Actes et Paroles, Volume 2 - 21

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l'envie au votre. La patrie gardera sa cendre et nos coeurs sa
memoire. Que l'immensite emue des mers vous le rapporte! Le libre
pavillon americain ne deploiera jamais assez d'etoiles au-dessus de ce
cercueil.
Rapprochement que je ne puis m'empecher de faire, il y a aujourd'hui
juste dix ans, le 2 decembre 1859, j'adressais, suppliant, isole,
une priere pour le condamne d'Harper's Ferry a l'illustre nation
americaine; aujourd'hui, c'est une glorification que je lui adresse.
Depuis 1859, de grands evenements se sont accomplis, la servitude a
ete abolie en Amerique; esperons que la misere, cette autre servitude,
sera aussi abolie un jour et dans le monde entier; et, en attendant
que le second progres vienne completer le premier, venerons-en les
deux apotres, en accouplant dans une meme pensee de reconnaissance et
de respect John Brown, l'ami des esclaves, a George Peabody, l'ami des
pauvres.
Je vous serre la main, monsieur.
VICTOR HUGO.
A M. le colonel Berton, president du comite americain de Londres.


VII
A CHARLES HUGO

Hauteville-House, 18 decembre 1869.
Mon fils, te voila frappe pour la seconde fois. La premiere fois, il y
a dix-neuf ans, tu combattais l'echafaud; on t'a condamne. La deuxieme
fois, aujourd'hui, en rappelant le soldat a la fraternite, tu
combattais la guerre; on t'a condamne. Je t'envie ces deux gloires.
En 1851, tu etais defendu par Cremieux, ce grand coeur eloquent,
et par moi. En 1860, tu as ete defendu par Gambetta, le puissant
evocateur du spectre de Baudin, et par Jules Favre, le maitre superbe
de la parole, que j'ai vu si intrepide au 2 decembre.
Tout est bien. Sois content.
Tu commets le crime de preferer comme moi a la societe qui tue la
societe qui eclaire et qui enseigne, et aux peuples s'entr'egorgeant
les peuples s'entr'aidant; tu combats ces sombres obeissances
passives, le bourreau et le soldat; tu ne veux pas pour l'ordre social
de ces deux cariatides; a une extremite l'homme-guillotine, a l'autre
extremite l'homme-chassepot. Tu aimes mieux Guillaume Penn que Joseph
de Maistre, et Jesus que Cesar. Tu ne veux de hache qu'aux mains du
pionnier dans la foret et de glaive qu'aux mains du citoyen devant la
tyrannie. Au legislateur tu montres comme ideal Beccaria, et au soldat
Garibaldi. Tout cela vaut bien quatre mois de prison et mille francs
d'amende.
Ajoutons que tu es suspect de ne point approuver le viol des lois a
main armee, et que peut-etre tu es capable d'exciter a la haine des
arrestations nocturnes et au mepris du faux serment.
Tout est bien, je le repete.
J'ai ete enfant de troupe. A ma naissance j'ai ete inscrit par mon
pere sur les controles du Royal-Corse (oui, Corse. Ce n'est pas ma
faute). C'est pourquoi, puisque j'entre dans la voie des aveux, je
dois convenir que j'ai une vieille sympathie pour l'armee. J'ai ecrit
quelque part:
J'aime les gens d'epee en etant moi-meme un.
A une condition pourtant. C'est que l'epee sera sans tache.
L'epee que j'aime, c'est l'epee de Washington, l'epee de John Brown,
l'epee de Barbes.
Il faut bien dire une chose a l'armee d'aujourd'hui, c'est qu'elle se
tromperait de croire qu'elle ressemble a l'armee d'autrefois. Je parle
de cette grande armee d'il y a soixante ans, qui s'est d'abord appelee
armee de la republique, puis armee de l'empire, et qui etait a
proprement parler, a travers l'Europe, l'armee de la revolution. Je
sais tout ce qu'on peut dire contre cette armee-la, mais elle avait
son grand cote. Cette armee-la demolissait partout les prejuges et les
bastilles. Elle avait dans son havre-sac l'Encyclopedie. Elle semait
la philosophie avec le sans-gene du corps de garde. Elle appelait
le bourgeois pekin, mais elle appelait le pretre calotin. Elle
brutalisait volontiers les superstitions, et Championnet donnait une
chiquenaude a saint Janvier.
Quand l'empire voulut s'etablir, qui vota surtout contre lui? l'armee.
Cette armee avait eu dans ses rangs Oudet et les Philadelphes. Elle
avait eu Mallet, et Guidal, et mon parrain, Victor de Lahorie, tous
trois fusilles en plaine de Grenelle. Paul-Louis Courier etait de
cette armee. C'etaient les anciens compagnons de Hoche, de Marceau, de
Kleber et de Desaix.
Cette armee-la, dans sa course a travers les capitales, vidait sur son
passage toutes les geoles, encore pleines de victimes, en Allemagne
les chambres de torture des Landgraves, a Rome les cachots du chateau
Saint-Ange, en Espagne les caves de l'Inquisition. De 1792 a 1800,
elle avait eventre a coups de sabre la vieille carcasse du despotisme
europeen.
Plus tard, helas! elle fit des rois ou en laissa faire, mais elle
en destituait. Elle arretait le pape. On etait loin de Mentana. En
Espagne et en Italie, qui est-ce qui la combattait? des pretres. _El
pastor, el frayle, el cura_, tels etaient les noms des chefs de bande;
qu'on ote Napoleon, comme cette armee reste grande! Au fond, elle
etait philosophe et citoyenne. Elle avait la vieille flamme de la
republique. Elle etait l'esprit de la France, arme.
Je n'etais qu'un enfant alors, mais j'ai des souvenirs. En voici un.
J'etais a Madrid du temps de Joseph. C'etait l'epoque ou les pretres
montraient aux paysans espagnols, qui voyaient la chose distinctement,
la sainte vierge tenant Ferdinand VII par la main dans la comete de
1811. Nous etions, mes deux freres et moi, au seminaire des Nobles,
college San Isidro. Nous avions pour maitres deux jesuites, un doux et
un dur, don Manuel et don Basilio. Un jour, nos jesuites, par ordre
sans doute, nous menerent sur un balcon pour voir arriver quatre
regiments francais qui faisaient leur entree dans Madrid. Ces
regiments avaient fait les guerres d'Italie et d'Allemagne, et
revenaient de Portugal. La foule, bordant les rues sur le passage des
soldats, regardait avec anxiete ces hommes qui apportaient dans la
nuit catholique l'esprit francais, qui avaient fait subir a l'eglise
la voie de fait revolutionnaire, qui avaient ouvert les couvents,
defonce les grilles, arrache les voiles, aere les sacristies, et tue
le saint-office. Pendant qu'ils defilaient sous notre balcon, don
Manuel se pencha a l'oreille de don Basilio et lui dit: _Voila
Voltaire qui passe_.
Que l'armee actuelle y songe, ces hommes-la eussent desobei, si on
leur eut dit de tirer sur des femmes et des enfants. On n'arrive pas
d'Arcole et de Friedland pour aller a Ricamarie.
J'y insiste, je n'ignore pas tout ce qu'on peut dire contre cette
grande armee morte, mais je lui sais gre de la trouee revolutionnaire
qu'elle a faite dans la vieille Europe theocratique. La fumee
dissipee, cette armee a laisse une trainee de lumiere.
Son malheur, qui se confond avec sa gloire, c'est d'avoir ete
proportionnee au premier empire. Que l'armee actuelle craigne d'etre
proportionnee au second.
Le dix-neuvieme siecle prend son bien partout ou il le trouve, et son
bien c'est le progres. Il constate la quantite de recul, comme la
quantite de progres, faite par une armee. Il n'accepte le soldat
qu'a la condition d'y retrouver le citoyen. Le soldat est destine a
s'evanouir, et le citoyen a survivre.
C'est parce que tu as cru cela vrai que tu as ete condamne par
cette magistrature francaise qui, soit dit en passant, a du malheur
quelquefois, et a qui il arrive de ne pouvoir plus retrouver des
prevenus de haute trahison. Il parait que le trone cache bien.
Persistons. Soyons de plus en plus fideles a l'esprit de ce grand
siecle. Ayons l'impartialite d'aimer toute la lumiere. Ne la chicanons
pas sur le point de l'horizon ou elle se leve. Moi qui parle ici, a la
fois solitaire et isole, comme je l'ai dit deja; solitaire par le lieu
que j'habite, isole par les escarpements qui se sont faits autour de
ma conscience, je suis profondement etranger a des polemiques qui ne
m'arrivent souvent que longtemps apres leur date; je n'ecris et je
n'inspire rien de ce qui agite Paris, mais j'aime cette agitation.
J'y mele de loin mon ame. Je suis de ceux qui saluent l'esprit de la
revolution partout ou ils le rencontrent, j'applaudis quiconque l'a en
lui, qu'il se nomme Jules Favre ou Louis Blanc, Gambetta ou Barbes,
Bancel ou Felix Pyat, et je sens ce souffle puissant dans la robuste
eloquence de Pelletan comme dans l'eclatant sarcasme de Rochefort.
Voila ce que j'avais a te dire, mon fils.
Mon dix-neuvieme hiver d'exil commence. Je ne m'en plains pas. A
Guernesey, l'hiver n'est qu'une longue tourmente. Pour une ame
indignee et calme, c'est un bon voisinage que cet ocean en plein
equilibre quoique en pleine tempete, et rien n'est fortifiant comme
ce spectacle de la colere majestueuse.
VICTOR HUGO.


VIII
LES ENFANTS PAUVRES

Victor Hugo, selon son habitude, ferma cette annee 1869 par la fete
des enfants pauvres. Cette annee 1869 etait l'avant-derniere annee de
l'exil. Les journaux anglais publierent les paroles de Victor Hugo a
ce Christmas de Hauteville-House. Nous les reproduisons.
Mesdames,
Je ne veux pas faire languir ces enfants qui attendent des jouets, et
je tacherai de dire peu de paroles. Je l'ai deja dit, et je dois le
repeter, cette petite oeuvre de fraternite pratique, limitee ici a
quarante enfants seulement, est bien peu de chose par elle-meme, et
ne vaudrait pas la peine d'en parler, si elle n'avait pris au dehors,
comme la presse anglaise et americaine le constate d'annee en annee,
une extension magnifique, et si le Diner des enfants pauvres, fonde il
y a huit ans par moi dans ma maison, mais sur une tres petite echelle,
n'etait devenu, grace a de bons et grands coeurs qui s'y sont devoues,
une veritable institution, considerable par le chiffre enorme des
enfants secourus. En Angleterre et en Amerique, ce chiffre s'accroit
sans cesse. C'est par centaines de mille qu'il faut compter les diners
de viande et de vin donnes aux enfants pauvres. Vous connaissez les
admirables resultats obtenus par l'honorable lady Kate Thompson et par
le reverend Wood. _L'Illustrated London News_ a publie des estampes
representant les vastes et belles salles ou se fait a Londres le Diner
des enfants pauvres. Dans tout cela, Hauteville-House n'est rien, que
le point de depart. Il ne lui revient que l'humble honneur d'avoir
commence.
Grace a la presse, la propagande se fait en tout pays; partout se
multiplient d'autres efforts, meilleurs que les miens; partout
l'institution d'assistance aux enfants se greffe avec succes. J'ai
a remercier de leur chaude adhesion plusieurs loges de la
franc-maconnerie, et cette utile societe des instituteurs de la Suisse
romande qui a pour devise: _Dieu, Humanite, Patrie_. De toutes parts,
je recois des lettres qui m'annoncent les essais tentes. Deux de ces
lettres m'ont particulierement emu; l'une vient d'Haiti, l'autre de
Cuba.
Permettez-moi, puisque l'occasion s'en presente, d'envoyer une parole
de sympathie a ces nobles terres qui, toutes deux, ont pousse un cri
de liberte. Cuba se delivrera de l'Espagne comme Haiti s'est delivre
de la France. Haiti, des 1792, en affranchissant les noirs, a fait
triompher ce principe qu'un homme n'a pas le droit de posseder un
autre homme. Cuba fera triompher cet autre principe, non moins grand,
qu'un peuple n'a pas le droit de posseder un autre peuple.
Je reviens a nos enfants. C'est faire aussi un acte de delivrance que
d'assister l'enfance. Dans l'assainissement et dans l'education, il
y a de la liberation. Fortifions ce pauvre petit corps souffrant;
developpons cette douce intelligence naissante; que faisons-nous? Nous
affranchissons de la maladie le corps et de l'ignorance l'esprit.
L'idee du Diner des enfants pauvres a ete partout bien accueillie.
L'accord s'est fait tout de suite sur cette institution de fraternite.
Pourquoi? c'est qu'elle est conforme, pour les chretiens, a l'esprit
de l'evangile, et, pour les democrates, a l'esprit de la revolution.
En attendant mieux. Car secourir les pauvres par l'assistance,
ce n'est qu'un palliatif. Le vrai secours aux miserables, c'est
l'abolition de la misere.
Nous y arriverons.
Aidons le progres par l'assistance a l'enfance. Assistons l'enfant par
tous les moyens, par la bonne nourriture et par le bon enseignement.
L'assistance a l'enfance doit etre, dans nos temps troubles, une de
nos principales preoccupations. L'enfant doit etre notre souci. Et
savez-vous pourquoi? Savez-vous son vrai nom? L'enfant s'appelle
l'avenir.
Exercons la sainte paternite du present sur l'avenir. Ce que nous
aurons fait pour l'enfance, l'avenir le rendra au centuple. Ce jeune
esprit, l'enfant, est le champ de la moisson future. Il contient
la societe nouvelle. Ensemencons cet esprit, mettons-y la justice;
mettons-y la joie.
En elevant l'enfant, nous elevons l'avenir. Elever, mot profond! En
ameliorant cette petite ame, nous faisons l'education de l'inconnu.
Si l'enfant a la sante, l'avenir se portera bien; si l'enfant est
honnete, l'avenir sera bon. Eclairons et enseignons cette enfance qui
est la sous nos yeux, le vingtieme siecle rayonnera. Le flambeau dans
l'enfant, c'est le soleil dans l'avenir.


1870

_Evenements d'Amerique.--Aux femmes de Cuba. La revolution litteraire
melee aux revolutions politiques. George Sand et Victor Hugo. Mort
d'un proscrit. Les sauveteurs et les travailleurs. Le plebiscite.--Aux
femmes de Guernesey. Evenements d'Europe_.


I
CUBA

L'Europe, ou couvaient de redoutables evenements, commencait a perdre
de vue les choses lointaines. A peine savait-on, de ce cote de
l'Atlantique, que Cuba etait en pleine insurrection. Les gouverneurs
espagnols reprimaient cette revolte avec une brutalite sauvage.
Des districts entiers furent executes militairement. Les femmes
s'enfuyaient. Beaucoup se refugierent a New-York. Au commencement de
1870, une adresse des femmes de Cuba, couverte de plus de trois cents
signatures, fut envoyee de New-York a Victor Hugo pour le prier
d'intervenir dans cette lutte. Il repondit:
AUX FEMMES DE CUBA
Femmes de Cuba, j'entends votre plainte. O desesperees, vous vous
adressez a moi. Fugitives, martyres, veuves, orphelines, vous demandez
secours a un vaincu. Proscrites, vous vous tournez vers un proscrit;
celles qui n'ont plus de foyer appellent a leur aide celui qui n'a
plus de patrie. Certes, nous sommes bien accables; vous n'avez plus
que votre voix, et je n'ai plus que la mienne; votre voix gemit, la
mienne avertit. Ces deux souffles, chez vous le sanglot, chez moi le
conseil, voila tout ce qui nous reste. Qui sommes-nous? La faiblesse.
Non, nous sommes la force. Car vous etes le droit, et je suis la
conscience.
La conscience est la colonne vertebrale de l'ame; tant que la
conscience est droite, l'ame se tient debout; je n'ai en moi que cette
force-la, mais elle suffit. Et vous faites bien de vous adresser a
moi.
Je parlerai pour Cuba comme j'ai parle pour la Crete.
Aucune nation n'a le droit de poser son ongle sur l'autre, pas plus
l'Espagne sur Cuba que l'Angleterre sur Gibraltar. Un peuple ne
possede pas plus un autre peuple qu'un homme ne possede un autre
homme. Le crime est plus odieux encore sur une nation que sur un
individu; voila tout. Agrandir le format de l'esclavage, c'est en
accroitre l'indignite. Un peuple tyran d'un autre peuple, une race
soutirant la vie a une autre race, c'est la succion monstrueuse de
la pieuvre, et cette superposition epouvantable est un des faits
terribles du dix-neuvieme siecle. On voit a cette heure la Russie sur
la Pologne, l'Angleterre sur l'Irlande, l'Autriche sur la Hongrie, la
Turquie sur l'Herzegovine et sur la Crete, l'Espagne sur Cuba. Partout
des veines ouvertes, et des vampires sur des cadavres.
Cadavres, non. J'efface le mot. Je l'ai dit deja, les nations
saignent, mais ne meurent pas. Cuba a toute sa vie et la Pologne a
toute son ame.
L'Espagne est une noble et admirable nation, et je l'aime; mais je ne
puis l'aimer plus que la France. Eh bien, si la France avait encore
Haiti, de meme que je dis a l'Espagne: Rendez Cuba! je dirais a la
France: Rends Haiti!
Et en lui parlant ainsi, je prouverais a ma patrie ma veneration. Le
respect se compose de conseils justes. Dire la verite, c'est aimer.
Femmes de Cuba, qui me dites si eloquemment tant d'angoisses et tant
de souffrances, je me mets a genoux devant vous, et je baise vos pieds
douloureux. N'en doutez pas, votre perseverante patrie sera payee de
sa peine, tant de sang n'aura pas coule en vain, et la magnifique Cuba
se dressera un jour libre et souveraine parmi ses soeurs augustes,
les republiques d'Amerique. Quant a moi, puisque vous me demandez ma
pensee, je vous envoie ma conviction. A cette heure ou l'Europe est
couverte de crimes, dans cette obscurite ou l'on entrevoit sur des
sommets on ne sait quels fantomes qui sont des forfaits portant des
couronnes, sous l'amas horrible des evenements decourageants, je
dresse la tete et j'attends. J'ai toujours eu pour religion la
contemplation de l'esperance. Posseder par intuition l'avenir, cela
suffit au vaincu. Regarder aujourd'hui ce que le monde verra demain,
c'est une joie. A un instant marque, quelle que soit la noirceur du
moment present, la justice, la verite et la liberte surgiront, et
feront leur entree splendide sur l'horizon. Je remercie Dieu de m'en
accorder des a present la certitude; le bonheur qui reste au proscrit
dans les tenebres, c'est de voir un lever d'aurore au fond de son ame.
VICTOR HUGO.
Hauteville-House.


II
POUR CUBA

En meme temps, les chefs de l'ile belligerante demandaient a Victor
Hugo de proclamer leur droit. Il le fit.

Ceux qu'on appelle les insurges de Cuba me demandent une declaration,
la voici:
Dans ce conflit entre l'Espagne et Cuba, l'insurgee c'est l'Espagne.
De meme que dans la lutte de decembre 1851, l'insurge c'etait
Bonaparte.
Je ne regarde pas ou est la force, je regarde ou est la justice.
Mais, dit-on, la mere patrie! est-ce que la mere patrie n'a pas un
droit?
Entendons-nous.
Elle a le droit d'etre mere, elle n'a pas le droit d'etre bourreau.
Mais, en civilisation, est-ce qu'il n'y a pas les peuples aines et
les peuples puines? Est-ce que les majeurs n'ont pas la tutelle des
mineurs?
Entendons-nous encore.
En civilisation, l'ainesse n'est pas un droit, c'est un devoir. Ce
devoir, a la verite, donne des droits; entre autres le droit a la
colonisation. Les nations sauvages ont droit a la civilisation, comme
les enfants ont droit a l'education, et les nations civilisees la leur
doivent. Payer sa dette est un devoir; c'est aussi un droit. De la,
dans les temps antiques, le droit de l'Inde sur l'Egypte, de l'Egypte
sur la Grece, de la Grece sur l'Italie, de l'Italie sur la Gaule. De
la, a l'epoque actuelle, le droit de l'Angleterre sur l'Asie, et de
la France sur l'Afrique; a la condition pourtant de ne pas faire
civiliser les loups par les tigres; a la condition que l'Angleterre
n'ait pas Clyde et que la France n'ait pas Pelissier.
Decouvrir une ile ne donne pas le droit de la martyriser; c'est
l'histoire de Cuba; il ne faut pas partir de Christophe Colomb pour
aboutir a Chacon.
Que la civilisation implique la colonisation, que la colonisation
implique la tutelle, soit; mais la colonisation n'est pas l'exploitation;
mais la tutelle n'est pas l'esclavage.
La tutelle cesse de plein droit a la majorite du mineur, que le mineur
soit un enfant ou qu'il soit un peuple. Toute tutelle prolongee au
dela de la minorite est une usurpation; l'usurpation qui se fait
accepter par habitude ou tolerance est un abus; l'usurpation qui
s'impose par la force est un crime.
Ce crime, partout ou je le vois, je le denonce.
Cuba est majeure.
Cuba n'appartient qu'a Cuba.
Cuba, a cette heure, subit un affreux et inexprimable supplice. Elle
est traquee et battue dans ses forets, dans ses vallees, dans ses
montagnes. Elle a toutes les angoisses de l'esclave evade.
Cuba lutte, effaree, superbe et sanglante, contre toutes les ferocites
de l'oppression. Vaincra-t-elle? oui. En attendant, elle saigne
et souffre. Et, comme si l'ironie devait toujours etre melee aux
tortures, il semble qu'on entrevoit on ne sait quelle raillerie dans
ce sort feroce qui, dans la serie de ses gouverneurs differents, lui
donne toujours le meme bourreau, sans presque prendre la peine de
changer le nom, et qui, apres Chacon, lui envoie Concha, comme un
saltimbanque qui retourne son habit.
Le sang coule de Porto-Principe a Santiago; le sang coule aux
montagnes de Cuivre, aux monts Carcacunas, aux monts Guajavos; le sang
rougit tous les fleuves, et Canto, et Ay la Chica; Cuba appelle au
secours.
Ce supplice de Cuba, c'est a l'Espagne que je le denonce, car
l'Espagne est genereuse. Ce n'est pas le peuple espagnol qui est
coupable, c'est le gouvernement. Le peuple d'Espagne est magnanime et
bon. Otez de son histoire le pretre et le roi, le peuple d'Espagne
n'a fait que du bien. Il a colonise, mais comme le Nil deborde, en
fecondant.
Le jour ou il sera le maitre, il reprendra Gibraltar et rendra Cuba.
Quand il s'agit d'esclaves, on s'augmente de ce qu'on perd. Cuba
affranchie accroit l'Espagne, car croitre en gloire c'est croitre.
Le peuple espagnol aura cette ambition d'etre libre chez lui et grand
hors de chez lui.
VICTOR HUGO.
Hauteville-House.


III
_LUCRECE BORGIA_

GEORGE SAND A VICTOR HUGO
Mon grand ami, je sors de la representation de _Lucrece Borgia_, le
coeur tout rempli d'emotion et de joie. J'ai encore dans la pensee
toutes ces scenes poignantes, tous ces mots charmants ou terribles, le
sourire amer d'Alfonse d'Este, l'arret effrayant de Gennaro, le cri
maternel de Lucrece; j'ai dans les oreilles les acclamations de cette
foule qui criait: "Vive Victor Hugo!" et qui vous appelait, helas!
comme si vous alliez venir, comme si vous pouviez l'entendre.
On ne peut pas dire, quand on parle d'une oeuvre consacree telle que
_Lucrece Borgia_: le drame a eu un immense succes; mais je dirai: vous
avez eu un magnifique triomphe. Vos amis du _Rappel_, qui sont mes
amis, me demandent si je veux etre la premiere a vous donner la
nouvelle de ce triomphe. Je le crois bien que je le veux! Que cette
lettre vous porte donc, cher absent, l'echo de cette belle soiree.
Cette soiree m'en a rappele une autre, non moins belle. Vous ne
savez pas que j'assistais a la premiere representation de _Lucrece
Borgia_,--il y a aujourd'hui, me dit-on, trente-sept ans, jour pour
jour.
Je me souviens que j'etais au balcon, et le hasard m'avait placee a
cote de Bocage que je voyais ce jour-la pour la premiere fois. Nous
etions, lui et moi, des etrangers l'un pour l'autre; l'enthousiasme
commun nous fit amis. Nous applaudissions ensemble; nous disions
ensemble: Est-ce beau! Dans les entr'actes, nous ne pouvions
nous empecher de nous parler, de nous extasier, de nous rappeler
reciproquement tel passage ou telle scene.
Il y avait alors dans les esprits une conviction et une passion
litteraires qui tout de suite vous donnaient la meme ame et creaient
comme une fraternite de l'art. A la fin du drame, quand le rideau se
baissa sur le cri tragique: "Je suis ta mere!" nos mains furent vite
l'une dans l'autre. Elles y sont restees jusqu'a la mort de ce grand
artiste, de ce cher ami.
J'ai revu aujourd'hui _Lucrece Borgia_ telle que je l'ai vue alors.
Le drame n'a pas vieilli d'un jour; il n'a pas un pli, pas une ride.
Cette belle forme, aussi nette et aussi ferme que du marbre de Paros,
est restee absolument intacte et pure.
Et puis, vous avez touche la, vous avez exprime la avec votre
incomparable magie le sentiment qui nous prend le plus aux entrailles;
vous avez incarne et realise "la mere". C'est eternel comme le coeur.
_Lucrece Borgia_ est peut-etre, dans tout votre theatre, l'oeuvre la
plus puissante et la plus haute. Si _Ruy Blas_ est par excellence
le drame heureux et brillant, l'idee de _Lucrece Borgia_ est plus
pathetique, plus saisissante et plus profondement humaine.
Ce que j'admire surtout, c'est la simplicite hardie qui sur les
robustes assises de trois situations capitales a bati ce grand drame.
Le theatre antique procedait avec cette largeur calme et forte.
Trois actes, trois scenes, suffisent a poser, a nouer et a denouer
cette etonnante action:
La mere insultee en presence du fils;
Le fils empoisonne par la mere;
La mere punie et tuee par le fils.
La superbe trilogie a du etre coulee d'un seul jet, comme un groupe de
bronze. Elle l'a ete, n'est-ce pas? Je crois meme me rappeler comment
elle l'a ete.
Je me rappelle dans quelles conditions et dans quelles circonstances
_Lucrece Borgia_ fut en quelque sorte improvisee, au commencement de
1833.
Le Theatre-Francais avait donne, a la fin de 1832, la premiere et
unique representation du _Roi s'amuse_. Cette representation avait ete
une rude bataille et s'etait continuee et achevee entre une tempete
de sifflets et une tempete de bravos. Aux representations suivantes,
qu'est-ce qui allait l'emporter, des bravos ou des sifflets? Grande
question, importante epreuve pour l'auteur....
Il n'y eut pas de representations suivantes.
Le lendemain de la premiere representation, le _Roi s'amuse_ etait
interdit "par ordre", et attend encore, je crois, sa seconde
representation. Il est vrai qu'on joue tous les jours _Rigoletto_.
Cette confiscation brutale portait au poete un prejudice immense. Il
dut y avoir la pour vous, mon ami, un cruel moment de douleur et de
colere.
Mais, dans ce meme temps, Harel, le directeur de la
Porte-Saint-Martin, vient vous demander un drame pour son theatre et
pour Mlle Georges. Seulement, ce drame, il le lui faut tout de
suite, et _Lucrece Borgia_ n'est construite que dans votre cerveau,
l'execution n'en est pas meme commencee.
N'importe! vous aussi, vous voulez tout de suite votre revanche. Vous
vous dites a vous-meme ce que vous avez dit depuis au public dans la
preface meme de _Lucrece Borgia_:
"Mettre au jour un nouveau drame, six semaines apres le drame
proscrit, ce sera encore une maniere de dire son fait au gouvernement.
Ce sera lui montrer qu'il perd sa peine. Ce sera lui prouver que l'art
et la liberte peuvent repousser en une nuit sous le pied maladroit qui
les ecrase."
Vous vous mettez aussitot a l'oeuvre. En six semaines, votre nouveau
drame est ecrit, appris, repete, loue. Et le 2 fevrier 1833, deux mois
apres la bataille du _Roi s'amuse_, la premiere representation de
_Lucrece Borgia_ est la plus eclatante victoire de votre carriere
dramatique.
Il est tout simple que cette oeuvre d'une seule venue soit solide,
indestructible et a jamais durable, et qu'on l'ait applaudie hier
comme on l'a applaudie il y a quarante ans, comme on l'applaudira dans
quarante ans encore, comme on l'applaudira toujours.
L'effet, tres grand des le premier acte, a grandi de scene en scene,
et a eu au dernier acte toute son explosion.
Chose etrange! ce dernier acte, on le connait, on le sait par coeur,
on attend l'entree des moines, on attend l'apparition de Lucrece
Borgia, on attend le coup de couteau de Gennaro.
Eh bien! on est pourtant saisi, terrifie, haletant, comme si on
ignorait tout ce qui va se passer; la premiere note du _De Profundis_
coupant la chanson a boire vous fait passer un frisson dans les
veines, on espere que Lucrece Borgia sera reconnue et pardonnee par
son fils, on espere que Gennaro ne tuera pas sa mere. Mais non, vous
ne le voudrez pas, maitre inflexible; il faut que le crime soit expie,
il faut que le parricide aveugle chatie et venge tous ces forfaits,
aveugles aussi peut-etre.
Le drame a ete admirablement monte et joue sur ce theatre ou il se
retrouvait chez lui.
Mme Laurent a ete vraiment superbe dans _Lucrece_. Je ne meconnais pas
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