Actes et Paroles, Volume 2 - 08

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sequestre, spolie; ils ont proscrit, banni, exile, expulse, deporte;
quand cela a ete fait, quand ils ont eu bien mis le pied sur la gorge
de l'humanite, quand ils ont entendu son dernier rale, ils ont dit
tout joyeux: c'est fini!--Et maintenant les voila dans la salle du
banquet. Les y voila, vainqueurs, enivres, tout-puissants, couronne en
tete, lauriers au front. C'est le festin de la grande noce. C'est
le mariage de la monarchie et du guet-apens, de la royaute et de
l'assassinat, du droit divin et du faux serment, de tout ce qu'ils
appellent auguste avec tout ce que nous appelons infame; mariage
hideux et splendide; sous leurs pieds est la fanfare; toutes les
trahisons et toutes les lachetes chantent l'epithalame. Oui, les
despotes triomphent; oui, les despotes rayonnent; oui, eux et leurs
sbires, eux et leurs complices, eux et leurs courtisans, eux et
leurs courtisanes, ils sont fiers, heureux, contents, gorges, repus,
glorieux; mais qu'est-ce que cela fait a la justice eternelle? Nations
opprimees, l'heure approche. Regardez bien cette fete; les lampions
et les lustres sont allumes, l'orchestre ne s'interrompt pas; les
panaches et l'or et les diamants brillent; la valetaille en uniforme,
en soutane ou en simarre se prosterne; les princes vetus de pourpre
rient et se felicitent; mais l'heure va sonner, vous dis-je; le fond
de la salle est plein d'ombre; et, voyez, dans cette ombre, dans cette
ombre formidable, la Revolution, couverte de plaies, mais vivante,
baillonnee, mais terrible, se dresse derriere eux, l'oeil fixe sur
vous, peuples, et agite dans ses deux mains sanglantes au-dessus de
leurs tetes des poignees de haillons arrachees aux linceuls des morts!


VI
LA GUERRE D'ORIENT
29 novembre 1854.

Proscrits,
L'anniversaire glorieux que nous celebrons en ce moment [note: La
revolution polonaise de 1830.] ramene la Pologne dans toutes les
memoires; la situation de l'Europe la ramene egalement dans les
evenements.
Comment? je vais essayer de vous le dire.
Mais d'abord, cette situation, examinons-la.
Au point ou elle en est, et en presence des choses decisives qui se
preparent, il importe de preciser les faits.
Commencons par faire justice d'une erreur presque universelle.
Grace aux nuages astucieusement jetes sur l'origine de l'affaire
par le gouvernement francais, et complaisamment epaissis par le
gouvernement anglais, aujourd'hui, en Angleterre comme en France, on
attribue generalement la guerre d'orient, ce desastre continental, a
l'empereur Nicolas. On se trompe. La guerre d'orient est un crime;
mais ce n'est point le crime de Nicolas. Ne pretons pas a ce riche.
Retablissons la verite.
Nous conclurons ensuite.
Citoyens, le 2 decembre 1851,--car il faut toujours remonter la, et,
tant que M. Bonaparte sera debout, c'est de cette source horrible que
sortiront tous les evenements, et tous les evenements, quels qu'ils
soient, ayant ce poison dans les veines, seront malsains et veneneux
et se gangreneront rapidement,--le 2 decembre donc, M. Bonaparte fait
ce que vous savez. Il commet un crime, erige ce crime en trone, et
s'assied dessus. Schinderhannes se declare Cesar. Mais a Cesar il faut
Pierre. Quand on est empereur, le Oui du peuple, c'est peu de chose;
ce qui importe, c'est le Oui du pape. Ce n'est pas tout d'etre
parjure, traitre et meurtrier, il faut encore etre sacre. Bonaparte le
Grand avait ete sacre. Bonaparte le Petit voulut l'etre.
La etait la question.
Le pape consentirait-il?
Un aide de camp, nomme de Cotte, un des hommes religieux du jour, fut
envoye a Antonelli, le Consalvi d'a present. L'aide de camp eut peu
de succes. Pie VII avait sacre Marengo; Pie IX hesita a sacrer le
boulevard Montmartre. Meler a ce sang et a cette boue la vieille
huile romaine, c'etait grave. Le pape fit le degoute. Embarras de M.
Bonaparte. Que faire? de quelle maniere s'y prendre pour decider Pie
IX? Comment decide-t-on une fille? comment decide-t-on un pape? Par un
cadeau. Cela est l'histoire.
UN PROSCRIT (_le citoyen Bianchi_): Ce sont les moeurs sacerdotales.
VICTOR HUGO, _s'interrompant_: Vous avez raison. Il y a longtemps que
Jeremie a crie a Jerusalem et que Luther a crie a Rome: Prostituee!
(_Reprenant._) M. Bonaparte, donc, resolut de faire un cadeau a M.
Mastai.
Quel cadeau?
Ceci est toute l'aventure actuelle.
Citoyens, il y a deux papes en ce moment, le pape latin et le pape
grec. Le pape grec, qui s'appelle aussi le czar, pese sur le sultan du
poids de toutes les Russies. Or le sultan, possedant la Judee, possede
le tombeau du Christ. Faites attention a ceci. Depuis des siecles la
grande ambition des deux catholicismes, grec et romain, serait de
pouvoir penetrer librement dans ce tombeau et d'y officier, non cote a
cote et fraternellement, mais l'un excluant l'autre, le latin excluant
le grec ou le grec excluant le latin. Entre ces deux pretentions
opposees que faisait l'islamisme? Il tenait la balance egale,
c'est-a-dire la porte fermee, et ne laissait entrer dans le tombeau
ni la croix grecque, ni la croix latine, ni Moscou, ni Rome. Grand
creve-coeur surtout pour le pape latin qui affecte la suprematie.
Donc, en these generale et en dehors meme de M. Bonaparte, quel
present offrir au pape de Rome pour le determiner a sacrer et
couronner n'importe quel bandit? Posez la question a Machiavel, il
vous repondra: "Rien de plus simple. Faire pencher a Jerusalem
la balance du cote de Rome; rompre devant le tombeau du Christ
l'humiliante egalite des deux croix; mettre l'eglise d'orient sous les
pieds de l'eglise d'occident; ouvrir la sainte porte a l'une et la
fermer a l'autre; faire une avanie au pape grec; en un mot, donner au
pape latin la clef du sepulcre."
C'est ce que Machiavel repondrait. C'est ce que M. Bonaparte a
compris; c'est ce qu'il a fait. On a appele cela, vous vous en
souvenez, l'affaire des Lieux-Saints.
L'intrigue a ete nouee. D'abord secretement. L'agent de M. Bonaparte a
Constantinople, M. de Lavalette, a demande de la part de son maitre,
au sultan, la clef du tombeau de Jesus pour le pape de Rome. Le
sultan, faible, trouble, ayant deja les vertiges de la fin de
l'islamisme, tiraille en deux sens contraires, ayant peur de Nicolas,
ayant peur de Bonaparte, ne sachant a quel empereur entendre, a lache
prise et a donne la clef. Bonaparte a remercie, Nicolas s'est fache.
Le pape grec a envoye au serail son legat _a latere_, Menschikoff, une
cravache a la main. Il a exige, en compensation de la clef donnee a M.
Bonaparte pour le pape de Rome, des choses plus solides, a peu pres
tout ce qui pouvait rester de souverainete au sultan; le sultan a
refuse; la France et l'Angleterre ont appuye le sultan, et vous savez
le reste. La guerre d'orient a eclate.
Voila les faits.
Rendons a Cesar ce qui est a Cesar et ne donnons pas a Nicolas ce qui
est au Deux-Decembre. La pretention de M. Bonaparte a etre sacre a
tout fait. L'affaire des Lieux-Saints et la clef, c'est la l'origine
de tout.
Maintenant, ce qui est sorti de cette clef, le voici:
A l'heure qu'il est, l'Asie Mineure, les iles d'Aland, le Danube, la
Tchernaia, la mer Blanche et la mer Noire, le nord et le midi voient
des villes, florissantes il y a quelques mois encore, s'en aller en
cendre et en fumee. A l'heure qu'il est Sinope est brulee, Bomarsund
est brulee, Silistrie est brulee, Varna est brulee, Kola est brulee,
Sebastopol brule. A l'heure qu'il est, par milliers, bientot par
cent mille, les francais, les anglais, les turcs, les russes,
s'entr'egorgent en orient devant un monceau de ruines. L'arabe vient
du Nil pour se faire tuer par le tartare qui vient du Volga; le
cosaque vient des steppes pour se faire tuer par l'ecossais qui vient
des highlands. Les batteries foudroient les batteries, les poudrieres
sautent, les bastions s'ecroulent, les redoutes s'effondrent, les
boulets trouent les vaisseaux; les tranchees sont sous les bombes,
les bivouacs sont sous les pluies; le typhus, la peste et le cholera
s'abattent avec la mitraille sur les assiegeants, sur les assieges,
sur les camps, sur les flottes, sur la garnison, sur la ville ou
toute une population, femmes, enfants, vieillards, agonise. Les obus
ecrasent les hopitaux; un hopital prend feu, et deux mille malades
sont "calcines", dit un bulletin. Et la tempete s'en mele, c'est la
saison; la fregate turque _Bahira_ sombre sous voiles, le deux-ponts
egyptien _Abad-i-Djihad_ s'engloutit pres d'Eniada avec sept cents
hommes, les coups de vent dematent la flotte, le navire a helice _le
Prince_, la fregate _la Nymphe des mers_, quatre autres steamers de
guerre coulent bas, _le Sans-Pareil, le Samson, l'Agamemnon_, se
brisent aux bas-fonds dans l'ouragan, _la Retribution_ n'echappe qu'en
jetant ses canons a la mer, le vaisseau de cent canons _le Henri IV_
perit pres d'Eupatoria, l'aviso a roues _le Pluton_ est desempare,
trente-deux transports charges d'hommes font cote, et se perdent. Sur
terre les melees deviennent chaque jour plus sauvages; les russes
assomment les blesses a coups de crosse; a la fin des journees, les
tas de morts et de mourants empechent l'infanterie de manoeuvrer;
le soir, les champs de bataille font frissonner les generaux. Les
cadavres anglais et francais et les cadavres russes y sont meles comme
s'ils se mordaient.--_Je n'ai jamais rien vu de pareil_ [note: Voir
aux notes.], s'ecrie le vieux lord Raglan, qui a vu Waterloo. Et
cependant on ira plus loin encore; on annonce qu'on va employer contre
la malheureuse ville les moyens "nouveaux" qu'on tenait "en reserve"
et dont on fremissait. Extermination, c'est le cri de cette guerre. La
tranchee seule coute cent hommes par jour. Des rivieres de sang humain
coulent; une riviere de sang a Alma, une riviere de sang a Balaklava,
une riviere de sang a Inkermann; cinq mille hommes tues le 20
septembre, six mille le 25 octobre, quinze mille le 5 novembre. Et
cela ne fait que commencer. On envoie des armees, elles fondent.
C'est bien. Allons, envoyez-en d'autres! Louis Bonaparte redit a
l'ex-general Canrobert le mot imbecile de Philippe IV a Spinola:
_Marquis, prends Breda_. Sebastopol etait hier une plaie, aujourd'hui
c'est un ulcere, demain ce sera un cancer; et ce cancer devore la
France, l'Angleterre, la Turquie et la Russie. Voila l'Europe des
rois. O avenir! quand nous donneras-tu l'Europe des peuples?
Je continue.
Sur les navires, apres chaque affaire, des chargements de blesses qui
font horreur. Pour ne citer que les chiffres que je sais, et je n'en
sais pas la dixieme partie, quatre cents blesses sur _le Panama_,
quatre cent quarante-neuf sur _le Colombo_ qui remorquait deux
transports egalement charges et dont j'ignore les chiffres, quatre
cent soixante-dix sur _le Vulcain_, quinze cents sur _le Kanguroo_. On
est blesse en Crimee, on est panse a Constantinople. Deux cents lieues
de mer, huit jours entre la blessure et le pansement. Chemin faisant,
pendant la traversee, les plaies abandonnees deviennent effroyables;
les mutiles qu'on transporte sans assistance, sans secours,
miserablement entasses les uns sur les autres, voient les lombrics,
cette vermine du sepulcre, sortir de leurs jambes brisees, de leurs
cotes enfoncees, de leurs cranes fendus, de leurs ventres ouverts; et,
sous ce fourmillement horrible, ils pourrissent avant d'etre morts
dans les entre-ponts pestilentiels des steamers-ambulances, immenses
fosses communes pleines de vivants manges de vers. (_Victor Hugo
s'interrompant_:)--Je n'exagere point. J'ai la les journaux anglais,
les journaux ministeriels. Lisez vous-memes. (_L'orateur_ agite une
liasse de journaux._ [Note: Voir aux Notes.]).--Oui, j'insiste, pas
de secours. Quatre chirurgiens, sur _le Vulcain_, quatre chirurgiens
sur _le Colombo_, pour neuf cent dix-neuf mourants! Quant aux turcs,
on ne les panse pas du tout. Ils deviennent ce qu'ils peuvent [note:
_Id._].--Je ne suis qu'un demagogue et un buveur de sang, je le sais
bien, mais j'aimerais mieux moins de caisses de medailles benites au
camp de Boulogne, et plus de medecins au camp de Crimee.
Poursuivons.
En Europe, en Angleterre, en France, le contre-coup est terrible.
Faillites sur faillites, toutes les transactions suspendues, le
commerce agonisant, l'industrie morte. Les folies de la guerre
s'etalent, les trophees presentent leur bilan. Pour ce qui est de la
Baltique seulement, et en calculant ce qui a ete depense rien que pour
cette campagne, chacun des deux mille prisonniers russes ramenes de
Bomarsund coute a la France et a l'Angleterre trois cent trente-six
mille francs par tete. En France, la misere. Le paysan vend sa vache
pour payer l'impot et donne son fils pour nourrir la guerre,--son
fils! sa chair! Comment se nomme cette chair, vous le savez, l'oncle
l'a baptisee. Chaque regime voit l'homme a son point de vue. La
republique dit chair du peuple; l'empire dit chair a canon.--Et la
famine complete la misere. Comme c'est avec la Russie qu'on se bat,
plus de ble d'Odessa. Le pain manque. Une espece de Buzancais couve
sous la cendre populaire et jette ses etincelles ca et la. A Boulogne,
l'emeute de la faim, reprimee par les gendarmes. A Saint-Brieuc, les
femmes s'arrachent les cheveux et crevent les sacs de grains a coups
de ciseaux. Et levees sur levees. Emprunts sur emprunts. Cent quarante
mille hommes cette annee seulement, pour commencer. Les millions
s'engouffrent apres les regiments. Le credit sombre avec les flottes.
Telle est la situation.
Tout ceci sort du Deux-Decembre.
Nous, proscrits dont le coeur saigne de toutes les plaies de la patrie
et de toutes les douleurs de l'humanite, nous considerons cet etat de
choses lamentable avec une angoisse croissante.
Insistons-y, repetons-le, crions-le, et qu'on le sache et qu'on ne
l'oublie plus desormais, je viens de le demontrer les faits a la main,
et cela est incontestable, et l'histoire le dira, et je defie qui que
ce soit de le nier, tout ceci sort du Deux-Decembre.
Otez l'intrigue dite affaire des Lieux-Saints, otez la clef,
otez l'envie de sacre, otez le cadeau a faire au pape, otez le
Deux-Decembre, otez M. Bonaparte; vous n'avez pas la guerre d'orient.
Oui, ces flottes, les plus magnifiques qu'il y ait au monde, sont
humiliees et amoindries; oui, cette genereuse cavalerie anglaise est
exterminee; oui, les ecossais gris, ces lions de la montagne; oui, nos
zouaves, nos spahis, nos chasseurs de Vincennes, nos admirables et
irreparables regiments d'Afrique sont sabres, haches, aneantis; oui,
ces populations innocentes,--et dont nous sommes les freres, car
il n'y a pas d'etrangers pour nous,--sont ecrasees; oui, parmi tant
d'autres, ce vieux general Cathcart et ce jeune capitaine Nolan,
l'honneur de l'uniforme anglais, sont sacrifies; oui, les entrailles
et les cervelles, arrachees et dispersees par la mitraille, pendent
aux broussailles de Balaklava ou s'ecrasent aux murs de Sebastopol;
oui, la nuit, les champs de bataille pleins de mourants hurlent comme
des betes fauves; oui, la lune eclaire cet epouvantable charnier
d'Inkermann ou des femmes, une lanterne a la main, errent ca et la
parmi les morts, cherchant leurs freres ou leurs maris, absolument
comme ces autres femmes qui, il y a trois ans, dans la nuit du 4
decembre, regardaient l'un apres l'autre les cadavres du boulevard
Montmartre [note: Voir aux Notes.]; oui, ces calamites couvrent
l'Europe; oui, ce sang, tout ce sang ruisselle en Crimee; oui, ces
veuves pleurent, oui, ces meres se tordent les bras,--parce qu'il a
pris fantaisie a M. Bonaparte, l'assassin de Paris, de se faire benir
et sacrer par M. Mastai, l'etouffeur de Rome!
Et maintenant, meditons un moment, cela en vaut la peine.
Certes, si parmi les intrepides regiments francais qui, cote a cote
avec la vaillante armee anglaise, luttent devant Sebastopol contre
toute la force russe, si, parmi ces combattants heroiques, il y a
quelques-uns de ces tristes soldats qui, en decembre 1851, entraines
par des generaux infames, ont obei aux lugubres consignes du
guet-apens, les larmes nous viennent aux yeux, nos vieux coeurs
francais s'emeuvent, ce sont des fils de paysans, ce sont des fils
d'ouvriers, nous crions pitie! nous disons: ils etaient ivres, ils
etaient aveugles, ils etaient ignorants, ils ne savaient ce qu'ils
faisaient! et nous levons les mains au ciel, et nous supplions pour
ces infortunes. Le soldat, c'est l'enfant; l'enthousiasme en fait un
heros; l'obeissance passive peut en faire un bandit; heros, d'autres
lui volent sa gloire; bandit, que d'autres aussi prennent sa faute.
Oui, devant le mysterieux chatiment qui commence, mon Dieu! grace pour
les soldats; mais quant aux chefs, faites!
Oui, proscrits, laissons faire le juge. Et voyez! La guerre d'orient,
je viens de vous le rappeler, c'est le fait meme du Deux-Decembre
arrive pas a pas, et de transformation en transformation, a sa
consequence logique, l'embrasement de l'Europe. O profondeur
vertigineuse de l'expiation! le Deux-Decembre se retourne, et le voici
qui, apres avoir tue les notres, depeche les siens. Il y a trois ans,
il se nommait coup d'etat et il assassinait Baudin; aujourd'hui il se
nomme guerre d'orient, et il execute Saint-Arnaud. La balle qui, dans
la nuit du 4, sur l'ordre de Lourmel, tua Dussoubs devant la barricade
Montorgueil, ricoche dans les tenebres selon on ne sait quelle loi
formidable et revient fusiller Lourmel en Crimee. Nous n'avons pas a
nous occuper de cela. Ce sont les coups sinistres de l'eclair; c'est
l'ombre qui frappe; c'est Dieu.
La justice est un theoreme; le chatiment est rigide comme Euclide; le
crime a ses angles d'incidence et ses angles de reflexion; et nous,
hommes, nous tressaillons quand nous entrevoyons dans l'obscurite
de la destinee humaine les lignes et les figures de cette geometrie
enorme que la foule appelle hasard et que le penseur appelle
providence.
Le curieux, disons-le en passant, c'est que la clef est inutile. Le
pape, voyant hesiter l'Autriche, et d'ailleurs, flairant sans doute la
chute prochaine, persiste a reculer devant M. Bonaparte. M. Bonaparte
ne veut pas tomber de M. Mastai a M. Sibour; et il en resulte qu'il
n'est pas sacre et qu'il ne le sera pas; car, a travers tout ceci, la
providence rit de son rire terrible.
Je viens d'exposer la situation, citoyens. A present,--et c'est par
la que je veux terminer, et ceci me ramene a l'objet special de cette
solennelle reunion,--cette situation, si grave pour les deux grands
peuples, car l'Angleterre y joue son commerce et l'orient, car la
France y joue son honneur et sa vie, cette situation redoutable,
comment en sortir? La France a un moyen: se delivrer, chasser le
cauchemar, secouer l'empire accroupi sur sa poitrine, remonter a
la victoire, a la puissance, a la preeminence, par la liberte.
L'Angleterre en a un autre, finir par ou elle aurait du commencer; ne
plus frapper le czar au talon de sa botte, comme elle le fait en ce
moment, mais le frapper au coeur, c'est-a-dire soulever la Pologne.
Ici, a cette meme place, il y a un an precisement aujourd'hui, je
donnais a l'Angleterre ce conseil, vous vous en souvenez. A cette
occasion, les journaux qui soutiennent le cabinet anglais m'ont
qualifie d' "orateur chimerique", et voici que l'evenement confirme
mes paroles. La guerre en Crimee fait sourire le czar, la guerre en
Pologne le ferait trembler. Mais la guerre en Pologne, c'est une
revolution? Sans doute. Qu'importe a l'Angleterre? Qu'importe a cette
grande et vieille Angleterre? Elle ne craint pas les revolutions,
ayant la liberte. Oui, mais M. Bonaparte, etant le despotisme, les
craint, lui, et il ne voudra pas! C'est donc a M. Bonaparte, et a
sa peur personnelle des revolutions, que l'Angleterre sacrifie ses
armees, ses flottes, ses finances, son avenir, l'Inde, l'Orient,
tous ses interets. Avais-je tort de le dire il y a deux mois? pour
l'Angleterre, l'alliance de M. Bonaparte n'est pas seulement une
diminution morale, c'est une catastrophe.
C'est l'alliance de M. Bonaparte qui depuis un an fait faire fausse
route a tous les interets anglais dans la guerre d'orient. Sans
l'alliance de M. Bonaparte, l'Angleterre aurait aujourd'hui un succes
en Pologne, au lieu d'un echec, d'un desastre peut-etre, en Crimee.
N'importe. Ce qui est dans les choses ne peut point n'en pas sortir.
Les situations ont leur logique qui finit toujours par avoir le
dernier mot. La guerre en Pologne, c'est-a-dire, pour employer le mot
transparent adopte par le cabinet anglais, un _systeme d'agression
franchement continental_, est desormais inevitable. C'est l'avenir
immediat. Au moment ou je parle, lord Palmerston en cause aux
Tuileries avec M. Bonaparte. Et, citoyens, ce sera la ma derniere
parole, la guerre en Pologne, c'est la revolution en Europe.
Ah! que la destinee s'accomplisse!
Ah! que la fatalite soit sur ces hommes, sur ces bourreaux, sur ces
despotes, qui ont arrache a tant de peuples, a tant de nobles peuples
leurs sceptres de nations!--Je dis le sceptre, et non la vie.--Car,
proscrits, comme il faut le repeter sans cesse pour consterner les
lachetes et pour relever les courages, la mort apparente des peuples,
si livide qu'elle soit, si glacee qu'elle semble, est un avatar et
couvre le mystere d'une incarnation nouvelle. La Pologne est dans le
sepulcre, mais elle a le clairon a la main; la Hongrie est sous le
suaire, mais elle a le sabre au poing; l'Italie est dans la tombe,
mais elle a la flamme au coeur; la France est dans la fosse, mais
elle a l'etoile au front. Et, tous les signes nous l'annoncent, au
printemps prochain, au printemps, heure des resurrections comme
le matin est l'heure des reveils, amis, toute la terre fremira
d'eblouissement et de joie, quand, se dressant subitement, ces grands
cadavres ouvriront tout a coup leurs grandes ailes!


VII

Les paroles de Victor Hugo emurent le parlement. Un membre de la
majorite, familier des Tuileries, somma le gouvernement anglais de
mettre fin a la "querelle personnelle" entre M. Louis Bonaparte et M.
Victor Hugo. Victor Hugo sentit qu'il etait necessaire que le proscrit
remit a sa place l'empereur et qu'il fallait rendre a M. Bonaparte
le sentiment de sa situation vraie; et il publia dans les journaux
anglais ce qu'on va lire:

AVERTISSEMENT
Je previens M. Bonaparte que je me rends parfaitement compte des
ressorts qu'il fait mouvoir et qui sont a sa taille, et que j'ai lu
avec interet les choses dites a mon sujet, ces jours passes, dans le
parlement anglais. M. Bonaparte m'a chasse de France pour avoir pris
les armes contre son crime, comme c'etait mon droit de citoyen et
mon devoir de representant du peuple; il m'a chasse de Belgique pour
_Napoleon le Petit_; il me chassera peut-etre d'Angleterre pour les
protestations que j'y ai faites, que j'y fais et que je continuerai
d'y faire. Cela regarde l'Angleterre plus que moi. Un triple exil
n'est rien. Quant a moi, l'Amerique est bonne, et, si elle convient a
M. Bonaparte, elle me convient aussi. J'avertis seulement M. Bonaparte
qu'il n'aura pas plus raison de moi, qui suis l'atome, qu'il n'aura
raison de la verite et de la justice qui sont Dieu meme. Je declare
au Deux-Decembre en sa personne que l'expiation viendra, et que, de
France, de Belgique, d'Angleterre, d'Amerique, du fond de la tombe, si
les ames vivent, comme je le crois et l'affirme, j'en haterai l'heure.
M. Bonaparte a raison, il y a en effet entre moi et lui une "querelle
personnelle", la vieille querelle personnelle du juge sur son siege et
de l'accuse sur son banc.
VICTOR HUGO.
Jersey, 22 decembre 1854.


1855

_Ce que pourrait etre l'Europe. Ce qu'elle est. Suite des
complaisances de l'Angleterre pour l'empire. L'empereur recu a
Londres. Les proscrits chasses de Jersey_.

I
SIXIEME ANNIVERSAIRE DU 24 FEVRIER 1848
24 fevrier 1855.

Proscrits,
Si la revolution, inauguree il y a sept ans a pareil jour a l'Hotel
de Ville de Paris, avait suivi son cours naturel, et n'avait pas ete,
pour ainsi dire, des le lendemain meme de son avenement, detournee de
son but; si la reaction d'abord, Louis Bonaparte ensuite, n'avaient
pas detruit la republique, la reaction par ruse et lent empoisonnement,
Louis Bonaparte par escalade nocturne, effraction, guet-apens et
meurtre; si, des les jours eclatants de Fevrier, la republique avait
montre son drapeau sur les Alpes et sur le Rhin et jete au nom de la
France a l'Europe ce cri: Liberte! qui eut suffi a cette epoque, vous
vous en souvenez tous, pour consommer sur le vieux continent le
soulevement de tous les peuples et achever l'ecroulement de tous les
trones; si la France, appuyee sur la grande epee de 92, eut donne aide,
comme elle le devait, a l'Italie, a la Hongrie, a la Pologne, a la
Prusse, a l'Allemagne; si, en un mot, l'Europe des peuples eut succede
en 1848 a l'Europe des rois, voici quelle serait aujourd'hui, apres
sept annees de liberte et de lumiere, la situation du continent.
On verrait ceci:
Le continent serait un seul peuple; les nationalites vivraient de leur
vie propre dans la vie commune; l'Italie appartiendrait a l'Italie, la
Pologne appartiendrait a la Pologne, la Hongrie appartiendrait a la
Hongrie, la France appartiendrait a l'Europe, l'Europe appartiendrait
a l'Humanite.
Plus de Rhin, fleuve allemand; plus de Baltique et de mer Noire, lacs
russes; plus de Mediterranee, lac francais; plus d'Atlantique, mer
anglaise; plus de canons au Sund et a Gibraltar; plus de kammerlicks
aux Dardanelles. Les fleuves libres, les detroits libres, les oceans
libres.
Le groupe europeen n'etant plus qu'une nation, l'Allemagne serait a la
France, la France serait a l'Italie ce qu'est aujourd'hui la Normandie
a la Picardie et la Picardie a la Lorraine. Plus de guerre; par
consequent plus d'armee. Au seul point de vue financier, benefice net
par an pour l'Europe, quatre milliards. [Note: Pour la France, plus de
liste civile, plus de clerge paye, plus de magistrature inamovible,
plus d'administration centralisee, plus d'armee permanente; benefice
net par an: 800 millions. 2 millions par jour.].
Plus de frontieres, plus de douanes, plus d'octrois; le libre echange;
flux et reflux gigantesque de numeraire et de denrees, industrie
et commerce vingtuples; bonification annuelle pour la richesse du
continent, au moins dix milliards. Ajoutez les quatre milliards de
la suppression des armees, plus deux milliards au moins gagnes par
l'abolition des fonctions parasites sur tout le continent, y compris
la fonction de roi, cela fait tous les ans un levier de seize
milliards pour soulever les questions economiques. Une liste civile
du travail, une caisse d'amortissement de la misere epuisant les
bas-fonds du chomage et du salariat avec une puissance de seize
milliards par an. Calculez cette enorme production de bien-etre.
Je ne developpe pas.
Une monnaie continentale, a double base metallique et fiduciaire,
ayant pour point d'appui le capital Europe tout entier et pour moteur
l'activite libre de deux cents millions d'hommes, cette monnaie, une,
remplacerait et resorberait toutes les absurdes varietes monetaires
d'aujourd'hui, effigies de princes, figures des miseres, varietes qui
sont autant de causes d'appauvrissement; car, dans le va-et-vient
monetaire, multiplier la variete, c'est multiplier le frottement;
multiplier le frottement, c'est diminuer la circulation. En monnaie,
comme en toute chose, circulation, c'est unite.
La fraternite engendrerait la solidarite; le credit de tous serait la
propriete de chacun, le travail de chacun, la garantie de tous.
Liberte d'aller et venir, liberte de s'associer, liberte de posseder,
liberte d'enseigner, liberte de parler, liberte d'ecrire, liberte
de penser, liberte d'aimer, liberte de croire, toutes les libertes
feraient faisceau autour du citoyen garde par elles et devenu
inviolable.
Aucune voie de fait, contre qui que ce soit; meme pour amener le
bien. Car a quoi bon? Par la seule force des choses, par la simple
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