Actes et Paroles, Volume 2 - 11

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le lieutenant-gouverneur, qui en rendra compte a son superieur,
le gouvernement anglais, qui en rendra compte a son superieur, M.
Bonaparte."
Le 2 novembre 1855, Victor Hugo quitta Jersey. Il alla a Guernesey.
Cependant le libre peuple anglais s'emut. Des meetings se firent dans
toute la Grande-Bretagne, et la nation, indignee de l'expulsion de
Jersey, blama hautement le gouvernement. L'Angleterre, par Londres,
l'Ecosse, par Glascow, protesterent. Victor Hugo remercia le peuple
anglais.
Guernesey, Hauteville-House, 25 novembre 1855.
AUX ANGLAIS
Chers compatriotes de la grande patrie europeenne.
J'ai recu, des mains de notre courageux coreligionnaire Harney, la
communication que vous avez bien voulu me faire au nom de votre comite
et du meeting de Newcastle. Je vous en remercie, ainsi que vos
amis, en mon nom et au nom de mes compagnons de lutte, d'exil et
d'expulsion.
Il etait impossible que l'expulsion de Jersey, que cette proscription
des proscrits ne soulevat pas l'indignation publique en Angleterre.
L'Angleterre est une grande et genereuse nation ou palpitent toutes
les forces vives du progres, elle comprend que la liberte c'est la
lumiere. Or c'est un essai de nuit qui vient d'etre fait a Jersey;
c'est une invasion des tenebres; c'est une attaque a main armee du
despotisme contre la vieille constitution libre de la Grande-Bretagne;
c'est un coup d'etat qui vient d'etre insolemment lance par l'empire
en pleine Angleterre. L'acte d'expulsion a ete accompli le 2 novembre;
c'est un anachronisme; il aurait du avoir lieu le 2 decembre.
Dites, je vous prie, a mes amis du comite et a vos amis du meeting
combien nous avons ete sensibles a leur noble et energique
manifestation. De tels actes peuvent avertir et arreter ceux de vos
gouvernants qui, a cette heure, meditent peut-etre de porter, par la
honte de l'Alien-Bill, le dernier coup au vieil honneur anglais.
Des demonstrations comme la votre, comme celles qui viennent d'avoir
lieu a Londres, comme celles qui se preparent a Glascow, consacrent,
resserrent et cimentent, non l'alliance vaine, fausse, funeste,
l'alliance pleine de cendre du present cabinet anglais et de l'empire
bonapartiste, mais l'alliance vraie, l'alliance necessaire, l'alliance
eternelle du peuple libre d'Angleterre et du peuple libre de France.
Recevez, avec tous mes remerciments, l'expression de ma cordiale
fraternite.
VICTOR HUGO.

Note:
[1] ARRET
En vertu de l'article 68 de la Constitution,
La haute cour de justice,
Declare LOUIS-NAPOLEON BONAPARTE prevenu du crime de haute trahison,
Convoque le _Jury national_ pour proceder sans delai au jugement, et
charge M. le conseiller Renouard des fonctions du ministere public
pres la haute cour.
Fait a Paris, le 2 decembre 1851.
_Signe_:
HARDOUIN, _president_; DELAPALME, PATAILLE MOREAU (de la Seine),
CAUCHY, _juges_.


1856
_L'Italie.--La Grece._


I

Le 25 mai 1856, comme il commencait a s'installer dans son nouvel exil
de Guernesey, Victor Hugo recut de Mazzini, alors a Londres, ces deux
lignes:
"Je vous demande un mot pour l'Italie.
"Elle penche en ce moment du cote des rois. Avertissez-la et
redressez-la."
"G. MAZZINI."
Le 1er juin, les journaux anglais et belges publierent ce qu'on va
lire:
"Nous recevons de Joseph Mazzini cet appel a l'Italie, signe Victor
Hugo:

A L'ITALIE
Italiens, c'est un frere obscur, mais devoue qui vous parle.
Defiez-vous de ce que les congres, les cabinets et les diplomaties
semblent preparer pour vous en ce moment. L'Italie s'agite, elle donne
des signes de reveil; elle trouble et preoccupe les rois; il leur
parait urgent de la rendormir. Prenez garde; ce n'est pas votre
apaisement qu'on veut; l'apaisement n'est que dans la satisfaction du
droit; ce qu'on veut, c'est votre lethargie, c'est votre mort. De la
un piege. Defiez-vous. Quelle que soit l'apparence, ne perdez pas de
vue la realite. Diplomatie, c'est nuit. Ce qui se fait pour vous, se
trame contre vous.
Quoi! des reformes, des ameliorations administratives, des amnisties,
le pardon a votre heroisme, un peu de secularisation, un peu de
liberalisme, le code Napoleon, la democratie bonapartiste, la vieille
lettre a Edgar Ney, recrite en rouge avec le sang de Paris par la
main qui a tue Rome! voila ce que vous offrent les princes! et vous
preteriez l'oreille! et vous diriez: contentons-nous de cela! et
vous accepteriez, et vous desarmeriez! Et cette sombre et splendide
revolution latente qui couve dans vos coeurs, qui flamboie dans vos
yeux, vous l'ajourneriez! Est-ce que c'est possible?
Mais vous n'auriez donc nulle foi dans l'avenir! vous ne sentiriez
donc pas que l'empire va tomber demain, que l'empire tombe, c'est
la France debout, que la France debout, c'est l'Europe libre! Vous,
italiens, elite humaine, nation mere, l'un des plus rayonnants groupes
d'hommes que la terre ait portes, vous au-dessus desquels il n'y a
rien, vous ne sentiriez pas que nous sommes vos freres, vos freres
par l'idee, vos freres par l'epreuve; que l'eclipse actuelle finira
subitement pour tous a la fois; que si demain est a nous, il est a
vous; et que, le jour ou il y aura dans le monde la France, il y aura
l'Italie!
Oui, le premier des deux peuples qui se levera fera lever l'autre.
Disons mieux; nous sommes le meme peuple, nous sommes la meme
humanite. Vous la republique romaine; nous la republique francaise,
nous sommes penetres du meme souffle de vie; nous ne pouvons pas plus
nous derober, nous francais, au rayonnement de l'Italie que vous ne
pouvez vous soustraire, vous italiens, au rayonnement de la France. Il
y a entre vous et nous cette profonde solidarite humaine d'ou naitra
l'ensemble pendant la lutte et l'harmonie apres la victoire. Italiens,
la federation des nations continentales soeurs et reines, et chacune
couronnee de la liberte de toutes, la fraternite des patries dans la
supreme unite republicaine, les Peuples-Unis d'Europe, voila l'avenir.
Ne detournez pas un seul instant vos yeux de cet avenir magnifique.
La grande solution est proche; ne souffrez pas qu'on vous fasse une
solution a part. Dedaignez ces offres de marche en avant petit a
petit, tenus aux lisieres par les princes. Nous sommes dans le temps
de ces enjambees formidables qu'on appelle revolutions. Les peuples
perdent des siecles et les regagnent en une heure. Pour la liberte
comme pour le Nil, la fecondation, c'est la submersion.
Ayons foi. Pas de moyens termes, pas de compromis, pas de
demi-mesures, pas de demi-conquetes. Quoi! accepter des concessions,
quand on a le droit, et l'appui des princes, quand on a l'appui des
peuples! Il y a de l'abdication dans cette espece de progres-la. Non.
Visons haut, pensons vrai, marchons droit. Les a peu pres ne suffisent
plus. Tout se fera; et tout se fera en un pas, en un jour, en un seul
eclair, en un seul coup de tonnerre. Ayons foi.
Quand l'heure de la chute sonnera, la revolution, brusquement, a
pic, de son droit divin, sans preparation, sans transition, sans
crepuscule, jettera sur l'Europe son prodigieux eblouissement de
liberte, d'enthousiasme et de lumiere, et ne laissera au vieux monde
que le temps de tomber.
N'acceptez donc rien de lui. C'est un mort. La main des cadavres est
froide, et n'a rien a donner.
Freres, quand on est la vieille race d'Italie, quand on a dans les
veines tous les beaux siecles de l'histoire et le sang meme de la
civilisation, quand on n'est ni abatardi ni degenere, quand on a su
retrouver, le jour ou on l'a voulu, tous les grands niveaux du
passe, quand on a fait le memorable effort de la constituante et du
triumvirat, quand, pas plus tard qu'hier, car 1849 c'est hier, on a
prouve qu'on etait Rome, quand on est ce que vous etes, en un mot, on
sent qu'on a tout en soi; on se dit qu'on porte sa delivrance dans sa
main et sa destinee dans sa volonte; on meprise les avances et les
offres des princes, et l'on ne se laisse rien donner par ceux a qui
l'on a tout a reprendre.
Rappelez-vous d'ailleurs ce qu'il y a de taches de boue et de gouttes
de sang sur les mains pontificales et royales.
Rappelez-vous les supplices, les meurtres, les crimes, toutes les
formes du martyrologe, la bastonnade publique, la bastonnade en
prison, les tribunaux de caporaux, les tribunaux d'eveques, la sacree
consulte de Rome, les grandes cours de Naples, les echafauds de Milan,
d'Ancone, de Lugo, de Sinigaglia, d'Imola, de Faenza, de Ferrare, la
guillotine, le garrot, le gibet; cent soixante-dix-huit fusillades en
trois ans, au nom du pape, dans une seule ville, a Bologne; le
fort Urbain, le chateau Saint-Ange, Ischia; Poerio n'ayant d'autre
soulagement que de changer sur ses membres la place de ses chaines;
les prescripteurs ne sachant plus le nombre des proscrits; les bagnes,
les cachots, les oubliettes, les in-pace, les tombes!
Et puis, rappelez-vous votre fier et grand programme romain. Soyez-lui
fideles. La est l'affranchissement; la est le salut.
Ayez toujours present a l'esprit ce mot hideux de la diplomatie:
_l'Italie n'est pas une nation, c'est un terme de geographie_.
N'ayez qu'une pensee, vivre chez vous de votre vie a vous. Etre
l'Italie.--Et repetez-vous sans cesse au fond de l'ame cette chose
terrible: Tant que l'Italie ne sera pas un peuple, l'italien ne sera
pas un homme.
Italiens, l'heure vient; et, je le dis a votre gloire, elle vient
par vous. Vous etes aujourd'hui la grande inquietude des trones
continentaux. Le point de la solfatare europeenne d'ou il se degage en
ce moment le plus de fumee, c'est l'Italie.
Oui, le regne des monstres et des despotes, grands et petits, n'a plus
que quelques instants, nous sommes a la fin. Souvenez-vous-en, vous
etes les fils de cette terre predestinee pour le bien, fatale pour
le mal, sur laquelle jettent leur ombre ces deux geants de la pensee
humaine, Michel-Ange et Dante; Michel-Ange, le jugement; Dante, le
chatiment.
Gardez entiere et vierge votre mission sublime.
Ne vous laissez ni amortir, ni amoindrir.
Pas de sommeil, pas d'engourdissement, pas de torpeur, pas d'opium,
pas de treve. Agitez-vous, agitez-vous, agitez-vous! Le devoir pour
tous, pour vous comme pour nous, c'est l'agitation aujourd'hui,
l'insurrection demain.
Votre mission est a la fois destructive et civilisatrice. Elle ne peut
pas ne point s'accomplir. N'en doutez pas, la providence fera sortir
de toute cette ombre une Italie grande, forte, heureuse et libre. Vous
portez en vous la revolution qui devorera le passe, et la regeneration
qui fondera l'avenir. Il y a en meme temps, sur le front auguste de
cette Italie que nous entrevoyons dans les tenebres, les premieres
rougeurs de l'incendie et les premieres lueurs de l'aube.
Dedaignez donc ce qu'on semble pret a vous offrir. Prenez garde et
croyez. Defiez-vous des rois; fiez-vous a Dieu.
VICTOR HUGO.
Guernesey, 26 mai 1856.


II
LA GRECE
A M. ANDRE RIGOPOULOS

L'envoi de votre excellent journal me touche vivement. C'est du fond
du coeur que je vous en remercie. Je le lis avec un profond interet.
Continuez l'oeuvre sainte dont vous etes un des vaillants ouvriers;
travaillez a l'unite des peuples. L'esprit de l'Europe doit planer
aujourd'hui et remplacer dans les ames l'antique esprit des
nationalites. C'est aux nations les plus illustres, a la Grece, a
l'Italie, a la France, qu'il appartient de donner l'exemple. Mais
d'abord et avant tout il faut qu'elles redeviennent elles-memes, il
faut qu'elles s'appartiennent; il faut que la Grece acheve de rejeter
la Turquie, il faut que l'Italie secoue l'Autriche, il faut que la
France dechire l'empire. Quand ces grands peuples seront hors de leurs
linceuls, ils crieront: Unite! Europe! Humanite!
C'est la l'avenir. La voix de la Grece sera une des plus ecoutees. Les
hommes comme vous sont dignes de la faire entendre. Un des premiers,
il y a bien des annees deja, j'ai lutte pour l'affranchissement de la
Grece; je vous remercie de vous en souvenir.
La Grece, l'Italie, la France ont porte tour a tour le flambeau.
Maintenant, dans le grand dix-neuvieme siecle, elles doivent le passer
a l'Europe, tout en en gardant le rayonnement. Devenons, individus et
peuples, de moins en moins egoistes, et de plus en plus hommes. Criez:
Vive la France! pendant que je crie: Vive la Grece!
Je vous felicite, vous, compatriote d'Eschyle et de Pericles, qui
luttez pour les principes de l'humanite. Il est beau d'etre du pays de
la lumiere et d'y porter le drapeau de la liberte.
Je vous serre cordialement la main.
VICTOR HUGO.
Guernesey, 25 aout 1856.


1859

_L'amnistie ici et la potence la. A cote du crime de l'Europe, le
crime de l'Amerique. John Brown._

I
L'AMNISTIE

Les annees s'ecoulaient. Au bout de huit ans, le criminel jugea a
propos d'absoudre les innocents; l'assassin offrit leur grace aux
assassines, et le bourreau sentit le besoin de pardonner aux victimes.
Il decreta la rentree des proscrits en France. A "l'amnistie" Victor
Hugo repliqua:

DECLARATION
Personne n'attendra de moi que j'accorde, en ce qui me concerne, un
moment d'attention a la chose appelee amnistie.
Dans la situation ou est la France, protestation absolue, inflexible,
eternelle, voila pour moi le devoir.
Fidele a l'engagement que j'ai pris vis-a-vis de ma conscience, je
partagerai jusqu'au bout l'exil de la liberte. Quand la liberte
rentrera, je rentrerai.
VICTOR HUGO.
Hauteville-House, 18 aout 1859.


II
JOHN BROWN

Cependant une democratie allait commettre, elle aussi, un crime. La
nouvelle de la condamnation de John Brown arriva en Europe. Victor
Hugo s'emut. Le 2 decembre 1859, a l'heure meme de cet anniversaire
qui lui rappelait toutes les formes et toutes les necessites du
devoir, il adressa, par l'intermediaire de tous les journaux libres de
l'Europe, la lettre qu'on va lire a l'Amerique:

AUX ETATS-UNIS D'AMERIQUE
Quand on pense aux Etats-Unis d'Amerique, une figure majestueuse se
leve dans l'esprit, Washington.
Or, dans cette patrie de Washington, voici ce qui a lieu en ce moment:
Il y a des esclaves dans les etats du sud, ce qui indigne, comme le
plus monstrueux des contre-sens, la conscience logique et pure des
etats du nord. Ces esclaves, ces negres, un homme blanc, un homme
libre, John Brown, a voulu les delivrer. John Brown a voulu commencer
l'oeuvre de salut par la delivrance des esclaves de la Virginie.
Puritain, religieux, austere, plein de l'evangile, _Christus
nos liberavit_, il a jete a ces hommes, a ces freres, le cri
d'affranchissement. Les esclaves, enerves par la servitude, n'ont
pas repondu a l'appel. L'esclavage produit la surdite de l'ame. John
Brown, abandonne, a combattu; avec une poignee d'hommes heroiques,
il a lutte; il a ete crible de balles, ses deux jeunes fils, saints
martyrs, sont tombes morts a ses cotes, il a ete pris. C'est ce qu'on
nomme l'affaire de Harper's Ferry.
John Brown, pris, vient d'etre juge, avec quatre des siens, Stephens,
Copp, Green et Coplands.
Quel a ete ce proces? disons-le en deux mots.
John Brown, sur un lit de sangle, avec six blessures mal fermees, un
coup de feu au bras, un aux reins, deux a la poitrine, deux a la tete,
entendant a peine, saignant a travers son matelas, les ombres de
ses deux fils morts pres de lui; ses quatre coaccuses, blesses, se
trainant a ses cotes, Stephens avec quatre coups de sabre; la "
justice " pressee et passant outre; un attorney Hunter qui veut aller
vite, un juge Parker, qui y consent, les debats tronques, presque tous
delais refuses, production de pieces fausses ou mutilees, les temoins
a decharge ecartes, la defense entravee, deux canons charges a
mitraille dans la cour du tribunal, ordre aux geoliers de fusiller
les accuses si l'on tente de les enlever, quarante minutes de
deliberation, trois condamnations a mort. J'affirme sur l'honneur que
cela ne s'est point passe en Turquie, mais en Amerique.
On ne fait point de ces choses-la impunement en face du monde
civilise. La conscience universelle est un oeil ouvert. Que les juges
de Charlestown, que Hunter et Parker, que les jures possesseurs
d'esclaves, et toute la population virginienne y songent, on les voit.
Il y a quelqu'un.
Le regard de l'Europe est fixe en ce moment sur l'Amerique.
John Brown, condamne, devait etre pendu le 2 decembre (aujourd'hui
meme).
Une nouvelle arrive a l'instant. Un sursis lui est accorde. Il mourra
le 16.
L'intervalle est court. D'ici la, un cri de misericorde a-t-il le
temps de se faire entendre?
N'importe! le devoir est d'elever la voix.
Un second sursis suivra, peut-etre le premier. L'Amerique est une
noble terre. Le sentiment humain se reveille vite dans un pays libre.
Nous esperons que Brown sera sauve.
S'il en etait autrement, si John Brown mourait le 16 decembre sur
l'echafaud, quelle chose terrible!
Le bourreau de Brown, declarons-le hautement (car les rois s'en vont
et les peuples arrivent, on doit la verite aux peuples), le bourreau
de Brown, ce ne serait ni l'attorney Hunter, ni le juge Parker, ni le
gouverneur Wyse; ni le petit etat de Virginie; ce serait, on frissonne
de le penser et de le dire, la grande republique americaine tout
entiere.
Devant une telle catastrophe, plus on aime cette republique, plus on
la venere, plus on l'admire, plus on se sent le coeur serre. Un seul
etat ne saurait avoir la faculte de deshonorer tous les autres, et ici
l'intervention federale est evidemment de droit. Sinon, en presence
d'un forfait a commettre et qu'on peut empecher, l'union devient
complicite. Quelle que soit l'indignation des genereux etats du nord,
les etats du sud les associent a l'opprobre d'un tel meurtre; nous
tous, qui que nous soyons, qui avons pour patrie commune le symbole
democratique, nous nous sentons atteints et en quelque sorte
compromis; si l'echafaud se dressait le 16 decembre, desormais, devant
l'histoire incorruptible, l'auguste federation du nouveau monde
ajouterait a toutes ses solidarites saintes une solidarite sanglante;
et le faisceau radieux de cette republique splendide aurait pour lien
le noeud coulant du gibet de John Brown.
Ce lien-la tue.
Lorsqu'on reflechit a ce que Brown, ce liberateur, ce combattant du
Christ, a tente, et quand on pense qu'il va mourir, et qu'il va mourir
egorge par la republique americaine, l'attentat prend les proportions
de la nation qui le commet; et quand on se dit que cette nation est
une gloire du genre humain, que, comme la France, comme l'Angleterre,
comme l'Allemagne, elle est un des organes de la civilisation, que
souvent meme elle depasse l'Europe dans de certaines audaces sublimes
du progres, qu'elle est le sommet de tout un monde, qu'elle porte sur
son front l'immense lumiere libre, on affirme que John Brown ne mourra
pas, car on recule epouvante devant l'idee d'un si grand crime commis
par un si grand peuple!
Au point de vue politique, le meurtre de Brown serait une faute
irreparable. Il ferait a l'Union une fissure latente qui finirait par
la disloquer. Il serait possible que le supplice de Brown consolidat
l'esclavage en Virginie, mais il est certain qu'il ebranlerait toute
la democratie americaine. Vous sauvez votre honte, mais vous tuez
votre gloire.
Au point de vue moral, il semble qu'une partie de la lumiere
humaine s'eclipserait, que la notion meme du juste et de l'injuste
s'obscurcirait, le jour ou l'on verrait se consommer l'assassinat de
la Delivrance par la Liberte.
Quant a moi, qui ne suis qu'un atome, mais qui, comme tous les hommes,
ai en moi toute la conscience humaine, je m'agenouille avec larmes
devant le grand drapeau etoile du nouveau monde, et je supplie a mains
jointes, avec un respect profond et filial, cette illustre republique
americaine d'aviser au salut de la loi morale universelle, de sauver
John Brown, de jeter bas le menacant echafaud du 16 decembre, et de ne
pas permettre que, sous ses yeux, et, j'ajoute en fremissant, presque
par sa faute, le premier fratricide soit depasse.
Oui, que l'Amerique le sache et y songe, il y a quelque chose de plus
effrayant que Cain tuant Abel, c'est Washington tuant Spartacus.
VICTOR HUGO.
Hauteville-House, 2 decembre 1859.
John Brown fut pendu. Victor Hugo lui fit cette epitaphe: _Pro Christo
sicut Christus_. John Brown mort, la prophetie de Victor Hugo se
realisa. Deux ans apres la prediction qu'on vient de lire, l'Union
americaine "se disloqua". L'atroce guerre des Sudistes et des
Nordistes eclata.


1860
_Rentree a Jersey.--Garibaldi._

I
RENTREE A JERSEY

Le 18 juin 1860, on vit a Jersey une chose singuliere. Toutes les
murailles etaient couvertes d'une affiche ou on lisait: _Victor Hugo
is arrived_. Jersey, cinq ans auparavant, avait expulse Victor Hugo,
et maintenant toute la population de Jersey, en habit de fete, saluait
Victor Hugo dans les rues de Saint-Helier.
Voici ce qui s'etait passe.
C'etait le moment de cette merveilleuse expedition des Mille qui a
ebloui l'Europe. L'histoire n'a pas d'entr'actes. Les liberateurs se
suivent et se ressemblent, mais leurs destinees different. Apres John
Brown, Garibaldi. Il s'agissait d'aider Garibaldi dans son entreprise
superbe. Une vaste souscription s'organisa en Angleterre. Jersey
songea a Victor Hugo. On pensa que sa parole pouvait donner l'elan a
cette souscription. Toute l'ile avait maintenant honte de l'expulsion
de 1855. Une deputation, conduite par MM. Philippe Asplet et
Derbyshire, apporta a Victor Hugo une adresse signee de cinq cents
notables habitants de Jersey et le priant de rentrer dans l'ile et de
parler pour Garibaldi. Victor Hugo, le 18 juin 1860, rentra a Jersey,
et, au milieu d'une foule immense et emue, prononca les paroles qu'on
va lire.

Messieurs,
Je me rends a votre appel. Partout ou une tribune se dresse pour la
liberte et me reclame, j'arrive, c'est mon instinct, et je dis la
verite, c'est mon devoir. (_Ecoutez! ecoutez!_)
La verite, la voici: c'est qu'a cette heure il n'est permis a personne
d'etre indifferent aux grandes choses qui s'accomplissent; c'est
qu'il faut a l'oeuvre auguste de la delivrance universelle commencee
aujourd'hui l'effort de tous, le concours de tous, le coup de main de
tous; c'est que pas une oreille ne doit se fermer, c'est que pas un
coeur ne doit se taire; c'est que la ou s'eleve le cri de tous les
peuples il doit y avoir un echo dans les entrailles de tous les
hommes; c'est que celui qui n'a qu'un sou doit le donner aux
liberateurs, c'est que celui qui n'a qu'une pierre doit la jeter aux
tyrans. (_Applaudissements._)
Que les uns agissent, que les autres parlent, que tous travaillent!
oui, a la manoeuvre tous! Le vent souffle. Que l'encouragement public
aux heros soit la joie des ames! que les multitudes s'empourprent
d'enthousiasme comme une fournaise! Que ceux qui ne combattent pas
par l'epee, combattent par l'idee! Que pas une intelligence ne reste
neutre, que pas un esprit ne reste oisif! Que ceux qui luttent se
sentent regardes, aimes et appuyes! Qu'autour de cet homme vaillant
qui est debout la-bas dans Palerme il y ait un feu sur toutes les
montagnes de la Sicile et une lumiere sur tous les sommets de
l'Europe! (_Bravo!_)
Je viens de prononcer ce mot, les tyrans, ai-je exagere?
Ai-je calomnie le gouvernement napolitain? Pas de paroles. Voici des
faits.
Faites attention. Ceci est de l'histoire vivante; on pourrait dire, de
l'histoire saignante. (_Ecoutez!_)
Le royaume de Naples,--celui dont nous nous occupons en ce moment,--n'a
qu'une institution, la police. Chaque district a sa "commission de
bastonnade". Deux sbires, Ajossa et Maniscalco, regnent sous le roi;
Ajossa batonne Naples, Maniscalco batonne la Sicile. Mais le baton n'est
que le moyen turc; ce gouvernement a de plus le procede de l'inquisition,
la torture. Oui, la torture. Ecoutez. Un sbire, Bruno, attache les
accuses la tete entre les jambes jusqu'a ce qu'ils avouent. Un autre
sbire, Pontillo, les assied sur un gril et allume du feu dessous; cela
s'appelle "le fauteuil ardent". Un autre sbire, Luigi Maniscalco, parent
du chef, a invente un instrument; on y introduit le bras ou la jambe du
patient, on tourne un ecrou, et le membre est broye; cela se nomme "la
machine angelique". Un autre suspend un homme a deux anneaux par les
bras a un mur, par les pieds au mur de face; cela fait, il saute sur
l'homme et le disloque. Il y a les poucettes qui ecrasent les doigts de
la main; il y a le tourniquet serre-tete, cercle de fer comprime par une
vis, qui fait sortir et presque jaillir les yeux. Quelquefois on echappe;
un homme, Casimiro Arsimano, s'est enfui; sa femme, ses fils et ses
filles ont ete pris et assis a sa place sur le fauteuil ardent. Le cap
Zafferana confine a une plage deserte; sur cette plage des sbires
apportent des sacs; dans ces sacs il y a des hommes; on plonge le sac
sous l'eau et on l'y maintient jusqu'a ce qu'il ne remue plus; alors on
retire le sac et l'on dit a l'etre qui est dedans: avoue! S'il refuse,
on le replonge. Giovanni Vienna, de Messine, a expire de cette facon.
A Monreale, un vieillard et sa fille etaient soupconnes de patriotisme;
le vieillard est mort sous le fouet; sa fille, qui etait une femme grosse,
a ete mise nue et est morte sous le fouet. Messieurs, il y a un jeune
homme de vingt ans qui fait ces choses-la. Ce jeune homme s'appelle
Francois II. Cela se passe au pays de Tibere. (_Acclamations_.)
Est-ce possible? c'est authentique. La date? 1860. L'annee ou nous
sommes. Ajoutez a cela le fait d'hier, Palerme ecrasee d'obus, noyee
dans le sang, massacree;--ajoutez cette tradition epouvantable de
l'extermination des villes qui semble la rage maniaque d'une famille,
et qui dans l'histoire debaptisera hideusement cette dynastie et
changera Bourbon en Bomba. (_Hourras._)
Oui, un jeune homme de vingt ans commet toutes ces actions sinistres.
Messieurs, je le declare, je me sens pris d'une pitie profonde en
songeant a ce miserable petit roi. Quelles tenebres! C'est a l'age ou
l'on aime, ou l'on croit, ou l'on espere, que cet infortune torture et
tue. Voila ce que le droit divin fait d'une malheureuse ame. Le
droit divin remplace toutes les generosites de l'adolescence et du
commencement par les decrepitudes et les terreurs de la fin; il met la
tradition sanguinaire comme une chaine sur le prince et sur le peuple;
il accumule sur le nouveau venu du trone les influences de famille,
choses terribles! Otez Agrippine de Neron, defalquez Catherine de
Medicis de Charles IX, vous n'aurez plus peut-etre ni Charles IX
ni Neron. A la minute meme ou l'heritier du droit divin saisit le
sceptre, il voit venir a lui ces deux, vampires, Ajossa et Maniscalco,
que l'histoire connait, qui s'appellent ailleurs Narcisse et Pallas,
ou Villeroy et Bachelier; ces spectres s'emparent du triste enfant
couronne; la torture lui affirme qu'elle est le gouvernement, la
bastonnade lui declare qu'elle est l'autorite, la police lui dit:
je viens d'en haut; on lui montre d'ou il sort; on lui rappelle son
bisaieul Ferdinand 1er celui qui disait: le monde est regi par trois
F, _Festa, Farina, Forca_ [note: Fete, farine, fourche (potence).],
son aieul Francois Ier, l'homme des guets-apens, son pere Ferdinand
II, l'homme des mitraillades; voudra-t-il renier ses peres? On
lui prouve qu'il doit etre feroce par piete filiale; il obeit;
l'abrutissement du pouvoir absolu le stupefie; et c'est ainsi qu'il y
a des enfants monstrueux; et c'est ainsi que fatalement, helas! les
jeunes rois continuent les vieilles tyrannies. (_Mouvement prolonge._)
Il fallait delivrer ce peuple; je dirais presque, il fallait delivrer
ce roi. Garibaldi s'en est charge. (_Bravos_.)
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