Œuvres de Voltaire Tome XIX: Siècle de Louis XIV.—Tome I - 18

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comme Saint-Omer, Ypres, Menin, Oudenarde, et d’autres places. On en
garda quelques unes. Le cardinal ne se trompa point en croyant que la
renonciation serait un jour inutile; mais ceux qui lui font l’honneur
de cette prédiction, lui font donc prévoir que le prince don Balthasar
mourrait en 1649; qu’ensuite les trois enfants du second mariage
seraient enlevés au berceau; que Charles, le cinquième de tous ces
enfants mâles, mourrait sans postérité; et que ce roi autrichien ferait
un jour un testament en faveur d’un petit-fils de Louis XIV. Mais enfin
le cardinal Mazarin prévit ce que vaudraient des renonciations, en cas
que la postérité mâle de Philippe IV s’éteignît; et des événements
étrangers l’ont justifié après plus de cinquante années[438].
Marie-Thérèse, pouvant avoir pour dot les villes que la France rendait,
n’apporta, par son contrat de mariage, que cinq cent mille écus d’or
au soleil; il en coûta davantage au roi pour l’aller recevoir sur
la frontière. Ces cinq cent mille écus, valant alors deux millions
cinq cent mille livres, furent pourtant le sujet de beaucoup de
contestations entre les deux ministres. Enfin la France n’en reçut
jamais que cent mille francs.
Loin que ce mariage apportât aucun autre avantage, présent et réel, que
celui de la paix, l’infante renonça à tous les droits qu’elle pourrait
jamais avoir sur aucune des terres de son père; et Louis XIV ratifia
cette renonciation de la manière la plus solennelle, et la fit ensuite
enregistrer au parlement.
Ces renonciations et ces cinq cent mille écus de dot semblaient être
les clauses ordinaires des mariages des infantes d’Espagne avec les
rois de France. La reine Anne d’Autriche, fille de Philippe III, avait
été mariée à Louis XIII à ces mêmes conditions; et quand on avait donné
Isabelle, fille de Henri-le-Grand, à Philippe IV, roi d’Espagne, ou
n’avait pas stipulé plus de cinq cent mille écus d’or pour sa dot, dont
même on ne lui paya jamais rien; de sorte qu’il ne paraissait pas qu’il
y eût alors aucun avantage dans ces grands mariages: on n’y voyait que
des filles de rois mariées à des rois, ayant à peine un présent de
noces.
Le duc de Lorraine, Charles IV, de qui la France et l’Espagne avaient
beaucoup à se plaindre, ou plutôt, qui avait beaucoup à se plaindre
d’elles, fut compris dans le traité, mais en prince malheureux qu’on
punissait, parcequ’il ne pouvait se faire craindre. La France lui
rendit ses états, en démolissant Nanci, et en lui défendant d’avoir des
troupes. Don Louis de Haro obligea le cardinal Mazarin à faire recevoir
en grace le prince de Condé, en menaçant de lui laisser en souveraineté
Rocroi, Le Catelet, et d’autres places dont il était en possession.
Ainsi la France gagna à-la-fois ces villes et le grand Condé. Il perdit
sa charge de grand-maître de la maison du roi, qu’on donna ensuite à
son fils, et ne revint presque qu’avec sa gloire.
Charles II, roi titulaire d’Angleterre, plus malheureux alors que le
duc de Lorraine, vint près des Pyrénées, où l’on traitait cette paix.
Il implora le secours de don Louis et de Mazarin. Il se flattait que
leurs rois, ses cousins germains, réunis, oseraient enfin venger une
cause commune à tous les souverains, puisque enfin Cromwell n’était
plus; il ne put seulement obtenir une entrevue, ni avec Mazarin,
ni avec don Louis. Lockhart, cet ambassadeur de la république
d’Angleterre, était à Saint-Jean-de-Luz; il se fesait respecter
encore, même après la mort du protecteur; et les deux ministres, dans
la crainte de choquer cet Anglais, refusèrent de voir Charles II.
Ils pensaient que son rétablissement était impossible, et que toutes
les factions anglaises, quoique divisées entre elles, conspiraient
également à ne jamais reconnaître de rois. Ils se trompèrent tous
deux: la fortune fit, peu de mois après, ce que ces deux ministres
auraient pu avoir la gloire d’entreprendre. Charles fut rappelé dans
ses états par les Anglais, sans qu’un seul potentat de l’Europe se fût
jamais mis en devoir, ni d’empêcher le meurtre du père, ni de servir
au rétablissement du fils. Il fut reçu dans les plaines de Douvres
par vingt mille citoyens, qui se jetèrent à genoux devant lui. Des
vieillards qui étaient de ce nombre m’ont dit que presque tout le
monde fondait en larmes. Il n’y eut peut-être jamais de spectacle plus
touchant, ni de révolution plus subite (juin 1660). Ce changement se
fit en bien moins de temps que le traité des Pyrénées ne fut conclu: et
Charles II était déjà paisible possesseur de l’Angleterre, que Louis
XIV n’était pas même encore marié par procureur.
(Août 1660) Enfin le cardinal Mazarin ramena le roi et la nouvelle
reine à Paris. Un père qui aurait marié son fils sans lui donner
l’administration de son bien, n’en eût pas usé autrement que Mazarin;
il revint plus puissant et plus jaloux de sa puissance, et même des
honneurs, que jamais. Il exigea et il obtint que le parlement vînt
le haranguer par députés. C’était une chose sans exemple dans la
monarchie; mais ce n’était pas une trop grande réparation du mal que le
parlement lui avait fait. Il ne donna plus la main aux princes du sang,
en lieu tiers, comme autrefois. Celui qui avait traité don Louis de
Haro en égal, voulut traiter le grand Condé en inférieur. Il marchait
alors avec un faste royal, ayant, outre ses gardes, une compagnie
de mousquetaires, qui est aujourd’hui la seconde compagnie des
mousquetaires du roi[439]. On n’eut plus auprès de lui un accès libre:
si quelqu’un était assez mauvais courtisan pour demander une grace au
roi, il était perdu. La reine-mère, si long-temps protectrice obstinée
de Mazarin contre la France, resta sans crédit dès qu’il n’eut plus
besoin d’elle. Le roi, son fils, élevé dans une soumission aveugle
pour ce ministre, ne pouvait secouer le joug qu’elle lui avait imposé,
aussi bien qu’à elle-même; elle respectait son ouvrage, et Louis XIV
n’osait pas encore régner du vivant de Mazarin.
Un ministre est excusable du mal qu’il fait, lorsque le gouvernail de
l’état est forcé dans sa main par les tempêtes; mais dans le calme il
est coupable de tout le bien qu’il ne fait pas. Mazarin ne fit de bien
qu’à lui, et à sa famille par rapport à lui. Huit années de puissance
absolue et tranquille, depuis son dernier retour jusqu’à sa mort, ne
furent marquées par aucun établissement glorieux ou utile; car le
collége des Quatre-Nations ne fut que l’effet de son testament.
Il gouvernait les finances comme l’intendant d’un seigneur obéré. Le
roi demandait quelquefois de l’argent à Fouquet, qui lui répondait:
«Sire, il n’y a rien dans les coffres de votre majesté; mais monsieur
le cardinal vous en prêtera.» Mazarin était riche d’environ deux cents
millions, à compter comme on fait aujourd’hui. Plusieurs mémoires
disent qu’il en amassa une partie par des moyens trop au-dessous de
la grandeur de sa place. Ils rapportent qu’il partageait avec les
armateurs les profits de leurs courses: c’est ce qui ne fut jamais
prouvé; mais les Hollandais l’en soupçonnèrent, et ils n’auraient pas
soupçonné le cardinal de Richelieu.
On dit qu’en mourant il eut des scrupules, quoique au-dehors il montrât
du courage. Du moins il craignit pour ses biens, et il en fit au roi
une donation entière, croyant que le roi les lui rendrait. Il ne se
trompa point; le roi lui remit la donation au bout de trois jours.
Enfin il mourut (9 mars 1661); et il n’y eut que le roi qui semblât le
regretter, car ce prince savait déjà dissimuler. Le joug commençait à
lui peser; il était impatient de régner. Cependant il voulut paraître
sensible à une mort qui le mettait en possession de son trône.
Louis XIV et la cour portèrent le deuil du cardinal Mazarin, honneur
peu ordinaire, et que Henri IV avait fait à la mémoire de Gabrielle
d’Estrées.
On n’entreprendra pas ici d’examiner si le cardinal Mazarin a été un
grand ministre on non: c’est à ses actions de parler, et à la postérité
de juger. Le vulgaire suppose quelquefois une étendue d’esprit
prodigieuse, et un génie presque divin, dans ceux qui ont gouverné des
empires avec quelque succès. Ce n’est point une pénétration supérieure
qui fait les hommes d’état, c’est leur caractère. Les hommes, pour
peu qu’ils aient de bon sens, voient tous à peu près leurs intérêts.
Un bourgeois d’Amsterdam ou de Berne en sait sur ce point autant que
Séjan, Ximénès, Buckingham, Richelieu, ou Mazarin: mais notre conduite
et nos entreprises dépendent uniquement de la trempe de notre ame, et
nos succès dépendent de la fortune.
Par exemple, si un génie tel que le pape Alexandre VI, ou Borgia son
fils, avait eu la Rochelle à prendre, il aurait invité dans son camp
les principaux chefs, sous un serment sacré, et se serait défait d’eux;
Mazarin serait entré dans la ville deux ou trois ans plus tard, en
gagnant et en divisant les bourgeois; don Louis de Haro n’eût pas
hasardé l’entreprise. Richelieu fit une digue sur la mer, à l’exemple
d’Alexandre, et entra dans la Rochelle en conquérant; mais une marée
un peu forte, ou un peu plus de diligence de la part des Anglais,
délivraient la Rochelle, et fesaient passer Richelieu pour un téméraire.
On peut juger du caractère des hommes par leurs entreprises. On
peut bien assurer que l’ame de Richelieu respirait la hauteur et la
vengeance; que Mazarin était sage, souple, et avide de biens. Mais pour
connaître à quel point un ministre a de l’esprit, il faut ou l’entendre
souvent parler, ou lire ce qu’il a écrit. Il arrive souvent parmi les
hommes d’état ce qu’on voit tous les jours parmi les courtisans; celui
qui a le plus d’esprit échoue, et celui qui a dans le caractère plus de
patience, de force, de souplesse, et de suite, réussit.
En lisant les Lettres du cardinal Mazarin, et les Mémoires du cardinal
de Retz, on voit aisément que Retz était le génie supérieur. Cependant
Mazarin fut tout puissant, et Retz fut accablé. Enfin il est très
vrai que, pour faire un puissant ministre, il ne faut souvent qu’un
esprit médiocre, du bon sens, et de la fortune; mais pour être un bon
ministre, il faut avoir pour passion dominante l’amour du bien public.
Le grand homme d’état est celui dont il reste de grands monuments
utiles à la patrie. [440] Le monument qui immortalise le cardinal
Mazarin est l’acquisition de l’Alsace. Il donna cette province à la
France dans le temps que la France était déchaînée contre lui; et, par
une fatalité singulière, il fit plus de bien au royaume lorsqu’il y
était persécuté que dans la tranquillité d’une puissance absolue[441].


CHAPITRE VII.
Louis XIV gouverne par lui-même. Il force la branche d’Autriche
espagnole à lui céder partout la préséance, et la cour de Rome à
lui faire satisfaction. Il achète Dunkerque. Il donne des secours
à l’empereur, au Portugal, aux états-généraux, et rend son royaume
florissant et redoutable.

Jamais il n’y eut dans une cour plus d’intrigues et d’espérances que
durant l’agonie du cardinal Mazarin. Les femmes qui prétendaient à la
beauté se flattaient de gouverner un prince de vingt-deux ans, que
l’amour avait déjà séduit jusqu’à lui faire offrir sa couronne à sa
maîtresse. Les jeunes courtisans croyaient renouveler le règne des
favoris. Chaque ministre espérait la première place. Aucun d’eux ne
pensait qu’un roi élevé dans l’éloignement des affaires osât prendre
sur lui le fardeau du gouvernement. Mazarin avait prolongé l’enfance
de ce monarque autant qu’il l’avait pu. Il ne l’instruisait que depuis
fort peu de temps, et parceque le roi avait voulu être instruit.
On était si loin d’espérer d’être gouverné par son souverain, que de
tous ceux qui avaient travaillé jusqu’alors avec le premier ministre,
il n’y en eut aucun qui demandât au roi quand il voudrait les entendre.
Ils lui demandèrent tous: «A qui nous adresserons-nous?» et Louis
XIV leur répondit: _A moi_. On fut encore plus surpris de le voir
persévérer. Il y avait quelque temps qu’il consultait ses forces, et
qu’il essayait en secret son génie pour régner. Sa résolution prise
une fois, il la maintint jusqu’au dernier moment de sa vie. Il fixa à
chacun de ses ministres les bornes de son pouvoir, se fesant rendre
compte de tout par eux à des heures réglées, leur donnant la confiance
qu’il fallait pour accréditer leur ministère, et veillant sur eux pour
les empêcher d’en trop abuser.
Madame de Motteville nous apprend que la réputation de Charles II, roi
d’Angleterre, qui passait alors pour gouverner par lui-même, inspira de
l’émulation à Louis XIV. Si cela est, il surpassa beaucoup son rival,
et il mérita toute sa vie ce qu’on avait dit d’abord de Charles.
Il commença par mettre de l’ordre dans les finances dérangées par un
long brigandage. La discipline fut rétablie dans les troupes, comme
l’ordre dans les finances. La magnificence et la décence embellirent sa
cour. Les plaisirs même eurent de l’éclat et de la grandeur. Tous les
arts furent encouragés, et tous employés à la gloire du roi et de la
France.
Ce n’est pas ici le lieu de le représenter dans sa vie privée, ni dans
l’intérieur de son gouvernement; c’est ce que nous ferons à part[442].
Il suffit de dire que ses peuples, qui depuis la mort de Henri-le-Grand
n’avaient point vu de véritable roi, et qui détestaient l’empire d’un
premier ministre, furent remplis d’admiration et d’espérance quand
ils virent Louis XIV faire à vingt-deux ans ce que Henri avait fait à
cinquante. Si Henri IV avait eu un premier ministre, il eût été perdu,
parceque la haine contre un particulier eût ranimé vingt factions
trop puissantes. Si Louis XIII n’en avait pas eu, ce prince, dont un
corps faible et malade énervait l’ame, eût succombé sous le poids.
Louis XIV pouvait sans péril avoir ou n’avoir pas de premier ministre.
Il ne restait pas la moindre trace des anciennes factions; il n’y
avait plus en France qu’un maître et des sujets. Il montra d’abord
qu’il ambitionnait toute sorte de gloire, et qu’il voulait être aussi
considéré au-dehors qu’absolu au-dedans.
Les anciens rois de l’Europe prétendent entre eux une entière égalité,
ce qui est très naturel; mais les rois de France ont toujours réclamé
la préséance que mérite l’antiquité de leur race et de leur royaume;
et s’ils ont cédé aux empereurs, c’est parceque les hommes ne sont
presque jamais assez hardis pour renverser un long usage. Le chef de la
république d’Allemagne, prince électif et peu puissant par lui-même, a
le pas, sans contredit, sur tous les souverains, à cause de ce titre
de César et d’héritier de Charlemagne. Sa chancellerie allemande ne
traitait pas même alors les autres rois de majesté. Les rois de France
pouvaient disputer la préséance aux empereurs, puisque la France avait
fondé le véritable empire d’Occident, dont le nom seul subsiste en
Allemagne. Ils avaient pour eux non seulement la supériorité d’une
couronne héréditaire sur une dignité élective, mais l’avantage d’être
issus, par une suite non interrompue, de souverains qui régnaient sur
une grande monarchie plusieurs siècles avant que, dans le monde entier,
aucune des maisons qui possèdent aujourd’hui des couronnes fût parvenue
à quelque élévation. Ils voulaient au moins précéder les autres
puissances de l’Europe. On alléguait en leur faveur le nom de _très
chrétien_. Les rois d’Espagne opposaient le titre de _catholique_; et
depuis que Charles-Quint avait eu un roi de France prisonnier à Madrid,
la fierté espagnole était bien loin de céder ce rang. Les Anglais
et les Suédois, qui n’allèguent aujourd’hui aucun de ces surnoms,
reconnaissent le moins qu’ils peuvent cette supériorité.
C’était à Rome que ces prétentions étaient autrefois débattues.
Les papes, qui donnaient les états avec une bulle, se croyaient, à
plus forte raison, en droit de décider du rang entre les couronnes.
Cette cour, où tout se passe en cérémonies, était le tribunal où se
jugeaient ces vanités de la grandeur. La France y avait eu toujours la
supériorité quand elle était plus puissante que l’Espagne; mais depuis
le règne de Charles-Quint, l’Espagne n’avait négligé aucune occasion
de se donner l’égalité. La dispute restait indécise; un pas de plus
ou de moins dans une procession; un fauteuil placé près d’un autel,
ou vis-à-vis la chaire d’un prédicateur, étaient des triomphes, et
établissaient des titres pour cette prééminence. La chimère du point
d’honneur était extrême alors sur cet article entre les couronnes,
comme la fureur des duels entre les particuliers.
(1661) Il arriva qu’à l’entrée d’un ambassadeur de Suède à Londres, le
comte d’Estrades, ambassadeur de France, et le baron de Vatteville,
ambassadeur d’Espagne, se disputèrent le pas. L’Espagnol, avec plus
d’argent et une plus nombreuse suite, avait gagné la populace anglaise:
il fait d’abord tuer les chevaux des carrosses français; et bientôt
les gens du comte d’Estrades, blessés et dispersés, laissèrent les
Espagnols marcher l’épée nue comme en triomphe.
Louis XIV, informé de cette insulte, rappela l’ambassadeur qu’il avait
à Madrid, fit sortir de France celui d’Espagne, rompit les conférences
qui se tenaient encore en Flandre au sujet des limites, et fit dire
au roi Philippe IV, son beau-père, que s’il ne reconnaissait la
supériorité de la couronne de France et ne réparait cet affront par
une satisfaction solennelle, la guerre allait recommencer. Philippe
IV ne voulut pas replonger son royaume dans une guerre nouvelle pour
la préséance d’un ambassadeur: il envoya le comte de Fuentes déclarer
au roi, à Fontainebleau, en présence de tous les ministres étrangers
qui étaient en France (24 mars 1662), «que les ministres espagnols
ne concourraient plus dorénavant avec ceux de France.» Ce n’en était
pas assez pour reconnaître nettement la prééminence du roi; mais
c’en était assez pour un aveu authentique de la faiblesse espagnole.
Cette cour, encore fière, murmura long-temps de son humiliation.
Depuis, plusieurs ministres espagnols ont renouvelé leurs anciennes
prétentions: ils ont obtenu l’égalité à Nimègue; mais Louis XIV acquit
alors, par sa fermeté, une supériorité réelle dans l’Europe, en fesant
voir combien il était à craindre.
A peine sorti de cette petite affaire avec tant de grandeur, il en
marqua encore davantage dans une occasion où sa gloire semblait moins
intéressée. Les jeunes Français, dans les guerres faites depuis
long-temps en Italie contre l’Espagne, avaient donné aux Italiens,
circonspects et jaloux, l’idée d’une nation impétueuse. L’Italie
regardait toutes les nations dont elle était inondée comme des
barbares, et les Français comme des barbares plus gais que les autres,
mais plus dangereux, qui portaient dans toutes les maisons les plaisirs
avec le mépris, et la débauche avec l’insulte. Ils étaient craints
partout, et surtout à Rome.
Le duc de Créqui, ambassadeur auprès du pape, avait révolté les Romains
par sa hauteur: ses domestiques, gens qui poussent toujours à l’extrême
les défauts de leur maître, commettaient dans Rome les mêmes désordres
que la jeunesse indisciplinable de Paris, qui se fesait alors un
honneur d’attaquer toutes les nuits le guet qui veille à la garde de la
ville.
Quelques laquais du duc de Créqui s’avisèrent de charger, l’épée à la
main, une escouade des Corses (ce sont des gardes du pape qui appuient
les exécutions de la justice). Tout le corps des Corses offensé,
et secrètement animé par don Mario Chigi, frère du pape Alexandre
VII, qui haïssait le duc de Créqui, vint en armes assiéger la maison
de l’ambassadeur (20 août 1662). Ils tirèrent sur le carrosse de
l’ambassadrice, qui rentrait alors dans son palais; ils lui tuèrent
un page[443], et blessèrent plusieurs domestiques. Le duc de Créqui
sortit de Rome, accusant les parents du pape, et le pape lui-même,
d’avoir favorisé cet assassinat. Le pape différa tant qu’il put la
réparation, persuadé qu’avec les Français il n’y a qu’à temporiser,
et que tout s’oublie. Il fit pendre un Corse et un sbire au bout de
quatre mois; et il fit sortir de Rome le gouverneur, soupçonné d’avoir
autorisé l’attentat: mais il fut consterné d’apprendre que le roi
menaçait de faire assiéger Rome, qu’il fesait déjà passer des troupes
en Italie, et que le maréchal du Plessis-Praslin était nommé pour les
commander. L’affaire était devenue une querelle de nation à nation, et
le roi voulait faire respecter la sienne. Le pape, avant de faire la
satisfaction qu’on demandait, implora la médiation de tous les princes
catholiques; il fit ce qu’il put pour les animer contre Louis XIV: mais
les circonstances n’étaient pas favorables au pape. L’empire était
attaqué par les Turcs: l’Espagne était embarrassée dans une guerre peu
heureuse contre le Portugal.
La cour romaine ne fit qu’irriter le roi sans pouvoir lui nuire. Le
parlement de Provence cita le pape, et fit saisir le comtat d’Avignon.
Dans d’autres temps les excommunications de Rome auraient suivi ces
outrages: mais c’étaient des armes usées et devenues ridicules: il
fallut que le pape pliât; il fut forcé d’exiler de Rome son propre
frère, d’envoyer son neveu, le cardinal Chigi, en qualité de légat _a
latere_[444], faire satisfaction au roi; de casser la garde corse, et
d’élever dans Rome une pyramide, avec une inscription qui contenait
l’injure et la réparation. Le cardinal Chigi fut le premier légat de la
cour romaine qui fut jamais envoyé pour demander pardon. Les légats,
auparavant, venaient donner des lois, et imposer des décimes. Le roi ne
s’en tint pas à faire réparer un outrage par des cérémonies passagères
et par des monuments qui le sont aussi (car il permit, quelques années
après, la destruction de la pyramide); mais il força la cour de Rome à
promettre de rendre Castro et Ronciglione au duc de Parme, à dédommager
le duc de Modène de ses droits sur Comacchio; et il tira ainsi d’une
insulte l’honneur solide d’être le protecteur des princes d’Italie.
En soutenant sa dignité, il n’oubliait pas d’augmenter son pouvoir. (27
octobre 1662) Ses finances, bien administrées par Colbert, le mirent
en état d’acheter Dunkerque et Mardick du roi d’Angleterre, pour cinq
millions de livres, à vingt-six livres dix sous le marc. Charles II,
prodigue et pauvre, eut la honte de vendre le prix du sang des Anglais.
Son chancelier Hyde, accusé d’avoir ou conseillé ou souffert cette
faiblesse, fut banni depuis par le parlement d’Angleterre, qui punit
souvent les fautes des favoris, et qui quelquefois même juge ses rois.
(1663) Louis fit travailler trente mille hommes à fortifier Dunkerque
du côté de la terre et de la mer. On creusa entre la ville et la
citadelle un bassin capable de contenir trente vaisseaux de guerre, de
sorte qu’à peine les Anglais eurent vendu cette ville, qu’elle devint
l’objet de leur terreur.
(30 août 1663) Quelque temps après le roi força le duc de Lorraine à
lui donner la forte ville de Marsal. Ce malheureux Charles IV, guerrier
assez illustre, mais prince faible, inconstant, et imprudent, venait
de faire un traité par lequel il donnait la Lorraine à la France après
sa mort, à condition que le roi lui permettrait de lever un million
sur l’état qu’il abandonnait, et que les princes du sang de Lorraine
seraient réputés princes du sang de France. Ce traité, vainement
vérifié au parlement de Paris, ne servit qu’à produire de nouvelles
inconstances dans le duc de Lorraine; trop heureux ensuite de donner
Marsal, et de se remettre à la clémence du roi.
Louis augmentait ses états même pendant la paix, et se tenait toujours
prêt pour la guerre, fesant fortifier ses frontières, tenant ses
troupes dans la discipline, augmentant leur nombre, fesant des revues
fréquentes.
Les Turcs étaient alors très redoutables en Europe; ils attaquaient
à-la-fois l’empereur d’Allemagne et les Vénitiens. La politique des
rois de France a toujours été, depuis François Iᵉʳ, d’être alliés des
empereurs turcs; non seulement pour les avantages du commerce, mais
pour empêcher la maison d’Autriche de trop prévaloir. Cependant, un roi
chrétien ne pouvait refuser du secours à l’empereur, trop en danger;
et l’intérêt de la France était bien que les Turcs inquiétassent la
Hongrie, mais non pas qu’ils l’envahissent: enfin ses traités avec
l’empire lui fesaient un devoir de cette démarche honorable. Il
envoya donc six mille hommes en Hongrie, sous les ordres du comte de
Coligni[445], seul reste de la maison de ce Coligni, autrefois si
célèbre dans nos guerres civiles, et qui mérite peut-être une aussi
grande renommée que cet amiral, par son courage et par sa vertu.
L’amitié l’avait attaché au grand Condé, et toutes les offres du
cardinal Mazarin n’avaient jamais pu l’engager à manquer à son ami.
Il mena avec lui l’élite de la noblesse de France, et entre autres
le jeune La Feuillade, homme entreprenant et avide de gloire et de
fortune. (1664) Ces Français allèrent servir en Hongrie sous le
général Montecuculli, qui tenait tête alors au grand-vizir Kiuperli
ou Kouprogli, et qui depuis, en servant contre la France, balança la
réputation de Turenne. Il y eut un grand combat à Saint-Gothard, au
bord du Raab, entre les Turcs et l’armée de l’empereur. Les Français y
firent des prodiges de valeur; les Allemands mêmes, qui ne les aimaient
point, furent obligés de leur rendre justice; mais ce n’est pas la
rendre aux Allemands, de dire, comme on a fait dans tant de livres,
que les Français eurent seuls l’honneur de la victoire.
Le roi, en mettant sa grandeur à secourir ouvertement l’empereur, et à
donner de l’éclat aux armes françaises, mettait sa politique à soutenir
secrètement le Portugal contre l’Espagne. Le cardinal Mazarin avait
abandonné formellement les Portugais, par le traité des Pyrénées; mais
l’Espagnol avait fait plusieurs petites infractions tacites à la paix.
Le Français en fit une hardie et décisive: le maréchal de Schomberg,
étranger et huguenot, passa en Portugal avec quatre mille soldats
français, qu’il payait de l’argent de Louis XIV, et qu’il feignait de
soudoyer au nom du roi de Portugal. Ces quatre mille soldats français,
joints aux troupes portugaises, remportèrent à Villa-Viciosa (17 juin
1665) une victoire complète, qui affermit le trône dans la maison de
Bragance. Ainsi Louis XIV passait déjà pour un prince guerrier et
politique, et l’Europe le redoutait même avant qu’il eût encore fait la
guerre.
Ce fut par cette politique qu’il évita, malgré ses promesses, de
joindre le peu de vaisseaux qu’il avait alors aux flottes hollandaises.
Il s’était allié avec la Hollande en 1662. Cette république, environ
vers ce temps-là, recommença la guerre contre l’Angleterre, au sujet
du vain et bizarre honneur du pavillon, et des intérêts réels de son
commerce dans les Indes. Louis voyait avec plaisir ces deux puissances
maritimes mettre en mer tous les ans, l’une contre l’autre, des
flottes de plus de cent vaisseaux, et se détruire mutuellement par les
batailles les plus opiniâtres qui se soient jamais données, dont tout
le fruit était l’affaiblissement des deux partis. Il s’en donna une qui
dura trois jours entiers (11, 12, et 13 juin 1666). Ce fut dans ces
combats que le Hollandais Ruyter acquit la réputation du plus grand
homme de mer qu’on eût vu encore. Ce fut lui qui alla brûler les plus
beaux vaisseaux d’Angleterre jusque dans ses ports, à quatre lieues de
Londres. Il fit triompher la Hollande sur les mers, dont les Anglais
avaient toujours eu l’empire, et où Louis XIV n’était rien encore.
La domination de l’Océan était partagée, depuis quelque temps, entre
ces deux nations. L’art de construire les vaisseaux, et de s’en servir
pour le commerce et pour la guerre, n’était bien connu que d’elles.
La France, sous le ministère de Richelieu, se croyait puissante sur
mer, parceque d’environ soixante vaisseaux ronds que l’on comptait
dans ses ports, elle pouvait en mettre en mer environ trente, dont
un seul portait soixante et dix canons. Sous Mazarin, on acheta des
Hollandais le peu de vaisseaux que l’on avait. On manquait de matelots,
d’officiers, de manufactures pour la construction et pour l’équipement.
Le roi entreprit de réparer les ruines de la marine, et de donner à
la France tout ce qui lui manquait, avec une diligence incroyable:
mais, en 1664 et 1665, tandis que les Anglais et les Hollandais
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