Actes et Paroles, Volume 2 - 06

Total number of words is 4771
Total number of unique words is 1522
38.4 of words are in the 2000 most common words
51.0 of words are in the 5000 most common words
57.7 of words are in the 8000 most common words
Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
religieux et honnete medite d'accord avec la notre: independamment du
grand forfait contre l'inviolabilite de la vie humaine accompli aussi
bien sur le brigand execute que sur le heros supplicie, tous les
echafauds ont commis des crimes. Le code de meurtre est un scelerat
masque avec ton masque, o justice, et qui tue et massacre impunement.
Tous les echafauds portent des noms d'innocents et de martyrs. Non,
nous ne voulons plus de supplices. Pour nous la guillotine s'appelle
Lesurques, la roue s'appelle Calas, le bucher s'appelle Jeanne d'Arc,
la torture s'appelle Campanella, le billot s'appelle Thomas Morus, la
cigue s'appelle Socrate, le gibet se nomme Jesus-Christ!
Oh! s'il y a quelque chose d'auguste dans ces enseignements de
fraternite, dans ces doctrines de mansuetude et d'amour que toutes
les bouches qui crient: religion, et toutes les bouches qui disent:
democratie, que toutes les voix de l'ancien et du nouvel evangile
sement et repandent aujourd'hui d'un bout, du monde a l'autre, les
unes au nom de l'Homme-Dieu, les autres au nom de l'Homme-Peuple; si
ces doctrines sont justes, si ces idees sont vraies; si le vivant
est frere du vivant, si la vie de l'homme est venerable, si l'ame de
l'homme est immortelle; si Dieu seul a le droit de retirer ce que Dieu
seul a eu le pouvoir de donner; si la mere qui sent l'enfant remuer
dans ses entrailles est un etre beni, si le berceau est une chose
sacree, si le tombeau est une chose sainte,--insulaires de Guernesey,
ne tuez pas cet homme!
Je dis: ne le tuez pas, car, sachez-le bien, quand on peut empecher la
mort, laisser mourir, c'est tuer.
Ne vous etonnez pas de cette instance qui est dans mes paroles.
Laissez, je vous le dis, le proscrit interceder pour le condamne. Ne
dites pas: que nous veut cet etranger? Ne dites pas au banni: de quoi
te meles-tu? ce n'est pas ton affaire.--Je me mele des choses du
malheur; c'est mon droit, puisque je souffre. L'infortune a pitie de
la misere; la douleur se penche sur le desespoir.
D'ailleurs, cet homme et moi, n'avons-nous pas des souffrances qui
se ressemblent? ne tendons-nous pas chacun les bras a ce qui nous
echappe? moi banni, lui condamne, ne nous tournons-nous pas chacun
vers notre lumiere, lui vers la vie, moi vers la patrie?
Et,--l'on devrait reflechir a ceci,--l'aveuglement de la creature
humaine qui proscrit et qui juge est si profond, la nuit est telle sur
la terre, que nous sommes frappes, nous les bannis de France, pour
avoir fait notre devoir, comme cet homme est frappe pour avoir commis
un crime. La justice et l'iniquite se donnent la main dans les
tenebres.
Mais qu'importe! pour moi cet assassin n'est plus un assassin, cet
incendiaire n'est plus un incendiaire, ce voleur n'est plus un voleur;
c'est un etre fremissant qui va mourir. Le malheur le fait mon frere.
Je le defends.
L'adversite qui nous eprouve a parfois, outre l'epreuve, des utilites
imprevues, et il arrive que nos proscriptions, expliquees par les
choses auxquelles elles servent, prennent des sens inattendus et
consolants.
Si ma voix est entendue, si elle n'est pas emportee comme un souffle
vain dans le bruit du flot et de l'ouragan, si elle ne se perd pas
dans la rafale qui separe les deux iles, si la semence de pitie que je
jette a ce vent de mer germe dans les coeurs et fructifie, s'il arrive
que ma parole, la parole obscure du vaincu, ait cet insigne honneur
d'eveiller l'agitation salutaire d'ou sortiront-la peine commuee et
le criminel penitent, s'il m'est donne a moi, le proscrit rejete et
inutile, de me mettre en travers d'un tombeau qui s'ouvre, de barrer
le passage a la mort, et de sauver la tete d'un homme, si je suis le
grain de sable tombe de la main du hasard qui fait pencher la balance
et qui fait prevaloir la vie sur la mort, si ma proscription a ete
bonne a cela, si c'etait la le but mysterieux de la chute de mon foyer
et de ma presence en ces iles, oh! alors tout est bien, je n'ai pas
souffert, je remercie, je rends graces et je leve les mains au
ciel, et, dans cette occasion ou eclatent toutes les volontes de
la providence, ce sera votre triomphe, o Dieu, d'avoir fait
benir Guernesey par la France, ce peuple presque primitif par la
civilisation tout entiere, les hommes qui ne tuent point par l'homme
qui a tue, la loi de misericorde et de vie par le meurtrier, et l'exil
par l'exile!
Hommes de Guernesey, ce qui vous parle en cet instant, ce n'est pas
moi, qui ne suis que l'atome emporte n'importe dans quelle nuit par le
souffle de l'adversite; ce qui s'adresse a vous aujourd'hui, je viens
de vous le dire, c'est la civilisation tout entiere; c'est elle qui
tend vers vous ses mains venerables. Si Beccaria proscrit etait au
milieu de vous, il vous dirait: _la peine capitale est impie_; si
Franklin banni vivait a votre foyer, il vous dirait: _la loi qui tue
est une loi funeste_; si Filangieri refugie, si Vico exile, si Turgot
expulse, si Montesquieu chasse, habitaient sous votre toit, ils vous
diraient: _l'echafaud est abominable_; si Jesus-Christ, en fuite
devant Caiphe, abordait votre ile, il vous dirait: _ne frappez pas
avec le glaive_;--et a Montesquieu, a Turgot, a Vico, a Filangieri, a
Beccaria, a Franklin vous criant: grace! a Jesus-Christ vous criant:
grace! repondriez-vous: Non!
Non! c'est la reponse du mal. Non! c'est la reponse du neant. L'homme
croyant et libre affirme la vie, affirme la pitie, la clemence et le
pardon, prouve l'ame de la societe par la misericorde de la loi, et ne
repond non! qu'a l'opprobre, au despotisme et a la mort.
Un dernier mot et j'ai fini.
A cette heure fatale de l'histoire ou nous sommes, car si grand que
soit un siecle et si beau que soit un astre, ils ont leurs eclipses,
a cette minute sinistre que nous traversons, qu'il y ait au moins un
lieu sur la terre ou le progres couvert de plaies, jete aux tempetes,
vaincu, epuise, mourant, se refugie et surnage! Iles de la Manche,
soyez le radeau de ce naufrage sublime! Pendant que l'orient et
l'occident se heurtent pour la fantaisie des princes, pendant que les
continents n'offrent partout aux yeux que ruse, violence, fourberie,
ambition, pendant que les grands empires etalent les passions basses,
vous, petits pays, donnez les grands exemples. Reposez le regard du
genre humain.
Oui, en ce moment ou le sang des hommes coule a ruisseaux a cause d'un
homme, en ce moment ou l'Europe assiste a l'agonie heroique des turcs
sous le talon du czar, triomphateur qu'attend le chatiment, en ce
moment ou la guerre, evoquee par un caprice d'empereur, se leve de
toutes parts avec son horreur et ses crimes, qu'ici du moins, dans ce
coin du monde, dans cette republique de marins et de paysans, on voie
ce beau spectacle: un petit peuple brisant l'echafaud! Que la guerre
soit partout, et ici la paix! Que la barbarie soit partout, et ici
la civilisation! Que la mort, puisque les princes le veulent, soit
partout, et que la vie soit ici! Tandis que les rois, frappes de
demence, font de l'Europe un cirque ou les hommes vont remplacer les
tigres et s'entre-devorer, que le peuple de Guernesey, de son rocher,
entoure des calamites du monde et des tempetes du ciel, fasse un
piedestal et un autel; un piedestal a l'Humanite, un autel a Dieu!
Jersey, Marine-Terrace, 10 janvier 1854.


II
A LORD PALMERSTON
SECRETAIRE D'ETAT DE L'INTERIEUR EN ANGLETERRE

[Note: Voir aux Notes les extraits des journaux la _Nation_ et
l'_Homme_.]

La lettre qui precede avait emu l'ile de Guernesey. Des meetings
avaient eu lieu, une adresse a la reine avait ete signee, les journaux
anglais avaient reproduit en l'appuyant la demande de Victor Hugo
pour la grace de Tapner. Le gouvernement anglais avait successivement
accorde trois sursis. On pensait que l'execution n'aurait pas lieu.
Tout a coup le bruit se repand que l'ambassadeur de France, M.
Walewski, est alle voir lord Palmerston. Deux jours apres, Tapner
est execute. L'execution eut lieu le 10 fevrier. Le 11, Victor Hugo
ecrivit a lord Palmerston la lettre qu'on va lire:

Monsieur,
Je mets sous vos yeux une serie de faits qui se sont accomplis a
Jersey dans ces dernieres annees.
Il y a quinze ans, Caliot, assassin, fut condamne a mort et gracie. Il
y a huit ans, Thomas Nicolle, assassin, fut condamne a mort et gracie.
Il y a trois ans, en 1851, Jacques Fouquet, assassin, fut condamne
a mort et gracie. Pour tous ces criminels la mort fut commuee en
deportation. Pour obtenir ces graces, a ces diverses epoques, il a
suffi d'une petition des habitants de l'ile.
J'ajoute qu'en 1851 on se borna egalement a deporter Edward Carlton,
qui avait assassine sa femme dans des circonstances horribles.
Voila ce qui s'est passe depuis quinze ans dans l'ile d'ou je vous
ecris.
Par suite de tous ces faits significatifs, on a efface les scellements
du gibet sur le vieux Mont-Patibulaire de Saint-Helier, et il n'y a
plus de bourreau a Jersey.
Maintenant quittons Jersey et venons a Guernesey.
Tapner, assassin, incendiaire et voleur, est condamne a mort. A
l'heure qu'il est, monsieur, et au besoin les faits que je viens de
vous citer suffiraient a le prouver, dans toutes les consciences
saines et droites la peine de mort est abolie; Tapner condamne, un cri
s'eleve, les petitions se multiplient; une, qui s'appuie energiquement
sur le principe de l'inviolabilite de la vie humaine, est signee par
six cents habitants les plus eclaires de l'ile. Notons ici que, des
nombreuses sectes chretiennes qui se partagent les quarante mille
habitants de Guernesey, trois ministres seulement [note: M. Pearce, M.
Carey, M. Cockburn.] ont accorde leur signature a ces petitions. Tous
les autres l'ont refusee. Ces hommes ignorent probablement que la
croix est un gibet. Le peuple criait: grace! le pretre a crie: mort!
Plaignons le pretre et passons. Les petitions vous sont remises,
monsieur. Vous accordez un sursis. En pareil cas, sursis signifie
commutation. L'ile respire; le gibet ne sera point dresse. Point. Le
gibet se dresse. Tapner est pendu.
Apres reflexion.
Pourquoi?
Pourquoi refuse-t-on a Guernesey ce qu'on avait tant de fois accorde
a Jersey? pourquoi la concession a l'une et l'affront a l'autre?
pourquoi la grace ici et le bourreau la? pourquoi cette difference la
ou il y avait parite? quel est le sens de ce sursis qui n'est plus
qu'une aggravation? est-ce qu'il y aurait un mystere? a quoi a servi
la reflexion?
Il se dit, monsieur, des choses devant lesquelles je detourne la tete.
Non, ce qui se dit n'est pas. Quoi! une voix, la voix la plus obscure,
ne pourrait pas, si c'est la voix d'un exile, demander grace, dans
un coin perdu de l'Europe, pour un homme qui va mourir, sans que M.
Bonaparte l'entendit! sans que M. Bonaparte intervint! sans que M.
Bonaparte mit le hola! Quoi! M, Bonaparte qui a la guillotine de
Belley, la guillotine de Draguignan et la guillotine de Montpellier,
n'en aurait pas assez, et aurait l'appetit d'une potence a Guernesey!
Quoi! dans cette affaire, vous auriez, vous monsieur, craint de faire
de la peine au proscripteur en donnant raison au proscrit, l'homme
pendu serait une complaisance, ce gibet serait une gracieusete, et
vous auriez fait cela pour "entretenir l'amitie"! Non, non, non! je
ne le crois pas, je ne puis le croire; je ne puis en admettre l'idee,
quoique j'en aie le frisson!
En presence de la grande et genereuse nation anglaise, votre reine
aurait le droit de grace et M. Bonaparte aurait le droit de veto!
En meme temps qu'il y a un tout-puissant au ciel, il y aurait ce
tout-puissant sur la terre!--Non!
Seulement il n'a pas ete possible aux journaux de France de parler de
Tapner. Je constate le fait, mais je n'en conclus rien.
Quoi qu'il en soit, vous avez ordonne, ce sont les termes de la
depeche, que la justice "suivit son cours"; quoi qu'il en soit, tout
est fini; quoi qu'il en soit, Tapner, apres trois sursis et trois
reflexions [note: Du 27 janvier au 3 fevrier.--Du 3 fevrier au 6.--Du
6 au 10.], a ete pendu hier 10 fevrier, et,--si, par aventure, il y a
quelque chose de fonde dans les conjectures que je repousse,--voici,
monsieur, le bulletin de la journee. Vous pourriez, dans ce cas,
le transmettre aux Tuileries. Ces details n'ont rien qui repugne a
l'empire du Deux Decembre; il planera avec joie sur cette victoire.
C'est un aigle a gibets.
Depuis quelques jours, le condamne etait frissonnant. Le lundi 6
on avait entendu ce dialogue entre lui et un visiteur:--_Comment
etes-vous?--J'ai plus peur de la mort que jamais.--Est-ce du supplice
que vous avez peur?--Non, pas de cela ... Mais quitter mes enfants!_
et il s'etait mis a pleurer. Puis il avait ajoute:--_Pourquoi ne me
laisse-t-on pas le temps de me repentir_?
La derniere nuit, il a lu plusieurs fois le psaume 51. Puis, apres
s'etre etendu un moment sur son lit, il s'est jete a genoux. Un
assistant s'est approche et lui a dit:--_Sentez-vous que vous
avez besoin de pardon_? Il a repondu: _Oui_. La meme personne a
repris:--_Pour qui priez-vous_? Le condamne a dit: _Pour mes enfants_.
Puis il a releve la tete, et l'on a vu son visage inonde de larmes,
et il est reste a genoux. Entendant sonner quatre heures du matin, il
s'est tourne et a dit aux gardiens:--_J'ai encore quatre heures, mais
ou ira ma miserable ame_? Les apprets ont commence; on l'a arrange
comme il fallait qu'il fut; le bourreau de Guernesey pratique peu; le
condamne a dit tout bas au sous-sherif:--_Cet homme saura-t-il bien
faire la chose_? _--Soyez tranquille_, a repondu le sous-sherif. Le
procureur de la reine est entre; le condamne lui a tendu la main; le
jour naissait, il a regarde la fenetre blanchissante du cachot et a
murmure: _Mes enfants_! Et il s'est mis a lire un livre intitule:
CROYEZ ET VIVEZ.
Des le point du jour une multitude immense fourmillait aux abords de
la geole.
Un jardin etait attenant a la prison. On y avait dresse l'echafaud.
Une breche avait ete faite au mur pour que le condamne passat. A huit
heures du matin, la foule encombrant les rues voisines, deux cents
spectateurs "privilegies" etant dans le jardin, l'homme a paru a la
breche. Il avait le front haut et le pas ferme; il etait pale; le
cercle rouge de l'insomnie entourait ses yeux. Le mois qui venait de
s'ecouler l'avait vieilli de vingt annees. Cet homme de trente ans en
paraissait cinquante. "Un bonnet de coton blanc profondement enfonce
sur la tete et releve sur le front,--dit un temoin oculaire [note:
_Execution de J.-C. Tapner_. (Imprime au bureau du _Star de
Guernesey_.)],--vetu de la redingote brune qu'il portait aux debats,
et chausse de vieilles pantoufles", il a fait le tour d'une partie
du jardin dans une allee sablee expres. Les bordiers, le sherif, le
lieutenant-sherif, le procureur de la reine, le greffier et le sergent
de la reine l'entouraient. Il avait les mains liees; mal, comme vous
allez voir. Pourtant, selon l'usage anglais, pendant que les mains
etaient croisees par les liens sur la poitrine, une corde rattachait
les coudes derriere le dos. Il marchait l'oeil fixe sur le gibet. Tout
en marchant il disait a voix haute: _Ah! mes pauvres enfants_! A cote
de lui, le chapelain Bouwerie, qui avait refuse de signer la demande
en grace, pleurait. L'allee sablee menait a l'echelle. Le noeud
pendait. Tapner a monte. Le bourreau tremblait; les bourreaux d'en bas
sont quelquefois emus. Tapner s'est mis lui-meme sous le noeud coulant
et y a passe son cou, et, comme il avait les mains peu attachees,
voyant que le bourreau, tout egare, s'y prenait mal, il l'a aide.
Puis, "comme s'il eut pressenti ce qui allait suivre",--dit le meme
temoin,--il a dit: _Liez-moi donc mieux les mains.--C'est inutile_, a
repondu le bourreau. Tapner etant ainsi debout dans le noeud coulant,
les pieds sur la trappe, le bourreau a rabattu le bonnet sur son
visage, et l'on n'a plus vu de cette face pale qu'une bouche qui
priait. La trappe prete a s'ouvrir sous lui avait environ deux pieds
carres. Apres quelques secondes, le temps de se retourner, l'homme des
"hautes oeuvres" a presse le ressort de la trappe. Un trou s'est fait
sous le condamne, il y est tombe brusquement, la corde s'est tendue,
le corps a tourne, on a cru l'homme mort. "On pensa, dit le temoin,
que Tapner avait ete tue roide par la rupture de la moelle epiniere."
Il etait tombe de quatre pieds de haut, et de tout son poids,
et c'etait un homme de haute taille; et le temoin ajoute: "_Ce
soulagement des coeurs oppresses ne dura pas deux minutes._" Tout a
coup, l'homme, pas encore cadavre et deja spectre, a remue; les jambes
se sont elevees et abaissees l'une apres l'autre comme si elles
essayaient de monter des marches dans le vide, ce qu'on entrevoyait de
la face est devenu horrible, les mains, presque deliees, s'eloignaient
et se rapprochaient "comme pour demander assistance", dit le temoin.
Le lien des coudes s'etait rompu a la secousse de la chute. Dans ces
convulsions, la corde s'est mise a osciller, les coudes du miserable
ont heurte le bord de la trappe, les mains s'y sont cramponnees, le
genou droit s'y est appuye, le corps s'est souleve, et le pendu s'est
penche sur la foule. Il est retombe, puis a recommence. _Deux fois_,
dit le temoin. La seconde fois il s'est dresse a un pied de hauteur;
la corde a ete un moment lache. Puis il a releve son bonnet et la
foule a vu ce visage. Cela durait trop, a ce qu'il parait. Il a fallu
finir. Le bourreau qui etait descendu, est remonte, et a fait, je cite
toujours le temoin oculaire, "lacher prise au patient". La corde
avait devie; elle etait sous le menton; le bourreau l'a remise sous
l'oreille; apres quoi il a presse sur les deux epaules". [Note:
_Gazette de Guernesey_, 11 fevrier.] Le bourreau et le spectre ont
lutte un moment. Le bourreau a vaincu. Puis cet infortune, condamne
lui-meme, s'est precipite dans le trou ou pendait Tapner, lui a
etreint les deux genoux et s'est suspendu a ses pieds. La corde s'est
balancee un moment, portant le patient et le bourreau, le crime et
la loi. Enfin, le bourreau a lui-meme "lache prise". C'etait fait.
L'homme etait mort.
Vous le voyez, monsieur, les choses se sont bien passees. Cela a ete
complet, Si c'est un cri d'horreur qu'on a voulu, on l'a.
La ville etant batie en amphitheatre, on voyait cela de toutes les
fenetres. Les regards plongeaient dans le jardin.
La foule criait: _shame! shame_! Des femmes sont tombees evanouies.
Pendant ce temps-la, Fouquet, le gracie de 1851, se repent. Le
bourreau a fait de Tapner un cadavre; la clemence a refait de Fouquet
un homme.
Dernier detail.
Entre le moment ou Tapner est tombe dans le trou de la trappe et
l'instant ou le bourreau, ne sentant plus de fremissement, lui a lache
les pieds, il s'est ecoule douze minutes. Douze minutes! Qu'on calcule
combien cela fait de temps, si quelqu'un sait a quelle horloge se
comptent les minutes de l'agonie!
Voila donc, monsieur, de quelle facon Tapner est mort.
Cette execution a coute cinquante mille francs. C'est un beau luxe.
[Note: " L'executeur Rooks a deja coute pres de deux mille livres
sterling au fisc." _Gazette de Guernesey_, 11 fevrier. Rooks n'avait
encore pendu personne; Tapner est son coup d'essai. Le dernier gibet
qu'ait vu Guernesey remonte a vingt-quatre ans. Il fut dresse pour un
assassin nomme Beasse, execute le 3 novembre 1830.]
Quelques amis de la peine de mort disent qu'on aurait pu avoir cette
strangulation pour "vingt-cinq livres sterling". Pourquoi lesiner?
Cinquante mille francs! quand on y pense, ce n'est pas trop cher; il y
a beaucoup de details dans cette chose-la.
On voit l'hiver, a Londres, dans de certains quartiers, des groupes
d'etres pelotonnes dans les angles des rues, au coin des portes,
passant ainsi les jours et les nuits, mouilles, affames, glaces, sans
abri, sans vetements et sans chaussures, sous le givre et sous la
pluie. Ces etres sont des vieillards, des enfants et des femmes;
presque tous irlandais; comme vous, monsieur. Contre l'hiver ils ont
la rue, contre la neige ils ont la nudite, contre la faim ils ont
le tas d'ordures voisin. C'est sur ces indigences-la que le budget
preleve les cinquante mille francs donnes au bourreau Rooks. Avec ces
cinquante mille francs, on ferait vivre pendant un an cent de ces
familles. Il vaut mieux tuer un homme.
Ceux qui croient que le bourreau Rooks a commis quelque maladresse
paraissent etre dans l'erreur. L'execution de Tapner n'a rien que de
simple. C'est ainsi que cela doit se passer. Un nomme Tawel a ete
pendu recemment par le bourreau de Londres, qu'une relation que j'ai
sous les yeux qualifie ainsi: "Le maitre des executeurs, celui
qui s'est acquis une celebrite sans rivale dans sa peu enviable
profession." Eh bien, ce qui est arrive a Tapner etait arrive a Tawel.
[Note: "La trappe tomba, et le malheureux homme se livra tout d'abord
a de violentes convulsions. Tout son corps frissonna. Les bras et les
jambes se contracterent, puis retomberent; se contracterent encore,
puis retomberent encore; se contracterent encore, et ce ne fut
qu'apres ce troisieme effort que le pendu ne fut plus qu'un cadavre."
(_Execution of Tawel_. Thorne's printing establishment. Charles
Street.)]
On aurait tort de dire qu'aucune precaution n'avait ete prise pour
Tapner. Le jeudi 9, quelques zeles de la peine capitale avaient visite
la potence deja toute prete dans le jardin. S'y connaissant, ils
avaient remarque que "la corde etait grosse comme le pouce et le noeud
coulant gros comme le poing". Avis avait ete donne au procureur royal,
lequel avait fait remplacer la grosse corde par une corde fine. De
quoi donc se plaindrait-on?
Tapner est reste une heure au gibet. L'heure ecoulee, on l'a detache;
et le soir, a huit heures, on l'a enterre dans le cimetiere dit des
etrangers, a cote du supplicie de 1830, Beasse.
Il y a encore un autre etre condamne. C'est la femme de Tapner.
Elle s'est evanouie, deux fois en lui disant adieu; le second
evanouissement a dure une demi-heure; on l'a crue morte.
Voila, monsieur, j'y insiste, de quelle facon est mort Tapner.
Un fait que je ne puis vous taire, c'est l'unanimite de la presse
locale sur ce point:--_Il n'y aura plus d'execution a mort dans ce
pays, l'echafaud n'y sera plus tolere_.
La _Chronique de Jersey_ du 11 fevrier ajoute: "Le supplice a ete plus
atroce que le crime."
J'ai peur que, sans le vouloir, vous n'ayez aboli la peine de mort a
Guernesey.
Je livre en outre a vos reflexions ce passage d'une lettre que m'ecrit
un des principaux habitants de l'ile: "L'indignation etait au comble,
et si tous avaient pu voir ce qui se passait sous le gibet, _quelque
chose de serieux_ serait arrive, on aurait tache de sauver celui qu'on
torturait."
Je vous confie ces criailleries.
Mais revenons a Tapner.
La theorie de l'exemple est satisfaite. Le philosophe seul est triste,
et se demande si c'est la ce qu'on appelle la justice "qui suit son
cours".
Il faut croire que le philosophe a tort. Le supplice a ete effroyable,
mais le crime etait hideux. Il faut bien que la societe se defende,
n'est-ce pas? ou en serions-nous si, etc., etc., etc.? L'audace des
malfaiteurs n'aurait plus de bornes. On ne verrait qu'atrocites et
guet-apens. Une repression est necessaire. Enfin, c'est votre avis,
monsieur, les Tapner doivent etre pendus, a moins qu'ils ne soient
empereurs.
Que la volonte des hommes d'etat soit faite!
Les ideologues, les reveurs, les etranges esprits chimeriques qui ont
la notion du bien et du mal, ne peuvent sonder sans trouble certains
cotes du probleme de la destinee.
Pourquoi Tapner, au lieu de tuer une femme, n'en a-t-il pas tue
trois cents, en ajoutant au tas quelques centaines de vieillards
et d'enfants? pourquoi, au lieu de forcer une porte, n'a-t-il pas
crochete un serment? pourquoi, au lieu de derober quelques schellings,
n'a-t-il pas vole vingt-cinq millions? Pourquoi, au lieu de bruler la
maison Saujon, n'a-t-il pas mitraille Paris? Il aurait un ambassadeur
a Londres.
Il serait pourtant bon qu'on en vint a preciser un peu le point ou
Tapner cesse d'etre un brigand et ou Schinderhannes commence a devenir
de la politique.
Tenez, monsieur, c'est horrible. Nous habitons, vous et moi,
l'infiniment petit. Je ne suis qu'un proscrit et vous n'etes qu'un
ministre. Je suis de la cendre, vous etes de la poussiere. D'atome
a atome on peut se parler. On peut d'un neant a l'autre se dire
ses verites. Eh bien, sachez-le, quelles que soient les splendeurs
actuelles de votre politique, quelle que soit la gloire de l'alliance
de M. Bonaparte, quelque honneur qu'il y ait pour vous a mettre votre
tete a cote de la sienne dans le bonnet qu'il porte, si retentissants
et si magnifiques que soient vos triomphes en commun dans l'affaire
turque, monsieur, cette corde qu'on noue au cou d'un homme, cette
trappe qu'on ouvre sous ses pieds, cet espoir qu'il se cassera la
colonne vertebrale en tombant, cette face qui devient bleue sous le
voile lugubre du gibet, ces yeux sanglants qui sortent brusquement
de leur orbite, cette langue qui jaillit du gosier, ce rugissement
d'angoisse que le noeud etouffe, cette ame eperdue qui se cogne au
crane sans pouvoir s'en aller, ces genoux convulsifs qui cherchent
un point d'appui, ces mains liees et muettes qui se joignent et qui
crient au secours, et cet autre homme, cet homme de l'ombre, qui se
jette sur ces palpitations supremes, qui se cramponne aux jambes du
miserable et qui se pend au pendu, monsieur, c'est epouvantable. Et si
par hasard les conjectures que j'ecarte avaient raison, si l'homme
qui s'est accroche aux pieds de Tapner etait M. Bonaparte, ce serait
monstrueux. Mais, je le repete, je ne crois pas cela. Vous n'avez obei
a aucune influence; vous avez dit: que la justice "suive son cours";
vous avez donne cet ordre comme un autre; les rabachages sur la peine
de mort vous touchent peu. Pendre un homme, boire un verre d'eau. Vous
n'avez pas vu la gravite de l'acte. C'est une legerete d'homme d'etat;
rien de plus. Monsieur, gardez vos etourderies pour la terre, ne
les offrez pas a l'eternite. Croyez-moi, ne jouez pas avec ces
profondeurs-la; n'y jetez rien de vous. C'est une imprudence. Ces
profondeurs-la, je suis plus pres que vous, je les vois. Prenez garde.
_Exsul sicut mortuus_. Je vous parle de dedans le tombeau.
Bah! qu'importe! Un homme pendu; et puis apres? une ficelle que nous
allons rouler, une charpente que nous allons declouer, un cadavre que
nous allons enterrer, voila grand'chose. Nous tirerons le canon, un
peu de fumee en orient, et tout sera dit. Guernesey, Tapner, il faut
un microscope pour voir cela. Messieurs, cette ficelle, cette poutre,
ce cadavre, ce mechant gibet imperceptible, cette misere, c'est
l'immensite. C'est la question sociale, plus haute que la question
politique. C'est plus encore, c'est ce qui n'est plus la terre. Ce
qui est peu de chose, c'est votre canon, c'est votre politique, c'est
votre fumee. L'assassin qui du matin au soir devient l'assassine,
voila ce qui est effrayant; une ame qui s'envole tenant le bout de
corde du gibet, voila ce qui est, entre deux diners, formidable.
Hommes d'etat, entre deux protocoles, entre deux sourires, vous
pressez nonchalamment de votre pouce gante de blanc le ressort de la
potence, et la trappe tombe sous les pieds du pendu. Cette trappe,
savez-vous ce que c'est? C'est l'infini qui apparait; c'est
l'insondable et l'inconnu; c'est la grande ombre qui s'ouvre brusque
et terrible sous votre petitesse.
Continuez. C'est bien. Qu'on voie les hommes du vieux monde
a l'oeuvre. Puisque le passe s'obstine, regardons-le. Voyons
successivement toutes ses figures: a Tunis, c'est le pal; chez le
czar, c'est le knout; chez le pape, c'est le garrot; en France, c'est
la guillotine; en Angleterre, c'est le gibet; en Asie et en Amerique,
c'est le marche d'esclaves. Ah! tout cela s'evanouira! Nous les
anarchistes, nous les demagogues, nous les buveurs de sang, nous vous
le declarons, a vous les conservateurs et les sauveurs, la liberte
You have read 1 text from French literature.
Next - Actes et Paroles, Volume 2 - 07
  • Parts
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 01
    Total number of words is 4566
    Total number of unique words is 1735
    34.8 of words are in the 2000 most common words
    48.0 of words are in the 5000 most common words
    54.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 02
    Total number of words is 4431
    Total number of unique words is 1565
    38.0 of words are in the 2000 most common words
    50.3 of words are in the 5000 most common words
    56.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 03
    Total number of words is 4553
    Total number of unique words is 1527
    35.7 of words are in the 2000 most common words
    48.4 of words are in the 5000 most common words
    54.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 04
    Total number of words is 4594
    Total number of unique words is 1565
    34.0 of words are in the 2000 most common words
    45.2 of words are in the 5000 most common words
    51.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 05
    Total number of words is 4585
    Total number of unique words is 1546
    34.1 of words are in the 2000 most common words
    46.0 of words are in the 5000 most common words
    53.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 06
    Total number of words is 4771
    Total number of unique words is 1522
    38.4 of words are in the 2000 most common words
    51.0 of words are in the 5000 most common words
    57.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 07
    Total number of words is 4505
    Total number of unique words is 1515
    35.7 of words are in the 2000 most common words
    46.8 of words are in the 5000 most common words
    54.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 08
    Total number of words is 4534
    Total number of unique words is 1594
    33.9 of words are in the 2000 most common words
    46.7 of words are in the 5000 most common words
    53.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 09
    Total number of words is 4533
    Total number of unique words is 1594
    34.1 of words are in the 2000 most common words
    47.2 of words are in the 5000 most common words
    53.1 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 10
    Total number of words is 4477
    Total number of unique words is 1554
    37.0 of words are in the 2000 most common words
    48.9 of words are in the 5000 most common words
    54.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 11
    Total number of words is 4490
    Total number of unique words is 1585
    35.5 of words are in the 2000 most common words
    46.9 of words are in the 5000 most common words
    54.0 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 12
    Total number of words is 4604
    Total number of unique words is 1555
    37.1 of words are in the 2000 most common words
    49.9 of words are in the 5000 most common words
    56.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 13
    Total number of words is 4538
    Total number of unique words is 1564
    38.3 of words are in the 2000 most common words
    49.9 of words are in the 5000 most common words
    56.5 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 14
    Total number of words is 4639
    Total number of unique words is 1598
    35.0 of words are in the 2000 most common words
    47.6 of words are in the 5000 most common words
    53.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 15
    Total number of words is 4483
    Total number of unique words is 1601
    37.4 of words are in the 2000 most common words
    49.0 of words are in the 5000 most common words
    55.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 16
    Total number of words is 4477
    Total number of unique words is 1493
    37.4 of words are in the 2000 most common words
    48.9 of words are in the 5000 most common words
    55.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 17
    Total number of words is 4422
    Total number of unique words is 1535
    34.9 of words are in the 2000 most common words
    47.6 of words are in the 5000 most common words
    54.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 18
    Total number of words is 4374
    Total number of unique words is 1700
    35.5 of words are in the 2000 most common words
    49.9 of words are in the 5000 most common words
    57.2 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 19
    Total number of words is 4543
    Total number of unique words is 1520
    37.3 of words are in the 2000 most common words
    49.3 of words are in the 5000 most common words
    55.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 20
    Total number of words is 4453
    Total number of unique words is 1497
    37.6 of words are in the 2000 most common words
    48.9 of words are in the 5000 most common words
    54.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 21
    Total number of words is 4537
    Total number of unique words is 1565
    36.5 of words are in the 2000 most common words
    49.1 of words are in the 5000 most common words
    56.4 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 22
    Total number of words is 4594
    Total number of unique words is 1605
    36.9 of words are in the 2000 most common words
    50.6 of words are in the 5000 most common words
    57.3 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 23
    Total number of words is 4470
    Total number of unique words is 1513
    36.4 of words are in the 2000 most common words
    50.4 of words are in the 5000 most common words
    56.9 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 24
    Total number of words is 4482
    Total number of unique words is 1520
    38.2 of words are in the 2000 most common words
    49.7 of words are in the 5000 most common words
    57.7 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 25
    Total number of words is 4459
    Total number of unique words is 1550
    39.3 of words are in the 2000 most common words
    51.1 of words are in the 5000 most common words
    57.8 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.
  • Actes et Paroles, Volume 2 - 26
    Total number of words is 205
    Total number of unique words is 109
    37.5 of words are in the 2000 most common words
    52.1 of words are in the 5000 most common words
    55.6 of words are in the 8000 most common words
    Each bar represents the percentage of words per 1000 most common words.