Actes et Paroles, Volume 2 - 10

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d'alliance qu'en quinze ans de guerre Napoleon premier. (A propos, vos
amis ne disent plus: _le grand_. Pourquoi donc?)
Oui, vous avez de ces flatteurs-la, empereur d'occasion. C'est
une chose etrange en effet que cette aventure qu'on appelle votre
destinee. Les paroles manquent et l'on tombe dans un abime de stupeur
en pensant que vous en etes peut-etre vraiment venu vous-meme a croire
que vous etes quelqu'un, eu songeant que vous prenez votre tragedie
horrible au serieux, et que, probablement, vous vous imagineriez faire
sur l'Europe je ne sais quel effet de perspective le jour ou vous
apparaitriez au peuple anglais dans votre mise en scene d'a present,
muet, heureux et lugubre, debout dans votre nuee de crimes, couronne
d'une sorte d'infamie imperiale et mysterieuse, et portant sur
votre front toutes ces actions sombres qui sont de la competence du
tonnerre.
Et de la cour d'assises, monsieur.
Ah! ces terribles choses vraies, vous les entendrez. Pourquoi
venez-vous ici?
Tenez, parmi ceux de ce gouvernement qui, pour des raisons variees,
vous font accueil, prenez le plus enthousiaste, le plus enivre,
le plus effare de vous, prenez l'anglais qui crie le mieux: Vive
l'empereur! alderman, ministre, lord, et faites-lui cette simple
question:--S'il arrivait en ce pays qu'un homme tenant le pouvoir a un
titre quelconque, un ministre, par exemple (c'est ce que vous etiez,
monsieur), s'il arrivait que cet homme, sous pretexte qu'il aurait,
devant les hommes et devant Dieu, jure fidelite a la constitution,
prit une nuit l'Angleterre a la gorge, brisat le parlement, renversat
la tribune, jetat les membres inviolables des assemblees dans les
cabanons de Millbank et de Newgate, demolit Westminster, fit du sac de
laine l'oreiller de son corps de garde, chassat les juges a coups de
bottes, liat les mains derriere le dos a la justice, baillonnat la
presse, ecrasat les imprimeries, etranglat les journaux, couvrit
Londres de canons et de bayonnettes, vidat les fourgons de la Banque
dans les poches de ses soldats, prit les maisons d'assaut, egorgeat
les hommes, les femmes, les vieillards et les enfants, fit de
Hyde-Park une fosse d'arquebusades nocturnes, mitraillat la Cite,
mitraillat let Strand, mitraillat Regent street, mitraillat Charing
Cross, vingt quartiers de Londres, vingt comtes d'Angleterre,
encombrat les rues des cadavres des passants, emplit les morgues et
les cimetieres, fit la nuit partout, le silence partout, la mort
partout, supprimat, en un mot, d'un seul coup, la loi, la liberte, le
droit, la nation, le souffle, la vie, qu'est-ce que le peuple anglais
ferait a cet homme?--Avant que la phrase soit finie, vous verriez
sortir de terre d'elle-meme et se dresser devant vous l'echelle de
l'echafaud!
Oui, l'echafaud. Et, si hideux que soient les crimes que je viens
d'enumerer, je prononce ce mot,--pourquoi m'en cacherais-je?--avec un
serrement de coeur; car la supreme parole du progres, confessee par
nous, democrates-socialistes, n'a pas jusqu'a cette heure ete acceptee
en Angleterre, et pour ce grand peuple insulaire, arrete a mi-cote
du dix-neuvieme siecle et a quelque distance du sommet de la
civilisation, la vie humaine n'est pas encore inviolable.
Il faut etre sur ce haut plateau de l'exil et de l'epreuve ou nous
sommes pour embrasser l'horizon entier de la verite et pour comprendre
que toute vie humaine, meme votre vie humaine a vous, monsieur, est
sacree.
Ce n'est pas du reste de cette facon, et du haut d'un principe, que
vos amis de ce pays traitent les questions qui vous touchent. Ils
trouvent plus court de dire qu'il n'y a jamais eu de coup d'etat, que
ce n'est pas vrai, que vous n'avez jamais prete le moindre serment,
que le deux-decembre n'a jamais existe, qu'il n'a pas ete verse
une goutte de sang, que Saint-Arnaud, Espinasse et Maupas sont des
personnages mythologiques, qu'il n'y a pas de proscrits, que Lambessa
est dans la lune, et que nous faisons semblant.
Les habiles disent qu'il y a bien eu quelque chose en effet, mais que
nous exagerons, que les hommes tues n'avaient pas tous des cheveux
blancs, que les femmes tuees n'etaient pas toutes grosses, et que
l'enfant de sept ans de la rue Tiquetonne avait huit ans.
Je reprends.
Ne venez pas dans ce pays.
Songez d'ailleurs a l'imprudence; et a quoi exposeriez-vous le
gouvernement qui vous recevrait chez lui? Paris a des eruptions
inattendues; il l'a prouve en 1789, en 1830 et en 1848. Qu'est-ce qui
garantit au peuple anglais, qui prise haut, et avec raison, l'amitie
de la France, qu'est-ce qui garantit au gouvernement britannique
qu'une revolution ne va pas eclater derriere vos talons, que le decor
ne va pas changer subitement, que ce vieux trouble-fete de faubourg
Saint-Antoine ne va pas se reveiller en sursaut et donner un coup de
pied dans l'empire, et que, tout a coup, en une secousse de telegraphe
electrique, lui, gouvernement d'Angleterre, il ne va pas se trouver
brusquement ayant pour hote a Saint-James et pour convive au banquet
royal, non sa majeste l'empereur des francais, mais l'accuse pale et
frissonnant de la France et de la republique? non le Napoleon de la
colonne, mais le Napoleon du poteau?
Mais vos polices vous rassurent. Le coup d'etat a dans sa poche le
vieil oeil de Vidocq et voit le fond des choses avec ca. C'est ce qui
lui tient lieu de conscience. La police vous repond du peuple de meme
que le pretre vous repond de Dieu. M. Pietri et M. Sibour vous parlent
chacun d'un cote.--Cette canaille de peuple n'existe plus, affirme M.
Pietri.--Je voudrais bien voir que Dieu bougeat, murmure M. Sibour.
Vous etes tranquille. Vous dites:--Bah! ces demagogues revent. Ils
voudraient me faire peur avec des croquemitaines. Il n'y a plus de
revolution; Veuillot l'a broutee. Le coup d'etat peut dormir sur les
deux oreilles de Baroche. Paris, la populace, les faubourgs, tout cela
est sous mes talons. Qu'importe tout cela?
Au fait, c'est juste. Et qu'importe l'histoire? qu'importe la
posterite? Qu'il y ait aujourd'hui un deux-decembre faisant pendant a
Austerlitz, un Sebastopol faisant equilibre a Marengo, qu'il y ait un
Napoleon le grand et un autre Napoleon s'agitant sous le microscope,
que notre oncle soit notre oncle ou ne le soit pas, qu'il ait vecu
ou soit mort, que l'Angleterre lui ait mis Wellington sur la tete et
Hudson-Lowe sur la poitrine, qu'est-ce que cela fait? Nous n'en sommes
plus la. C'est du passe ou du libelle. Si nous sommes petit, cela ne
regarde personne. On nous admire. N'est-ce pas, Troplong? Oui, sire.
Il n'y a plus qu'une question aujourd'hui, notre empire. Une seule
chose importe, prouver que nous sommes recu; imposer "le parvenu" a la
vieille maison royale de Brunswick; faire disparaitre la catastrophe
de Crimee sous des fetes en Angleterre; se rejouir dans ce crepe;
couvrir ces mitrailles d'un feu d'artifice; montrer notre habit de
general la ou l'on a vu notre baton de policeman; etre joyeux; danser
un peu a Buckingham Palace. Cela fait, tout est fait.
Donc voyage a Londres. Preferable du reste au voyage en Crimee; a
Londres les salves tireront a poudre. Quinze jours de galas. Triomphe.
Promenades dans les residences royales; a Carlton-House; a Osborn,
dans l'ile de Wight; a Windsor ou vous trouverez le lit de
Louis-Philippe a qui vous devez votre vie et sa bourse, et ou la tour
de Lancastre vous parlera de Henri l'imbecile, et ou la tour d'York
vous parlera de Richard l'assassin. Puis grands et petits levers,
bals, bouquets, orchestres, _Rule Britannia_ croise de _Partant pour
la Syrie_, lustres allumes, palais illumines, harangues, hurrahs.
Details de vos grands cordons et de vos graces dans les journaux.
C'est bien. A ces details trouvez bon que d'avance j'en mele d'autres
qui viennent d'un autre de vos lieux de triomphe, de Cayenne. Les
deportes,--ces hommes qui n'ont commis d'autre crime que de resister a
votre crime, c'est a-dire de faire leur devoir, et d'etre de bons et
vaillants citoyens,--les deportes sont la, accouples aux forcats,
travaillant huit heures par jour sous le baton des argousins, nourris
de metuel et de couac comme autrefois les esclaves, tete rasee, vetus
de haillons marques T. F. Ceux qui ne veulent pas porter eu grosses
lettres le mot _galerien_ sur leurs souliers vont pieds nus. L'argent
qu'on leur envoie leur est pris. S'ils oublient de mettre le bonnet
bas devant quelqu'un des malfaiteurs, vos agents, qui les gardent, cas
de punition, les fers, le cachot, le jeune, la faim, ou bien on les
lie, quinze jours durant, quatre heures chaque jour, par le cou, la
poitrine, les bras et les jambes, avec de grosses cordes, a un billot.
Par decret du sieur Bonnard se qualifiant gouverneur de la Guyane, en
date du 29 aout, permis aux gardiens de les tuer pour ce qu'on
appelle "violation de consigne". Climat terrible, ciel tropical, eaux
pestilentielles, fievre, typhus, nostalgie; ils meurent--trente-cinq
sur deux cents, dans le seul ilot Saint-Joseph;--on jette les cadavres
a la mer. Voila, monsieur.
Ces rabachages du sepulcre vous font sourire, je le sais; mais vous en
souriez pour ceux qui en pleurent. J'en conviens, vos victimes, les
orphelins et les veuves que vous faites, les tombeaux que vous ouvrez,
tout cela est bien use. Tous ces linceuls montrent la corde. Je n'ai
rien de plus neuf a vous offrir; que voulez-vous? Vous tuez, on meurt.
Prenons tous notre parti, nous de subir le fait, vous de subir le cri;
nous, des crimes, vous, des spectres.
Du reste, on nous dit ici de nous taire, et l'on ajoute que, si nous
elevons la voix en ce moment, nous, les exiles, c'est l'occasion qu'on
choisira pour nous jeter dehors. On ferait bien. Sortir a l'instant ou
vous entrez. Ce serait juste.
Il y aurait la pour les chasses quelque chose qui ressemblerait a de
la gloire.
Et puis, comme politique, ce serait logique. La meilleure bienvenue au
proscripteur, c'est la persecution des proscrits. On peut lire cela
dans Machiavel, ou dans vos yeux.
La plus douce caresse au traitre, c'est l'insulte aux trahis. Le
crachat sur Jesus est sourire a Judas.
Qu'on fasse donc ce qu'on voudra.
La persecution. Soit.
Quelle que soit cette persecution, quelque forme qu'elle prenne,
sachez ceci, nous l'accueillerons avec orgueil et joie; et pendant
qu'on vous saluera, nous la saluerons. Ce n'est pas nouveau; toutes
les fois qu'on a crie: _Ave, Caesar_, l'echo du genre humain a
repondu: _Ave, dolor_.
Quelle qu'elle soit, cette persecution, elle n'otera pas de nos yeux,
ni des yeux de l'histoire, l'ombre hideuse que vous avez faite. Elle
ne nous fera pas perdre de vue votre gouvernement du lendemain du coup
d'etat, ce banquet catholique et soldatesque, ce festin de mitres et
de shakos, cette melee du seminaire et de la caserne dans une orgie,
ce tohu-bohu d'uniformes debrailles et de soutanes ivres, cette
ripaille d'eveques et de caporaux ou personne ne sait plus ce qu'il
fait, ou Sibour jure et ou Magnan prie, ou le pretre coupe son pain
avec le sabre et ou le soldat boit dans le ciboire. Elle ne nous fera
pas perdre de vue l'eternel fond de votre destinee, cette grande
nation eteinte, cette mort de la lumiere du monde, cette desolation,
ce deuil, ce faux serment enorme, Montmartre qui est une montagne sur
votre horizon sinistre, le nuage immobile des fusillades du Champ de
Mars; la-bas, dressant leur triangle noir, les guillotines de 1852,
et, la, a nos pieds, dans l'obscurite, cet ocean qui charrie dans ses
ecumes vos cadavres de Cayenne.
Ah! la malediction de l'avenir est une mer aussi, et votre memoire,
cadavre horrible, roulera a jamais dans ses vagues sombres!
Ah! malheureux! avez-vous quelque idee de la responsabilite des
ames? Quel est votre lendemain? votre lendemain sur la terre? votre
lendemain dans le tombeau? qu'est-ce qui vous attend? croyez-vous en
Dieu? qui etes-vous?
Quelquefois, la nuit, ne dormant pas, le sommeil de la patrie est
l'insomnie du proscrit, je regarde a l'horizon la France noire, je
regarde l'eternel firmament, visage de la justice eternelle, je fais
des questions a l'ombre sur vous, je demande aux tenebres de Dieu ce
qu'elles pensent des votres, et je vous plains, monsieur, en presence
du silence formidable de l'infini.
VICTOR HUGO.


III
EXPULSION DE JERSEY

Cependant, souterrainement, Louis Bonaparte manoeuvrait, ce qui lui
avait attire l'Avertissement qu'on a lu plus haut; il avait mis en
mouvement dans la chambre des communes quelqu'un d'inconnu qui porte
un nom connu, sir Robert Peel, lequel avait, dans le patois serieux
qu'admet la politique, particulierement en Angleterre, denonce Victor
Hugo, Mazzini et Kossuth, et dit de Victor Hugo ceci: "Cet individu a
une sorte de querelle personnelle avec le distingue personnage que le
peuple francais s'est choisi pour souverain." _Individu_ est, a ce
qu'il parait, le mot qui convient; un M. de Ribaucourt l'a employe
plus tard, en mai 1871, pour demander l'expulsion belge de Victor
Hugo; et M. Louis Bonaparte l'avait employe pour qualifier les
representants du peuple proscrits par lui en janvier 1852. Ce M. Peel,
dans cette seance du 13 decembre 1854, apres avoir signale les actes
et les publications de Victor Hugo, avait declare qu'il demanderait
aux ministres de la reine _s'il n'y aurait pas moyen d'y mettre un
terme_. La persecution du proscrit etait en germe dans ces paroles.
Victor Hugo, indifferent a ces choses diverses, continua l'oeuvre de
son devoir, et fit passer par-dessus la tete du gouvernement anglais
sa _Lettre a Louis Bonaparte_, qu'on vient de lire. La colere fut
profonde. L'alliance anglo-francaise eclata; la police de Paris vint
dechirer l'affiche du proscrit sur les murs de Londres. Cependant le
gouvernement anglais trouva prudent d'attendre une autre occasion.
Elle ne tarda pas a se presenter. Une lettre eloquente, ironique et
spirituelle, adressee a la reine et signee _Felix Pyat_, fut publiee a
Londres et reproduite a Jersey par le journal _l'Homme_ (voir le
livre _les Hommes de l'exil_). L'explosion eut lieu la-dessus. Trois
proscrits, Ribeyrolles, redacteur de _l'Homme_, le colonel Pianciani
et Thomas, furent expulses de Jersey par ordre du gouvernement
anglais. Victor Hugo prit fait et cause pour eux. Il eleva la voix.

DECLARATION
Trois proscrits, Ribeyrolles, l'intrepide et eloquent ecrivain;
Pianciani, le genereux representant du peuple romain; Thomas, le
courageux prisonnier du Mont-Saint-Michel, viennent d'etre expulses de
Jersey.
L'acte est serieux. Qu'y a-t-il a la surface? Le gouvernement anglais.
Qu'y a-t-il au fond? La police francaise. La main de Fouche peut
mettre le gant de Castlereagh; ceci le prouve.
Le coup d'etat vient de faire son entree dans les libertes anglaises.
L'Angleterre en est arrivee a ce point, proscrire des proscrits.
Encore un pas, et l'Angleterre sera une annexe de l'empire francais,
et Jersey sera un canton de l'arrondissement de Coutances.
A l'heure qu'il est, nos amis sont partis; l'expulsion est consommee.
L'avenir qualifiera le fait; nous nous bornons a le constater. Nous en
prenons acte; rien de plus. En mettant a part le droit outrage, les
violences dont nos personnes sont l'objet nous font sourire.
La revolution francaise est en permanence; la republique francaise,
c'est le droit; l'avenir est inevitable. Qu'importe le reste?
Qu'est-ce, d'ailleurs, que cette expulsion? Une parure de plus a
l'exil, un trou de plus au drapeau.
Seulement, pas d'equivoque.
Voici ce que nous disons, nous, proscrits de France, a vous,
gouvernement anglais:
M. Bonaparte, votre "allie puissant et cordial", n'a pas d'autre
existence legale que celle-ci: prevenu du crime de haute trahison.
M. Bonaparte, depuis quatre ans, est sous le coup d'un mandat
d'amener, signe Hardouin, president de la haute cour de justice;
Delapalme, Pataille, Moreau (de la Seine), Cauchy, juges, et
contre-signe Renouard, procureur general [1].
M. Bonaparte a prete serment, comme fonctionnaire, a la republique, et
s'est parjure.
M. Bonaparte a jure fidelite a la constitution, et a brise la
constitution.
M. Bonaparte, depositaire de toutes les lois, a viole toutes les lois.
M. Bonaparte a emprisonne les representants du peuple inviolables,
chasse les juges.
M. Bonaparte, pour echapper au mandat d'amener de la haute cour, a
fait ce que fait le malfaiteur pour se soustraire aux gendarmes, il a
tue.
M. Bonaparte a sabre, mitraille, extermine, massacre le jour, fusille
la nuit.
M. Bonaparte a guillotine Cuisinier, Cirasse, Charlet, coupables
d'avoir prete main-forte au mandat d'amener de la justice.
M. Bonaparte a suborne les soldats, suborne les fonctionnaires,
suborne les magistrats.
M. Bonaparte a vole les biens de Louis-Philippe a qui il devait la
vie.
M. Bonaparte a sequestre, pille, confisque, terrorise les consciences,
ruine les familles.
M. Bonaparte a proscrit, banni, chasse, expulse, deporte en Afrique,
deporte a Cayenne, deporte en exil quarante mille citoyens, du nombre
desquels sont les signataires de cette declaration.
Haute trahison, faux serment, parjure, subornation des fonctionnaires,
sequestration des citoyens, spoliation, vol, meurtre, ce sont la des
crimes prevus par tous les codes, chez tous les peuples; punis en
Angleterre de l'echafaud, punis en France, ou la republique a aboli la
peine de mort, du bagne.
La cour d'assises attend M. Bonaparte.
Des a present, l'histoire lui dit: Accuse, levez-vous!
Le peuple francais a pour bourreau et le gouvernement anglais a pour
allie le crime-empereur.
Voila ce que nous disons.
Voila ce que nous disions hier, et la presse anglaise en masse le
disait avec nous; voila ce que nous dirons demain, et la posterite
unanime le dira avec nous.
Voila ce que nous dirons toujours, nous qui n'avons qu'une ame, la
verite, et qu'une parole, la justice.
Et maintenant expulsez-nous!
VICTOR HUGO.
Jersey, 17 octobre 1855.
A la signature de Victor Hugo vinrent se joindre trente-cinq
signatures de proscrits. Les voici:
Le colonel SANDOR TELEKI, E. BEAUVAIS, BONNET-DUVERDIER, HENNET DE
KESLER, ARSENE HAYES, ALBERT BARBIEUX, ROOMILHAC, avocat; A.-C.
WIESENER, ancien officier autrichien; le docteur GORNET, CHARLES HUGO,
J.-B. AMIEL (de l'Ariege), FRANCOIS-VICTOR HUGO, F. TAFERY, THEOPHILE
GUERIN, FRANCOIS ZYCHON, BENJAMIN COLIN, EDOUARD COLET, KOZIELL,
V. VINCENT, A. PIASECKI, GIUSEPPE RANCAN, LEFEBVRE, BARBIER,
docteur-medecin; H. PREVERAUD, condamne a mort du Deux-Decembre
(Allier); le docteur FRANCK, proscrit allemand; PAPOWSKI et ZENO
SWIETOSLAWSKI, proscrits polonais; EDOUARD BIFFI, proscrit italien;
FOMBERTAUX pere, FOMBERTAUX fils, CHARDENAL, BOUILLARD, le docteur
DEVILLE.
Ce qui suit est extrait du livre _les Hommes de l'exil_, par Charles
Hugo:
Le samedi 27 octobre 1855, a dix heures du matin, trois personnes se
presenterent a Marine Terrace et demanderent a parler a M. Victor Hugo
et a ses deux fils.
"A qui ai-je l'honneur de parler? demanda M. Victor Hugo au premier
des trois.
--Je suis le connetable de Saint-Clement, monsieur Victor Hugo. Je
suis charge par son excellence le gouverneur de Jersey de vous dire
qu'en vertu d'une decision de la couronne, vous ne pouvez plus
sejourner dans cette ile, et que vous aurez a la quitter d'ici au 2
novembre prochain. Le motif de cette mesure prise a votre egard est
votre signature au bas de la "Declaration" affichee dans les rues de
Saint-Helier, et publiee dans le journal _l'Homme_.
--C'est bien, monsieur."
Le connetable de Saint-Clement fit ensuite la meme communication dans
les memes termes a MM. Charles Hugo et Francois-Victor Hugo, qui lui
firent la meme reponse.
M. Victor Hugo demanda au connetable s'il pouvait lui laisser copie
de l'ordre du gouvernement anglais. Sur la reponse negative de M.
Lenepveu qui declara que ce n'etait pas l'usage, Victor Hugo lui dit:
"Je constate que, nous autres proscrits, nous signons et publions
ce que nous ecrivons et que le gouvernement anglais cache ce qu'il
ecrit."
Apres avoir rempli leur mandat, le connetable et ses deux officiers
s'etaient assis.
"Il est necessaire, reprit alors Victor Hugo, que vous sachiez,
messieurs, toute la portee de l'acte que vous venez d'accomplir, avec
beaucoup de convenance d'ailleurs et dans des formes dont je me plais
a reconnaitre la parfaite mesure. Ce n'est pas vous que je fais
responsables de cet acte; je ne veux pas vous demander votre avis; je
suis sur que dans votre conscience vous etes indignes et navres de ce
que l'autorite militaire vous fait faire aujourd'hui."
Les trois magistrats garderent le silence et baisserent la tete.
Victor Hugo continua.
"Je ne veux pas savoir votre sentiment. Votre silence m'en dit assez.
Il y a entre les consciences des honnetes gens un pont par lequel les
pensees communiquent, sans avoir besoin de sortir de la bouche. Il est
necessaire neanmoins, je vous le repete, que vous vous rendiez bien
compte de l'acte auquel vous vous croyez forces de preter votre
assistance. Monsieur le connetable de Saint-Clement, vous etes membre
des etats de cette ile. Vous avez ete elu par le libre suffrage de
vos concitoyens. Vous etes representant du peuple de Jersey. Que
diriez-vous si le gouverneur militaire envoyait une nuit ses soldats
vous arreter dans votre lit, s'il vous faisait jeter en prison, s'il
brisait en vos mains le mandat dont vous etes investi, et si vous,
representant du peuple, il vous traitait comme le dernier des
malfaiteurs? Que diriez-vous s'il en faisait autant a chacun de vos
collegues? Ce n'est pas tout. Je suppose que, devant cette violation
du droit, les juges de votre cour royale se rassemblassent et
rendissent un arret qui declarerait le gouverneur prevenu de crime
de haute trahison, et qu'alors le gouverneur envoyat une escouade
de soldats qui chassat les juges de leur siege, au milieu de leur
deliberation solennelle. Je suppose encore qu'en presence de ces
attentats, les honnetes citoyens de votre ile se reunissent dans les
rues, prissent les armes, fissent des barricades et se missent
en mesure de resister a la force au nom du droit, et qu'alors le
gouverneur les fit mitrailler par la garnison du fort; je dis plus, je
suppose qu'il fit massacrer les femmes, les enfants, les vieillards,
les passants inoffensifs et desarmes pendant toute une journee, qu'il
brisat les portes des maisons a coups de canon, qu'il eventrat les
magasins a coups de mitraille, et qu'il fit tuer les habitants sous
leurs lits a coups de bayonnette. Si le gouverneur de Jersey faisait
cela, que diriez-vous?"
Le connetable de Saint-Clement avait ecoute dans le plus profond
silence et avec un embarras visible ces paroles. A l'interpellation
qui lui etait adressee, il continua de rester muet. Victor Hugo repeta
sa question: "Que diriez-vous, monsieur? repondez.
--Je dirais, repondit M. Lenepveu, que le gouverneur _aurait tort_.
--Pardon, monsieur, entendons-nous sur les mots. Vous me rencontrez
dans la rue, vous me saluez et je ne vous salue pas. Vous rentrez chez
vous et vous dites: "M. Victor Hugo ne m'a pas rendu mon salut. Il a
eu tort." C'est bien.--Un enfant etrangle sa mere. Vous bornerez-vous
a dire: il a eu tort? Non, vous direz: c'est un criminel. Eh bien, je
vous le demande, l'homme qui tue la liberte, l'homme qui egorge
un peuple, n'est-il pas un parricide? Ne commet-il pas un crime?
repondez.
--Oui, monsieur. Il commet un crime, dit le connetable.
--Je prends acte de votre reponse, monsieur le connetable, et je
poursuis. Viole dans l'exercice de votre mandat de representant du
peuple, chasse de votre siege, emprisonne, puis exile, vous vous
retirez dans un pays qui se croit libre et qui s'en vante. La, votre
premier acte est de publier le crime et d'afficher sur les murs
l'arret de votre cour de justice qui declare le gouverneur prevenu de
haute trahison. Votre premier acte est de faire connaitre a tous ceux
qui vous entourent et, si vous le pouvez, au monde entier, le forfait
monstrueux dont votre personne, votre famille, votre liberte, votre
droit, votre patrie viennent d'etre victimes. En faisant cela,
monsieur le connetable, n'usez-vous pas de votre droit? je vais plus
loin, ne remplissez-vous pas votre devoir?"
Le connetable essaya d'eviter de repondre a cette nouvelle question
en murmurant qu'il n'etait pas venu pour discuter la decision de
l'autorite superieure, mais seulement pour la signifier.
Victor Hugo insista:
"Nous faisons en ce moment une page d'histoire, monsieur. Nous
sommes ici trois historiens, mes deux fils et moi, et un jour, cette
conversation sera racontee. Repondez donc; en protestant contre le
crime, n'useriez-vous pas de votre droit, n'accompliriez-vous pas
votre devoir?
--Oui, monsieur.
--Et que penseriez-vous alors du gouvernement qui, pour avoir accompli
ce devoir sacre, vous enverrait l'ordre de quitter le pays par un
magistrat qui ferait vis-a-vis de vous ce que vous faites aujourd'hui
vis-a-vis de moi? Que penseriez-vous du gouvernement qui vous
chasserait, vous proscrit, qui vous expulserait, vous representant du
peuple, dans l'exercice meme de votre devoir? Ne penseriez-vous pas
que ce gouvernement est tombe au dernier degre de la honte? Mais sur
ce point, monsieur, je me contente de votre silence. Vous etes ici
trois honnetes gens et je sais, sans que vous me le disiez, ce que me
repond maintenant votre conscience."
Un des officiers du connetable hasarda une observation timide:
"Monsieur Victor Hugo, il y a autre chose dans votre Declaration que
les crimes de l'empereur.
--Vous vous trompez, monsieur, et, pour mieux vous convaincre, je vais
vous la lire."
Victor Hugo lut la declaration, et a chaque paragraphe il s'arreta,
demandant aux magistrats qui l'ecoutaient: "Avions-nous le droit de
dire cela?
--Mais vous desapprouvez l'expulsion de vos amis, dit le connetable.
--Je la desapprouve hautement, reprit Victor Hugo. Mais n'avais-je pas
le droit de le dire? Votre liberte de la presse ne s'etendait-elle pas
a permettre la critique d'une mesure arbitraire de l'autorite?
--Certainement, certainement, dit le connetable.
--Et c'est pour cette Declaration que vous venez me signifier l'ordre
de mon expulsion? pour cette Declaration, que vous reconnaissez qu'il
etait de mon devoir de faire, dont vous avouez qu'aucun des termes ne
depasse les limites de votre liberte locale, et que vous eussiez faite
a ma place?
--C'est a cause de la lettre de Felix Pyat, dit un des officiers.
--Pardon, reprit Victor Hugo en s'adressant au connetable, ne
m'avez-vous pas dit que je devais quitter l'ile a cause de ma
signature au bas de cette Declaration?"
Le connetable tira de sa poche le pli du gouverneur, l'ouvrit, et dit:
"En effet, c'est uniquement pour la Declaration et pas pour autre
chose que vous etes expulses.
--Je le constate et j'en prends acte devant toutes les personnes qui
sont ici."
Le connetable dit a M. Victor Hugo: "Pourrais-je vous demander,
monsieur, quel jour vous comptez quitter l'ile?"
M. Victor Hugo fit un mouvement: "Pourquoi? Est-ce qu'il vous reste
quelque formalite a remplir? Avez-vous besoin de certifier que le
colis a ete bien et dument expedie a sa destination?
--Monsieur, repondit le connetable, si je desirais connaitre le moment
de votre depart, c'etait pour venir ce jour-la vous presenter mes
respects.
--Je ne sais pas encore quel jour je partirai, monsieur, reprit Victor
Hugo. Mais qu'on soit tranquille, je n'attendrai pas l'expiration du
delai. Si je pouvais partir dans un quart d'heure, ce serait fait.
J'ai hate de quitter Jersey. Une terre ou il n'y a plus d'honneur me
brule les pieds."
Et Victor Hugo ajouta:
"Maintenant, monsieur le connetable, vous pouvez vous retirer. Vous
allez rendre compte de l'execution de votre mandat a votre superieur,
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