Œuvres de Voltaire Tome XIX: Siècle de Louis XIV.—Tome I - 16

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devaient l’engager au retour et à la paix. Le courrier se trompa; et au
lieu d’aller à Angerville, où était le prince, il alla à Augerville.
La lettre vint trop tard. Condé dit que s’il l’avait reçue plus tôt,
il aurait accepté les propositions de paix; mais que, puisqu’il était
déjà assez loin de Paris, ce n’était pas la peine d’y retourner. Ainsi
la méprise d’un courrier et le pur caprice de ce prince replongèrent la
France dans la guerre civile.
(Décembre 1651) Alors le cardinal Mazarin, qui, du fond de son exil
à Cologne, avait gouverné la cour, rentra dans le royaume, moins
en ministre qui venait reprendre son poste, qu’en souverain qui se
remettait en possession de ses états; il était conduit par une petite
armée de sept mille hommes levés à ses dépens, c’est-à-dire avec
l’argent du royaume qu’il s’était approprié.
On fait dire au roi, dans une déclaration de ce temps-là, que le
cardinal avait en effet levé ces troupes de son argent; ce qui doit
confondre l’opinion de ceux qui ont écrit qu’à sa première sortie
du royaume Mazarin s’était trouvé dans l’indigence. Il donna le
commandement de sa petite armée au maréchal d’Hocquincourt. Tous
les officiers portaient des écharpes vertes; c’était la couleur des
livrées du cardinal. Chaque parti avait alors son écharpe: la blanche
était celle du roi; l’isabelle, celle du prince de Condé. Il était
étonnant que le cardinal Mazarin, qui avait jusqu’alors affecté tant de
modestie, eût la hardiesse de faire porter ses livrées à une armée,
comme s’il avait un parti différent de celui de son maître; mais il
ne put résister à cette vanité: c’était précisément ce qu’avait fait
le maréchal d’Ancre, et ce qui contribua beaucoup à sa perte. La même
témérité réussit au cardinal Mazarin: la reine l’approuva. Le roi, déjà
majeur, et son frère, allèrent au-devant de lui.
(Décembre 1651) Aux premières nouvelles de son retour, Gaston
d’Orléans, frère de Louis XIII, qui avait demandé l’éloignement
du cardinal, leva des troupes dans Paris sans savoir à quoi elles
seraient employées. Le parlement renouvela ses arrêts; il proscrivit
Mazarin, et mit sa tête à prix. Il fallut chercher dans les registres
quel était le prix d’une tête ennemie du royaume. On trouva que sous
Charles IX on avait promis, par arrêt, cinquante mille écus à celui qui
représenterait l’amiral Coligni mort ou vif. On crut très sérieusement
procéder en règle, en mettant ce même prix à l’assassinat d’un cardinal
premier ministre.
Cette proscription ne donna à personne la tentation de mériter les
cinquante mille écus, qui après tout n’eussent point été payés. Chez
une autre nation, et dans un autre temps, un tel arrêt eût trouvé des
exécuteurs; mais il ne servit qu’à faire de nouvelles plaisanteries.
Les Blot et les Marigni, beaux esprits, qui portaient la gaîté dans les
tumultes de ces troubles, firent afficher dans Paris une répartition
des cent cinquante mille livres; tant pour qui couperait le nez au
cardinal, tant pour une oreille, tant pour un œil, tant pour le faire
eunuque. Ce ridicule fut tout l’effet de la proscription contre la
personne du ministre; mais ses meubles et sa bibliothèque furent vendus
par un second arrêt; cet argent était destiné à payer un assassin; il
fut dissipé par les dépositaires, comme tout l’argent qu’on levait
alors. Le cardinal, de son côté, n’employait contre ses ennemis ni le
poison ni l’assassinat; et, malgré l’aigreur et la manie de tant de
partis et de tant de haines, on ne commit pas autant de grands crimes,
les chefs de parti furent moins cruels, et les peuples moins furieux
que du temps de la ligue; car ce n’était pas une guerre de religion.
(Décembre 1651) L’esprit de vertige qui régnait en ce temps posséda si
bien tout le corps du parlement de Paris, qu’après avoir solennellement
ordonné un assassinat dont on se moquait, il rendit un arrêt par
lequel plusieurs conseillers devaient se transporter sur la frontière
pour informer contre l’armée du cardinal Mazarin, c’est-à-dire contre
l’armée royale.
Deux conseillers furent assez imprudents pour aller avec quelques
paysans faire rompre les ponts par où le cardinal devait passer: l’un
d’eux, nommé Bitaut, fut fait prisonnier par les troupes du roi,
relâché avec indulgence, et moqué de tous les partis.
(6 août 1652) Cependant le roi majeur interdit le parlement de Paris,
et le transfère à Pontoise. Quatorze membres attachés à la cour
obéissent, les autres résistent. Voilà deux parlements qui, pour mettre
le comble à la confusion, se foudroient par des arrêts réciproques,
comme du temps de Henri IV et de Charles VI.
Précisément dans le temps que cette compagnie s’abandonnait à ces
extrémités contre le ministre du roi, elle déclarait criminel de
lèse-majesté le prince de Condé, qui n’était armé que contre ce
ministre; et, par un renversement d’esprit que toutes les démarches
précédentes rendent croyable, elle ordonna que les nouvelles troupes de
Gaston, duc d’Orléans, marcheraient contre Mazarin; et elle défendit en
même temps qu’on prît aucuns deniers dans les recettes publiques pour
les soudoyer.
On ne pouvait attendre autre chose d’une compagnie de magistrats qui,
jetée hors de sa sphère, et ne connaissant ni ses droits, ni son
pouvoir réel, ni les affaires politiques, ni la guerre, s’assemblant et
décidant en tumulte, prenait des partis auxquels elle n’avait pas pensé
le jour d’auparavant, et dont elle-même s’étonnait ensuite.
Le parlement de Bordeaux servait alors le prince de Condé; mais il tint
une conduite un peu plus uniforme, parcequ’étant plus éloigné de la
cour, il était moins agité par des factions opposées. Des objets plus
considérables intéressaient toute la France.
Condé, ligué avec les Espagnols, était en campagne contre le roi; et
Turenne, ayant quitté ces mêmes Espagnols, avec lesquels il avait été
battu à Réthel, venait de faire sa paix avec la cour, et commandait
l’armée royale. L’épuisement des finances ne permettait ni à l’un ni à
l’autre des deux partis d’avoir de grandes armées; mais de petites ne
décidaient pas moins du sort de l’état. Il y a des temps où cent mille
hommes en campagne peuvent à peine prendre deux villes: il y en a
d’autres où une bataille entre sept ou huit mille hommes peut renverser
un trône ou l’affermir.
Louis XIV, élevé dans l’adversité, allait avec sa mère, son frère, et
le cardinal Mazarin, de province en province, n’ayant pas autant de
troupes autour de sa personne, à beaucoup près, qu’il en eut depuis en
temps de paix pour sa seule garde. Cinq à six mille hommes, les uns
envoyés d’Espagne, les autres levés par les partisans du prince de
Condé, le poursuivaient au cœur de son royaume.
Le prince de Condé courait cependant de Bordeaux à Montauban, prenait
des villes, et grossissait partout son parti.
Toute l’espérance de la cour était dans le maréchal de Turenne. L’armée
royale se trouvait auprès de Gien sur la Loire. Celle du prince de
Condé était à quelques lieues sous les ordres du duc de Nemours et
du duc de Beaufort. Les divisions de ces deux généraux allaient être
funestes au parti du prince. Le duc de Beaufort était incapable du
moindre commandement. Le duc de Nemours passait pour être plus brave et
plus aimable qu’habile. Tous deux ensemble ruinaient leur armée. Les
soldats savaient que le grand Condé était à cent lieues de là, et se
croyaient perdus, lorsqu’au milieu de la nuit un courrier se présenta
dans la forêt d’Orléans devant les grandes gardes. Les sentinelles
reconnurent dans ce courrier le prince de Condé lui-même, qui venait
d’Agen, à travers mille aventures, et toujours déguisé, se mettre à la
tête de son armée.
Sa présence fesait beaucoup, et cette arrivée imprévue encore
davantage. Il savait que tout ce qui est soudain et inespéré transporte
les hommes. Il profita à l’instant de la confiance et de l’audace qu’il
venait d’inspirer. Le grand talent de ce prince dans la guerre était
de prendre en un instant les résolutions les plus hardies, et de les
exécuter avec non moins de conduite que de promptitude.
(7 avril 1652) L’armée royale était séparée en deux corps. Condé fondit
sur celui qui était à Blenau, commandé par le maréchal d’Hocquincourt;
et ce corps fut dissipé en même temps qu’attaqué. Turenne n’en put
être averti. Le cardinal Mazarin effrayé courut à Gien, au milieu
de la nuit, réveiller le roi qui dormait, pour lui apprendre cette
nouvelle. Sa petite cour fut consternée; on proposa de sauver le roi
par la fuite, et de le conduire secrètement à Bourges. Le prince de
Condé victorieux approchait de Gien; la désolation et la crainte
augmentaient. Turenne par sa fermeté rassura les esprits, et sauva
la cour par son habileté; il fit, avec le peu qui lui restait de
troupes, des mouvements si heureux, profita si bien du terrain et
du temps, qu’il empêcha Condé de poursuivre son avantage. Il fut
difficile alors de décider lequel avait acquis le plus d’honneur, ou
de Condé victorieux, ou de Turenne qui lui avait arraché le fruit de
sa victoire. Il est vrai que dans ce combat de Blenau, si long-temps
célèbre en France, il n’y avait pas eu quatre cents hommes de tués;
mais le prince de Condé n’en fut pas moins sur le point de se rendre
maître de toute la famille royale, et d’avoir entre ses mains son
ennemi, le cardinal Mazarin. On ne pouvait guère voir un plus petit
combat, de plus grands intérêts, et un danger plus pressant.
Condé, qui ne se flattait pas de surprendre Turenne, comme il avait
surpris d’Hocquincourt, fit marcher son armée vers Paris: il se hâta
d’aller dans cette ville jouir de sa gloire et des dispositions
favorables d’un peuple aveugle. L’admiration qu’on avait pour ce
dernier combat dont on exagérait encore toutes les circonstances, la
haine qu’on portait à Mazarin, le nom et la présence du grand Condé,
semblaient d’abord le rendre maître absolu de la capitale: mais dans
le fond tous les esprits étaient divisés; chaque parti était subdivisé
en factions, comme il arrive dans tous les troubles. Le coadjuteur,
devenu cardinal de Retz, raccommodé en apparence avec la cour, qui le
craignait et dont il se défiait, n’était plus le maître du peuple,
et ne jouait plus le principal rôle. Il gouvernait le duc d’Orléans,
et était opposé à Condé. Le parlement flottait entre la cour, le duc
d’Orléans, et le prince: quoique tout le monde s’accordât à crier
contre Mazarin, chacun ménageait en secret des intérêts particuliers;
le peuple était une mer orageuse, dont les vagues étaient poussées
au hasard par tant de vents contraires. On fit promener dans Paris
la châsse de sainte Geneviève, pour obtenir l’expulsion du cardinal
ministre; et la populace ne douta pas que cette sainte n’opérât ce
miracle, comme elle donne de la pluie.
On ne voyait que négociations entre les chefs de parti, députations du
parlement, assemblées de chambres, séditions dans la populace, gens de
guerre dans la campagne. On montait la garde à la porte des monastères.
Le prince avait appelé les Espagnols à son secours. Charles IV, ce
duc de Lorraine chassé de ses états, et à qui il restait pour tout
bien une armée de huit mille hommes, qu’il vendait tous les ans au roi
d’Espagne, vint auprès de Paris avec cette armée. Le cardinal Mazarin
lui offrit plus d’argent pour s’en retourner que le prince de Condé ne
lui en avait donné pour venir. Le duc de Lorraine quitta bientôt la
France, après l’avoir désolée sur son passage, emportant l’argent des
deux partis.
Condé resta donc dans Paris, avec un pouvoir qui diminua tous les
jours, et une armée plus faible encore. Turenne mena le roi et sa cour
vers Paris. Le roi, à l’âge de quinze ans, vit (juillet 1652) de la
hauteur de Charonne la bataille de Saint-Antoine, où ces deux généraux
firent avec si peu de troupes de si grandes choses, que la réputation
de l’un et de l’autre, qui semblait ne pouvoir plus croître, en fut
augmentée.
Le prince de Condé, avec un petit nombre de seigneurs de son parti,
suivi de peu de soldats, soutint et repoussa l’effort de l’armée
royale. Le duc d’Orléans, incertain du parti qu’il devait prendre,
restait dans son palais du Luxembourg. Le cardinal de Retz était
cantonné dans son archevêché. Le parlement attendait l’issue de la
bataille pour donner quelque arrêt. La reine en larmes était prosternée
dans une chapelle aux Carmélites. Le peuple, qui craignait alors
également et les troupes du roi et celles de monsieur le Prince,
avait fermé les portes de la ville, et ne laissait plus entrer ni
sortir personne, pendant que ce qu’il y avait de plus grand en France
s’acharnait au combat, et versait son sang dans le faubourg. Ce fut là
que le duc de La Rochefoucauld, si illustre par son courage et par son
esprit, reçut un coup au-dessus des yeux, qui lui fit perdre la vue
pour quelque temps[415]. Un neveu du cardinal Mazarin y fut tué, et le
peuple se crut vengé. On ne voyait que jeunes seigneurs tués ou blessés
qu’on rapportait à la porte Saint-Antoine, qui ne s’ouvrait point.
Enfin Mademoiselle, fille de Gaston, prenant le parti de Condé, que
son père n’osa secourir, fit ouvrir les portes aux blessés, et eut
la hardiesse de faire tirer sur les troupes du roi le canon de la
Bastille. L’armée royale se retira: Condé n’acquit que de la gloire;
mais Mademoiselle se perdit pour jamais dans l’esprit du roi, son
cousin, par cette action violente; et le cardinal Mazarin, qui savait
l’extrême envie qu’avait Mademoiselle d’épouser une tête couronnée, dit
alors: _Ce canon-là vient de tuer son mari_.
La plupart de nos historiens n’étalent à leurs lecteurs que ces combats
et ces prodiges de courage et de politique: mais qui saurait quels
ressorts honteux il fallait faire jouer, dans quelles misères on
était obligé de plonger les peuples, et à quelles bassesses on était
réduit, verrait la gloire des héros de ce temps-là avec plus de pitié
que d’admiration. On en peut juger par les seuls traits que rapporte
Gourville, homme attaché à monsieur le Prince. Il avoue que lui-même,
pour lui procurer de l’argent, vola celui d’une recette, et qu’il alla
prendre dans son logis un directeur des postes, à qui il fit payer une
rançon: et il rapporte ces violences comme des choses ordinaires.
La livre de pain valait alors à Paris vingt-quatre de nos sous. Le
peuple souffrait, les aumônes ne suffisaient pas; plusieurs provinces
étaient dans la disette.
Y a-t-il rien de plus funeste que ce qui se passa dans cette guerre
devant Bordeaux? Un gentilhomme est pris par les troupes royales,
on lui tranche la tête. Le duc de La Rochefoucauld fait pendre
par représailles un gentilhomme du parti du roi; et ce duc de La
Rochefoucauld passe pourtant pour un philosophe. Toutes ces horreurs
étaient bientôt oubliées pour les grands intérêts des chefs de parti.
Mais en même temps y a-t-il rien de plus ridicule que de voir le
grand Condé baiser la châsse de sainte Geneviève dans une procession,
y frotter son chapelet, le montrer au peuple, et prouver, par cette
facétie, que les héros sacrifient souvent à la canaille?
Nulle décence, nulle bienséance, ni dans les procédés, ni dans les
paroles. Omer Talon rapporte qu’il entendit des conseillers appeler, en
opinant, le cardinal premier ministre, _faquin_[416]. Un conseiller,
nommé Quatre-sous, apostropha rudement le grand Condé en plein
parlement; on se donna des gourmades dans le sanctuaire de la justice.
Il y avait eu des coups donnés à Notre-Dame[417] pour une place que les
présidents des enquêtes disputaient au doyen de la grand’chambre en
1644. On laissa entrer dans le parquet des gens du roi, en 1645, des
femmes du peuple qui demandèrent à genoux que le parlement fît révoquer
les impôts.
Ce désordre en tout genre continua depuis 1644 jusqu’en 1653, d’abord
sans trouble, enfin dans des séditions continuelles d’un bout du
royaume à l’autre.
(1652) Le grand Condé s’oublia jusqu’à donner un soufflet au comte de
Rieux, fils du prince d’Elbeuf, chez le duc d’Orléans: ce n’était pas
le moyen de regagner le cœur des Parisiens. Le comte de Rieux rendit
le soufflet au vainqueur de Rocroi, de Fribourg, de Nordlingen, et de
Lens. Cette étrange aventure ne produisit rien; Monsieur fit mettre
pour quelques jours le fils du duc d’Elbeuf à la Bastille, et il n’en
fut plus parlé[418].
La querelle du duc de Beaufort et du duc de Nemours, son beau-frère,
fut sérieuse. Ils s’appelèrent en duel, ayant chacun quatre seconds.
Le duc de Nemours fut tué par le duc de Beaufort; et le marquis
de Villars[419], surnommé _Orondate_, qui secondait Nemours, tua
son adversaire, Héricourt, qu’il n’avait jamais vu auparavant. De
justice, il n’y en avait pas l’ombre. Les duels étaient fréquents, les
déprédations continuelles, les débauches poussées jusqu’à l’impudence
publique; mais au milieu de ces désordres il régna toujours une gaîté
qui les rendit moins funestes.
Après le sanglant et inutile combat de Saint-Antoine, le roi ne put
rentrer dans Paris, et le prince n’y put demeurer long-temps. Une
émotion populaire, et le meurtre de plusieurs citoyens dont on le crut
l’auteur, le rendirent odieux au peuple. Cependant il avait encore sa
brigue au parlement. (20 juillet 1652) Ce corps, peu intimidé alors par
une cour errante et chassée en quelque façon de la capitale, pressé par
les cabales du duc d’Orléans et du prince, déclara par un arrêt le duc
d’Orléans lieutenant-général du royaume, quoique le roi fût majeur:
c’était le même titre qu’on avait donné au duc de Mayenne du temps de
la ligue. Le prince de Condé fut nommé généralissime des armées. Les
deux parlements de Paris et de Pontoise, se contestant l’un à l’autre
leur autorité, donnant des arrêts contraires, et qui par là se seraient
rendus le mépris du peuple, s’accordaient à demander l’expulsion de
Mazarin: tant la haine contre ce ministre semblait alors le devoir
essentiel d’un Français.
Il ne se trouva dans ce temps aucun parti qui ne fût faible: celui
de la cour l’était autant que les autres; l’argent et les forces
manquaient à tous; les factions se multipliaient; les combats n’avaient
produit de chaque côté que des pertes et des regrets. La cour se vit
obligée de sacrifier encore Mazarin, que tout le monde appelait la
cause des troubles, et qui n’en était que le prétexte. Il sortit une
seconde fois du royaume (12 août 1652): pour surcroît de honte, il
fallut que le roi donnât une déclaration publique, par laquelle il
renvoyait son ministre, en vantant ses services et en se plaignant de
son exil[420].
Charles Iᵉʳ, roi d’Angleterre, venait de perdre la tête sur un
échafaud[421], pour avoir, dans le commencement des troubles,
abandonné le sang de Strafford, son ami, à son parlement: Louis XIV,
au contraire, devint le maître paisible de son royaume en souffrant
l’exil de Mazarin. Ainsi les mêmes faiblesses eurent des succès bien
différents. Le roi d’Angleterre, en abandonnant son favori, enhardit un
peuple qui respirait la guerre, et qui haïssait les rois; et Louis XIV,
ou plutôt la reine-mère, en renvoyant le cardinal, ôta tout prétexte de
révolte à un peuple las de la guerre, et qui aimait la royauté.
(20 octobre 1652) Le cardinal à peine parti pour aller à Bouillon, lieu
de sa nouvelle retraite, les citoyens de Paris, de leur seul mouvement,
députèrent au roi pour le supplier de revenir dans sa capitale. Il y
rentra; et tout y fut si paisible qu’il eût été difficile d’imaginer
que quelques jours auparavant tout avait été dans la confusion. Gaston
d’Orléans, malheureux dans ses entreprises, qu’il ne sut jamais
soutenir, fut relégué à Blois, où il passa le reste de sa vie dans le
repentir; et il fut le deuxième fils de Henri-le-Grand qui mourut sans
beaucoup de gloire. Le cardinal de Retz, aussi imprudent qu’audacieux,
fut arrêté dans le Louvre, et, après avoir été conduit de prison en
prison, il mena long-temps une vie errante, qu’il finit enfin dans la
retraite, où il acquit des vertus que son grand courage n’avait pu
connaître dans les agitations de sa fortune.
Quelques conseillers[422] qui avaient le plus abusé de leur ministère
payèrent leurs démarches par l’exil; les autres se renfermèrent dans
les bornes de la magistrature, et quelques uns s’attachèrent à leur
devoir par une gratification annuelle de cinq cents écus, que Fouquet,
procureur-général et surintendant des finances, leur fit donner sous
main[423].
Le prince de Condé cependant, abandonné en France de presque tous ses
partisans, et mal secouru des Espagnols, continuait sur les frontières
de la Champagne une guerre malheureuse. Il restait encore des factions
dans Bordeaux, mais elles furent bientôt apaisées.
Ce calme du royaume était l’effet du bannissement du cardinal Mazarin;
cependant, à peine fut-il chassé par le cri général des Français et par
une déclaration du roi, que le roi le fit revenir (3 février 1653).
Il fut étonné de rentrer dans Paris tout puissant et tranquille. Louis
XIV le reçut comme un père, et le peuple comme un maître. On lui fit
un festin à l’hôtel-de-ville, au milieu des acclamations des citoyens:
il jeta de l’argent à la populace; mais on dit que, dans la joie d’un
si heureux changement, il marqua du mépris pour l’inconstance, ou
plutôt pour la folie des Parisiens. Les officiers du parlement, après
avoir mis sa tête à prix comme celle d’un voleur public, briguèrent
presque tous l’honneur de venir lui demander sa protection; et ce
même parlement, peu de temps après, condamna par contumace le prince
de Condé à perdre la vie (27 mars 1653); changement ordinaire dans de
pareils temps, et d’autant plus humiliant que l’on condamnait par des
arrêts celui dont on avait si long-temps partagé les fautes.
On vit le cardinal, qui pressait cette condamnation de Condé, marier
au prince de Conti, son frère, l’une de ses nièces (22 février 1654):
preuve que le pouvoir de ce ministre allait être sans bornes.
Le roi réunit les parlements de Paris et de Pontoise: il défendit les
assemblées des chambres. Le parlement voulut remontrer; on mit en
prison un conseiller, on en exila quelques autres; le parlement se tut:
tout était déjà changé.


CHAPITRE VI.
État de la France jusqu’à la mort du cardinal Mazarin, en 1661.

Pendant que l’état avait été ainsi déchiré au-dedans, il avait été
attaqué et affaibli au-dehors. Tout le fruit des batailles de Rocroi,
de Lens, et de Nordlingen, fut perdu. (1651) La place importante de
Dunkerque fut reprise par les Espagnols; ils chassèrent les Français de
Barcelone; ils reprirent Casal en Italie[424].
Cependant, malgré les tumultes d’une guerre civile et le poids d’une
guerre étrangère, le cardinal Mazarin avait été assez habile et assez
heureux pour conclure cette célèbre paix de Vestphalie par laquelle
l’empereur et l’empire vendirent au roi et à la couronne de France
la souveraineté de l’Alsace pour trois millions de livres payables
à l’archiduc, c’est-à-dire pour environ six millions d’aujourd’hui.
(1648) Par ce traité, devenu pour l’avenir la base de tous les traités,
un nouvel électorat fut créé pour la maison de Bavière[425]. Les
droits de tous les princes et des villes impériales, les priviléges
des moindres gentilshommes allemands, furent confirmés. Le pouvoir de
l’empereur fut restreint dans des bornes étroites, et les Français,
joints aux Suédois, devinrent les législateurs de l’empire. Cette
gloire de la France était due au moins en partie aux armes de la Suède.
Gustave-Adolphe avait commencé d’ébranler l’empire. Ses généraux
avaient encore poussé assez loin leurs conquêtes sous le gouvernement
de sa fille Christine. Son général Vrangel était prêt d’entrer en
Autriche. Le comte de Kœnigsmarck était maître de la moitié de la ville
de Prague, et assiégeait l’autre, lorsque cette paix fut conclue. Pour
accabler ainsi l’empereur, il n’en coûta guère à la France qu’environ
un million par an donné aux Suédois[426].
Aussi la Suède obtint par ces traités de plus grands avantages que la
France; elle eut la Poméranie, beaucoup de places, et de l’argent.
Elle força l’empereur de faire passer entre les mains des luthériens
des bénéfices qui appartenaient aux catholiques romains. Rome cria à
l’impiété, et dit que la cause de Dieu était trahie. Les protestants se
vantèrent qu’ils avaient sanctifié l’ouvrage de la paix, en dépouillant
des papistes. L’intérêt seul fit parler tout le monde.
L’Espagne n’entra point dans cette paix, et avec assez de raison;
car, voyant la France plongée dans les guerres civiles, le ministère
espagnol espéra profiter des divisions de la France. Les troupes
allemandes licenciées devinrent aux Espagnols un nouveau secours.
L’empereur, depuis la paix de Munster, fit passer en Flandre, en quatre
ans de temps, près de trente mille hommes. C’était une violation
manifeste des traités; mais ils ne sont presque jamais exécutés
autrement.
Les ministres de Madrid eurent, dans le commencement de ces
négociations de Vestphalie, l’adresse de faire une paix particulière
avec la Hollande. La monarchie espagnole fut enfin trop heureuse de
n’avoir plus pour ennemis, et de reconnaître pour souverains, ceux
qu’elle avait traités si long-temps de rebelles indignes de pardon. Ces
républicains augmentèrent leurs richesses, et affermirent leur grandeur
et leur tranquillité, en traitant avec l’Espagne, sans rompre avec la
France.
(1653) Ils étaient si puissants, que dans une guerre qu’ils eurent
quelque temps après avec l’Angleterre, ils mirent en mer cent vaisseaux
de ligne; et la victoire demeura souvent indécise entre Blake, l’amiral
anglais, et Tromp, l’amiral de Hollande, qui étaient tous deux sur mer
ce que les Condé et les Turenne étaient sur terre. La France n’avait
pas en ce temps dix vaisseaux de cinquante pièces de canon qu’elle pût
mettre en mer; sa marine s’anéantissait de jour en jour.
Louis XIV se trouva donc, en 1653, maître absolu d’un royaume encore
ébranlé des secousses qu’il avait reçues, rempli de désordres en tout
genre d’administration, mais plein de ressources, n’ayant aucun allié,
excepté la Savoie, pour faire une guerre offensive, et n’ayant plus
d’ennemis étrangers que l’Espagne, qui était alors en plus mauvais
état que la France. Tous les Français, qui avaient fait la guerre
civile, étaient soumis, hors le prince de Condé et quelques uns de ses
partisans, dont un ou deux lui étaient demeurés fidèles par amitié et
par grandeur d’ame, comme le comte de Coligni et Bouteville; et les
autres, parceque la cour ne voulut pas les acheter assez chèrement.
Condé, devenu général des armées espagnoles, ne put relever un parti
qu’il avait affaibli lui-même par la destruction de leur infanterie
aux journées de Rocroi et de Lens. Il combattait avec des troupes
nouvelles, dont il n’était pas le maître, contre les vieux régiments
français qui avaient appris à vaincre sous lui, et qui étaient
commandés par Turenne.
Le sort de Turenne et de Condé fut d’être toujours vainqueurs quand ils
combattirent ensemble à la tête des Français, et d’être battus quand
ils commandèrent les Espagnols.
Turenne avait à peine sauvé les débris de l’armée d’Espagne à la
bataille de Réthel, lorsque de général du roi de France il s’était fait
le lieutenant d’un général espagnol: le prince de Condé eut le même
sort devant Arras. (25 août 1654) L’archiduc et lui assiégeaient cette
ville. Turenne les assiégea dans leur camp, et força leurs lignes; les
troupes de l’archiduc furent mises en fuite. Condé, avec deux régiments
de Français et de Lorrains, soutint seul les efforts de l’armée de
Turenne; et, tandis que l’archiduc fuyait, il battit le maréchal
d’Hocquincourt, il repoussa le maréchal de La Ferté, et se retira
victorieux, en couvrant la retraite des Espagnols vaincus. Aussi le
roi d’Espagne lui écrivit ces propres paroles: «J’ai su que tout était
perdu, et que vous avez tout conservé.»
Il est difficile de dire ce qui fait perdre ou gagner les batailles;
mais il est certain que Condé était un des grands hommes de guerre qui
eussent jamais paru, et que l’archiduc et son conseil ne voulurent rien
faire dans cette journée de ce que Condé avait proposé.
Arras sauvé, les ligues forcées, et l’archiduc mis en fuite, comblèrent
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