Actes et Paroles, Volume 2 - 09

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augmentation de la lumiere, par le seul fait du plein jour succedant
a la penombre monarchique et sacerdotale, l'air serait devenu
irrespirable a l'homme de force, a l'homme de fraude, a l'homme de
mensonge, a l'homme de proie, a l'exploitant, au parasite, au sabreur,
a l'usurier, a l'ignorantin, a tout ce qui vole dans les crepuscules
avec l'aile de la chauve-souris.
La vieille penalite se serait dissoute comme le reste. La guerre etant
morte, l'echafaud, qui a la meme racine, aurait seche et disparu de
lui-meme. Toutes les formes du glaive se seraient evanouies. On en
serait a douter que la creature humaine ait jamais pu, ait jamais ose
mettre a mort la creature humaine, meme dans le passe. Il y aurait,
dans la galerie ethnographique du Louvre, un mortier-Paixhans sous
verre, un canon-Lancastre sous verre, une guillotine sous verre, une
potence sous verre, et l'on irait par curiosite voir au museum ces
betes feroces de l'homme comme on va voir a la menagerie les betes
feroces de Dieu.
On dirait: c'est donc cela, un gibet! comme on dit: c'est donc cela,
un tigre!
On verrait partout le cerveau qui pense, le bras qui agit; la matiere,
qui obeit; la machine servant l'homme; les experimentations sociales
sur une vaste echelle; toutes les fecondations merveilleuses du
progres par le progres; la science aux prises avec la creation; des
ateliers toujours ouverts dont la misere n'aurait qu'a pousser la
porte pour devenir le travail; des ecoles toujours ouvertes dont
l'ignorance n'aurait qu'a pousser la porte pour devenir la lumiere;
des gymnases gratuits et obligatoires ou les aptitudes seules
marqueraient les limites de l'enseignement, ou l'enfant pauvre
recevrait la meme culture que l'enfant riche; des scrutins ou la femme
voterait comme l'homme. Car le vieux monde du passe trouve la femme
bonne pour les responsabilites civiles, commerciales, penales, il
trouve la femme bonne pour la prison, pour Clichy, pour le bagne, pour
le cachot, pour l'echafaud; nous, nous trouvons la femme bonne pour la
dignite et pour la liberte; il trouve la femme bonne pour l'esclavage
et pour la mort, nous la trouvons bonne pour la vie; il admet la femme
comme personne publique pour la souffrance et pour la peine, nous
l'admettons comme personne publique pour le droit. Nous ne disons pas:
ame de premiere qualite, l'homme; ame de deuxieme qualite, la femme.
Nous proclamons la femme notre egale, avec le respect de plus. O
femme, mere, compagne, soeur, eternelle mineure, eternelle esclave,
eternelle sacrifiee, eternelle martyre, nous vous releverons! De tout
ceci le vieux monde nous raille, je le sais. Le droit de la femme,
proclame par nous, est le sujet principal de sa gaite. Un jour, a
l'assemblee, un interrupteur me cria:--C'est surtout avec ca, les
femmes, que vous nous faites rire.--Et vous, lui repondis-je, c'est
surtout avec ca, les femmes, que vous nous faites pleurer.
Je reprends, et j'acheve cette esquisse.
Au faite de cette splendeur universelle, l'Angleterre et la France
rayonneraient; car elles sont les ainees de la civilisation actuelle;
elles sont au dix-neuvieme siecle les deux nations meres; elles
eclairent au genre humain en marche les deux routes du reel et du
possible; elles portent les deux flambeaux, l'une le fait, l'autre
l'idee. Elles rivaliseraient sans se nuire ni s'entraver. Au fond, et
a voir les choses de la hauteur philosophique,--permettez-moi cette
parenthese--il n'y a jamais eu entre elles d'autre antipathie que ce
desir d'aller au dela, cette impatience de pousser plus loin, cette
logique de marcheur en avant, cette soi de l'horizon, cette ambition
de progres indefini qui est toute la France et qui a quelquefois
importune l'Angleterre sa voisine, volontiers satisfaite des resultats
obtenus et epouse tranquille du fait accompli. La France est
l'adversaire de l'Angleterre comme le mieux est l'ennemi du bien.
Je continue.
Dans la vieille cite du dix aout et du vingt-deux septembre, declaree
desormais la Ville d'Europe, _Urbs_, une colossale assemblee,
l'assemblee des Etats-Unis d'Europe, arbitre de la civilisation,
sortie du suffrage universel de tous les peuples du continent,
traiterait et reglerait, en presence de ce majestueux mandant, juge
definitif, et avec l'aide de la presse universelle libre, toutes les
questions de l'humanite, et ferait de Paris au centre du monde un
volcan de lumiere.
Citoyens, je le dis en passant, je ne crois pas a l'eternite de
ce qu'on appelle aujourd'hui les parlements; mais les parlements,
generateurs de liberte et d'unite tout ensemble, sont necessaires
jusqu'au jour, jour lointain, encore et voisin de l'ideal, ou, les
complications politiques s'etant dissoutes dans la simplification
du travail universel, la formule: LE MOINS DE GOUVERNEMENT POSSIBLE
recevant une application de plus en plus complete, les lois factices
ayant toutes disparu et les lois naturelles demeurant seules, il n'y
aura plus d'autre assemblee que l'assemblee des createurs et des
inventeurs, decouvrant et promulguant la loi et ne la faisant pas,
l'assemblee de l'intelligence, de l'art et de la science, l'Institut.
L'Institut transfigure et rayonnant, produit d'un tout autre mode de
nomination, deliberant publiquement. Sans nul doute, l'Institut,
dans la perspective des temps, est l'unique assemblee future. Chose
frappante et que j'ajoute encore en passant, c'est la Convention qui
a cree l'Institut. Avant d'expirer, ce sombre aigle des revolutions a
depose sur le genereux sol de France l'oeuf mysterieux qui contient
les ailes de l'avenir.
Ainsi, pour resumer en peu de mots les quelques lineaments que je
viens d'indiquer, et beaucoup de details m'echappent, je jette ces
idees au hasard et rapidement et je ne trace qu'un a peu pres, si la
revolution de 1848 avait vecu et porte ses fruits, si la republique
fut restee debout, si, de republique francaise, elle fut devenue,
comme la logique l'exige, republique europeenne, fait qui se serait
accompli alors, certes, en moins d'une annee, et presque sans secousse
ni dechirement, sous le souffle du grand vent de Fevrier, citoyens,
si les choses s'etaient passees de la sorte, que serait aujourd'hui
l'Europe? une famille. Les nations soeurs. L'homme frere de l'homme.
On ne serait plus ni francais, ni prussien, ni espagnol; on serait
europeen. Partout la serenite, l'activite, le bien-etre, la vie. Pas
d'autre lutte, d'un bout a l'autre du continent, que la lutte du bien,
du beau, du grand, du juste, du vrai et de l'utile domptant l'obstacle
et cherchant l'ideal. Partout cette immense victoire qu'on appelle le
travail dans cette immense clarte qu'on appelle la paix.
Voila, citoyens, si la revolution eut triomphe, voila, en raccourci et
en abrege, le spectacle que nous donnerait a cette heure l'Europe des
peuples.
Mais ces choses ne se sont point realisees. Heureusement on a retabli
l'ordre. Et, au lieu de cela, que voyons-nous?
Ce qui est debout en ce moment, ce n'est pas l'Europe des peuples;
c'est l'Europe des rois.
Et que fait-elle, l'Europe des rois?
Elle a la force; elle peut ce qu'elle veut; les rois sont libres
puisqu'ils ont etouffe la liberte; l'Europe des rois est riche; elle a
des millions, elle a des milliards; elle n'a qu'a ouvrir la veine
des peuples pour en faire jaillir du sang et de l'or. Que fait-elle?
Deblaie-t-elle les embouchures des fleuves? abrege-t-elle la route
de l'Inde? relie-t-elle le Pacifique a l'Atlantique? perce-t-elle
l'isthme de Suez? coupe-t-elle l'isthme de Panama? jette-t-elle dans
les profondeurs de l'ocean le prodigieux fil electrique qui rattachera
les continents aux continents par l'idee devenue eclair, et qui, fibre
colossale de la vie universelle, fera du globe un coeur enorme ayant
pour battement la pensee de l'homme? A quoi s'occupe l'Europe des
rois? accomplit-elle, maitresse du monde, quelque grand et
saint travail de progres, de civilisation et d'humanite? a quoi
depense-t-elle les forces gigantesques du continent dont elle dispose?
que fait-elle?
Citoyens, elle fait une guerre.
Une guerre pour qui?
Pour vous, peuples?
Non, pour eux, rois.
Quelle guerre?
Une guerre miserable par l'origine: une clef; epouvantable par le
debut: Balaklava; formidable par la fin: l'abime.
Une guerre qui part du risible pour aboutir a l'horrible.
Proscrits, nous avons deja plus d'une fois parle de cette guerre, et
nous sommes condamnes a en parler longtemps encore. Helas! je n'y
songe, quant a moi, que le coeur serre.
O francais qui m'entourez, la France avait une armee, une armee la
premiere du monde, une armee admirable, incomparable, formee aux
grandes guerres par vingt ans d'Afrique, une armee tete de colonne du
genre humain, espece de _Marseillaise_ vivante, aux strophes herissees
de bayonnettes, qui, melee au souffle de la Revolution, n'eut eu qu'a
faire chanter ses clairons pour faire a l'instant meme tomber en
poussiere sur le continent tous les vieux sceptres et toutes les
vieilles chaines; cette armee, ou est-elle? qu'est-elle devenue?
Citoyens, M. Bonaparte l'a prise. Qu'en a-t-il fait? d'abord il l'a
enveloppee dans le linceul de son crime; ensuite il lui a cherche une
tombe. Il a trouve la Crimee.
Car cet homme est pousse et aveugle par ce qu'il a en lui de fatal et
par cet instinct de la destruction du vieux monde qui est son ame a
son insu.
Proscrits, detournez un moment vos yeux de Cayenne ou il y a aussi un
sepulcre, et regardez la-bas a l'orient. Vous y avez des freres.
L'armee francaise et l'armee anglaise sont la.
Qu'est-ce que c'est que cette tranchee qu'on ouvre devant cette ville
tartare? cette tranchee a deux pas de laquelle coule le ruisseau de
sang d'Inkermann, cette tranchee ou il y a des hommes qui passent la
nuit debout et qui ne peuvent se coucher parce qu'ils sont dans l'eau
jusqu'aux genoux; d'autres qui sont couches, mais dans un demi-metre
de boue qui les recouvre entierement et ou ils mettent une pierre pour
que leur tete en sorte; d'autres qui sont couches, mais dans la neige,
sous la neige, et qui se reveilleront demain les pieds geles; d'autres
qui sont couches, mais sur la glace et qui ne se reveilleront pas;
d'autres qui marchent pieds nus par un froid de dix degres parce
qu'ayant ote leurs souliers, ils n'ont plus la force de les remettre;
d'autres couverts de plaies qu'on ne panse pas; tous sans abri, sans
feu, presque sans aliments, faute de moyens de transport, ayant pour
vetement des haillons mouilles devenus glacons, ronges de dyssenterie
et de typhus, tues par le lit ou ils dorment, empoisonnes par l'eau
qu'ils boivent [note: Voir aux Notes.], harceles de sorties, cribles
de bombes, reveilles de l'agonie par la mitraille, et ne cessant
d'etre des combattants que pour redevenir des mourants; cette tranchee
ou l'Angleterre, a l'heure qu'il est, a entasse trente mille soldats,
ou la France, le 17 decembre,--j'ignore le chiffre ulterieur,--avait
couche quarante-six mille sept cents hommes; cette tranchee ou, en
moins de trois mois, quatrevingt mille hommes ont disparu; cette
tranchee de Sebastopol, c'est la fosse des deux armees. Le creusement
de cette fosse, qui n'est pas finie, a deja coute trois milliards.
La guerre est un fossoyeur en grand qui se fait payer cher.
Oui, pour creuser la fosse des deux armees d'Angleterre et de France,
la France et l'Angleterre, en comptant tout, y compris le capital
des flottes englouties, y compris la depression de l'industrie,
du commerce et du credit, ont deja depense trois milliards. Trois
milliards! avec ces trois milliards on eut complete le reseau des
chemins de fer anglais et francais, on eut construit le tunnel
tubulaire de la Manche, meilleur trait d'union des deux peuples que
la poignee de main de lord Palmerston et de M. Bonaparte qu'on nous
montre au-dessus de nos tetes avec cette legende: A LA BONNE FOI; avec
ces trois milliards, on eut draine toutes les bruyeres de France et
d'Angleterre, donne de l'eau salubre a toutes les villes, a tous les
villages et a tous les champs, assaini la terre et l'homme, reboise
dans les deux pays toutes les pentes, prevenu par consequent les
inondations et les debordements, empoissonne tous les fleuves de facon
a donner au pauvre le saumon a un sou la livre, multiplie les ateliers
et les ecoles, explore et exploite partout les gisements houillers et
mineraux, dote toutes les communes de pioches a vapeur, ensemence
les millions d'hectares en friche, transforme les egouts en puits
d'engrais, rendu les disettes impossibles, mis le pain dans toutes les
bouches, decuple la production, decuple la consommation, decuple la
circulation, centuple la richesse!--Il vaut mieux prendre--je me
trompe--ne pas prendre Sebastopol!
Il vaut mieux employer ses milliards a faire perir ses armees! il vaut
mieux se ruiner a se suicider!
Donc, devant le continent qui frissonne, les deux armees agonisent.
Et, pendant ce temps-la, que fait "l'empereur Napoleon III"? J'ouvre
un journal de l'empire (_l'orateur deploie un journal_) et j'y lis:
"Le carnaval poursuit ses joies. Ce ne sont que fetes et bals.
Le deuil que la cour a pris a l'occasion des morts des reines de
Sardaigne sera suspendu vingt-quatre heures pour ne pas empecher le
bal qui va avoir lieu aux Tuileries."
Oui, c'est le bruit d'un orchestre que nous entendons dans le pavillon
de l'Horloge; oui, le _Moniteur_ enregistre et detaille le quadrille
ou ont "figure leurs majestes"; oui, l'empereur danse, oui, ce
Napoleon danse, pendant que, les prunelles fixees sur les tenebres,
nous regardons, et que le monde civilise, fremissant, regarde avec
nous Sebastopol, ce puits de l'abime, ce tonneau sombre ou viennent
l'une apres l'autre, pales, echevelees, versant dans le gouffre leurs
tresors et leurs enfants, et recommencant toujours, la France et
l'Angleterre, ces deux Danaides aux yeux sanglants!
Pourtant on annonce que "l'empereur" va partir. Pour la Crimee! est-ce
possible? Voici que la pudeur lui viendrait et qu'il aurait conscience
de la rougeur publique? On nous le montre brandissant vers Sebastopol
le sabre de Lodi, chaussant les bottes de sept lieues de Wagram, avec
Troplong et Baroche eplores pendus aux deux basques de sa redingote
grise. Que veut dire ce va-t-en guerre?--Citoyens, un souvenir. Le
matin du coup d'etat, apprenant que la lutte commencait, M. Bonaparte
s'ecria: Je veux aller partager les dangers de mes braves soldats!
Il y eut probablement la quelque Baroche ou quelque Troplong qui
s'eplora. Rien ne put le retenir. Il partit. Il traversa les
Champs-Elysees et les Tuileries entre deux triples haies de
bayonnettes. En debouchant des Tuileries, il entra rue de l'Echelle.
Rue de l'Echelle, cela signifie rue du Pilori; il y avait la autrefois
en effet une echelle ou pilori. Dans cette rue il apercut de la foule,
il vit le geste menacant du peuple; un ouvrier lui cria: a bas le
traitre! Il palit, tourna bride, et rentra a l'Elysee. Ne nous donnons
donc pas les emotions du depart. S'il part, la porte des Tuileries,
comme celle de l'Elysee, reste entre-baillee derriere lui; s'il part,
ce n'est pas pour la tranchee ou l'on agonise, ni pour la breche ou
l'on meurt. Le premier coup de canon qui lui criera: a bas le traitre!
lui fera rebrousser chemin. Soyons tranquilles. Jamais, ni dans Paris,
ni en Crimee, ni dans l'histoire, Louis Bonaparte ne depassera la rue
de l'Echelle.
Du reste, s'il part, l'oeil de l'histoire sera fixe sur Paris.
Attendons.
Citoyens, je viens d'exposer devant vous, et je circonsris la
peinture, le tableau que presente l'Europe aujourd'hui.
Ce que serait l'Europe republicaine, je vous l'ai dit; ce qu'est
l'Europe imperiale; vous le voyez.
Dans cette situation generale, la situation speciale de la France, la
voici:
Les finances gaspillees, l'avenir greve d'emprunts, lettres de change
signees DEUX-DECEMBRE et LOUIS BONAPARTE et par consequent sujettes a
protet, l'Autriche et la Prusse ennemies avec des masques d'alliees,
la coalition des rois latente mais visible, les reves de demembrement
revenus, un million d'hommes preta s'ebranler vers le Rhin au premier
signe du czar, l'armee d'Afrique aneantie. Et pour point d'appui,
quoi? l'Angleterre; un naufrage.
Tel est cet effrayant horizon aux deux extremites duquel se dressent
deux spectres, le spectre de l'armee en Crimee, le spectre de la
republique en exil.
Helas! l'un de ces deux spectres a au flanc le coup de poignard de
l'autre, et le lui pardonne.
Oui, j'y insiste, la situation est si lugubre que le parlement
epouvante ordonne une enquete, et qu'il semble a ceux qui n'ont pas
foi en l'avenir des peuples providentiels que la France va perir et
que l'Angleterre va sombrer.
Resumons.
La nuit partout. Plus de tribune en France, plus de presse, plus
de parole. La Russie sur la Pologne, l'Autriche sur la Hongrie,
l'Autriche sur Milan, l'Autriche sur Venise, Ferdinand sur Naples, le
pape sur Rome, Bonaparte sur Paris. Dans ce huis clos de l'obscurite,
toutes sortes d'actes de tenebres; exactions, spoliations,
brigandages, transportations, fusillades, gibets; en Crimee, une
guerre affreuse; des cadavres d'armees sur des cadavres de nations;
l'Europe cave d'egorgement. Je ne sais quel tragique flamboiement sur
l'avenir. Blocus, villes incendiees, bombardements, famines, pestes,
banqueroutes. Pour les interets et les egoismes le commencement d'un
sauve-qui-peut. Revoltes obscures des soldats en attendant le reveil
des citoyens. Etat de choses terrible, vous dis-je, et cherchez-en
l'issue. Prendre Sebastopol, c'est la guerre sans fin; ne pas prendre
Sebastopol, c'est l'humiliation sans remede. Jusqu'a present on
s'etait ruine pour la gloire, maintenant ou se ruine pour l'opprobre.
Et que deviendront, sous ce trepignement de cesars furieux, ceux des
peuples qui survivent? Ils pleureront jusqu'a leur derniere larme, ils
paieront jusqu'a leur dernier sou, ils saigneront jusqu'a leur dernier
enfant. Nous sommes en Angleterre, que voyons-nous autour de nous?
Partout des femmes en noir. Des meres, des soeurs, des orphelines, des
veuves. Rendez-leur donc ce qu'elles pleurent, a ces femmes! Toute
l'Angleterre est sous un crepe. En France il y a ces deux immenses
deuils, l'un qui est la mort, l'autre, pire, qui est l'ignominie;
l'hecatombe de Balaklava et le bal des Tuileries.
Proscrits, cette situation a un nom. Elle s'appelle "la societe
sauvee".
Ne l'oublions pas, ce nom nous le dit, reportons toujours tout a
l'origine. Oui, cette situation, toute cette situation sort du "grand
acte" de decembre. Elle est le produit du parjure du 2 et de la
boucherie du 4. On ne peut pas dire d'elle du moins qu'elle est
batarde. Elle a une mere, la trahison, et un pere, le massacre. Voyez
ces deux choses qui aujourd'hui se touchent comme les deux doigts de
la main de justice divine, le guet-apens de 1851 et la calamite de
1855, la catastrophe de Paris et la catastrophe de l'Europe. M.
Bonaparte est parti de ceci pour arriver a cela.
Je sais bien qu'on me dit, je sais bien que M. Bonaparte me dit et
me fait dire par ses journaux:--Vous n'avez a la bouche que le
Deux-Decembre! Vous repetez toujours ces choses-la!--A quoi je
reponds:--Vous etes toujours la!
Je suis votre ombre.
Est-ce ma faute a moi si l'ombre du crime est un spectre?
Non! non! non! non! ne nous taisons pas, ne nous lassons pas, ne nous
arretons pas. Soyons toujours la, nous aussi, nous qui sommes le
droit, la justice et la realite. Il y a maintenant au-dessus de la
tete de Bonaparte deux linceuls, le linceul du peuple et le linceul
de l'armee, agitons-les sans relache. Qu'on entende sans cesse, qu'on
entende a travers tout, nos voix au fond de l'horizon! ayons la
monotonie redoutable de l'ocean, de l'ouragan, de l'hiver, de la
tempete, de toutes les grandes protestations de la nature.
Ainsi, citoyens, une bataille a outrance, une fuite sans fond de
toutes les forces vives, un ecroulement sans limites, voila ou en est
cette malheureuse societe du passe qui s'etait crue sauvee en effet
parce qu'un beau matin elle avait vu un aventurier, son conquerant,
confier l'ordre au sergent de ville et l'abrutissement au jesuite!
Cela est en bonnes mains, avait-elle dit.
Qu'en pense-t-elle maintenant?
O peuples, il y a des hommes de malediction. Quand ils promettent
la paix, ils tiennent la guerre; quand ils promettent le salut, ils
tiennent le desastre; quand ils promettent la prosperite, ils tiennent
la ruine; quand ils promettent la gloire, ils tiennent la honte; quand
ils prennent la couronne de Charlemagne, ils mettent dessous le crane
d'Ezzelin; quand ils refont la medaille de Cesar, c'est avec le profil
de Mandrin; quand ils recommencent l'empire, c'est par 1812; quand ils
arborent un aigle, c'est une orfraie; quand ils apportent a un peuple
un nom, c'est un faux nom; quand ils lui font un serment, c'est un
faux serment; quand ils lui annoncent un Austerlitz, c'est un faux
Austerlitz; quand ils lui donnent un baiser, c'est le baiser de Judas;
quand ils lui offrent un pont pour passer d'une rive a l'autre, c'est
le pont de la Beresina.
Ah! il n'est, pas un de nous, proscrits, qui ne soit navre, car la
desolation est partout, car l'abjection est partout, car l'abomination
est partout; car l'accroissement du czar, c'est la diminution dela
lumiere; car, moi qui vous parle, l'abaissement de cette grande,
fiere, genereuse et libre Angleterre m'humilie comme homme; car,
supreme douleur, nous entendons en ce moment la France qui tombe avec
le bruit que ferait la chute d'un cercueil!
Vous etes navres, mais vous avez courage et foi. Vous faites bien,
amis. Courage, plus que jamais! Je vous l'ai dit deja, et cela devient
plus evident de jour en jour, a cette heure la France et l'Angleterre
n'ont plus qu'une voie de salut, l'affranchissement des peuples, la
levee en masse des nationalites, la revolution. Extremite sublime. Il
est beau que le salut soit en meme temps la justice. C'est la que la
providence eclate. Oui, courage plus que jamais! Dans le peril Danton
criait: de l'audace! de l'audace! et encore de l'audace!--Dans
l'adversite il faut crier: de l'espoir! de l'espoir! et encore de
l'espoir!--Amis, la grande republique, la republique democratique,
sociale et libre rayonnera avant peu; car c'est la fonction de
l'empire de la faire renaitre, comme c'est la fonction de la nuit de
ramener le jour. Les hommes de tyrannie et de malheur disparaitront.
Leur temps se compte maintenant par minutes. Ils sont adosses au
gouffre; et deja, nous qui sommes dans l'abime, nous pouvons voir leur
talon qui depasse le rebord du precipice. O proscrits! j'en atteste
les cigues que les Socrates ont bues, les Golgotha ou sont montes
les Jesus-Christs, les Jericho que les Josues ont fait crouler; j'en
atteste les bains de sang qu'ont pris les Thraseas, les braises
ardentes qu'ont machees les Porcias, epouses des Brutus, les buchers
d'ou les Jean Huss ont crie: le cygne naitra! j'en atteste ces mers
qui nous entourent et que les Christophe-Colombs ont franchies,
j'en atteste ces etoiles qui sont au-dessus de nos tetes et que les
Galilees ont interrogees, proscrits, la liberte est immortelle!
proscrits, la verite est eternelle!
Le progres, c'est le pas meme de Dieu.
Donc, que ceux qui pleurent se consolent, et que ceux qui
tremblent--il n'y en a pas parmi nous--se rassurent. L'humanite ne
connait pas le suicide et Dieu ne connait pas l'abdication. Non, les
peuples ne resteront pas indefiniment dans les tenebres, ignorant
l'heure qu'il est dans la science, l'heure qu'il est dans la
philosophie, l'heure qu'il est dans l'art, l'heure qu'il est dans
l'esprit humain, l'oeil stupidement fixe sur le despotisme, ce
sinistre cadran d'ombre ou la double aiguille sceptre et glaive, a
jamais immobile, marque eternellement minuit!


II
LETTRE A LOUIS BONAPARTE
8 avril 1855.

Cette funebre guerre de Crimee se termina par le baiser de la reine
Victoria a "l'empereur des francais". Louis Bonaparte alla a
Londres chercher ce baiser. Ce fut une sorte d'enivrement des
deux gouvernements. Les fetes apres les carnages; ces choses la
s'enchainent.
La fete fut splendide. Elle fut meme complete. L'exil s'en mela. En
debarquant a Douvres, "l'empereur" put lire, affichees sur tous les
murs, les paroles que voici:

VICTOR HUGO A LOUIS BONAPARTE
Qu'est-ce que vous venez faire ici? a qui en voulez-vous? qui
venez-vous insulter? L'Angleterre dans son peuple ou la France dans
ses proscrits? Nous en avons deja enterre neuf, a Jersey seulement.
Est-ce la ce que vous voulez savoir? Le dernier s'appelait Felix Bony,
et avait vingt-neuf ans; cela vous suffit-il? Voulez-vous voir son
tombeau? Que venez-vous faire ici, vous dis-je? Cette Angleterre qui
n'a point de bat sur le cou, cette France bannie, ce peuple souverain
de lui-meme, cette proscription decimee et calme, n'ont que faire de
vous. Laissez la liberte en paix. Laissez l'exil tranquille.
Ne venez pas.
Quel leurre viendrez-vous offrir a cette illustre et genereuse
nation? quel coup d'ongle premeditez-vous contre la liberte anglaise?
arriveriez-vous plein de promesses comme en France en 1848?
changeriez-vous la pantomime? mettrez-vous la main sur votre coeur
pour l'alliance anglaise de la meme facon que vous l'y mettiez pour la
republique? sera-ce toujours l'habit boutonne, la plaque sur l'habit,
la main sur la plaque, l'accent emu, l'oeil humide? quelle parole
la plus sacree allez-vous jurer? quelle affirmation de fidelite
eternelle, quel engagement inviolable, quelle protestation portant
votre exergue, quel serment frappe a votre effigie allez-vous mettre
en circulation ici, vous, le faux monnayeur de l'honneur!
Qu'est-ce que vous apporteriez a cette terre? Cette terre est la terre
de Thomas Morus, de Hampden, de Bradshaw, de Shakespeare, de Milton,
de Newton, de Watt, de Byron, et elle n'a pas besoin d'un echantillon
de la boue du boulevard Montmartre. Vous venez chercher une
jarretiere? En effet, c'est jusque-la que vous avez du sang.
Je vous dis de ne pas venir. Vous ne seriez pas a votre place ici.
Regardez. Vous voyez bien que ce peuple est libre. Vous voyez bien que
ces gens-la vont et viennent, lisent, ecrivent, interrogent, pensent,
crient, se taisent, respirent, comme bon leur semble. Cela ne
ressemble a rien de ce que vous connaissez. Vous aurez beau regarder
les collets d'habit, vous n'y trouverez pas le pli que donne le poing
du gendarme. Non, vraiment, vous ne seriez pas chez vous. Vous seriez
dans un air irrespirable pour vous. Vous voyez bien qu'il n'y a pas de
janissaires ici, pas plus de janissaires pretres que de janissaires
soldats; vous voyez bien qu'il n'y pas d'espions; vous voyez bien
qu'il n'y a pas de jesuites; vous voyez bien que les juges rendent la
justice!
La tribune parle, les journaux parlent, la conscience publique parle;
il y a du soleil en ce pays. Vous voyez bien qu'il fait jour, aigle!
que venez-vous faire ici?
Si vous voulez savoir, alliance a part, ce que ce peuple pense de
vous, lisez ses vrais journaux, ses journaux d'il y a deux ans.
Visiterez-vous Londres, habille en empereur et en general? D'autres
qui etaient empereurs aussi, et generaux aussi, l'ont visitee avant
vous, et y ont eu des ovations diversement triomphales; vous auriez
le meme accueil. Irez-vous au square Trafalgar? irez-vous au square
Waterloo, au pont Waterloo, a la colonne Waterloo? Nicolas y a ete
recu par les aldermen. Irez-vous a la brasserie Perkins? Haynau y a
ete recu par les ouvriers.
Venez-vous parler a l'Angleterre de la Crimee? Vous toucheriez la a
un grand deuil. Le desastre de Sebastopol a ouvert le flanc de
l'Angleterre plus profondement encore que le flanc de la France.
L'armee francaise agonise, l'armee anglaise est morte; ce qui, si l'on
en croit ceux qui admirent vos hasards, aurait fait faire a l'un de
vos historiographes cette remarque:--Sans le vouloir, nous vengeons
Waterloo. Napoleon III a fait plus de mal a l'Angleterre en un an
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