La Bible d'Amiens - 12

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que sa nature ne dépend pas comme celle d'un moustique des brouillards
d'un marais, ni comme celle d'une taupe des éboulements d'un terrier,
mais a été dotée de sens pour discerner, et d'instinct pour adopter
les conditions qui lui feront tirer de sa vie le meilleur parti possible
est très nécessairement ignoré par les philosophes qui proposent à
l'humanité, comme un bel accomplissement de ses destinées, une vie
alimentée par le bavardage scientifique dans une cave éclairée par
des étincelles électriques, chauffée par des conduites de vapeur, où
le drainage est confié à des rivières enfouies, et que l'entremise de
races moins instruites, et mieux approvisionnées, nourrit d'extrait de
bœuf et de crocodile mis en pot[113].
2. De ces conceptions chimiquement analytiques d'un Paradis dans les
catacombes, qui n'est troublé dans ses vertus alcalines ou acides ni
par la crainte de la Divinité, ni par l'espoir de la vie future, je ne
sais jusqu'à quel point le lecteur moderne pourra consentir à
s'abstraire quelque temps pour entendre parler d'hommes qui dans leurs
jours les plus sombres et les moins sensés cherchèrent par leur labeur
à faire du désert même le jardin du Seigneur et par leur amour à
mériter la permission de vivre avec lui pour toujours.
Et pourtant jusqu'ici ce n'est jamais que dans un tel travail et dans
une telle espérance que l'homme a pu trouver le bonheur, le talent et
la vertu; et même à la veille de la nouvelle loi et au seuil du
Chanaan promis, riche en béatitudes de fer, de vapeur et de feu, il en
est çà et là quelques-uns parmi nous qui dans un sentiment de piété
filiale s'arrêteront pour jeter un regard en arrière vers cette
solitude du Sinaï, où leurs pères adorèrent et moururent.
3. Même en admettant pour le moment que les larges rues de Manchester,
le district qui entoure immédiatement la Banque de Londres, la Bourse
et les boulevards de Paris, fassent déjà partie du futur royaume du
Ciel où la Terre sera tout Bourse et Boulevards, l'Univers dont nos
pères nous entretiennent était divisé selon eux, comme vous le savez
déjà, à la fois en zones climatériques, en races, en périodes
historiques, et les circonstances dans lesquelles une créature humaine
a été appelée à la vie devaient être considérées sous ces trois
chefs: Sous quel climat est-il né? De quelle race? À quelle époque?
Il ne saurait être autre chose que ce que ces conditions lui permettent
d'être. C'est en se référant à celle-ci qu'il doit être
entendu--compris, s'il est possible;--jugé--par notre amour
d'abord--par notre pitié, s'il en a besoin, par notre humilité en fin
de compte et toujours.
4. Pour en arriver là il est évidemment nécessaire que nous ayons
pour commencer des cartes véridiques du monde et pour finir des cartes
véridiques de nos propres cœurs; et ni les unes ni les autres de ces
cartes ne sont faciles à tracer en aucun temps et moins que jamais
peut-être aujourd'hui où l'objet d'une carte est principalement
d'indiquer les hôtels et les chemins de fer, et où des sept péchés
mortels l'humilité est tenue pour le plus déplaisant et le plus
méprisable.
5. Ainsi au début de l'histoire d'Angleterre de Sir Edward Creasy vous
trouvez une carte dont l'objet est de mettre en évidence les
possessions de la nation britannique, et qui fait ressortir la conduite
extrêmement sage et courtoise de M. Fox envers un Français de la suite
de Napoléon, quand, «s'avançant vers un globe terrestre d'une
dimension et d'une netteté peu communes et l'entourant de ses bras
passés à la fois autour des océans et sur les Indes» il lui fît
observer dans cette attitude impressionnante que «tant que les Anglais
vivraient, ils s'étendraient sur le monde entier et l'enserreraient
dans le cercle de leur puissance».
6. Enflammé par l'enthousiasme de M. Fox, Sir Edward qui, à cette
exception près, se fait rarement remarquer par sa fougue, nous dit
alors «que notre home insulaire est la demeure favorite de la liberté,
de la domination et de la gloire».
Il ne se donne pas à lui-même ni à ses lecteurs l'ennui de se
demander combien de temps les nations assujetties par le peuple libre
que nous sommes et de l'opprobre desquelles est faite notre gloire,
pourront trouver leur satisfaction dans cet arrangement du globe et de
ses affaires; ou même si dès à présent la méthode qu'il emploie
dans le tracé des cartes, ne peut pas suffit à les convaincre de la
situation avilisante qu'elles y occupent.
Car la carte, étant dessinée d'après le système de projection de
Mercator, se trouve représenter les possessions britanniques en
Amérique comme ayant deux fois la dimension des États-Unis et comme
considérablement plus grandes que toute l'Amérique du Sud ensemble,
tandis que le cramoisi éclatant dont toute notre propriété foncière
est teinte ne peut que graver profondément dans l'esprit de l'innocent
lecteur l'impression d'un flux universel de liberté et de gloire
s'élançant à travers tous ces champs et de tous ces espaces.
Aussi est-il peu probable qu'il aille chicaner sur des résultats aussi
merveilleux et chercher à s'instruire sur la nature et le degré de
perfection du gouvernement que nous exerçons dans tel lieu ou dans tel
autre, par exemple en Irlande, aux Hébrides ou au Cap.
7. Dans le chapitre qui termine le premier volume des _Lois de Fiesole_,
j'ai posé les principes mathématiques du tracé exact des
cartes,--principes que pour beaucoup de raisons il est bon que mes
jeunes lecteurs apprennent et dont le plus important est que vous ne
pouvez pas rendre plane l'écorce d'une orange sans l'ouvrir et que vous
ne devez pas, si vous dessinez des pays sur l'écorce non entamée, les
étendre ensuite pour remplir les vides.
L'orgueil britannique qui ne se refuse pas le luxe de Walter Scott et de
Shakespeare à un penny, pourra assurément dans sa grandeur future se
rendre possesseur d'univers à un penny pirouettant convenablement sur
leur axe. Je peux donc supposer que mes lecteurs pourront suivre sur une
sphère pendant que je parlerai du globe terrestre; et sur un tracé
convenablement réduit de ses surfaces pendant que je parlerai d'un
pays.
8. Si le lecteur peut les avoir maintenant sous les yeux ou au moins
recourir à une carte bien dessinée des deux hémisphères avec des
méridiens convergents, je le prierai d'abord de remarquer que, bien que
l'ancienne division du monde en quatre quartiers soit à peu près
effacée aujourd'hui par l'émigration et le câble transatlantique,
pourtant la grande question qui domine l'histoire du globe n'est pas de
savoir comment il est divisé ici et là, au gré des rentrants et des
saillies de terre et de mer mais comment il est divisé en zones de
latitude par les lois irrésistibles de la lumière et de l'air. Il n'y
a souvent qu'un intérêt très secondaire à savoir si un homme est
Américain ou Africain, Européen ou Asiatique; mais c'est un point d'un
intérêt extrême et décisif de savoir s'il est Brésilien ou Patagon,
Japonais ou Samoyède.
9. Au cours du dernier chapitre j'ai demandé au lecteur de bien retenir
la conception de la grande division climatérique qui séparait les
races errantes de Norvège et de Sibérie des nations tranquillement
sédentaires de Bretagne, de Gaule, de Germanie et de Dacie.
Fixez maintenant cette division dans votre esprit d'une manière
définitive en dessinant même grossièrement le cours de deux fleuves,
auxquels habituellement pensent peu les géographes, mais qui sont d'une
indicible importance dans l'histoire de l'humanité, la Vistule et le
Dniester.
10. Ils prennent leur source à trente milles l'un de l'autre[114] et
chacun coule, ses trois cents milles (sans compter les détours)--la
Vistule au nord-ouest, le Dniester au sud-est; les deux ensemble coupent
l'Europe au cou pour ainsi dire et séparent, pour examiner la chose
d'une manière plus profonde, l'Europe proprement dite (celle même
d'Europe et de Jupiter) le petit fragment éducable, civilisable, et
d'une mentalité plus ou moins raisonnable du globe,--du grand désert
moscovite, tant Cis-Ouralien que Trans-Ouralien; l'espace chaotique que
nous ne pouvons concevoir, occupé depuis des temps indéterminés et
sans histoire par des Scythes, des Tartares, des Huns, des Cosaques, des
Ours, des Hermines et des Mammouths, avec une épaisseur variable de
peau, un engourdissement variable du cerveau et des souffrances diverses
selon qu'ils étaient sédentaires ou errants. Aucune histoire valant la
peine d'être retracée ne s'y rattache; car la force de la Scandinavie
n'a jamais cherché son issue par l'isthme de Finlande, mais a toujours
navigué à grand renfort de barques et de rames à travers la Baltique
ou en descendant la côte rocheuse ouest; et la pression des glaces
sibériennes et russes amène simplement les races réellement
mémorables à un plus haut degré de concentration, et les pétrit en
masses exploratrices rendues par la nécessité plus farouches.
Mais par ces masses exploratrices, de vraie naissance européenne, notre
propre histoire fut façonnée pour toujours; et par conséquent, ces
deux fleuves frontière et barrière devront être marqués sur votre
carte avec une clarté extrême: la Vistule, avec Varsovie à cheval sur
elle à la moitié de son cours, qui se jette, dans la Baltique, le
Dniester, dans l'Euxin, le cours de chacun d'eux mesurant en ligne
droite une distance égale à celle d'Édimbourg à Londres. Et si on
tient compte des méandres[115], la Vistule, 600 milles, le Dniester,
500[116]; mis bout à bout ils forment un fossé de 1.000 milles entre
l'Europe et le désert, allant de Dantzick à Odessa.
11. Votre Europe ainsi enfermée par ce fossé dans un espace clair et
distinct, vous aurez ensuite à fixer les frontières qui séparent les
quatre contrées gothiques, la Bretagne, la Gaule, la Germanie et la
Dacie, des quatre contrées classiques, l'Espagne, l'Italie, la Grèce,
la Lydie. Il n'y a généralement pas d'autre terme opposé à gothique
que classique; je l'emploie volontiers par amour des divisions pratiques
et de la clarté, bien que sa signification précise doive rester pour
quelque temps encore indéterminée. Mettez bien seulement la
géographie dans votre tête et la nomenclature se placera à son heure.
12. En gros, vous avez la mer entre la Bretagne et l'Espagne, les
Pyrénées entre la Gaule et l'Espagne, les Alpes entre la Germanie et
l'Italie, le Danube entre la Dacie et la Grèce. Vous devez considérer
tout ce qui est au sud du Danube comme Grec, diversement influencé par
Athènes d'un côté et Byzance de l'autre; puis de l'autre côté de la
mer Égée, vous avez la vaste contrée absurdement appelée Asie
Mineure (car nous pourrions tout aussi bien appeler la Grèce, l'Europe
Mineure, ou la Cornouailles, l'Angleterre Mineure), mais dont il faut se
souvenir comme étant la «Lydie» la contrée qui éveille la passion
et tente par la richesse, qui enseigna aux Lydiens la mesure en musique
et adoucit le langage grec sur les confins de l'Ionie, qui a donné à
l'histoire ancienne tout ce qui se rattache à Troie, et à l'histoire
chrétienne, la grandeur et le déclin des sept Églises[117].
13. Placés au sud en face de ces quatre pays, mais séparés d'eux par
la mer ou le désert, il y en a quatre autres, dont il est aussi facile
de se souvenir--le Maroc, la Libye, l'Égypte et l'Arabie.
Le Maroc consiste essentiellement dans la chaîne de l'Atlas, et dans
les côtes qui en dépendent; le plus simple est de vous le rappeler
comme comprenant le Maroc moderne et l'Algérie, avec, comme
dépendance, le groupe des îles Canaries.
La Lybie, de même, comprendra la Tunisie moderne, Tripoli: vous la
ferez commencer à l'ouest avec Hippone, la ville de saint Augustin; sa
côte colonisée par Tyr et par la Grèce, la partage en deux districts,
celui de Carthage et celui de Cyrène. L'Égypte, le pays du fleuve, et
l'Arabie, le pays sans fleuve, resteront dans votre esprit comme les
deux grands foyers méridionaux de religion non chrétienne.
14. Vous avez ainsi, faciles à se rappeler clairement, douze contrées
à jamais distinctes de par les lois naturelles, et formant trois zones
du nord au sud, toutes saines et habitées, mais les races de l'extrême
nord habituées à supporter le froid, celles de la zone centrale
rendues plus parfaites par la jouissance d'un soleil semblable l'été
et l'hiver, celles de la zone sud entraînées à supporter la chaleur.
En faisant maintenant un tableau de leurs noms:

Bretagne Gaule Germanie Dacie
Espagne Italie Grèce Lydie
Maroc Lybie Égypte Arabie

vous aurez sous la forme la plus simple la carte du théâtre de tout ce
qui, dans l'histoire profane, est utile à connaître.
Puis finalement vous avez à connaître parfaitement en tant qu'elle a
été pour tous ces pays la source d'une inspiration que toutes les
âmes qui en ont été douées ont tenue pour un pouvoir sacré et
surnaturel, la petite région montagneuse de la Terre Sainte, avec la
Philistie et la Syrie sur ses flancs, toutes deux les puissances du
châtiment, mais la Syrie étant elle-même au début l'origine de la
race élue: «Mon père fut un Syrien prêt à périr[118]» et la
Syrienne Rachel devant toujours être regardée comme la véritable
mère d'Israël.
15. Et rappelez-vous dans toute étude future des rapports de ces
contrées entre elles, que vous ne devez jamais permettre à votre
esprit de se préoccuper des variations accidentelles d'une
délimitation politique. Peu importe, qui gouverne un pays, peu importe
le nom qu'on lui donne officiellement ou ses frontières
conventionnelles, des barrières et des portes éternelles y sont
placées par les montagnes et les mers, et les nuages et les étoiles
les courbent sous le joug de lois éternelles. Le peuple qui y est né
est son peuple, fût-il mille et mille fois conquis, exilé ou captif.
L'étranger ne peut pas être son roi, l'envahisseur son maître et,
bien que des lois justes, qu'elles soient instituées par les peuples ou
par ceux qui les ont conquis, aient toujours la vertu et la puissance
qui sont l'apanage de la justice, rien ne peut assurer à aucune race,
ni à aucune classe d'hommes de bienfaits durables que la flamme qui est
dans leur propre cœur, allumée par l'amour du pays natal.
16. Naturellement, en disant que l'envahisseur d'un pays ne pourra
jamais le posséder, je parle seulement d'invasions telles que celles
des Vandales en Libye ou telle que le nôtre aux Indes; là où la race
conquérante ne peut pas devenir un habitant permanent. Vous ne pourrez
pas appeler la Libye Vandalie, ou l'Inde Angleterre, parce que ces pays
sont temporairement sous la loi des Vandales et des Anglais, pas plus
que vous ne pourrez appeler l'Italie sous les Ostrogoths, Gothie, ou
l'Angleterre sous Canut, Danemark. Le caractère national se modifie
lorsque l'invasion ou la corruption viennent l'affaiblir, mais si jamais
il vient à reprendre son éclat dans une vie nouvelle il faut que cette
vie soit façonnée par la terre et le ciel du pays lui-même. Des douze
noms de pays donnés à présent dans leur ordre, nous en verrons
changer un seul, en avançant dans notre histoire; la Gaule deviendra
exactement la France lorsque les Francs viendront l'habiter pour
toujours. Les onze autres noms primitifs nous serviront jusqu'à la fin.
17. Un moment de patience encore pour jeter un coup d'œil vers
l'Extrême-Orient, et nous aurons établi les bases de toute la
géographie qui nous est nécessaire. De même que les royaumes du nord
sont séparés du désert scythe par la Vistule, ceux du sud sont
séparés des dynasties «Orientales» proprement dites par l'Euphrate,
qui «plongeant pendant une partie de son cours dans le Golfe Persique
va des rives du Béloutchistan et de l'Oman aux montagnes d'Arménie, et
forme une immense cheminée d'air chaud dont la base» (ou ouverture)
«est sur les tropiques tandis que son extrémité atteint le 37e degré
de latitude nord.
«C'est pour cela que le Simoun lui-même (le spécifique et gazeux
Simoun) rend à l'occasion visite à Mossoul et à Djezirat Omer,
pendant que le baromètre à Bagdad atteint en été une hauteur capable
d'ébranler la foi d'un vieil Indien lui-même[119].»
18. Cette vallée dans les anciens jours formait le royaume d'Assyrie
comme la vallée du Nil formait celui d'Égypte. Nous n'avons pas dans
cette étude à nous occuper de son peuple qui ne fut vis-à-vis des
juifs rien qu'ennemi, la nation même de la captivité, inexorable comme
l'argile de ses murailles, ou la pierre de ses statues; et après la
naissance du Christ, la marécageuse vallée n'est plus qu'un champ de
bataille entre l'Ouest et l'Est. Au delà du grand fleuve, la Perse,
l'Inde et la Chine forment «l'Orient Méridional». La Perse doit être
exactement conçue comme le pays qui s'étend du Golfe Persique aux
chaînes de montagnes qui dominent et alimentent l'Indus, elle est la
vraie puissance de vie de l'Orient aux jours de Marathon, mais n'a eu
d'influence sur l'histoire chrétienne que par l'intermédiaire de
l'Arabie; quant aux tribus asiatiques du nord, Modes, Bactres, Parthes
et Scythes, devenus plus tard les Turcs et les Tartares, nous n'avons
pas à nous en préoccuper avant le jour où ils viennent nous envahir
chez nous, dans notre propre territoire historique.
19. Employant les termes «gothique» et «classique» pour séparer
simplement des zones septentrionales et centrales notre propre
territoire, nous pouvons avec tout autant de justice nous servir du mot
arabe[120] pour toute la zone du sud. L'influence de l'Égypte
disparaît peu après le IVe siècle, tandis que celle de l'Arabie,
puissante dès le début, grandit au VIe siècle sous la forme d'un
empire dont nous n'avons pas encore vu la fin[121]. Et vous pourrez
apprécier de la manière la plus juste le principe religieux sur lequel
est édifié cet empire en vous souvenant que, tandis que les Juifs
prononçaient eux-mêmes la déchéance de leur pouvoir prophétique en
exerçant la profession de l'usure sur toute la terre, les Arabes
revenaient à la simplicité de la prophétie, telle qu'elle était à
ses commencements auprès du puits d'Agar[122] et ne sont pas d'ailleurs
des adversaires du Christianisme, mais seulement des fautes ou des
folies des chrétiens. Ils gardent encore leur foi en un seul Dieu,
celui qui parla à Abraham[123] leur père, et sont dans cette
simplicité, bien plus véritablement ses enfants que les chrétiens de
nom, qui vécurent et vivent seulement pour discuter dans des conciles
vociférants ou dans un schisme furieux les rapports du Père, du Fils
et du Saint-Esprit.
20. Comptant sur mon lecteur pour bien retenir désormais, et sans faire
de confusion, la notion des trois zones, Gothique, Classique et Arabe,
chacune divisée en quatre pays clairement reconnaissables à travers
tous les âges de l'histoire ancienne ou moderne, je dois lui simplifier
une autre notion encore, celle de l'_Empire_ Romain (Voyez la note du
dernier paragraphe), au point de vue où il a à s'en occuper. Son
extension nominale, ses conquêtes temporaires ou ses vices internes
n'ont pour ainsi dire pas d'importance historique; seul, l'empire réel
correspond à quelque chose de vrai, est un exemple de loi juste, de
discipline militaire, d'art manuel, donné à des races indisciplinées,
et comme une traduction de la pensée grecque en un système plus
concentré et plus assimilable à elles. La zone classique, du
commencement à la fin de son règne effectif, repose sur ces deux
éléments: l'imagination grecque avec la règle romaine; et les
divisions ou les dislocations des IIIe et IVe siècles ne font que
laisser paraître d'une manière toute naturelle leurs différences,
quand le système politique qui les dissimulait fut mis à l'épreuve
par le christianisme.
Les historiens semblent ordinairement aussi avoir presque entièrement
perdu de vue que dans les guerres des derniers Romains avec les Goths,
les grands capitaines goths étaient tous chrétiens; et que la forme
vigoureuse et naïve que la foi naissante prenait dans leurs esprits est
un sujet d'étude plus important à approfondir que les guerres
inévitables qui suivirent la retraite de Dioclétien, ou que les
schismes confus et les crimes de la cour lascive de Constantin.
Je suis forcé cependant de noter les conditions dans lesquelles les
derniers partages arbitraires de l'empire eurent lieu afin qu'ils
éclaircissent pour vous au lieu de l'embrouiller, l'ordre des nations
que je voudrais fixer dans votre mémoire.
21. Au milieu du IVe siècle vous avez politiquement ce que Gibbon
appelle «la division finale des empires d'Orient et d'Occident». Ceci
signifie surtout que l'empereur Valentinien, cédant, non sans
hésitation, à ce sentiment qui dominait alors dans les légions, que
l'empire était trop vaste pour rester dans les mains d'un seul, prend
son frère comme collègue, et partage, non pas à proprement parler
leur autorité, mais leur attention, entre l'Orient et l'Occident.
À son frère Valens il assigne l'extrêmement vague «Préfecture de
l'Est, du Danube inférieur aux confins de la Perse», pendant qu'il
réserve à son propre gouvernement immédiat les «préfectures
toujours en guerre d'Illyrie, d'Italie et de Gaule, depuis l'extrémité
de la Grèce jusqu'au rempart calédonien et du rempart de Calédonie au
pied du mont Atlas.» Ceci veut dire, en prose moins poétiquement
rythmée (Gibbon eût mieux fait de mettre tout de suite son histoire en
hexamètres), que Valentinien garde sous sa propre surveillance toute
l'Europe et l'Afrique romaine et laisse la Lydie et le Caucase à son
frère. La Lydie et le Caucase ne formèrent jamais et ne pouvaient pas
former un empire d'Orient, c'étaient simplement des sortes de colonies,
utiles pour l'impôt en temps de paix, dangereuses par le nombre en
temps de guerre. Il n'y eut jamais du VIIe siècle avant au VIIe siècle
après Jésus-Christ qu'un seul empire romain[124], expression du
pouvoir sur l'humanité d'hommes tels que Cincinnatus[125] ou Agricola;
il expire quand leur race et leur caractère expirent; son extension
nominale, son éclata un moment quelconque, n'est rien de plus que le
reflet plus ou moins lointain sur les nuages de flammes s'élevant d'un
autel où leur aliment était de nobles âmes. Il n'y a aucune date
véritable de son partage, il n'y en a pas de sa destruction. Que le
Dacien Probus ou le Norique Odoacre soit sur le trône, la force de son
principe vivant est seule à considérer, demeurant dans les arts, dans
les lois, dans les habitudes de la pensée, régnant encore en Europe
jusqu'au XIIe siècle; régnant encore aujourd'hui comme langue et comme
exemple sur tous les hommes cultivés.
22. Mais, pour le partage nominal fait par Valentinien, remarquons la
définition que donne Gibbon (je suppose que c'est la sienne et non
celle de l'empereur) de l'empire romain d'Europe en «Illyrie, Italie et
Gaule». Je vous ai dit déjà que vous devez tenir tout ce qui est au
sud du Danube pour grec. Les deux principales régions situées
immédiatement au sud du fleuve sont la Mœsie inférieure et
supérieure formées de la pente des montagnes Thraces au nord jusqu'au
fleuve, avec les plaines qui les séparent du fleuve. Vous devrez faire
attention à cette région à cause de l'importance qu'elle a eue en
formant l'alphabet mœso-gothique dans lequel «le grec est de beaucoup
l'élément principal[126]», fournissant seize lettres sur
vingt-quatre. L'invasion gothique sous le règne de Valens est la
première qui établisse une nation teutonne en deçà de la frontière
de l'empire; mais elle ne fait par là que venir se placer plus
immédiatement sous son influence spirituelle. Son évêque, Ulphilas,
adopte cet alphabet mœsien, aux deux tiers grec, pour sa traduction de
la Bible, et cette traduction le répand partout et assure sa durée
jusqu'à l'extinction ou l'absorption de la race gothique.
23. Au sud des montagnes thraces, vous avez la Thrace elle-même et les
pays confusément appelés Dalmatie et Illyrie, bordant l'Adriatique, et
allant à l'intérieur des terres dans la direction de l'est, jusqu'aux
montagnes qui servent de ligne de partage des eaux. Je n'ai jamais pu me
former par moi-même une notion très claire de ce qu'étaient, à
aucune époque déterminée, les peuples de ces régions; mais ils
peuvent tous être considérés en masse comme des Grecs au nord, plus
ou moins de sang et de dialecte grec suivant le degré de leur
proximité avec la Grèce proprement dite; bien que ne partageant pas sa
philosophie et ne se soumettant pas à sa discipline. Mais il est en tous
cas bien plus exact de parler en bloc de toutes ces régions
illyriennes, mœsiennes et macédoniennes, comme étant toutes grecques,
que de parler avec Gibbon ou Valentinien de la Grèce et de la
Macédoine comme étant toutes illyriennes[127].
24. Dans la même généralisation impériale ou poétique nous trouvons
l'Angleterre réunie à la France sous le terme de Gaule et limitée par
«le rempart calédonien». Tandis que, dans nos propres divisions, la
Calédonie, l'Hibernie et le pays de Galles sont dès le début
considérées comme des parties essentielles de la Bretagne[128] et leur
lien avec le continent conçu comme formé par l'établissement des
Bretons en Bretagne et pas du tout par l'influence romaine au-delà de
l'Humber.
25. Ainsi, repassant encore une fois l'ordre de nos contrées et
remarquant seulement que les Iles Britanniques bien que situées pour la
plupart, si on regarde les degrés, très au nord de tout le reste de la
zone nord, sont placées par l'influence du Gulf Stream sous le même
climat, vous avez, à l'époque où commence notre histoire de la
chrétienté, la zone gothique pas encore convertie, et n'ayant même
encore jamais entendu parler de la foi nouvelle. Vous avez la zone
classique qui en a connaissance à des degrés divers et de plus en
plus, la discutant et s'efforçant de l'éteindre, et votre zone arabe,
qui en est le foyer et le soutien, enveloppant la Terre Sainte de la
chaleur de ses propres ailes et chérissant (cendres du Phénix[129] qui
s'est consumé pour toute la terre) l'espoir de la Résurrection[130].
26. Ce qu'eût été le cours, ou même le sort, du Christianisme, s'il
n'avait été prêché qu'oralement, au lieu d'être soutenu par sa
littérature poétique, pourrait être l'objet de spéculations
profondément instructives,--si le devoir d'un historien était de
réfléchir au lieu de raconter. La puissance de la foi chrétienne fut
toujours fondée en effet sur les prophéties écrites et les récits de
la Bible; et sur les interprétations que les grands ordres monastiques
donnèrent de leur signification beaucoup plus par leur exemple que par
leurs préceptes. La poésie et l'histoire des Testaments Syriens furent
fournies à l'Église latine par saint Jérôme pendant que la vertu et
l'efficacité de la vie monastique sont résumées dans la règle de
saint Benoît. Comprendre la relation de l'œuvre accomplie par ces deux
hommes avec l'organisation générale de l'Église, est de première
nécessité pour l'intelligence de la suite de son histoire.
Dans son chapitre XXXVII, Gibbon prétend nous donner un aperçu de
l'«Institution de la vie monastique» au IIIe siècle. Mais la vie
monastique a été instituée quelque peu plus tôt et par beaucoup de
prophètes et de rois. Par Jacob quand il prit la pierre pour
oreiller[131]; par Moïse quand il se détourna pour contempler le
buisson ardent[132]; par David avant qu'il eût laissé «ce petit
troupeau de brebis dans le désert[133]» et par le prophète qui «fut
dans les déserts jusqu'au moment de paraître devant Israël[134]».
Nous en voyons la première «institution» pour l'Europe sous Numa,
dans ses vierges vestales et son collège des Augures, fondés sur la
conception d'origine étrusque et devenue romaine d'une vie pure
consacrée au service de Dieu et d'une sagesse pratique conduite par
lui[135].
La forme que l'esprit monastique prit plus tard tint beaucoup plus à la
corruption du monde dont il était forcé de s'écarter, soit dans
l'indignation, soit par épouvante, qu'à un changement amené par le
christianisme dans l'idéal de la vertu et du bonheur humains.
27. «L'Égypte» (M. Gibbon commence ainsi à nous rendre compte de la
nouvelle institution!), «la mère féconde de la superstition, fournit
le premier exemple de la vie monastique.» L'Égypte eut ses
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