Actes et Paroles, Volume 2 - 15

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devrait tomber a genoux devant elle, tout cela n'est point une affaire
d'argent.
Certes, la souscription est bonne, utile et louable, mais il faut une
indemnite plus haute. La societe est plus atteinte encore que Rosalie
Doise. L'outrage a la civilisation est profond. La grande insultee
ici, c'est la JUSTICE.
Souscrire, soit; mais il me semble que les anciens gardes des sceaux
et les anciens batonniers ont autre chose a faire, et quant a moi,
j'ai un devoir, et je n'y faillirai pas.
VICTOR HUGO.
Hauteville-House, 2 decembre 1862.

L'appel fait par Victor Hugo ne fut pas entendu. On a raison de
dire que l'exil vit d'illusions. Victor Hugo se trompait en croyant
qu'avertis de la sorte, les gardes des sceaux et les batonniers
prendraient en main cette affaire. Aucune suite judiciaire ne
fut donnee aux effroyables revelations de l'affaire Doise. Ceci,
d'ailleurs, n'a rien que de normal; jamais la justice n'a fait le
proces a la justice.
Disons ici, pour que l'on s'en souvienne, de quelle facon Rosalie
Doise avait ete traitee. Il est bon de mettre ces details sous les
yeux des penseurs. Les penseurs precedent les legislateurs. La lumiere
faite d'abord dans les consciences se fait plus tard dans les codes.
Rosalie Doise etait accusee, sur de tres vagues presomptions, d'avoir
tue son pere, Martin Doise. Rosalie Doise n'avait point supporte
cette accusation patiemment. Chaque fois qu'on l'interrogeait, elle
s'emportait, ce qui choquait la gravite des magistrats. Elle perdait
toute mesure, s'il faut en croire le requisitoire, et s'indignait au
point de sembler furieuse et folle. Des qu'on cessait de l'accuser,
elle se calmait et devenait muette et immobile sous l'accablement:
_Elle avait l'air_, dit un temoin, _d'une sainte de pierre_.
"La justice" desirait que Rosalie Doise s'avouat parricide. Pour
obtenir cet aveu, on la mit dans un cachot de huit pieds de long sur
sept de haut et sept de large [1]. Ce cachot etait ferme d'une double
porte. Pas de jour et d'air que ce qui passait par un trou "grand
comme une brique" [2], perce dans l'une des deux portes et donnant
dans une salle interieure de la prison; le cachot etait pave de
carreaux; pas de chaise; la prisonniere etait forcee de se tenir
debout ou de se coucher sur le carreau; la nuit, on lui donnait une
paillasse qu'on lui otait le matin. Dans un coin, le baquet des
excrements. Elle ne sortait jamais. Elle n'est sortie que deux fois en
six semaines. Parfois on lui mettait la camisole de force [3]. Elle
etait grosse.
Sentant remuer son enfant, elle avoua.
Elle fut condamnee aux travaux forces a perpetuite. L'enfant mourut.
Elle etait innocente.
Voici un fragment d'un de ses interrogatoires apres qu'elle fut
reconnue innocente; on lui parle encore comme a une coupable:
"D. Mais enfin, on ne voit pas quels sont les moyens de contrainte qui
ont ete exerces contre vous.
"R. On m'a dit: avouez, ou vous resterez dans le trou noir, ou l'on
m'avait mise, ou je n'avais meme pas d'air.
"D. C'est-a-dire qu'on vous a mise au secret, ce qui est le droit et
le devoir du magistrat. Vous avez persiste pendant cinq semaines dans
vos aveux, apres votre sortie du secret.
"R. _Avec vivacite_. Eh sans doute, je ne voulais pas retourner au
cachot!
"Le procureur general: Mais vous n'avez pas ete mise au cachot?
"R. Oh! je ne sais pas; ce que je sais, c'est qu'il y avait deux
portes au trou et pas d'air.
"Le procureur general: Vous n'etiez separee que par une porte de la
salle commune des detenus.
"Le president: Sortiez-vous dans le jour?
"R. Je ne suis sortie que deux fois pendant tout le temps.
"D. C'est que vous ne le demandiez pas.
"R. Pardon, je ne demandais que ca. On me disait: Dites la verite et
vous sortirez.
"D. Le procureur general: Pas de confusion, sortiez-vous deux fois par
jour?
"R. Je ne suis sortie que deux fois en six ou sept semaines.
"D. Le president: Mais demandiez-vous a sortir?
"R. Je demandais tant de choses et on ne m'accordait rien. Le
commis-greffier me disait toujours: Avouez et vous sortirez.
"D. Le medecin vous visitait?
"R. Je ne l'ai vu que deux fois en deux mois. La premiere fois, il m'a
saignee, la seconde, il a dit de me faire sortir.
"D. Combien de jours etes-vous accouchee apres votre sortie du secret?
"R. Quatre semaines apres.
"D. Vous avez perdu votre enfant?
"R. Oui. (_Elle pleure_). Mon enfant a vecu vingt-quatre jours.
Comment aurait-il vecu?... je ne dormais jamais au cachot. (_Elle
pleure._)

Notes:
[1] Longueur, 2 m, 50; largeur; 2 m, 15; hauteur, 2 m, 40 (deposition
du gardien chef).
[2] Le procureur general au gardien chef:--Il y avait un jour
quelconque dans cette chambre? Le gardien chef:--Mais oui, monsieur
le procureur general, il y avait une ouverture de la grandeur d'une
brique carree.
[3] Le defenseur au gardien chef:--Ne lui a-t-on pas mis deux jours et
deux nuits la camisole de force? Le gardien chef:--Oui, parce qu'elle
voulait se suicider.

ARRET DE LA COUR DE CASSATION
DU 9 OCTOBRE 1862
"La Cour
"Declare inconciliables les arrets de Cour d'assises qui ont condamne,
comme coupables d'assassinat de Martin Doise
"D'une part: Rosalie Doise, femme Cardin. (Travaux forces a
perpetuite.)
"D'autre part: Vanhalvyn et Verhamme. (Pour le meme fait.)"
Disons, des aujourd'hui, que Victor Hugo compte revenir sur cette
affaire Doise dans un ouvrage intitule _Dossier de la Peine de Mort_.
Justice sera faite.


1863
_La lutte des nations. La Pologne contre le czar.--L'Italie contre le
pape. Le Mexique contre Bonaparte_.

I
A L'ARMEE RUSSE

La Pologne, indomptable comme le droit, venait de se soulever.
L'armee russe l'ecrasait. Alexandre Herzen, le vaillant redacteur du
_Kolokol_, ecrivit a Victor Hugo cette simple ligne:
"Grand frere, au secours! Dites le mot de la civilisation."
Victor Hugo publia dans les journaux libres de l'Europe l'Appel a
l'armee russe qu'on va lire:
Soldats russes, redevenez des hommes.
Cette gloire vous est offerte en ce moment, saisissez-la.
Pendant qu'il en est temps encore, ecoutez:
Si vous continuez cette guerre sauvage; si, vous, officiers, qui
etes de nobles coeurs, mais qu'un caprice peut degrader et jeter
en Siberie; si, vous, soldats, serfs hier, esclaves aujourd'hui,
violemment arraches a vos meres, a vos fiancees, a vos familles,
sujets du knout, maltraites, mal nourris, condamnes pour de longues
annees et pour un temps indefini au service militaire, plus dur en
Russie que le bagne ailleurs; si, vous qui etes des victimes, vous
prenez parti contre les victimes; si, a l'heure sainte ou la Pologne
venerable se dresse, a l'heure supreme ou le choix vous est donne
entre Petersbourg ou est le tyran et Varsovie ou est la liberte; si,
dans ce conflit decisif, vous meconnaissez votre devoir, votre devoir
unique, la fraternite; si vous faites cause commune contre les
polonais avec le czar, leur bourreau et le votre; si, opprimes,
vous n'avez tire de l'oppression d'autre lecon que de soutenir
l'oppresseur; si de votre malheur vous faites votre honte; si, vous
qui avez l'epee a la main, vous mettez au service du despotisme,
monstre lourd et faible qui vous ecrase tous, russes aussi bien que
polonais, votre force aveugle et dupe; si, au lieu de vous retourner
et de faire face au boucher des nations, vous accablez lachement,
sous la superiorite des armes et du nombre, ces heroiques populations
desesperees, reclamant le premier des droits, le droit a la patrie;
si, en plein dix-neuvieme siecle, vous consommez l'assassinat de la
Pologne, si vous faites cela, sachez-le, hommes de l'armee russe,
vous tomberez, ce qui semble impossible, au-dessous meme des bandes
americaines du sud, et vous souleverez l'execration du monde civilise!
Les crimes de la force sont et restent des crimes; l'horreur publique
est une penalite.
Soldats russes, inspirez-vous des polonais, ne les combattez pas.
Ce que vous avez devant vous en Pologne, ce n'est pas l'ennemi, c'est
l'exemple.
VICTOR HUGO.
Hauteville-House, 11 fevrier 1863.


II
GARIBALDI

A VICTOR HUGO
Caprera, aout 1863.
Cher ami,
J'ai besoin d'un autre million de fusils pour les italiens.
Je suis certain que vous m'aiderez a recueillir les fonds necessaires.
L'argent sera place dans les mains de M. Adriano Lemari, notre
tresorier.
Votre,
G. GARIBALDI.

AU GENERAL GARIBALDI
Hauteville-House, Guernesey, 18 novembre 1863.
Cher Garibaldi,
J'ai ete absent, ce qui fait que j'ai eu tard votre lettre, et que
vous aurez tard ma reponse.
Vous trouverez sous ce pli ma souscription.
Certes, vous pouvez compter sur le peu que je suis et le peu que je
puis. Je saisirai, puisque vous le jugez utile, la premiere occasion
d'elever la voix.
Il vous faut le million de bras, le million de coeurs, le million
d'ames. Il vous faut la grande levee des peuples. Elle viendra.
Votre ami,
VICTOR HUGO.


III
LA GUERRE DU MEXIQUE

Quoique digne de toutes les severites de l'histoire, le premier empire
avait fait de la gloire; le second fit de la honte. La guerre du
Mexique eclata, odieuse voie de fait contre un peuple libre. Le
Mexique resista, et fut traite militairement; l'assaut de Puebla fut
un crime dans ce crime, ce fut un de ces ecrasements de villes qui
deshonoreraient une cause juste, et qui completent l'infamie d'une
guerre inique. Puebla se defendit heroiquement. Tant que le siege
dura, Puebla publia un journal imprime sur deux colonnes, l'une
en francais, l'autre en espagnol. Tous les numeros de ce journal
commencaient par une page de _Napoleon le Petit_. Les combattants de
Puebla expliquaient ainsi a l'armee de l'empire ce que c'etait que
l'empereur. Ce journal contenait un appel a Victor Hugo [note: Voici
le texte: _Que ereis? Los soldados de un tiranno. La mejor Francia es
con nosotros. Habeis Napoleon, habemos Victor Hugo_.]. Il y repondit.
Hommes de Puebla,
Vous avez raison de me croire avec vous.
Ce n'est pas la France qui vous fait la guerre, c'est l'empire.
Certes, je suis avec vous. Nous sommes debout contre l'empire, vous de
votre cote, moi du mien, vous dans la patrie, moi dans l'exil.
Combattez, luttez, soyez terribles, et, si vous croyez mon nom bon
a quelque chose, servez-vous-en. Visez cet homme a la tete, que la
liberte soit le projectile.
Il y a deux drapeaux tricolores, le drapeau tricolore de la republique
et le drapeau tricolore de l'empire; ce n'est pas le premier qui se
dresse contre vous, c'est le second.
Sur le premier on lit: _Liberte, Egalite, Fraternite_. Sur le second
on lit: _Toulon. 18 brumaire.--2 decembre. Toulon_.
J'entends le cri que vous poussez vers moi, je voudrais me mettre
entre nos soldats et vous, mais que suis-je? une ombre. Helas! nos
soldats ne sont pas coupables de cette guerre; ils la subissent comme
vous la subissez, et ils sont condamnes a l'horreur de la faire en
la detestant. La loi de l'histoire, c'est de fletrir les generaux et
d'absoudre les armees. Les armees sont des gloires aveuglees; ce sont
des forces auxquelles on ote la conscience; l'oppression des peuples
qu'une armee accomplit, commence par son propre asservissement; ces
envahisseurs sont des enchaines; et le premier esclave que fait le
soldat, c'est lui-meme. Apres un 18 brumaire ou un 2 decembre, une
armee n'est plus que le spectre d'une nation.
Vaillants hommes du Mexique, resistez.
La Republique est avec vous, et dresse au-dessus de vos tetes aussi
bien son drapeau de France ou est l'arc-en-ciel, que son drapeau
d'Amerique ou sont les etoiles.
Esperez. Votre heroique resistance s'appuie sur le droit, et elle a
pour elle cette grande certitude, la justice.
L'attentat contre la republique mexicaine continue l'attentat contre
la republique francaise. Un guet-apens complete l'autre. L'empire
echouera, je l'espere, dans sa tentative infame, et vous vaincrez.
Mais, dans tous les cas, que vous soyez vainqueurs ou que vous soyez
vaincus, notre France reste votre soeur, soeur de votre gloire comme
de votre malheur, et quant a moi, puisque vous faites appel a mon nom,
je vous le redis, je suis avec vous, et je vous apporte, vainqueurs,
ma fraternite de citoyen, vaincus, ma fraternite de proscrit.
VICTOR HUGO.


1864
_Le centenaire de Shakespeare_.

I
LE CENTENAIRE DE SHAKESPEARE

Paris, 11 avril 1864.
LE COMITE DE SHAKESPEARE A VICTOR HUGO
Cher et illustre maitre,
Une reunion d'ecrivains, d'auteurs et d'artistes dramatiques, et de
representants de toutes les professions liberales, a eu lieu dans le
but d'organiser, a Paris, pour le 23 avril, une fete a l'occasion du
trois centieme anniversaire de la naissance de Shakespeare.
Ont ete nommes membres du comite shakespearien francais:
MM. Auguste Barbier, Barye, Charles Bataille (du Conservatoire),
Hector Berlioz, Alexandre Dumas, Jules Favre, George Sand, Jules
Janin, Theophile Gautier, Francois-V. Hugo, Legouve, Littre, Paul
Meurice, Michelet, Eugene Pelletan, Regnier (de la Comedie francaise).
Secretaires: MM. Laurent Pichat, Leconte de Lisle, Felicien
Mallefille, Paul de Saint-Victor, Thore.
La presidence vous a ete decernee a l'unanimite.
Elle etait due au grand poete et au grand citoyen.
Nous attendons avec confiance une adhesion qui donnera a cette fete sa
complete signification.
Les delegues du comite:
LAURENT PICHAT. HENRI ROCHEFORT. LOUIS ULBACH. AUGUSTE VACQUERIE. E.
VALNAY.

AU COMITE POUR SHAKESPEARE
Hauteville-House, 16 avril 1864.
Messieurs,
Il me semble que je rentre en France. C'est y etre que de se sentir
parmi vous. Vous m'appelez, et mon ame accourt.
En glorifiant Shakespeare, vous, francais, vous donnez un admirable
exemple. Vous le mettez de plain-pied avec vos illustrations
nationales; vous le faites fraterniser avec Moliere que vous lui
associez, et avec Voltaire que vous lui ramenez. Au moment ou
l'Angleterre fait Garibaldi bourgeois de la cite de Londres, vous
faites Shakespeare citoyen de la republique des lettres francaises.
C'est qu'en effet Shakespeare est votre. Vous aimez tout dans cet
homme; d'abord ceci, qu'il est un homme; et vous couronnez en lui le
comedien qui a souffert, le philosophe qui a lutte, le poete qui a
vaincu. Vos acclamations honorent dans sa vie la volonte, dans son
genie la puissance, dans son art la conscience, dans son theatre
l'humanite.
Vous avez raison, et c'est juste. La civilisation bat des mains autour
de cette noble fete.
Vous etes les poetes glorifiant la poesie, vous etes les penseurs
glorifiant la philosophie, vous etes les artistes glorifiant
l'art; vous etes autre chose encore, vous etes la France saluant
l'Angleterre. C'est la magnanime accolade de la soeur a la soeur, de
la nation qui a eu Vincent de Paul a la nation qui a eu Wilberforce,
et de Paris ou est l'egalite a Londres ou est la liberte. De cet
embrassement jaillira l'echange. L'une donnera a l'autre ce qu'elle a.
Saluer l'Angleterre dans son grand homme au nom de la France,
c'est beau; vous faites plus encore. Vous depassez les limites
geographiques; plus de francais, plus d'anglais; vous etes les freres
d'un genie, et vous le fetez; vous fetez ce globe lui-meme, vous
felicitez la terre qui, a pareil jour, il y a trois cents ans, a vu
naitre Shakespeare. Vous consacrez ce principe sublime de l'ubiquite
des esprits, d'ou sort l'unite de civilisation; vous otez l'egoisme du
coeur des nationalites; Corneille n'est pas a nous, Milton n'est pas
a eux, tous sont a tous; toute la terre est patrie a l'intelligence;
vous prenez tous les genies pour les donner a tous les peuples; en
otant la barriere entre les poetes vous l'otez entre les hommes, et
par l'amalgame des gloires vous commencez l'effacement des frontieres.
Sainte promiscuite! Ceci est un grand jour!
Homere, Dante, Shakespeare, Moliere, Voltaire, indivis; la prise de
possession des grands hommes par le genre humain tout entier; la mise
en commun des chefs-d'oeuvre; tel est le premier pas. Le reste suivra.
C'est la l'oeuvre que vous inaugurez; oeuvre cosmopolite, humaine,
solidaire, fraternelle, desinteressee de toute nationalite, superieure
aux demarcations locales; magnifique adoption de l'Europe par la
France, et du monde entier par l'Europe. D'une fete comme celle-ci, il
decoule de la civilisation.
Pour presider cette reunion memorable, vous aviez le choix des plus
hautes renommees; les noms illustres et populaires abondent parmi
vous; votre liste en rayonne; les eclatantes incarnations de l'art, du
drame, du roman, de l'histoire, de la poesie, de la philosophie, de
l'eloquence, sont groupees presque toutes dans cette solennite autour
du piedestal de Shakespeare; mais vous avez eu sans doute cette
pensee, qu'afin de donner a la celebration de cet anniversaire son
caractere particulierement externe, afin que cette manifestation
fut en dehors et au dela de toute frontiere, il vous fallait pour
president un homme place lui-meme dans cette exception, un francais
hors de France, a la fois absent et present, ayant le pied en
Angleterre et le coeur a Paris, espece de trait d'union possible,
situe a la distance voulue, et a portee en quelque sorte de mettre
l'une dans l'autre les deux mains augustes des deux nations. Il s'est
trouve, par un arrangement de la destinee, que cette position etait la
mienne, et le choix glorieux que vous avez fait de moi, je le dois a
ce hasard, heureux aujourd'hui.
Je vous rends grace, et je vous propose ce toast:--"A Shakespeare
et a l'Angleterre. A la reussite definitive des grands hommes de
l'intelligence, et a la communion des peuples dans le progres et dans
l'ideal!"
VICTOR HUGO.
Le gouvernement de Bonaparte s'inquieta de la fete de Shakespeare, et
crut devoir l'interdire.


II
LES RUES ET MAISONS DU VIEUX BLOIS

A M. A. QUEYROY
Hauteville-House, 17 avril 1864.
Monsieur, je vous remercie. Vous venez de me faire revivre dans le
passe. Le 17 avril 1825, il y a trente-neuf ans aujourd'hui meme
(laissez-moi noter cette petite coincidence interessante pour moi),
j'arrivais a Blois. C'etait le matin. Je venais de Paris. J'avais
passe la nuit en malle-poste, et que faire en malle-poste? J'avais
fait la ballade des _Deux Archers_; puis, les derniers vers acheves,
comme le jour ne paraissait pas encore, tout en regardant a la lueur
de la lanterne passer a chaque instant des deux cotes de la voiture
des troupes de boeufs de l'Orleanais descendant vers Paris, je
m'etais endormi. La voix du conducteur me reveilla.--Voila Blois! me
cria-t-il. J'ouvris les yeux et je vis mille fenetres a la fois, un
entassement irregulier et confus de maisons, des clochers, un chateau,
et sur la colline un couronnement de grands arbres et une rangee de
facades aigues a pignons de pierre au bord de l'eau, toute une vieille
ville en amphitheatre, capricieusement repandue sur les saillies d'un
plan incline, et, a cela pres que l'Ocean est plus large que la Loire
et n'a pas de pont qui mene a l'autre rive, presque pareille a cette
ville de Guernesey que j'habite aujourd'hui. Le soleil se levait sur
Blois.
Un quart d'heure apres, j'etais rue du Foix, n deg. 73. Je frappais a une
petite porte donnant sur un jardin; un homme qui travaillait au jardin
venait m'ouvrir. C'etait mon pere.
Le soir, mon pere me mena sur le monticule qui dominait sa maison et
ou est l'arbre de Gaston; je revis d'en haut la ville que le matin
j'avais vue d'en bas; l'aspect, autre, etait, quoique severe, plus
charmant encore. La ville, le matin, m'avait semble avoir le gracieux
desordre et presque la surprise du reveil; le soir avait calme les
lignes. Bien qu'il fit encore jour, le soleil venant a peine de se
coucher, il y avait un commencement de melancolie; l'estompe du
crepuscule emoussait les pointes des toits; de rares scintillements de
chandelles remplacaient l'eblouissante diffusion de l'aurore sur
les vitres; les profils des choses subissaient la transformation
mysterieuse du soir; les roideurs perdaient, les courbes gagnaient; il
y avait plus de coudes et moins d'angles. Je regardais avec emotion,
presque attendri par cette nature. Le ciel avait un vague souffle
d'ete. La ville m'apparaissait, non plus comme le matin, gaie et
ravissante, pele-mele, mais harmonieuse; elle etait coupee en
compartiments d'une belle masse, se faisant equilibre; les plans
reculaient, les etages se superposaient avec a-propos et tranquillite.
La cathedrale, l'eveche, l'eglise noire de Saint-Nicolas, le chateau,
autant citadelle que palais, les ravins meles a la ville, les montees
et les descentes ou les maisons tantot grimpent, tantot degringolent,
le pont avec son obelisque, la belle Loire serpentante, les bandes
rectilignes de peupliers, a l'extreme horizon Chambord indistinct avec
sa futaie de tourelles, les forets ou s'enfonce l'antique voie dite
"ponts romains" marquant l'ancien lit de la Loire, tout cet ensemble
etait grand et doux. Et puis mon pere aimait cette ville.
Vous me la rendez aujourd'hui.
Grace a vous, je suis a Blois. Vos vingt eaux-fortes montrent la ville
intime, non la ville des palais et des eglises, mais la ville des
maisons [note: _Les Rues et Maisons du vieux Blois_, eaux-fortes par
A. Queyroy.]. Avec vous, on est dans la rue; avec vous, on entre dans
la masure; et telle de ces batisses decrepites, comme le logis en bois
sculpte de la rue Saint-Lubin, comme l'hotel Denis-Dupont avec sa
lanterne d'escalier a baies obliques suivant le mouvement de la vis
de saint Gilles, comme la maison de la rue Haute, comme l'arcade
surbaissee de la rue Pierre-de-Blois, etale toute la fantaisie
gothique ou toutes les graces de la renaissance, augmentees de la
poesie du delabrement. Etre une masure, cela n'empeche pas d'etre un
bijou. Une vieille femme qui a du coeur et de l'esprit, rien n'est
plus charmant. Beaucoup des exquises maisons dessinees par vous sont
cette vieille femme-la. On fait avec bonheur leur connaissance. On
les revoit avec joie, quand on est, comme moi, leur vieil ami. Que de
choses elles ont a vous dire, et quel delicieux rabachage du passe!
Par exemple, regardez cette fine et delicate maison de la rue des
Orfevres, il semble que ce soit un tete-a-tete. On est en bonne
fortune avec toute cette elegance. Vous nous faites tout reconnaitre,
tant vos eaux-fortes sont des portraits. C'est la fidelite
photographique, avec la liberte du grand art. Votre rue Chemonton est
un chef-d'oeuvre. J'ai monte, en meme temps que ces bons paysans de
Sologne peints par vous, les grands degres du chateau. La maison a
statuettes de la rue Pierre-de-Blois est comparable a la precieuse
maison des Musiciens de Weymouth. Je retrouve tout. Voici la tour
d'Argent, voici le haut pignon sombre, coin des rues des Violettes et
de Saint-Lubin, voici l'hotel de Guise, voici l'hotel de Cheverny,
voici l'hotel Sardini avec ses voutes en anse de panier, voici l'hotel
d'Alluye avec ses galantes arcades du temps de Charles VIII, voici
les degres de Saint-Louis qui menent a la cathedrale, voici la rue
du Sermon, et au fond la silhouette presque romane de Saint-Nicolas;
voici la jolie tourelle a pans coupes dite Oratoire de la reine
Anne. C'est derriere cette tourelle qu'etait le jardin ou Louis XII,
goutteux, se promenait sur son petit mulet. Ce Louis XII a, comme
Henri IV, des cotes aimables. Il fit beaucoup de sottises, mais
c'etait un roi bonhomme. Il jetait au Rhone les procedures commencees
contre les vaudois. Il etait digne d'avoir pour fille cette vaillante
huguenote astrologue Renee de Bretagne, si intrepide devant la
Saint-Barthelemy et si fiere a Montargis. Jeune, il avait passe trois
ans a la tour de Bourges, et il avait tate de la cage de fer. Cela,
qui eut rendu un autre mechant, le fit debonnaire. Il entra a Genes,
vainqueur, avec une ruche d'abeilles doree sur sa cotte d'armes et
cette devise: _Non utitur aculeo_. Et etant bon, il etait brave: A
Aignadel, a un courtisan qui disait: _Vous vous exposez, sire_, il
repondait: _Mettez-vous derriere moi_. C'est lui aussi qui disait:
_Bon roi, roi avare. J'aime mieux etre ridicule aux courtisans que
lourd au peuple_. Il disait: _La plus laide bete a voir passer, c'est
un procureur portant ses sacs_. Il haissait les juges desireux de
condamner et faisant effort pour agrandir la faute et envelopper
l'accuse. _Ils sont_, disait-il, _comme les savetiers qui allongent le
cuir en tirant dessus avec leurs dents_. Il mourut de trop aimer sa
femme, comme plus tard Francois II, doucement tues l'un et l'autre
par une Marie. Cette noce fut courte. Le 1er janvier 1515, apres
quatrevingt-trois jours ou plutot quatrevingt-trois nuits de mariage,
Louis XII expira, et comme c'etait le jour de l'an, il dit a sa femme:
_Mignonne, je vous donne ma mort pour vos etrennes_. Elle accepta, de
moitie avec le duc de Brandon.
L'autre fantome qui domine Blois est aussi haissable que Louis XII est
sympathique. C'est ce Gaston, Bourbon coupe de Medicis, florentin du
seizieme siecle, lache, perfide, spirituel, disant de l'arrestation de
Longueville, de Conti et de Conde: _Beau coup de filet! prendre a
la fois un renard, un singe et un lion!_ Curieux, artiste, collectionneur,
epris de medailles, de filigranes et de bonbonnieres, passant sa matinee
a admirer le couvercle d'une boite en ivoire, pendant qu'on coupait la
tete a quelqu'un de ses amis trahi par lui.
Toutes ces figures, et Henri III, et le duc de Guise, et d'autres,
y compris ce Pierre de Blois qui a pour gloire d'avoir prononce le
premier le mot _transsubstantiation_, je les ai revues, monsieur, dans
sa confuse evocation de l'histoire, en feuilletant votre precieux
recueil. Votre fontaine de Louis XII m'a arrete longtemps. Vous l'avez
reproduite comme je l'ai vue, toute vieille, toute jeune, charmante.
C'est une de vos meilleures planches. Je crois bien que la _Rouennerie
en gros_, constatee par vous vis-a-vis l'hotel d'Amboise, etait deja
la de mon temps. Vous avez un talent vrai et fin, le coup d'oeil qui
saisit le style, la touche ferme, agile et forte, beaucoup d'esprit
dans le burin et beaucoup de naivete, et ce don rare de la lumiere
dans l'ombre. Ce qui me frappe et me charme dans vos eaux-fortes,
c'est le grand jour, la gaite, l'aspect souriant, cette joie du
commencement qui est toute la grace du matin. Des planches semblent
baignees d'aurore. C'est bien la Blois, mon Blois a moi, ma ville
lumineuse. Car la premiere impression de l'arrivee m'est restee. Blois
est pour moi radieux. Je ne vois Blois que dans le soleil levant. Ce
sont la des effets de jeunesse et de patrie.
Je me suis laisse aller a causer longuement avec vous, monsieur, parce
que vous m'avez fait plaisir. Vous m'avez pris par mon faible, vous
avez touche le coin sacre des souvenirs. J'ai quelquefois de la
tristesse amere, vous m'avez donne de la tristesse douce. Etre
doucement triste, c'est la le plaisir. Je vous en suis reconnaissant.
Je suis heureux qu'elle soit si bien conservee, si peu defaite, et si
pareille encore a ce que je l'ai vue il y a quarante ans, cette
ville a laquelle m'attache cet invisible echeveau des fils de l'ame,
impossible a rompre, ce Blois qui m'a vu adolescent, ce Blois ou les
rues me connaissent, ou une maison m'a aime, et ou je viens de me
promener en votre compagnie, cherchant les cheveux blancs de mon pere
et trouvant les miens.
Je vous serre la main, monsieur.
VICTOR HUGO.


1865

_Ce que c'est que la mort. L'enterrement d'une jeune fille. La statue
de Beccaria.--Le centenaire de Dante. Fraternite des peuples._

I
EMILY DE PUTRON

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