Actes et Paroles, Volume 2 - 20

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jamais ecrit dans l'_Evenement_. L'_Evenement_, en 1851, tirait a
soixante-quatre mille exemplaires.
Ce vivant journal, vous allez le refaire sous ce titre: le _Rappel_.
Le _Rappel_. J'aime tous les sens de ce mot. Rappel des principes,
par la conscience; rappel des verites, par la philosophie; rappel du
devoir, par le droit; rappel des morts, par le respect; rappel du
chatiment, par la justice; rappel du passe, par l'histoire; rappel de
l'avenir, par la logique; rappel des faits, par le courage; rappel de
l'ideal dans l'art, par la pensee; rappel du progres dans la science,
par l'experience et le calcul; rappel de Dieu dans les religions,
par l'elimination des idolatries; rappel de la loi a l'ordre, par
l'abolition de la peine de mort; rappel du peuple a la souverainete,
par le suffrage universel renseigne; rappel de l'egalite, par
l'enseignement gratuit et obligatoire; rappel de la liberte, par le
reveil de la France; rappel de la lumiere, par le cri: _Fiat jus!_
Vous dites: Voila notre tache; moi je dis: Voila votre oeuvre.
Cette oeuvre, vous l'avez deja faite, soit comme journalistes, soit
comme poetes, dans le pamphlet, admirable mode de combat, dans le
livre, au theatre, partout, toujours; vous l'avez faite, d'accord et
de front avec tous les grands esprits de ce grand siecle. Aujourd'hui,
vous la reprenez, ce journal au poing, le _Rappel_. Ce sera un journal
lumineux et acere; tantot epee, tantot rayon. Vous allez combattre en
riant. Moi, vieux et triste, j'applaudis.
Courage donc, et en avant! Le rire, quelle puissance! Vous allez
prendre place, comme auxiliaires de toutes les bonnes volontes, dans
l'etincelante legion parisienne des journaux du rire.
Je connais vos droitures comme je connais la mienne, et j'en ai en moi
le miroir; c'est pourquoi je sais d'avance votre itineraire. Je ne le
trace pas, je le constate. Etre un guide n'est pas ma pretention; je
me contente d'etre un temoin. D'ailleurs, je n'en sais pas bien long,
et une fois que j'ai prononce ce mot: devoir, j'ai a peu pres dit tout
ce que j'avais a dire.
Avant tout, vous serez fraternels. Vous donnerez l'exemple de la
concorde. Aucune division dans nos rangs ne se fera par votre faute.
Vous attendrez toujours le premier coup. Quand on m'interroge sur ce
que j'ai dans l'ame, je reponds par ces deux mots: _conciliation_ et
_reconciliation_. Le premier de ces mots est pour les idees, le second
est pour les hommes.
Le combat pour le progres veut la concentration des forces. Bien viser
et frapper juste. Aucun projectile ne doit s'egarer. Pas de balle
perdue dans la bataille des principes. L'ennemi a droit a tous nos
coups; lui faire tort d'un seul, c'est etre injuste envers lui. Il
merite qu'on le mitraille sans cesse, et qu'on ne mitraille que lui.
Pour nous, qui n'avons qu'une soif, la justice, la raison, la verite,
l'ennemi s'appelle Tenebres.
La legion democratique a deux aspects, elle est politique et
litteraire. En politique, elle arbore 89 et 92; en litterature, elle
arbore 1830. Ces dates a rayonnement double, illuminant d'un cote le
droit, de l'autre la pensee, se resument en un mot: revolution.
Nous, issus des nouveautes revolutionnaires, fils de ces catastrophes
qui sont des triomphes, nous preferons au ceremonial de la tragedie le
pele-mele du drame, au dialogue alterne des majestes le cri profond du
peuple, et a Versailles Paris. L'art, en meme temps que la societe,
est arrive au but que voici: _omnia et omnes_. Les autres siecles ont
ete des porte-couronnes; chacun d'eux s'incarne pour l'histoire dans
un personnage ou se condense l'exception. Le quinzieme siecle, c'est
le pape; le seizieme, c'est l'empereur; le dix-septieme, c'est le roi;
le dix-neuvieme, c'est l'homme.
L'homme, sorti, debout et libre, de ce gouffre sublime, le
dix-huitieme siecle.
Venerons-le, ce dix-huitieme siecle, le siecle concluant qui commence
par la mort de Louis XIV et qui finit par la mort de la monarchie.
Vous accepterez son heritage. Ce fut un siecle gai et redoutable.
Etre souriants et desagreables, telle est votre intention. Je l'approuve.
Sourire, c'est combattre. Un sourire regardant la toute-puissance a une
etrange force de paralysie. Lucien deconcertait Jupiter. Jupiter pourtant,
dieu d'esprit, n'aurait pas eu recours, quoique fache, a M. ... (J'ouvre
une parenthese. Ne vous genez pas pour remplacer ma prose par des lignes
de points partout ou bon vous semblera. Je ferme la parenthese.) La
raillerie des encyclopedistes a eu raison du molinisme et du papisme.
Grands et charmants exemples. Ces vaillants philosophes ont revele la
force du rire. Tourner une hydre en ridicule, cela semble etrange. Eh
bien, c'est excellent. D'abord beaucoup d'hydres sont en baudruche. Sur
celles-la, l'epingle est plus efficace que la massue. Quant aux hydres
pour de bon, le cesarisme en est une, l'ironie les consterne. Surtout
quand l'ironie est un appel a la lumiere. Souvenez-vous du coq chantant
sur le dos du tigre. Le coq, c'est l'ironie. C'est aussi la France.
Le dix-huitieme siecle a mis en evidence la souverainete de l'ironie.
Confrontez la vigueur materielle avec la vigueur spirituelle; comptez
les fleaux vaincus, les monstres terrasses et les victimes protegees;
mettez d'un cote Lerne, Nemee, Erymanthe, le taureau de Crete, le
dragon des Hesperides, Antee etouffe, Cerbere enchaine, Augias
nettoye, Atlas soulage, Hesione sauvee, Alceste delivree, Promethee
secouru; et, de l'autre, la superstition denoncee, l'hypocrisie
demasquee, l'inquisition tuee, la magistrature muselee, la torture
deshonoree, Calas rehabilite, Labarre venge, Sirven defendu, les
moeurs adoucies, les lois assainies, la raison mise en liberte, la
conscience humaine delivree, elle aussi, du vautour, qui est le
fanatisme; faites cette evocation sacree des grandes victoires
humaines, et comparez aux douze travaux d'Hercule les douze travaux de
Voltaire. Ici le geant de force, la le geant d'esprit. Qui l'emporte?
Les serpents du berceau, ce sont les prejuges. Arouet a aussi bien
etouffe ceux-ci qu'Alcide ceux-la.
Vous aurez de vives polemiques. Il y a un droit qui est tranquille
avec vous, et qui est sur d'etre respecte, c'est le droit de replique.
Moi qui parle, j'en ai use, a mes risques et perils, et meme abuse.
Jugez-en. Un jour,--vous devez d'ailleurs vous en souvenir,--en 1851,
du temps de la republique, j'etais a la tribune de l'Assemblee, je
parlais, je venais de dire: _Le president Louis Bonaparte conspire_.
Un honorable republicain d'autrefois, mort senateur, M. Vieillard, me
cria, justement indigne: _Vous etes un infame calomniateur_. A quoi je
repondis par ces paroles insensees: _Je denonce un complot qui a pour
but le retablissement de l'empire_. Sur ce, M. Dupin me menaca d'un
rappel a l'ordre, peine terrible et meritee. Je tremblais. J'ai,
heureusement pour moi, la reputation d'etre bete. Ceci me sauva. _M.
Victor Hugo ne sait ce qu'il dit!_ cria un membre compatissant de la
majorite. Cette parole indulgente jeta un charme, tout s'apaisa, M.
Dupin garda sa foudre dans sa poche. (C'est la que volontiers il
mettait son drapeau. Vaste poche. Dans l'occasion, il se fut cache
dedans s'il avait pu.) Mais convenez que j'avais abuse du droit de
replique. Donc, respectons-le.
C'etait du reste un temps singulier. On etait en republique, et _vive
la republique_ etait un cri seditieux. Vous, vous etiez en prison,
tous, excepte Rochefort, qui etait alors au college, mais qui
aujourd'hui est en Belgique.
Vous encouragerez le jeune et rayonnant groupe de poetes qui se leve
aujourd'hui avec tant d'eclat, et qui appuie de ses travaux et de ses
succes toutes les grandes affirmations du siecle. Aucune generosite ne
manquera a votre oeuvre. Vous donnerez le mot d'ordre de l'esperance a
cette admirable jeunesse d'aujourd'hui qui a sur le front la candeur
loyale de l'avenir. Vous rallierez dans l'incorruptible foi commune
cette studieuse et fiere multitude d'intelligences toutes fremissantes
de la joie d'eclore, qui, le matin peuple les ecoles, et le soir les
theatres, ces autres ecoles; le matin, cherchant le vrai dans la
science; le soir, applaudissant ou reclamant le grand dans la poesie
et le beau dans l'art. Ces nobles jeunes hommes d'a present, je les
connais et je les aime. Je suis dans leur secret et je les remercie
de ce doux murmure que, si souvent, comme une lointaine troupe
d'abeilles, ils viennent faire a mon oreille. Ils ont une volonte
mysterieuse et ferme, et ils feront le bien, j'en reponds. Cette
jeunesse, c'est la France en fleur, c'est la Revolution redevenue
aurore. Vous communierez avec cette jeunesse. Vous eveillerez avec
tous les mots magiques, devoir, honneur, raison, progres, patrie,
humanite, liberte, cette foret d'echos qui est en elle. Repercussion
profonde, prete a toutes les grandes reponses.
Mes amis, et vous, mes fils, allez! Combattez votre vaillant combat.
Combattez-le sans moi et avec moi. Sans moi, car ma vieille plume
guerroyante ne sera pas parmi les votres; avec moi, car mon ame y
sera. Allez, faites, vivez, luttez! Naviguez intrepidement vers votre
pole imperturbable, la liberte; mais tournez les ecueils. Il y en a.
Desormais, j'aurai dans ma solitude, pour mettre de la lumiere dans
mes vieux songes, cette perspective, le rappel triomphant. Le rappel
battu, cela peut se rever aussi.
Je ne reprendrai plus la parole dans ce journal que j'aime, et,
a partir de demain, je ne suis plus que votre lecteur. Lecteur
melancolique et attendri. Vous serez sur votre breche, et moi sur la
mienne. Du reste, je ne suis plus guere bon qu'a vivre tete a tete
avec l'ocean, vieux homme tranquille et inquiet, tranquille parce
que je suis au fond du precipice, inquiet parce que mon pays peut y
tomber. J'ai pour spectacle ce drame, l'ecume insultant le rocher.
Je me laisse distraire des grandeurs imperiales et royales par la
grandeur de la nature. Qu'importe un solitaire de plus ou de moins!
les peuples vont a leurs destinees. Pas de denoument qui ne soit
precede d'une gestation. Les annees font leur lent travail de
maturation, et tout est pret. Quant a moi, pendant qu'a l'occasion de
sa noce d'or l'eglise couronne le pape, j'emiette sur mon toit du pain
aux petits oiseaux, ne me souciant d'aucun couronnement, pas meme d'un
couronnement d'edifice.
VICTOR HUGO.
Hauteville-House, 25 avril 1869.


III
CONGRES DE LA PAIX A LAUSANNE

Bruxelles, 4 septembre 1869.
Concitoyens des Etats-Unis d'Europe,
Permettez-moi de vous donner ce nom, car la republique europeenne
federale est fondee en droit, en attendant qu'elle soit fondee en
fait. Vous existez, donc elle existe. Vous la constatez par votre
union qui ebauche l'unite. Vous etes le commencement du grand avenir.
Vous me conferez la presidence honoraire de votre congres. J'en suis
profondement touche.
Votre congres est plus qu'une assemblee d'intelligences; c'est une
sorte de comite de redaction des futures tables de la loi. Une elite
n'existe qu'a la condition de representer la foule; vous etes cette
elite-la. Des a present, vous signifiez a qui de droit que la guerre
est mauvaise, que le meurtre, meme glorieux, fanfaron et royal, est
infame, que le sang humain est precieux, que la vie est sacree.
Solennelle mise en demeure.
Qu'une derniere guerre soit necessaire, helas! je ne suis, certes, pas
de ceux qui le nient. Que sera cette guerre? Une guerre de conquete.
Quelle est la conquete a faire? La liberte.
Le premier besoin de l'homme, son premier droit, son premier devoir,
c'est la liberte.
La civilisation tend invinciblement a l'unite d'idiome, a l'unite
de metre, a l'unite de monnaie, et a la fusion des nations dans
l'humanite, qui est l'unite supreme. La concorde a un synonyme,
simplification; de meme que la richesse et la vie ont un synonyme,
circulation. La premiere des servitudes, c'est la frontiere.
Qui dit frontiere, dit ligature. Coupez la ligature, effacez la
frontiere, otez le douanier, otez le soldat, en d'autres termes, soyez
libres; la paix suit.
Paix desormais profonde. Paix faite une fois pour toutes. Paix
inviolable. Etat normal du travail, de l'echange, de l'offre et de la
demande, de la production et de la consommation, du vaste effort en
commun, de l'attraction des industries, du va-et-vient des idees, du
flux et reflux humain.
Qui a interet aux frontieres? Les rois. Diviser pour regner. Une
frontiere implique une guerite, une guerite implique un soldat. _On ne
passe pas_, mot de tous les privileges, de toutes les prohibitions, de
toutes les censures, de toutes les tyrannies. De cette frontiere, de
cette guerite, de ce soldat, sort toute la calamite humaine.
Le roi, etant l'exception, a besoin, pour se defendre, du soldat,
qui a son tour a besoin du meurtre pour vivre. Il faut aux rois des
armees, il faut aux armees la guerre. Autrement, leur raison d'etre
s'evanouit. Chose etrange, l'homme consent a tuer l'homme sans savoir
pourquoi. L'art des despotes, c'est de dedoubler le peuple en armee.
Une moitie opprime l'autre.
Les guerres ont toutes sortes de pretextes, mais n'ont jamais qu'une
cause, l'armee. Otez l'armee, vous otez la guerre. Mais comment
supprimer l'armee? Par la suppression des despotismes.
Comme tout se tient! abolissez les parasitismes sous toutes leurs
formes, listes civiles, faineantises payees, clerges salaries,
magistratures entretenues, sinecures aristocratiques, concessions
gratuites des edifices publics, armees permanentes; faites cette
rature, et vous dotez l'Europe de dix milliards par an. Voila d'un
trait de plume le probleme de la misere simplifie.
Cette simplification, les trones n'en veulent pas. De la les forets de
bayonnettes.
Les rois s'entendent sur un seul point, eterniser la guerre. On croit
qu'ils se querellent; pas du tout, ils s'entr'aident. Il faut, je le
repete, que le soldat ait sa raison d'etre. Eterniser l'armee, c'est
eterniser le despotisme; logique excellente, soit, et feroce. Les
rois epuisent leur malade, le peuple, par le sang verse. Il y a une
farouche fraternite des glaives d'ou resulte l'asservissement des
hommes.
Donc, allons au but, que j'ai appele quelque part _la resorption du
soldat dans le citoyen_. Le jour ou cette reprise de possession aura
eu lieu, le jour ou le peuple n'aura plus hors lui l'homme de guerre,
ce frere ennemi, le peuple se retrouvera un, entier, aimant, et la
civilisation se nommera harmonie, et aura en elle, pour creer, d'un
cote la richesse et de l'autre la lumiere, cette force, le travail, et
cette ame, la paix.
VICTOR HUGO.

Des affaires de famille retenaient Victor Hugo a Bruxelles. Cependant,
sur la vive insistance du Congres, il se decida a aller a Lausanne.
Le 14 septembre, il ouvrit le Congres. Voici ses paroles:
Les mots me manquent pour dire a quel point je suis touche de
l'accueil qui m'est fait. J'offre au congres, j'offre a ce genereux et
sympathique auditoire, mon emotion profonde. Citoyens, vous avez eu
raison de choisir pour lieu de reunion de vos deliberations ce noble
pays des Alpes. D'abord, il est libre; ensuite, il est sublime. Oui,
c'est ici, oui, c'est en presence de cette nature magnifique qu'il
sied de faire les grandes declarations d'humanite, entre autres
celles-ci: Plus de guerre!
Une question domine ce congres.
Permettez-moi, puisque vous m'avez fait l'honneur insigne de me
choisir pour president, permettez-moi de la signaler. Je le ferai en
peu de mots. Nous tous qui sommes ici, qu'est-ce que nous voulons? La
paix. Nous voulons la paix, nous la voulons ardemment. Nous la voulons
absolument. Nous la voulons entre l'homme et l'homme, entre le peuple
et le peuple, entre la race et la race, entre le frere et le frere,
entre Abel et Cain. Nous voulons l'immense apaisement des haines.
Mais cette paix, comment la voulons-nous? La voulons-nous a tout prix?
La voulons-nous sans conditions? Non! nous ne voulons pas de la paix
le dos courbe et le front baisse; nous ne voulons pas de la paix sous
le despotisme; nous ne voulons pas de la paix sous le baton; nous ne
voulons pas de la paix sous le sceptre!
La premiere condition de la paix, c'est la delivrance: Pour cette
delivrance, il faudra, a coup sur, une revolution, qui sera la
supreme, et peut-etre, helas! une guerre, qui sera la derniere. Alors
tout sera accompli. La paix, etant inviolable, sera eternelle. Alors,
plus d'armees, plus de rois. Evanouissement du passe. Voila ce que
nous voulons.
Nous voulons que le peuple vive, laboure, achete, vende, travaille,
parle, aime et pense librement, et qu'il y ait des ecoles faisant des
citoyens, et qu'il n'y ait plus de princes faisant des mitrailleuses.
Nous voulons la grande republique continentale, nous voulons les
Etats-Unis d'Europe, et je termine par ce mot: La liberte, c'est le
but; la paix, c'est le resultat.

Les deliberations des Amis de la paix durerent quatre jours. Victor
Hugo fit en ces termes la cloture du Congres:
Citoyens,
Mon devoir est de clore ce congres par une parole finale. Je tacherai
qu'elle soit cordiale. Aidez-moi.
Vous etes le congres de la paix, c'est-a-dire de la conciliation. A ce
sujet, permettez-moi un souvenir.
Il y a vingt ans, en 1849, il y avait a Paris ce qu'il y a aujourd'hui
a Lausanne, un congres de la paix. C'etait le 24 aout, date sanglante,
anniversaire de la Saint-Barthelemy. Deux pretres, representant les
deux formes du christianisme, etaient la; le pasteur Coquerel et l'abbe
Deguerry. Le president du congres, celui qui a l'honneur de vous parler
en ce moment, evoqua le souvenir nefaste de 1572, et, s'adressant aux
deux pretres, leur dit: "Embrassez-vous!"
En presence de cette date sinistre, aux acclamations de l'assemblee,
le catholicisme et le protestantisme s'embrasserent.
(_Applaudissements._)
Aujourd'hui quelques jours a peine nous separent d'une autre date,
aussi illustre que la premiere est infame, nous touchons au 21
septembre. Ce jour-la, la republique francaise a ete fondee, et, de
meme que le 24 aout 1572 le despotisme et le fanatisme avaient dit
leur dernier mot: _Extermination_,--le 21 septembre 1792 la democratie
a jete son premier cri: _Liberte, egalite, fraternite!_ (_Bravo!
bravo!_)
Eh bien! en presence de cette date sublime, je me rappelle ces deux
religions representees par deux pretres, qui se sont embrassees, et je
demande un autre embrassement. Celui-la est facile et n'a rien a faire
oublier. Je demande l'embrassement de la republique et du socialisme.
(_Longs applaudissements._)
Nos ennemis disent: le socialisme, au besoin, accepterait l'empire.
Cela n'est pas. Nos ennemis disent: la republique ignore le
socialisme. Cela n'est pas.
La haute formule definitive que je rappelais tout a l'heure, en meme
temps qu'elle exprime toute la republique, exprime aussi tout le
socialisme.
A cote de la liberte, qui implique la propriete, il y a l'egalite,
qui implique le droit au travail, formule superbe de 1848!
(_applaudissements_) et il y a la fraternite, qui implique la
solidarite.
Donc, republique et socialisme, c'est un. (_Bravos repetes._)
Moi qui vous parle, citoyens, je ne suis pas ce qu'on appelait
autrefois un republicain de la veille, mais je suis un socialiste de
l'avant-veille. Mon socialisme date de 1828. J'ai donc le droit d'en
parler.
Le socialisme est vaste et non etroit. Il s'adresse a tout le probleme
humain. Il embrasse la conception sociale tout entiere. En meme temps
qu'il pose l'importante question du travail et du salaire, il proclame
l'inviolabilite de la vie humaine, l'abolition du meurtre sous toutes
ses formes, la resorption de la penalite par l'education, merveilleux
probleme resolu. (_Tres bien!_) Il proclame l'enseignement gratuit et
obligatoire. Il proclame le droit de la femme, cette egale de l'homme.
(_Bravos!_) Il proclame le droit de l'enfant, cette responsabilite
de l'homme. (_Tres bien!--Applaudissements._) Il proclame enfin la
souverainete de l'individu, qui est identique a la liberte.
Qu'est-ce que tout cela? C'est le socialisme. Oui. C'est aussi la
republique! (_Longs applaudissements._)
Citoyens, le socialisme affirme la vie, la republique affirme le
droit. L'un eleve l'individu a la dignite d'homme, l'autre eleve
l'homme a la dignite de citoyen. Est-il un plus profond accord?
Oui, nous sommes tous d'accord, nous ne voulons pas de cesar, et je
defends le socialisme calomnie!
Le jour ou la question se poserait entre l'esclavage avec le
bien-etre, _panem et circenses_, d'un cote, et, de l'autre, la liberte
avec la pauvrete,--pas un, ni dans les rangs republicains, ni dans les
rangs socialistes, pas un n'hesiterait! et tous, je le declare, je
l'affirme, j'en reponds, tous prefereraient au pain blanc de la
servitude le pain noir de la liberte. (_Bravos prolonges_.)
Donc, ne laissons pas poindre et germer l'antagonisme. Serrons-nous
donc, mes freres socialistes, mes freres republicains, serrons-nous
etroitement autour de la justice et de la verite, et faisons front a
l'ennemi. (_Oui, oui! bravo!_)
Qu'est l'ennemi?
L'ennemi, c'est plus et moins qu'un homme. (_Mouvement._) C'est un
ensemble de faits hideux qui pese sur le monde et qui le devore.
C'est un monstre aux mille griffes, quoique cela n'ait qu'une tete.
L'ennemi, c'est cette incarnation sinistre du vieux crime militaire et
monarchique, qui nous baillonne et nous spolie, qui met la main sur
nos bouches et dans nos poches, qui a les millions, qui a les budgets,
les juges, les pretres, les valets, les palais, les listes civiles,
toutes les armees,--et pas un seul peuple. L'ennemi, c'est ce qui
regne, gouverne, et agonise en ce moment. (_Sensation profonde._)
Citoyens, soyons les ennemis de l'ennemi, et soyons nos amis! Soyons
une seule ame pour le combattre et un seul coeur pour nous aimer. Ah!
citoyens: fraternite! (_Acclamation._)
Encore un mot et j'ai fini.
Tournons-nous vers l'avenir. Songeons au jour certain, au jour
inevitable, au jour prochain peut-etre, ou toute l'Europe sera
constituee comme ce noble peuple suisse qui nous accueille a cette
heure. Il a ses grandeurs, ce petit peuple; il a une patrie qui
s'appelle la Republique, et il a une montagne qui s'appelle la Vierge.
Ayons comme lui la Republique pour citadelle, et que notre liberte,
immaculee et inviolee, soit, comme la Jungfrau, une cime vierge en
pleine lumiere. (_Acclamation prolongee._)
Je salue la revolution future.


IV
REPONSE A FELIX PYAT
[Note: Voir aux Notes.]

Bruxelles, 12 septembre 1869.
Mon cher Felix Pyat,
J'ai lu votre magnifique et cordiale lettre.
Je n'ai pas le droit, vous le comprenez, de parler au nom de nos
compagnons d'exil. Je borne ma reponse a ce qui me concerne.
Avant peu, je pense, tombera la barriere d'honneur que je me suis
imposee a moi-meme par ce vers:
Et, s'il n'en reste qu'un, je serai celui-la.
Alors je rentrerai.
Et, apres avoir fait le devoir de l'exil, je ferai l'autre devoir.
J'appartiens a ma conscience et au peuple.
VICTOR HUGO.


V
LA CRISE D'OCTOBRE 1869

L'empire declinait. On distinguait clairement dans tous ses actes les
symptomes qui annoncent les choses finissantes. En octobre 1869, Louis
Bonaparte viola sa propre constitution. Il devait convoquer le 29 ce
qu'il appelait ses chambres. Il ne le fit pas. Le peuple eut la bonte
de s'irriter pour si peu. Il y eut menace d'emeute. On supposa que
Victor Hugo etait pour quelque chose dans cette colere, et l'on parut
croire un moment que la situation dependait de deux hommes, l'un,
empereur, qui violait la constitution, l'autre, proscrit, qui excitait
le peuple.
M. Louis Jourdan publia, le 12 octobre, dans le _Siecle_ un article
dont le retentissement fut considerable et qui commencait par ces
lignes:
En ce moment, deux hommes places aux poles extremes du monde politique
encourent la plus lourde responsabilite que puisse porter une
conscience humaine. L'un d'eux est assis sur le trone, c'est Napoleon
III; l'autre, c'est Victor Hugo.

Victor Hugo, mis de la sorte en demeure, ecrivit a M. Louis Jourdan.
Bruxelles, 12 octobre 1869.
Mon cher et ancien ami,
On m'apporte le _Siecle_. Je lis votre article qui me touche, m'honore
et m'etonne.
Puisque vous me donnez la parole, je la prends.
Je vous remercie de me fournir le moyen de faire cesser une equivoque.
Premierement, je suis un simple lecteur du _Rappel_. Je croyais
l'avoir assez nettement dit pour n'etre pas contraint de le redire.
Deuxiemement, je n'ai conseille et je ne conseille aucune
manifestation populaire le 26 octobre.
J'ai pleinement approuve le _Rappel_ demandant aux representants de
la gauche un acte, auquel Paris eut pu s'associer. Une demonstration
expressement _pacifique et sans armes_, comme les demonstrations du
peuple de Londres en pareil cas, comme la demonstration des cent vingt
mille fenians a Dublin il y a trois jours, c'est la ce que demandait
le _Rappel_.
Mais, la gauche s'abstenant, le peuple doit s'abstenir.
Le point d'appui manque au peuple.
Donc pas de manifestation.
Le droit est du cote du peuple, la violence est du cote du pouvoir.
Ne donnons au pouvoir aucun pretexte d'employer la violence contre le
droit.
Personne, le 26 octobre, ne doit descendre dans la rue.
Ce qui sort virtuellement de la situation, c'est l'abolition du
serment.
Une declaration solennelle des representants de la gauche se deliant
du serment en face de la nation, voila la vraie issue de la crise.
Issue morale et revolutionnaire. J'associe a dessein ces deux mots.
Que le peuple s'abstienne, et le chassepot est paralyse; que les
representants parlent, et le serment est aboli.
Tels sont mes deux conseils, et, puisque vous voulez bien me demander
ma pensee, la voila tout entiere.
Un dernier mot. Le jour ou je conseillerai une insurrection, j'y
serai.
Mais cette fois, je ne la conseille pas.
Je vous remercie de votre eloquent appel. J'y reponds en hate, et je
vous serre la main.
VICTOR HUGO.


VI
GEORGE PEABODY

AU PRESIDENT DU COMITE AMERICAIN DE LONDRES
Hauteville-House, 2 decembre 1869.
Monsieur,
Votre lettre me parvient aujourd'hui, 2 Decembre. Je vous remercie.
Elle m'arrache a ce souvenir. J'oublie l'empire et je songe a
l'Amerique. J'etais tourne vers la nuit, je me tourne vers le jour.
Vous me demandez une parole pour George Peabody. Dans votre
sympathique illusion, vous me croyez ce que je ne suis pas, la voix
de la France. Je ne suis, je l'ai dit deja, que la voix de l'exil.
N'importe, monsieur, un noble appel comme le votre veut etre entendu;
si peu que je sois, j'y dois repondre et je reponds.
Oui, l'Amerique a raison d'etre fiere de ce grand citoyen du monde,
de ce grand frere des hommes, George Peabody. Peabody a ete un homme
heureux qui souffrait de toutes les souffrances, un riche qui sentait
le froid, la faim et la soif des pauvres. Ayant sa place pres de
Rothschild, il a trouve moyen de la changer en une place pres de
Vincent de Paul. Comme Jesus-Christ il avait une plaie au flanc; cette
plaie etait la misere des autres; ce n'etait pas du sang qui coulait
de cette plaie, c'etait de l'or; or qui sortait d'un coeur.
Sur cette terre il y a les hommes de la haine et il y a les hommes de
l'amour, Peabody fut un de ceux-ci. C'est sur le visage de ces hommes
que nous voyons le sourire de Dieu. Quelle loi pratiquent-ils? Une
seule, la loi de fraternite--loi divine, loi humaine, qui varie les
secours selon les detresses, qui ici donne des preceptes, et qui la
donne des millions, qui trace a travers les siecles dans nos tenebres
une trainee de lumiere, et qui va de Jesus pauvre a Peabody riche.
Que Peabody s'en retourne chez vous, beni par nous! Notre monde
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