La Bible d'Amiens - 08

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qu'elle reste assurément un mythe de la valeur et de la beauté la plus
grande; enfin j'ai encore à vous conter une histoire, cette fois-ci
vraiment la dernière et où je reconnais que vous serez plus sage de
voir une fable que l'exacte expression de la vérité, bien que quelque
grain de vérité soit sans nul doute à sa base. Ce grain de vérité,
de ceux qui, jetés sur un bon terrain, se multiplient au centuple en
poussant, ce doit être quelque trait tangible et inoubliable de la
façon dont saint Martin se comportait dans la haute société; quant au
mythe, sa valeur et sa signification sont de tous les temps.
Saint Martin donc, comme le veut le récit, était un jour à dîner à
la première table du globe terrestre--à savoir, chez l'empereur et
l'impératrice de Germanie! Vous n'avez pas besoin de chercher quel
empereur, ou laquelle des femmes de l'empereur! L'empereur de Germanie
est dans tous les anciens mythes l'expression du plus haut pouvoir
sacré dans l'État, comme le pape est le plus haut pouvoir sacré dans
l'Église. Saint Martin était donc à dîner, comme nous l'avons dit,
avec naturellement l'empereur assis à côté de lui à gauche,
l'impératrice à droite; tout se passait dans les règles. Saint Martin
prenant grand plaisir au dîner, et se rendant agréable à la
compagnie, pas le moins du monde une sorte de saint à la saint
Jean-Baptiste. Vous savez aussi que dans les fêtes royales de ce temps,
des gens d'un rang social très inférieur avaient accès dans la salle
à manger: ils arrivaient derrière les chaises des invités, voyaient
et entendaient ce qui se passait et, pendant ce temps-là, sans être
importuns ils ramassaient les miettes et léchaient les plats.
Quand le dîner fut un peu avancé, et que vint le moment de servir les
vins, l'empereur remplit sa coupe, remplit celle de l'impératrice,
remplit celle de saint Martin, choque affectueusement son verre contre
celui de saint Martin. L'impératrice, également aimable et encore plus
sincèrement croyante, regarde à travers la table, humblement, mais
aussi royalement, s'attendant, naturellement, à ce que saint Martin
approche de suite son verre du sien pour le toucher. Saint Martin
regarde d'abord autour de lui d'un air de réflexion, s'aperçoit qu'il
a à côté de sa chaise un pauvre mendiant déguenillé, ayant l'air
altéré, qui a réussi à se faire remplir sa coupe d'une manière ou
d'une autre, par un laquais charitable.
Saint Martin tourne le dos à l'impératrice et trinque avec _lui!_
31. Pour laquelle charité--mythique si vous voulez, mais éternellement
exemplaire--il reste, comme nous l'avons dit, le patron des buveurs bons
chrétiens à cette heure.
Comme les années passaient sur lui, il paraît avoir senti qu'il avait
porté le poids de la crosse assez longtemps, que l'active Tours avait
besoin maintenant d'un évêque plus actif, que pour lui-même il
pourrait dorénavant prendre innocemment son plaisir et son repos là
où la vigne poussait et l'alouette chantait. Pour palais épiscopal il
prend une petite excavation dans les rochers calcaires du bassin
supérieur du fleuve, organise toutes choses pour le lit et la table, à
peu de frais. Nuit par nuit, pour lui le ruisseau murmure, jour par
jour, les feuilles de la vigne lui donnent leur ombre; et le soleil, son
héraut, trouant l'horizon chaque jour rapproché, descend pour lui dans
l'eau qu'il empourpre--là, où maintenant, la paysanne trotte vers la
maison entre ses paniers, où la scie est arrêtée dans le bois à demi
fendu, et où le clocher du village s'élève gris contre la lumière la
plus éloignée dans le _Bord de la Loire_ de Turner[76].
32. Toutes choses que je ne vous ai pas racontées, à présent, bien
qu'elles ne soient pas par elles-mêmes sans profit, sans avoir pour
cela une raison spéciale, qui était de vous rendre capables de
comprendre la signification d'un fait qui marqua le début de la marche
de Clovis dans le sud contre les Wisigoths.
Ayant passé la Loire à Tours, il traversa les domaines de l'abbaye de
Saint-Martin qu'il déclara inviolables, et refusa à ses soldats
l'autorisation de toucher à rien, excepté à l'eau et à l'herbe pour
leurs chevaux. Ses ordres furent si sévères et si inflexible la
rigueur avec laquelle il exigea qu'ils fussent obéis, qu'un soldat
franc ayant pris sans le consentement du propriétaire du foin qui
appartenait à un pauvre homme, et disant en plaisantant «que ce
n'était que de l'herbe», il fit mettre l'agresseur à mort, s'écriant
qu'«on ne pouvait attendre la victoire, si l'on offensait saint
Martin».
33. Maintenant remarquez-le bien, ce passage de la Loire à Tours
contient en puissance l'accomplissement des propres destinées du
royaume de France et la devise de son pouvoir reconnu et sûrement
établi est: «Honneur aux pauvres!» Même un peu d'herbe ne doit pas
être volé à un pauvre homme sous peine de mort. Ainsi le veut le
chevalier chrétien des armées romaines; placé maintenant sur un
trône élevé auprès de Dieu. Ainsi le veut le premier roi chrétien
des Francs au loin victorieux; baptisé par Dieu, ici, dans le Jourdain
de sa terre promise, alors qu'il le traverse pour en prendre possession.
Pour combien de temps?
Jusqu'à ce que cette même devise soit lue à rebours par un trône
dégénéré; jusqu'à ce que, la nouvelle étant apportée que les
pauvres du peuple de France n'avaient pas de pain à manger, il leur
fût répondu: «Qu'ils pouvaient manger de l'herbe[77].» Sur quoi,
près du faubourg Saint-Martin et de la porte Saint-Martin, furent
données par le chevalier des Pauvres contre le Roi, des ordres qui
terminèrent son festin.
Et souvenez-vous de tous ces exemples, de l'influence sur les âmes
françaises présentes et à venir, de saint Martin de Tours.

[Note 52: L'éminent érudit, M. Charles Newton Scott, veut bien
m'écrire qu'il voit dans ce titre _By the rivers of waters_ une
citation du _Cantique des Cantiques_, V. 2 «(Tes yeux sont comme des
colombes) au bord des eaux vives.»--(Note du traducteur.)]
[Note 53: Cf. avec _Præterita_:
«Vers le moment de l'après-midi où le moderne voyageur fashionable,
parti par le train du matin de Charing Cross pour Paris, Nice et
Monte-Carlo, s'est un peu remis des nausées de sa traversée, et de
l'irritation d'avoir eu à se battre pour trouver des places à
Boulogne, et commence à regarder à sa montre pour voir à quelle
distance il est du buffet d'Amiens, il est exposé au désappointement
et à l'ennui d'un arrêt inutile du train aune gare sans importance où
il lit le nom: «Abbeville».
Au moment où le train se remet en marche, il pourra voir, s'il se
soucie de lever pour un instant les yeux de son journal, deux tours
carrées que dominent les peupliers et les osiers du sol marécageux
qu'il traverse. Il est probable que ce coup d'œil est tout ce qu'il
souhaitera jamais leur accorder d'attention; et je ne sais guère
jusqu'à quel point je pourrai arriver à faire comprendre au lecteur,
même le plus sympathique, l'influence qu'elles ont eue sur ma propre
vie.
Je dois ici, d'avance, dire au lecteur qu'il y a eu, en somme, trois
centres de la pensée de ma vie: Rouen, Genève et Pise.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
C'est en 1835 que je vis pour la première fois Rouen et Venise--Pise
seulement en 1840--et je ne pus comprendre la puissance complète
d'aucun de ces trois grands spectacles que beaucoup plus tard. Mais,
pour Abbeville, qui est comme là préface et l'interprétation de
Rouen, j'étais déjà alors en état de la comprendre et je sentis
qu'il y avait là, pour moi accès immédiat dans un travail sain et
dans la joie.
... Mes bonheurs les plus intenses, je les ai connus dans les montagnes.
Mais comme plaisir joyeux et sans mélange, arriver en vue d'Abbeville
par une belle après-midi d'été, sauter à terre dans la cour de
l'hôtel de l'Europe et descendre la rue en courant pour voir
Saint-Wulfran avant que le soleil ait quitté les tours, sont des choses
pour lesquelles il faut chérir le passé jusqu'à la fin. De Rouen et
de sa cathédrale ce que j'ai à dire trouvera place, si les jours me
sont donnés, dans _Nos Pères nous ont dit._» (_Præterita_, I, IX, §
177, 180, 181.)--(Note du Traducteur.)]
[Note 54: Cf. _Præterita_, l'impression des lents courants de marée
montante et descendante le long des marches de l'hôtel Danielli.--(Note
du Traducteur.)]
[Note 55: Isaac Walton, célèbre pêcheur de la Dove, né en 1593 à
Strafford, mort en 1683, qui a écrit notamment _le Parfait pêcheur à
la ligne_ (Londres, 1653).--(Note du Traducteur.)]
[Note 56: Déjà, dans _Modern Painters_, il est question «de la
simplicité sereine et de la grâce des peupliers d'Amiens» (_Modern
Painters_, IV, V, 20). Le IVe volume des _Modern Painters_ est de
1855.--(Note du Traducteur.)]
[Note 57: M. H. Dusevel, _Histoire de la ville d'Amiens._ Amiens, Caron
et Lambert, 1848, p. 305.--(Note de l'Auteur.)]
[Note 58: Carpaccio, lorsque, représentant une fête dans une ville, il
veut donner une impression de grande splendeur, a recours aux draperies
déployées aux fenêtres.--(Note de l'Auteur.)
Dans aucune des deux grandes études que Ruskin a consacrées à
Carpaccio (_Guide de l'Académie des Beaux Arts à Venise_ et dans _le
Repos de Saint-Marc, l'Autel des Esclaves_), je n'ai trouvé cette
remarque. Ceci vient à l'appui de ce que je dis dans l'introduction, p.
60 et 61 de ce volume. Je n'ai pas souvenir qu'il en soit question non
plus dans les pages de _Fors Clavigera_ consacrées à Carpaccio (_Fors
Clavigera_, lettre 71.)--(Note du Traducteur.)]
[Note 59: Le nom de Pénélope, évoqué ici à propos d'une petite
Picarde, l'est dans _The Story of Arachné_ à propos d'une ouvrière
normande. «Arachné était une jeune fille lydienne d'une pauvre
famille. Et comme devraient faire toutes les jeunes filles, elle avait
appris à filer et à tisser, et non pas seulement à tisser et à
tricoter de bons vêtements solides mais à les couvrir d'images, comme
vous le savez, on dit que Pénélope en a tissées, ou comme celles que
la reine de notre propre Guillaume le Conquérant broda. Desquelles il
ne subsiste plus que celles de Bayeux en Normandie, connues du monde
entier sous le nom de _la Tapisserie de Bayeux._» (_Verona and other
lectures_, II, _The Story of Arachné_, § 18.)--(Note du Traducteur.)]
[Note 60: «Vos cheminées d'usines, combien plus hautes et plus aimées
que les flèches des cathédrales» (_Crown of wild olive_, XIe
Conference).--(Note du Traducteur.)]
[Note 61: Saint Jean, VI, 29.--(Note du Traducteur.)]
[Note 62: Cf. la description de la tour de l'église de Calais (_Modern
Painters_, V, I, § 2 et 3.)--(Note du Traducteur.)]
[Note 63: Cf., dans _Queen of the Air_ (I, 11), Proserpine appelée la
Reine du Destin.--(Note du Traducteur.)]
[Note 64: En réalité, Ruskin ne parlera plus de cette clôture
extérieure du chœur, sauf, sous forme de simple allusion, au IVe
chapitre. Mais vous pourrez en lire une superbe description aux pages
400 et 401 de _la Cathédrale_ de M. Huysmans. Nous n'avons pas
malheureusement la place de la reproduire ici. M. Huysmans qui a voué
une dévotion toute particulière à Notre-Dame de Chartres reconnaît
pourtant que la clôture du chœur est beaucoup plus belle à Amiens
qu'à Chartres.--(Note du Traducteur.)]
[Note 65: Les premiers pas fixés et établis; des tribus errantes du
nom de Francs avaient tour à tour balayé le pays puis reculé. Mais
_cette_ invasion des Francs, dits Francs Saliens, ne se retirera
plus.--(Note de l'Auteur.)]
[Note 66: Voir la note à la fin du chapitre ainsi que la pape 118 pour
les allusions à la bataille de Soissons.--(Note de l'Auteur.)]
[Note 67: Les quatre premières figures de cette illustration sont
expliquées dans le texte. La cinquième représente les relations de la
Normandie, du Maine, de l'Anjou et de l'Aquitaine. Voyez Viollet-le-Duc,
_Dict. Arch._, vol. I, p. 136.--(Note de l'Auteur.)
Voici l'aspect que présentent les quatre premières cartes de France,
que nous n'avons pas reproduites ici. La première est simplement une
carte physique de la France. Dans la seconde, il y a au nord, jusqu'à
la Somme, deux petites rangées de fleurs de lis, c'est-à-dire des
Francs. De la Somme à la Loire, un espace laissé en blanc figure, je
crois, la domination romaine. La Bretagne est couverte de hachures
diagonales descendant de gauche à droite, qui signifient les Bretons;
la Burgondie, de hachures diagonales descendant de droite à gauche, qui
signifient les Burgondes; le midi de la France, de la Loire aux
Pyrénées, de hachures horizontales qui indiquent les Wisigoths. Dans
les cartes 3 et 4, la Bretagne et la Burgondie resteront couvertes
respectivement de Bretons et de Burgondes. Mais ce sont les seules
parties de la France qui ne changeront pas. En effet, dans la carte 3
qui expose les résultats de la bataille de Soissons, l'espace, blanc
tout à l'heure, qui est compris entre la Seine et la Loire, est
maintenant couvert de fleurs de lis (de Francs). Et dans la carte 4,
carte de la France après la bataille de Poitiers, les fleurs de lis ont
partout remplacé les hachures horizontales (les Wisigoths) de la Loire
aux Pyrénées, sauf dans la partie comprise entre la Garonne et la
mer.--(Note du Traducteur.)]
[Note 68: Hachures diagonales descendant de gauche à droite.]
[Note 69: Hachures diagonales descendant de droite à gauche.]
[Note 70: Hachures horizontales.]
[Note 71: Plus exactement son manteau de chevalier, selon toute
probabilité la trabea à raies rouges et blanches, le vêtement même
des rois de Rome et principalement de Romulus.--(Note de l'Auteur.)]
[Note 72: MM. Jameson, _Art légendaire_, vol. II, p. 721.--(Note de
l'Auteur.)]
[Note 73: Personnage du _Pilgrim's Progress_ de John Bunyan.--(Note du
Traducteur.)]
[Note 74: MM. Jameson, vol. II, p. 722.--(Note de l'Auteur.)]
[Note 75: Ce n'est pas seulement Ruskin, il me semble, qui aime à se
représenter un saint sous ces traits. Les meilleurs d'entre les
clergymens de George Eliot et d'entre les prophètes de Carlyle ne sont
pas davantage des «saints qui prêchent», ni «des sortes de saints à
la saint Jean-Baptiste». Ils «ne dépensent pas non plus un souffle en
une exhortation désagréable». Ils sont aussi aimables «pour le
manant que pour le roi», aiment eux aussi « une honnête boisson».
D'abord, dans Carlyle, voyez Knox: «Ce que j'aime beaucoup en ce Knox,
c'est qu'il avait une veine de drôlerie en lui. C'était un homme de
cœur, honnête, fraternel, frère du grand, frère aussi du petit,
sincère dans sa sympathie pour les deux; il avait sa pipe de Bordeaux
dans sa maison d'Édimbourg, c'était un homme joyeux et sociable. Ils
errent grandement, ceux qui pensent que ce Knox était un fanatique
sombre, spasmodique, criard. Pas du tout: c'était un des plus solides
d'entre les hommes. Pratique, prudent, patient, etc.» De même Burns:
«était habituellement gai de paroles, un compagnon d'infini
enjouement, rire, sens et cœur. Ce n'est pas un homme lugubre; il a les
plus gracieuses expressions de courtoisie, les plus bruyants flots de
gaieté, etc.» C'est encore Mahomet: «Mahomet sincère, sérieux,
cependant aimable, cordial, sociable, enjoué même, un bon rire en lui
avec tout cela.» Et de même Carlyle aime à parler du rire de Luther.
(Carlyle, _les Héros_, traduction Izoulet, pages 237, 298, 299, 83,
etc.)
Et dans Georges Eliot, voyez M. Irwine dans _Adam Bede_ M. Gilfil dans
les _Scènes de la vie du Clergé_, M. Farebrother dans _Middlemarch_,
etc.
«Je suis obligé de reconnaître que M. Gilfil ne demanda pas à Mme
Fripp pourquoi elle n'avait pas été à l'église et ne fit pas le
moindre effort pour son édification spirituelle. Mais le jour suivant
il lui envoya un gros morceau de lard, etc. Vous pouvez conclure de cela
que ce vicaire ne brillait pas dans les fonctions spirituelles de sa
place et, à la vérité, ce que je puis dire de mieux sur son compte,
c'est qu'il s'appliquait à remplir ses fonctions avec célérité et
laconisme.» Il oubliait d'enlever ses éperons avant de monter en
chaire et ne faisait pour ainsi dire pas de sermons. Pourtant jamais
vicaire ne fut aussi aimé de ses ouailles et n'eut sur elles une
meilleure influence. «Les fermiers aimaient tout particulièrement la
société de M. Gilfil, car non seulement il pouvait fumer sa pipe et
assaisonner les détails des affaires paroissiales de force
plaisanteries, etc. Aller à cheval était la principale distraction du
vieux monsieur maintenant que les jours de chasse étaient passés pour
lui. Ce n'était pas aux seuls fermiers de Shepperton que la société
de M. Gilfil était agréable, il était l'hôte bienvenu des meilleures
maisons de ce côté du pays. Si vous l'aviez vu conduire Lady Sitwell
à la salle à manger (comme tout à l'heure saint Martin l'impératrice
de Germanie) et que vous l'eussiez entendu lui parler avec sa galanterie
fine et gracieuse, etc.». «Mais le plus souvent il restait à fumer sa
pipe en buvant de l'eau et du gin. Ici, je me trouve amené à vous
parler d'une autre faiblesse du vicaire, etc.» (_le Roman de M.
Gilfil_, traduction d'Albert-Durade, pages 116, 117, 121, 124, 125, 126).
«Quant au ministre, M. Gilfil, vieux monsieur qui fumait de très
longues pipes et prêchait des sermons très courts.» (_Tribulations du
Rév. Amos Barton_, même trad., p. 4.) «M. Irwine n'avait
effectivement ni tendances élevées, ni enthousiasme religieux et
regardait comme une vraie perte de temps de parler doctrine et réveil
chrétien au vieux père Taft ou à Cranage, le forgeron. Il n'était ni
laborieux, ni oublieux de lui-même, ni très abondant en aumônes et sa
croyance même était assez large. Ses goûts intellectuels étaient
plutôt païens, etc. Mais il avait cette charité chrétienne qui a
souvent manqué à d'illustres vertus. Il était indulgent pour les
fautes du prochain et peu enclin à supposer le mal, etc. Si vous
l'aviez rencontré monté sur sa jument grise, ses chiens courant à ses
côtés, avec un sourire de bonne humeur, etc. L'influence de M. Irwine
dans sa paroisse fut plus utile que celle de M. Ryde qui insistait
fortement sur les doctrines de la Réformation, condamnait sévèrement
les convoitises de la chair, etc., qui était très savant. M. Irwine
était aussi différent de cela que possible, mais il était si
pénétrant; il comprenait ce qu'on voulait dire à la minute, il se
conduisait en gentilhomme avec les fermiers, etc. Il n'était pas un
fameux prédicateur, mais ne disait rien qui ne fût propre à vous
rendre plus sage si vous vous en souveniez.» (_Adam Bede_, même trad.,
pages 84, 85, 226, 227, 228, 230).--(Note du Traducteur.)]
[Note 76: _Modern Painters_, planche LXXIII.--(Note de l'Auteur.)]
[Note 77: Parole faussement attribuée à Foulon, commissaire des
guerres, et pour laquelle il fut égorgé (juillet 1789).--(Note du
Traducteur.)]


NOTES DU CHAPITRE I

34. Le lecteur voudra bien remarquer que des notes immédiatement
nécessaires à l'intelligence du texte sont données, avec un numéro
d'ordre, au bas même de la page; tandis que les références aux
écrivains qui font autorité dans la matière en discussion, ou aux
textes qu'on peut citer à l'appui, sont indiquées par une lettre et
rejetées à la fin de chaque chapitre. Un bon côté de cette
méthode[78] sera que, après la mise en ordre des notes numérotées,
je pourrai, si je vois, en relisant l'épreuve, la nécessité d'une
plus ample explication, insérer une lettre renvoyant à une note
_finale_ sans possibilité de confusion typographique. Les notes finales
auront aussi cette utilité de résumer les chapitres et de faire
ressortir ce qui est le plus important à se rappeler. Ainsi il est pour
le moment sans importance de se rappeler que la première prise d'Amiens
fut en 445, parce que ce n'est pas de là que date la fondation de la
dynastie mérovingienne; ou que Mérovée s'empara du trône en 447 et
mourut dix ans plus tard, La vraie date à se rappeler est 481 qui est
celle de l'avènement au trône de Clovis à l'âge de quinze ans; et
les trois batailles du règne de Clovis à retenir sont Soissons,
Tolbiac et Poitiers--en se souvenant aussi que celle-ci fut la première
des trois grandes batailles de Poitiers;--comment ce pays de Poitiers
arriva-t-il à avoir une telle importance comme champ de bataille, nous
le découvrirons après si nous le pouvons. De la reine Clotilde et de
sa fuite de Bourgogne pour retrouver son amant Frank, nous apprendrons
davantage dans le chapitre suivant; l'histoire du vase de Soissons est
donnée dans l'_Histoire de France illustrée_, mais nous la reporterons
aussi avec tels commentaires dont elle a besoin au chapitre suivant; car
je veux que l'esprit du lecteur, à la fin de ce premier chapitre, soit
fixé sur deux descriptions du Frank moderne (en prenant ce mot dans son
sens sarrasin) comme distinct du Sarrasin moderne. La première
description est du colonel Butler, entièrement vraie et admirable sans
réserve, excepté l'extension (qu'elle semble impliquer) de ce
contraste à l'ancien temps, car l'âme saxonne sous Alfred, l'âme
teutonne sous Charlemagne, l'âme franque sous saint Louis, étaient
tout aussi religieuses que celles d'aucun Asiatique, quoique plus
pratique; c'est seulement la tourbe moderne occidentale de mécréants
sans rois qui s'est abaissée par le jeu, l'escroquerie, la construction
des machines, et la gloutonnerie jusqu'à comprendre les plus
méprisables rustres qui aient jamais foulé la terre avec les carcasses
qu'elle leur a prêtées.
35. «Des traits du caractère anglais mis en lumière par l'extension
de la domination anglaise en Asie, il n'en est pas de plus remarquable
que le contraste entre la tendance religieuse de la pensée orientale et
l'absence innée de religion dans l'esprit anglo-saxon.
Le Turc et le Grec, le Bouddhiste et l'Arménien, le Copte et le Parsi, tous
manifestent dans une centaine d'actes de la vie quotidienne le grand
fait de leur croyance en Dieu. Avant tout leurs vices comme leurs vertus
témoignent qu'ils reconnaissent un Dieu.
«Pour les occidentaux, au contraire, toute pratique extérieure est un
objet de honte, une chose à cacher. Une procession de prêtres dans
quelque Strade Reale serait probablement regardée par un Anglais
ordinaire d'un œil moins tolérant qu'une fête de _Juggernaut_[79] à
Orissa; mais devant l'une comme devant l'autre il laissera paraître le
même zèle iconoclaste, elles lui inspireront toutes deux la même
idée, qui n'en est pas moins arrêtée parce qu'elle est rarement
affirmée en paroles. «Vous priez, c'est pourquoi je fais peu de cas de
vous.»
Mais, en réalité, cette impatience d'humeur des Anglais modernes à
accepter le tour religieux de la pensée orientale semble cacher une
différence plus profonde entre l'Orient et l'Occident. Tous les peuples
orientaux possèdent cette tournure d'esprit religieuse. C'est le lien
qui rattache ensemble leurs races si profondément différentes. Voici
qui pourra servir d'illustration à ce que je veux dire.
Sur un bateau à vapeur autrichien de la Compagnie Lloyd dans le Levant,
un voyageur de Beyrouth verra souvent d'étranges groupes d'hommes
rassemblés sur le gaillard d'arrière. Le matin les missels de
l'église grecque seront posés sur les bastingages, et un couple de
prêtres russes venant de Jérusalem occupés à murmurer la messe. À
un yard de distance, à droite ou à gauche, est assis un pèlerin turc
revenant de la Mecque, respectueux spectateur de la scène. C'est en
effet la prière et, par conséquent, quelque chose de sacré à ses
yeux. De même aussi quand l'heure du soir est venue, et que le Turc
étend son morceau de tapis pour les prières du coucher du soleil et
les salutations vers la Mecque, le Grec regarde en silence sans aucun
air de dédain, car il s'agit encore de l'adoration du Créateur par sa
créature. Tous deux accomplissent la _première_ loi de l'Orient, la
prière à Dieu; et que l'autel soit Jérusalem, la Mecque ou Lassa[80],
la sainteté du culte se communique au fidèle et protège le pèlerin.
Dans cette société vient l'Anglais généralement dépourvu de tout
sentiment de sympathie pour les prières d'aucun peuple ou la foi en
aucune idée religieuse; c'est pourquoi notre autorité en Orient a
toujours reposé et reposera toujours sur la baïonnette. Nous n'avons
jamais pu dépasser l'état de conquête; jamais assimilé un peuple à
nos coutumes, jamais même civilisé une seule tribu dans le vaste
domaine de notre empire. Il est curieux de voir combien il arrive
souvent qu'un Anglais bien intentionné parle d'une église ou d'un
temple étranger comme si son esprit le voyait sous le même jour où la
cité de Londres apparaissait à Blucher, comme un objet de pillage.
L'autre idée, à savoir qu'un prêtre est un homme bon à être pendu,
est une idée aussi souvent observable dans le cerveau anglais. Un jour
que nous nous efforcions de mettre un peu de lumière dans nos esprits
sur la question grecque, en questionnant un officier de marine dont le
vaisseau avait stationné dans les eaux grecques et adriatiques durant
notre occupation de Corfou et des autres îles Ioniennes, nous pûmes
seulement tirer de notre informateur qu'un matin, avant déjeuner, il
avait pendu soixante-dix-sept prêtres.
36. Le second passage que je mets en réserve dans ces notes pour
l'utilité que nous en tirerons plus tard est le suivant, absolument
merveilleux, pris dans un livre plein de merveilles--si on peut mettre
une idée vraie sur le même rang que des faits et lui attribuer la
même valeur: les _Grains de bon sens_ d'Alphonse Karr. Je ne puis louer
ce livre ni son plus récent: _Bourdonnements_, au gré de mon cœur,
simplement parce qu'ils sont d'un homme qui est entièrement selon mon
propre cœur, qui a dit en France depuis bien des années ce que, moi
aussi, depuis bien des années, je dis en Angleterre, sans nous
connaître l'un l'autre, et tous deux en vain (Voir § 11 et 12 de
_Bourdonnements_).
Le passage donné ici est le chapitre LXIII des _Grains de bon sens._
«Et tout cela, Monsieur, vient de ce qu'il n'y a plus de croyances,--de
ce qu'on ne croit plus à rien.
«Ah! saperlipopette, Monsieur, vous me la baillez belle! Vous dites
qu'on ne croit plus à rien! Mais jamais, à aucune époque, on n'a cru
à tant de billevesées, de bourdes, de mensonges, de sottises,
d'absurdités qu'aujourd'hui.
«D'abord, on croit à l'incrédulité--l'incrédulité est une
croyance, une religion très exigeante, qui a ses dogmes, sa liturgie,
ses pratiques, ses rites!... son intolérance, ses superstitions. Nous
avons des incrédules et des impies jésuites et des incrédules et des
impies jansénistes; des impies molinistes, et des impies quiétistes;
des impies pratiquants, et non pratiquants; des impies indifférents et
des impies fanatiques; des incrédules cagots et des impies hypocrites
et tartuffes.--La religion de l'incrédulité ne se refuse pas même le
luxe des hérésies.
«On ne croit plus à la Bible, je le veux bien, mais on croit aux
écritures des journaux, on croit au sacerdoce des gazettes et carrés
de papier, et à leurs oracles quotidiens.
«On _croit_ au «baptême» de la police correctionnelle et de la Cour
d'Assises--on appelle «martyrs» et «confesseurs» les «absents» à
Nouméa et les «frères» de Suisse, d'Angleterre et de Belgique--et
quand on parle des «martyrs» de la Commune ça ne s'entend pas des
assassinés mais des assassins.
«On se fait enterrer « civilement», on ne veut plus sur son cercueil
des prières de l'Église, on ne veut ni cierges, ni chants religieux,
mais on veut un cortège portant derrière la bière des immortelles
rouges;--on veut une «oraison», une «prédication» de Victor Hugo
qui a ajouté cette spécialité à ses autres spécialités, si bien
qu'un de ces jours derniers, comme il suivait un convoi en amateur, un
croque-mort s'approcha de lui, le poussa du coude, et lui dit en
souriant: «Est-ce que nous n'aurons pas quelque chose de vous
aujourd'hui?»--Et cette prédication il la lit ou la récite--ou, s'il
ne juge pas à propos «d'officier» lui-même, s'il s'agit d'un mort de
peu, il envoie, pour la psalmodier, M. Meurice ou tout autre «prêtre»
ou enfant de chœur du «Dieu».--À défaut de M. Hugo, s'il s'agit
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