Actes et Paroles, Volume 2 - 05

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renoncements, vos exils, votre abandon si vous etes sans asile, votre
faim si vous etes sans pain, c'est la le droit de la femme, et nous
le reclamons.--O mes freres! et les voila qui nous suivent dans le
combat, qui nous accompagnent dans la proscription, et qui nous
devancent dans le tombeau!
Citoyens, puisque cette fois encore vous avez voulu que je parlasse
en votre nom, puisque votre mandat donne a ma voix l'autorite qui
manquerait a une parole isolee; sur la tombe de Louise Julien, comme
il y a trois mois, sur la tombe de Jean Bousquet, le dernier cri que
je veux jeter, c'est le cri de courage, d'insurrection et d'esperance!
Oui, des cercueils comme celui de cette noble femme qui est la
signifient et predisent la chute prochaine des bourreaux, l'inevitable
ecroulement des despotismes et des despotes. Les proscrits meurent
l'un apres l'autre; le tyran creuse leur fosse; mais a un jour venu,
citoyens, la fosse tout a coup attire et engloutit le fossoyeur!
O morts qui m'entourez et qui m'ecoutez, malediction a Louis
Bonaparte! O morts, execration a cet homme! Pas d'echafauds quand
viendra la victoire, mais une longue et infamante expiation a ce
miserable! Malediction sous tous les cieux, sous tous les climats, en
France, en Autriche, en Lombardie, en Sicile, a Rome, en Pologne,
en Hongrie, malediction aux violateurs du droit humain et de la loi
divine! Malediction aux pourvoyeurs des pontons, aux dresseurs des
gibets, aux destructeurs des familles, aux tourmenteurs des peuples!
Malediction aux proscripteurs des peres, des meres et des enfants!
Malediction aux fouetteurs de femmes! Proscrits! soyons implacables
dans ces solennelles et religieuses revendications du droit et de
l'humanite. Le genre humain a besoin de ces cris terribles; la
conscience universelle a besoin de ces saintes indignations de la
pitie. Execrer les bourreaux, c'est consoler les victimes. Maudire les
tyrans, c'est benir les nations.


III
VINGT-TROISIEME ANNIVERSAIRE DE LA REVOLUTION POLONAISE
29 novembre 1853, a Jersey.

Proscrits, mes freres!
Tout marche, tout avance, tout approche, et, je vous le dis avec une
joie profonde, deja se font jour et deviennent visibles les symptomes
precurseurs du grand avenement. Oui, rejouissez-vous, proscrits de
toutes les nations, ou, pour mieux dire, proscrits de la grande nation
unique, de cette nation qui sera le genre humain et qui s'appellera
Republique universelle.--Rejouissez-vous! l'an dernier, nous ne
pouvions qu'invoquer l'esperance; cette annee, nous pouvons presque
attester la realite. L'an dernier, a pareille epoque, a pareil jour,
nous nous bornions a dire: l'Idee ressuscitera. Cette annee, nous
pouvons dire: l'Idee ressuscite!
Et comment ressuscite-t-elle? de quelle facon? par qui? c'est la ce
qu'il faut admirer.
Citoyens, il y a en Europe un homme qui pese sur l'Europe; qui est
tout ensemble prince spirituel, seigneur temporel, despote, autocrate,
obei dans la caserne, adore dans le monastere, chef de la consigne et
du dogme, et qui met en mouvement, pour l'ecrasement des libertes du
continent, un empire de la force de soixante millions d'hommes. Ces
soixante millions d'hommes, il les tient dans sa main, non comme des
hommes, mais comme des brutes, non comme des esprits, mais comme des
outils. En sa double qualite ecclesiastique et militaire, il met un
uniforme a leurs ames comme a leurs corps; il dit: marchez! et il faut
marcher; il dit: croyez! et il faut croire. Cet homme s'appelle en
politique l'Absolu, et en religion l'Orthodoxe; il est l'expression
supreme de la toute-puissance humaine; il torture, comme bon lui
semble, des peuples entiers; il n'a qu'a faire un signe, et il le
fait, pour vider la Pologne dans la Siberie; il croise, mele et noue
tous les fils de la grande conspiration des princes contre les hommes;
il a ete a Rome, et lui, pape grec, il a donne le baiser d'alliance
au pape latin; il regne a Berlin, a Munich, a Dresde, a Stuttgart,
a Vienne, comme a Saint-Petersbourg; il est l'ame de l'empereur
d'Autriche et la volonte du roi de Prusse; la vieille Allemagne n'est
plus que sa remorque. Cet homme est quelque chose qui ressemble a
l'ancien roi des rois; c'est l'Agamemnon de cette guerre de Troie
que les hommes du passe font aux hommes de l'avenir; c'est la menace
sauvage de l'ombre a la lumiere, du nord au midi. Je viens de vous
le dire, et je resume d'un mot ce monstre de l'omnipotence: empereur
comme Charles-Quint, pape comme Gregoire VII, il tient dans ses mains
une croix qui se termine en glaive et un sceptre qui se termine en
knout.
Ce prince, ce souverain, puisque les peuples permettent a des hommes
de prendre ce nom, ce Nicolas de Russie est a cette heure l'homme
veritable du despotisme. Il en est la tete; Louis Bonaparte n'en est
que le masque.
Dans ce dilemme qui a toute la rigueur d'un decret du destin, _Europe
republicaine ou Europe cosaque_, c'est Nicolas de Russie qui incarne
l'Europe cosaque. Nicolas de Russie est le vis-a-vis de la Revolution.
Citoyens, c'est ici qu'il faut se recueillir. Les choses necessaires
arrivent toujours; mais par quelle voie? c'est la ce qui est
admirable, et j'appelle sur ceci votre attention.
Nicolas de Russie semblait avoir triomphe; le despotisme, vieil
edifice restaure, dominait de nouveau l'Europe, plus solide en
apparence que jamais, avec le meurtre de dix nations pour base et le
crime de Bonaparte pour couronnement. La France, que le grand poete
anglais, que Shakespeare appelle le "soldat de Dieu ", la France etait
a terre, desarmee, garrottee, vaincue. Il paraissait qu'il n'y avait
plus qu'a jouir de la victoire. Mais, depuis Pierre, les czars ont
deux pensees, l'absolutisme et la conquete. La premiere satisfaite,
Nicolas a songe a la seconde. Il avait a cote de lui, a son ombre,
j'ai presque dit a ses pieds, un prince amoindri, un empire
vieillissant, un peuple affaibli par son peu d'adherence a la
civilisation europeenne. Il s'est dit: c'est le moment; et il a etendu
son bras vers Constantinople, et il a allonge sa serre vers cette
proie. Oubliant toute dignite, toute pudeur, tout respect de lui-meme
et d'autrui, il a montre brusquement a l'Europe les plus cyniques
nudites de l'ambition. Lui, colosse, il s'est acharne sur une ruine;
il s'est rue sur ce qui tombait, et il s'est dit avec joie: Prenons
Constantinople; c'est facile, injuste et utile.
Citoyens, qu'est-il arrive?
Le sultan s'est dresse.
Nicolas, par sa ruse et sa violence, s'est donne pour adversaire le
desespoir, cette grande force. La revolution, foudre endormie, etait
la. Or,--ecoutez ceci, car c'est grand:--il s'est trouve que, froisse,
humilie, navre, pousse a bout, ce turc, ce prince chetif, ce prince
debile, ce moribond, ce fantome sur lequel le czar n'avait qu'a
souffler, ce petit sultan, soufflete par Mentschikoff et cravache par
Gortschakoff, s'est jete sur la foudre et l'a saisie.
Et maintenant il la tient, il la secoue au-dessus de sa tete, et les
roles sont changes, et voici Nicolas qui tremble!--et voici les trones
qui s'emeuvent, et voici les ambassadeurs d'Autriche et de Prusse qui
s'en vont de Constantinople, et voici les legions polonaise, hongroise
et italienne qui se forment, et voici la Roumanie, la Transylvanie,
la Hongrie qui fremissent, voici la Circassie qui se leve, voici la
Pologne qui frissonne; car tous, peuples et rois, ont reconnu cette
chose eclatante qui flamboie et qui rayonne a l'orient, et ils savent
bien que ce qui brille en ce moment dans la main desesperee de la
Turquie, ce n'est pas le vieux sabre ebreche d'Othman, c'est l'eclair
splendide des revolutions!
Oui, citoyens, c'est la revolution qui vient de passer le Danube!
Le Rhin, le Tibre, la Vistule et la Seine en ont tressailli.
Proscrits, combattants de toutes les dates, martyrs de toutes les
luttes, battez des mains a cet ebranlement immense qui commence a
peine, et que rien maintenant n'arretera. Toutes les nations qu'on
croyait mortes dressent la tete en ce moment. Reveil des peuples,
reveil de lions.
Cette guerre a eclate au sujet d'un sepulcre dont tout le monde
voulait les clefs. Quel sepulcre et quelles clefs? C'est la ce que les
rois ignorent. Citoyens, ce sepulcre, c'est la grande tombe ou est
enfermee la Republique, deja debout dans les tenebres et toute prete
a sortir. Et ces clefs qui ouvriront ce sepulcre, dans quelles mains
tomberont-elles? Amis, ce sont les rois qui se les disputent, mais
c'est le peuple qui les aura.
C'est fini, j'y insiste, desormais les negociations, les notes, les
protocoles, les ultimatum, les armistices, les platrages de paix
eux-memes n'y peuvent rien. Ce qui est fait est fait. Ce qui est
entame s'achevera. Le sultan, dans son desespoir, a saisi la
revolution, et la revolution le tient. Il ne depend plus de lui-meme a
present de se delivrer de l'aide redoutable qu'il s'est donnee. Il le
voudrait qu'il ne le pourrait. Quand un homme prend un archange pour
auxiliaire, l'archange l'emporte sur ses ailes.
Chose frappante! il est peut-etre dans la destinee du sultan de faire
crouler tous les trones. (_Une voix_: Y compris le sien.)
Et cette oeuvre a laquelle on contraint le sultan, ce sera le czar
qui l'aura provoquee! Cet ecroulement des trones, d'ou sortira la
confederation des Peuples-Unis, ce sera le czar, je ne dirai pas qui
l'aura voulu, mais qui l'aura cause. L'Europe cosaque aura fait
surgir l'Europe republicaine. A l'heure qu'il est, citoyens, le grand
revolutionnaire de l'Europe,--c'est Nicolas de Russie.
N'avais-je pas raison de vous dire: admirez de quelle facon la
providence s'y prend!
Oui, la providence nous emporte vers l'avenir a travers l'ombre.
Regardez, ecoutez, est-ce que vraiment vous ne voyez pas que le
mouvement de tout commence a devenir formidable? Le sinistre sabbat de
l'absolutisme passe comme une vision de nuit. Les rangees de gibets
chancellent a l'horizon, les cimetieres entrevus paraissent et
disparaissent, les fosses ou sont les martyrs se soulevent, tout se
hate dans ce tourbillon de tenebres. Il semble qu'on entend ce cri
mysterieux: "Hourrah! hourrah! les rois vont vite!"
Proscrits, attendons l'heure. Elle va bientot sonner, preparons-nous.
Elle va sonner pour les nations, elle va sonner pour nous-memes.
Alors, pas un coeur ne faiblira. Alors nous sortirons, nous aussi, de
cette tombe qu'on appelle l'exil; nous agiterons tous les sanglants et
sacres souvenirs, et, dans les dernieres profondeurs, les masses se
leveront contre les despotes, et le droit et la justice et le progres
vaincront; car le plus auguste et le plus terrible des drapeaux, c'est
le suaire dans lequel les rois ont essaye d'ensevelir la liberte!
Citoyens, du fond de cette adversite ou nous sommes encore, envoyons
une acclamation a l'avenir. Saluons, au dela de toutes ces convulsions
et de toutes ces guerres, saluons l'aube benie des Etats-Unis
d'Europe! Oh! ce sera la une realisation splendide! Plus de
frontieres, plus de douanes, plus de guerres, plus d'armees, plus
de proletariat, plus d'ignorance, plus de misere; toutes les
exploitations coupables supprimees, toutes les usurpations abolies; la
richesse decuplee, le probleme du bien-etre resolu par la science; le
travail, droit et devoir; la concorde entre les peuples, l'amour entre
les hommes; la penalite resorbee par l'education; le glaive brise
comme le sabre; tous les droits proclames et mis hors d'atteinte, le
droit de l'homme a la souverainete, le droit de la femme a l'egalite,
le droit de l'enfant a la lumiere; la pensee, moteur unique, la
matiere, esclave unique; le gouvernement resultant de la superposition
des lois de la societe aux lois de la nature, c'est-a-dire pas d'autre
gouvernement que le droit de l'Homme;--voila ce que sera l'Europe
demain peut-etre, citoyens, et ce tableau qui vous fait tressaillir de
joie n'est qu'une ebauche tronquee et rapide. O proscrits, benissons
nos peres dans leurs tombes, benissons ces dates glorieuses qui
rayonnent sur ces murailles, benissons la sainte marche des idees.
Le passe appartient aux princes; il s'appelle Barbarie; l'avenir
appartient aux peuples; il s'appelle Humanite!


1854

_La peine de mort.--Un gibet a Guernesey. Complaisances anglaises.
--Evocation de l'avenir. Misere.--Nostalgie. Encore un qui meurt.
--Desastres en Crimee. Bassesse dans le parlement. Attitude du
proscrit devant le proscripteur._


I
AUX HABITANTS DE GUERNESEY
Janvier 1854.

Une condamnation a mort est prononcee dans les iles de la Manche.
Victor Hugo intervient.

Peuple de Guernesey,
C'est un proscrit qui vient a vous.
C'est un proscrit qui vient vous parler pour un condamne. L'homme qui
est dans l'exil tend la main a l'homme qui est dans le sepulcre. Ne le
trouvez pas mauvais, et ecoutez-moi.
Le mardi 18 octobre 1853, a Guernesey, un homme, John-Charles Tapner,
est entre la nuit chez une femme, Mme Saujon, et l'a tuee; puis il l'a
volee, et il a mis le feu au cadavre et a la maison, esperant que le
premier forfait s'en irait dans la fumee du second. Il s'est trompe.
Les crimes ne sont pas complaisants, et l'incendie a refuse de cacher
l'assassinat. La providence n'est pas une receleuse; elle a livre le
meurtrier.
Le proces fait a Tapner a jete un jour hideux sur plusieurs autres
crimes. Depuis un certain temps des mains, tout de suite disparues,
avaient mis le feu a diverses maisons dans l'ile; les presomptions
se sont fixees sur Tapner, et il a paru vraisemblable que tous les
precedents incendies dussent se resumer dans le sanglant incendiaire
du 18 octobre.
Cet homme a ete juge; juge avec une impartialite et un scrupule qui
honorent votre libre et integre magistrature. Treize audiences ont
ete employees a l'examen des faits et a la formation lente de la
conviction des juges. Le 3 janvier l'arret a ete rendu a l'unanimite;
et a neuf heures du soir, en audience publique et solennelle, votre
honorable chef-magistrat, le bailli de Guernesey, d'une voix brisee
et eteinte, tremblant d'une emotion dont je le glorifie, a declare a
l'accuse "que la loi punissant de mort le meurtre", il devait, lui
John-Charles Tapner, se preparer a mourir, qu'il serait pendu, le 27
janvier prochain, sur le lieu meme de son crime, et que, la ou il
avait tue, il serait tue.
Ainsi, a ce moment ou nous sommes, il y a, au milieu de vous, au
milieu de nous, habitants de cet archipel, un homme qui, dans cet
avenir plein d'heures obscures pour tous les autres hommes, voit
distinctement sa derniere heure; en cet instant, dans cette minute ou
nous respirons librement, ou nous allons et venons, ou nous parlons et
sourions, il y a, a quelques pas de nous, et le coeur se serre en y
songeant, il y a dans une geole, sur un grabat de prison, un homme,
un miserable homme frissonnant, qui vit l'oeil fixe sur un jour de ce
mois, sur le 27 janvier, spectre qui grandit et qui approche. Le 27
janvier, masque pour nous tous comme tous les autres jours qui nous
attendent, ne montre qu'a cet homme son visage, la face sinistre de la
mort.
Guernesiais, Tapner est condamne a mort; en presence du texte des
codes, votre magistrature a fait, son devoir; elle a rempli, pour me
servir des propres termes du chef-magistrat, "son obligation"; mais
prenez garde. Ceci est le talion. Tu as tue, tu seras tue. Devant la
loi humaine, c'est juste; devant la loi divine, c'est redoutable.
Peuple de Guernesey, rien n'est petit quand il s'agit de
l'inviolabilite humaine. Le monde civilise vous demande la vie de cet
homme.
Qui suis-je? rien. Mais a-t-on besoin d'etre quelque chose pour
supplier? est-il necessaire d'etre grand pour crier grace? Hommes des
iles de la Manche, nous proscrits de France, nous vivons au milieu de
vous, nous vous aimons. Nous voyons vos voiles passer a l'horizon dans
les crepuscules des tempetes, et nous vous envoyons nos benedictions
et nos prieres. Nous sommes vos freres. Nous vous estimons, nous vous
honorons; nous venerons en vous le travail, le courage, les nuits
passees a la mer pour nourrir la femme et les enfants, les mains
calleuses du matelot, le front hale du laboureur, la France dont nous
sommes les fils et dont vous etes les petits-fils, l'Angleterre dont
vous etes les citoyens et dont nous sommes les hotes.
Permettez-nous donc de vous adresser la parole, puisque nous sommes
assis a votre foyer, et de vous payer votre hospitalite en cooperation
cordiale. Permettez-nous de nous attrister de tout ce qui pourrait
assombrir votre doux pays.
Le plongeur se precipite au fond de la mer et rapporte une poignee
de gravier. Nous autres, nous sommes les souffrants, nous sommes
les eprouves, c'est-a-dire les penseurs; les reveurs, si vous
voulez.--Nous plongeons au fond des choses, nous tachons de toucher
Dieu, et nous rapportons une poignee de verites.
La premiere des verites, la voici: tu ne tueras pas.
Et cette parole est absolue; elle a ete dite pour la loi, aussi bien
que pour l'individu.
Guernesiais, ecoutez ceci:
Il y a une divinite horrible, tragique, execrable, paienne. Cette
divinite s'appelait Moloch chez les hebreux et Teutates chez les
celtes; elle s'appelle a present la peine de mort. Elle avait
autrefois pour pontife, dans l'orient, le mage, et, dans l'occident,
le druide; son pretre aujourd'hui, c'est le bourreau. Le meurtre
legal a remplace le meurtre sacre. Jadis elle a rempli votre ile de
sacrifices humains; et elle en a laisse partout les monuments, toutes
ces pierres lugubres ou la rouille des siecles a efface la rouille du
sang, qu'on rencontre a demi ensevelies dans l'herbe au sommet de
vos collines et sur lesquelles la ronce siffle au vent du soir.
Aujourd'hui, en cette annee dont elle epouvante l'aurore, l'idole
monstrueuse reparait parmi vous; elle vous somme de lui obeir; elle
vous convoque a jour fixe, pour la celebration de son mystere, et,
comme autrefois, elle reclame de vous, de vous qui avez lu l'evangile,
de vous qui avez l'oeil fixe sur le calvaire, elle reclame un
sacrifice humain! Lui obeirez-vous? redeviendrez-vous paiens le 27
janvier 1854 pendant deux heures? paiens pour tuer un homme! paiens
pour perdre une ame! paiens pour mutiler la destinee du criminel en
lui retranchant le temps du repentir! Ferez-vous cela? Serait-ce la
le progres? Ou en sont les hommes si le sacrifice humain est encore
possible? Adore-t-on encore a Guernesey l'idole, la vieille idole du
passe, qui tue en face de Dieu qui cree? A quoi bon lui avoir ote le
peulven si c'est pour lui rendre la potence?
Quoi! commuer une peine, laisser a un coupable la chance du remords
et de la reconciliation, substituer au sacrifice humain l'expiation
intelligente, ne pas tuer un homme, cela est-il donc si malaise? Le
navire est-il donc si en detresse qu'un homme y soit de trop? un
criminel repentant pese-t-il donc tant a la societe humaine qu'il
faille se hater de jeter par-dessus le bord dans l'ombre de l'abime
cette creature de Dieu?
Guernesiais! la peine de mort recule aujourd'hui partout et perd
chaque jour du terrain; elle s'en va devant le sentiment humain. En
1830, la chambre des deputes de France en reclamait l'abolition, par
acclamation; la constituante de Francfort l'a rayee des codes en 1848;
la constituante de Rome l'a supprimee en 1849; notre constituante de
Paris ne l'a maintenue qu'a une majorite imperceptible; je dis plus,
la Toscane, qui est catholique, l'a abolie; la Russie, qui est
barbare, l'a abolie; Otahiti, qui est sauvage, l'a abolie. Il semble
que les tenebres elles-memes n'en veulent plus. Est-ce que vous en
voulez, vous, hommes de ce bon pays?
Il depend de vous que la peine de mort soit abolie de fait a
Guernesey; il depend de vous qu'un homme ne soit pas "pendu jusqu'a ce
que mort s'ensuive" le 27 janvier; il depend de vous que ce spectacle
effroyable, qui laisserait une tache noire sur votre beau ciel, ne
vous soit pas donne.
Votre constitution libre met a votre disposition tous les moyens
d'accomplir cette oeuvre religieuse et sainte. Reunissez-vous
legalement. Agitez pacifiquement l'opinion et les consciences. L'ile
entiere peut, je dis plus, doit intervenir. Les femmes doivent presser
les maris, les enfants attendrir les peres, les hommes signer des
requetes et des petitions. Adressez-vous a vos gouvernants et a vos
magistrats dans les limites de la loi. Reclamez le sursis, reclamez la
commutation de peine. Vous l'obtiendrez.
Levez-vous. Hatez-vous. Ne perdez pas un jour, ne perdez pas une
heure, ne perdez pas un instant. Que ce fatal 27 janvier vous soit
sans cesse present. Que toute l'ile compte les minutes comme cet
homme!
Songez-y bien, depuis que cette sentence de mort est prononcee, le
bruit que vous entendez maintenant dans toutes vos horloges, c'est le
battement du coeur de ce miserable.
Un precedent est-il necessaire? en voici un:
En 1851, un homme, a Jersey, tua un autre homme. Un nomme Jacques
Fouquet tira un coup de fusil a un nomme Derbyshire. Jacques Fouquet
fut declare coupable successivement par les deux jurys. Le 27 aout
1851 la cour le condamna a mort. Devant l'imminence d'une execution
capitale, l'ile s'emut. Un grand meeting eut lieu; seize cents
personnes y assisterent. Des francais y parlerent aux applaudissements
du genereux peuple jersiais. Une petition fut signee. Le 23 septembre,
la grace de Fouquet arriva.
Maintenant, qu'est-il advenu de Fouquet?
Je vais vous le dire.
Fouquet vit et Fouquet se repent.
[Note: JACQUES FOUQUET.--On nous assure que Jacques Fouquet, condamne
a mort par notre cour royale, comme coupable du crime de meurtre sur
Frederic Derbyshire et dont la peine fut commuee par sa majeste en
celle de la deportation perpetuelle, a ete transfere, il y a six mois,
de la prison de Millbank ou il etait toujours reste, a Dartmore.
Il est presque completement gueri du mal qu'il avait au cou, et sa
conduite a ete telle a Millbank, que le gouverneur de cette prison
regarde comme tres probable une nouvelle commutation de sa peine, et
un bannissement aux possessions anglaises. (_Chronique de Jersey_, 7
janvier 1854.)]
Qu'est-ce que le gibet a a repondre a cela?
Guernesiais! ce qu'a fait Jersey, Guernesey peut le faire. Ce que
Jersey a obtenu, Guernesey l'obtiendra.
Dira-t-on qu'ici, dans ce sombre guet-apens du 18 octobre, la mort
semble justice? que le crime de Tapner est bien grand?
Plus le crime est grand, plus le temps doit etre mesure long au
repentir.
Quoi! une femme aura ete assassinee, lachement tuee, lachement!
une maison aura ete pillee, violee, incendiee, un meurtre aura ete
accompli, et autour de ce meurtre on croira entrevoir une foule
d'autres actions perverses, un attentat aura ete commis, je me
trompe, plusieurs attentats, qui exigeraient une longue et solennelle
reparation, le chatiment accompagne de la reflexion, le rachat du mal
par la penitence, l'agenouillement du criminel sous le crime et du
condamne sous la peine, toute une vie de douleur et de purification;
et parce qu'un matin, a un jour precis, le vendredi 27 janvier, en
quelques minutes, un poteau aura ete enfonce dans la terre, parce
qu'une corde aura serre le cou d'un homme, parce qu'une ame se sera
enfuie d'un corps miserable avec le hurlement du damne, tout sera
bien!
Brievete chetive de la justice humaine!
Oh! nous sommes le dix-neuvieme siecle; nous sommes le peuple
nouveau; nous sommes le peuple pensif, serieux, libre, intelligent,
travailleur, souverain; nous sommes le meilleur age de l'humanite,
l'epoque de progres, d'art, de science, d'amour, d'esperance, de
fraternite; echafauds! qu'est-ce que vous nous voulez? O machines
monstrueuses de la mort, hideuses charpentes du neant, apparitions du
passe, toi qui tiens a deux bras ton couperet triangulaire, toi
qui secoues un squelette au bout d'une corde, de quel droit
reparaissez-vous en plein midi, en plein soleil, en plein dix-neuvieme
siecle, en pleine vie? vous etes des spectres. Vous etes les choses de
la nuit, rentrez dans la nuit. Est-ce que les tenebres offrent leurs
services a la lumiere? Allez-vous-en. Pour civiliser l'homme, pour
corriger le coupable, pour illuminer la conscience, pour faire germer
le repentir dans les insomnies du crime, nous avons mieux que vous,
nous avons la pensee, l'enseignement, l'education patiente, l'exemple
religieux, la clarte en haut, l'epreuve en bas, l'austerite, le
travail, la clemence. Quoi! du milieu de tout ce qui est grand, de
tout ce qui est vrai, de tout ce qui est beau, de tout ce qui est
auguste, on verra obstinement surgir la peine de mort! Quoi! la ville
souveraine, la ville centrale du genre humain, la ville du 14 juillet
et du 10 aout, la ville ou dorment Rousseau et Voltaire, la metropole
des revolutions, la cite-creche de l'idee, aura la Greve, la barriere
Saint-Jacques, la Roquette! Et ce ne sera pas assez de cette
contradiction abominable! et ce contre-sens sera peu! et cette horreur
ne suffira pas! Et il faudra qu'ici aussi, dans cet archipel, parmi
les falaises, les arbres et les fleurs, sous l'ombre des grandes nuees
qui viennent du pole, l'echafaud se dresse, et domine, et constate
son droit, et regne! ici! dans le bruit des vents, dans la rumeur
eternelle des flots, dans la solitude de l'abime, dans la majeste de
la nature! Allez-vous-en, vous dis-je! disparaissez! Qu'est-ce que
vous venez faire, toi, guillotine, au milieu de Paris, toi, gibet, en
face de l'ocean?
Peuple de pecheurs, bons et vaillants hommes de la mer, ne laissez pas
mourir cet homme. Ne jetez pas l'ombre d'une potence sur votre
ile charmante et benie. N'introduisez pas dans vos heroiques et
incertaines aventures de mer ce mysterieux element de malheur.
N'acceptez pas la solidarite redoutable de cet empietement du pouvoir
humain sur le pouvoir divin. Qui sait? qui connait? qui a penetre
l'enigme? Il y a des abimes dans les actions humaines, comme il y
a des gouffres dans les flots. Songez aux jours d'orage, aux nuits
d'hiver, aux forces irritees et obscures qui s'emparent de vous a de
certains moments. Songez comme la cote de Serk est rude, comme
les bas-fonds des Minquiers sont perfides, comme les ecueils de
Pater-Noster sont mauvais. Ne faites pas souffler dans vos voiles le
vent du sepulcre. N'oubliez pas, navigateurs, n'oubliez pas, pecheurs,
n'oubliez pas, matelots, qu'il n'y a qu'une planche entre vous et
l'eternite, que vous etes a la discretion des vagues qu'on ne sonde
pas et de la destinee qu'on ignore, qu'il y a peut-etre des volontes
dans ce que vous prenez pour des caprices, que vous luttez sans cesse
contre la mer et contre le temps, et que, vous, hommes, qui savez si
peu de chose et qui ne pouvez rien, vous etes toujours face a face
avec l'infini et avec l'inconnu!
L'inconnu et l'infini, c'est la tombe.
N'ouvrez pas, de vos propres mains, une tombe au milieu de vous.
Quoi donc! les voix de cet infini ne nous disent-elles rien? Est-ce
que tous les mysteres ne nous entretiennent pas les uns des autres?
Est-ce que la majeste de l'ocean ne proclame pas la saintete du
tombeau?
Dans la tempete, dans l'ouragan, dans les coups d'equinoxe, quand
les brises de la nuit balanceront l'homme mort aux poutres du gibet,
est-ce que ce ne sera pas une chose terrible que ce squelette
maudissant cette ile dans l'immensite?
Est-ce que vous ne songerez pas en fremissant, j'y insiste, que ce
vent qui viendra souffler dans vos agres aura rencontre a son passage
cette corde et ce cadavre, et que cette corde et ce cadavre lui auront
parle?
Non! plus de supplices! nous, hommes de ce grand siecle, nous n'en
voulons plus. Nous n'en voulons pas plus pour le coupable que pour le
non coupable. Je le repete, le crime se rachete par le remords et non
par un coup de hache ou un noeud coulant; le sang se lave avec les
larmes et non avec le sang. Non! ne donnons plus de besogne au
bourreau. Ayons ceci present a l'esprit, et que la conscience du juge
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