nous sommes les civilises, et pour nous les chinois
sont les barbares. Voila ce que la civilisation a fait a la barbarie.
Devant l'histoire, l'un des deux bandits s'appellera la France,
l'autre s'appellera l'Angleterre. Mais je proteste, et je vous
remercie de m'en donner l'occasion; les crimes de ceux qui menent
ne sont pas la faute de ceux qui sont menes; les gouvernements sont
quelquefois des bandits, les peuples jamais.
L'empire francais a empoche la moitie de cette victoire, et il etale
aujourd'hui, avec une sorte de naivete de proprietaire, le splendide
bric-a-brac du Palais d'ete. J'espere qu'un jour viendra ou la France,
delivree et nettoyee, renverra ce butin a la Chine spoliee.
En attendant, il y a un vol et deux voleurs, je le constate.
Telle est, monsieur, la quantite d'approbation que je donne a
l'expedition de Chine.
VICTOR HUGO.


1862

_Barbes a Victor Hugo. Continuation de la lutte pour l'inviolabilite
de la vie humaine; en Belgique et en Suisse contre la peine de mort,
en France contre la torture. Charleroi. Geneve.--Affaire Doise.--Les
Miserables. Etablissement du Diner des Enfants pauvres._

I
LES CONDAMNES DE CHARLEROI

Plusieurs journaux belges ayant attribue a Victor Hugo des vers
adresses au roi des Belges pour demander la grace des neuf condamnes a
You have read 1 text from French literature.
Next - Actes et Paroles, Volume 2 - 13
  • Parts
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 01
    Total number of words is 4566
    Total number of unique words is 1735
    34.8 of words are in the 2000 most common words
    48.0 of words are in the 5000 most common words
    54.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 02
    Total number of words is 4431
    Total number of unique words is 1565
    38.0 of words are in the 2000 most common words
    50.3 of words are in the 5000 most common words
    56.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 03
    Total number of words is 4553
    Total number of unique words is 1527
    35.7 of words are in the 2000 most common words
    48.4 of words are in the 5000 most common words
    54.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 04
    Total number of words is 4594
    Total number of unique words is 1565
    34.0 of words are in the 2000 most common words
    45.2 of words are in the 5000 most common words
    51.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 05
    Total number of words is 4585
    Total number of unique words is 1546
    34.1 of words are in the 2000 most common words
    46.0 of words are in the 5000 most common words
    53.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 06
    Total number of words is 4771
    Total number of unique words is 1522
    38.4 of words are in the 2000 most common words
    51.0 of words are in the 5000 most common words
    57.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 07
    Total number of words is 4505
    Total number of unique words is 1515
    35.7 of words are in the 2000 most common words
    46.8 of words are in the 5000 most common words
    54.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 08
    Total number of words is 4534
    Total number of unique words is 1594
    33.9 of words are in the 2000 most common words
    46.7 of words are in the 5000 most common words
    53.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 09
    Total number of words is 4533
    Total number of unique words is 1594
    34.1 of words are in the 2000 most common words
    47.2 of words are in the 5000 most common words
    53.1 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 10
    Total number of words is 4477
    Total number of unique words is 1554
    37.0 of words are in the 2000 most common words
    48.9 of words are in the 5000 most common words
    54.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 11
    Total number of words is 4490
    Total number of unique words is 1585
    35.5 of words are in the 2000 most common words
    46.9 of words are in the 5000 most common words
    54.0 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 12
    Total number of words is 4604
    Total number of unique words is 1555
    37.1 of words are in the 2000 most common words
    49.9 of words are in the 5000 most common words
    56.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 13
    Total number of words is 4538
    Total number of unique words is 1564
    38.3 of words are in the 2000 most common words
    49.9 of words are in the 5000 most common words
    56.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 14
    Total number of words is 4639
    Total number of unique words is 1598
    35.0 of words are in the 2000 most common words
    47.6 of words are in the 5000 most common words
    53.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 15
    Total number of words is 4483
    Total number of unique words is 1601
    37.4 of words are in the 2000 most common words
    49.0 of words are in the 5000 most common words
    55.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 16
    Total number of words is 4477
    Total number of unique words is 1493
    37.4 of words are in the 2000 most common words
    48.9 of words are in the 5000 most common words
    55.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 17
    Total number of words is 4422
    Total number of unique words is 1535
    34.9 of words are in the 2000 most common words
    47.6 of words are in the 5000 most common words
    54.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 18
    Total number of words is 4374
    Total number of unique words is 1700
    35.5 of words are in the 2000 most common words
    49.9 of words are in the 5000 most common words
    57.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 19
    Total number of words is 4543
    Total number of unique words is 1520
    37.3 of words are in the 2000 most common words
    49.3 of words are in the 5000 most common words
    55.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 20
    Total number of words is 4453
    Total number of unique words is 1497
    37.6 of words are in the 2000 most common words
    48.9 of words are in the 5000 most common words
    54.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 21
    Total number of words is 4537
    Total number of unique words is 1565
    36.5 of words are in the 2000 most common words
    49.1 of words are in the 5000 most common words
    56.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 22
    Total number of words is 4594
    Total number of unique words is 1605
    36.9 of words are in the 2000 most common words
    50.6 of words are in the 5000 most common words
    57.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 23
    Total number of words is 4470
    Total number of unique words is 1513
    36.4 of words are in the 2000 most common words
    50.4 of words are in the 5000 most common words
    56.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 24
    Total number of words is 4482
    Total number of unique words is 1520
    38.2 of words are in the 2000 most common words
    49.7 of words are in the 5000 most common words
    57.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 25
    Total number of words is 4459
    Total number of unique words is 1550
    39.3 of words are in the 2000 most common words
    51.1 of words are in the 5000 most common words
    57.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 26
    Total number of words is 205
    Total number of unique words is 109
    37.5 of words are in the 2000 most common words
    52.1 of words are in the 5000 most common words
    55.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.