Œuvres de Voltaire Tome XIX: Siècle de Louis XIV.—Tome I - 15

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parlement sera bien fâché_. Ces paroles fesaient voir assez que la cour
ne regardait alors le parlement de Paris que comme une assemblée de
rebelles.
Le cardinal et ses courtisans ne lui donnaient pas un autre nom. Plus
les parlementaires se plaignaient d’être traités de rebelles, plus ils
fesaient de résistance.
La reine et le cardinal résolurent de faire enlever trois des plus
opiniâtres magistrats du parlement, Novion Blancménil, président qu’on
appelle à mortier, Charton, président d’une chambre des enquêtes, et
Broussel, ancien conseiller-clerc de la grand’chambre.
Ils n’étaient pas chefs de parti, mais les instruments des chefs.
Charton, homme très borné, était connu par le sobriquet du président
_Je dis ça_, parcequ’il ouvrait et concluait toujours ses avis par ces
mots. Broussel n’avait de recommandable que ses cheveux blancs, sa
haine contre le ministère, et la réputation d’élever toujours la voix
contre la cour sur quelque sujet que ce fût. Ses confrères en fesaient
peu de cas, mais la populace l’idolâtrait.
Au lieu de les enlever sans éclat dans le silence de la nuit, le
cardinal crut en imposer au peuple en les fesant arrêter en plein
midi, tandis qu’on chantait le _Te Deum_ à Notre-Dame pour la victoire
de Lens, et que les suisses de la chambre apportaient dans l’église
soixante et treize drapeaux pris sur les ennemis. Ce fut précisément
ce qui causa la subversion du royaume. Charton s’esquiva; on prit
Blancménil sans peine; il n’en fut pas de même de Broussel. Une vieille
servante seule, en voyant jeter son maître dans un carrosse par
Comminges, lieutenant des gardes-du-corps, ameute le peuple; on entoure
le carrosse; on le brise; les gardes-françaises prêtent main-forte. Le
prisonnier est conduit sur le chemin de Sedan. Son enlèvement, loin
d’intimider le peuple, l’irrite et l’enhardit. On ferme les boutiques,
on tend les grosses chaînes de fer qui étaient alors à l’entrée des
rues principales; on fait quelques barricades, quatre cent mille voix
crient: _Liberté_ et Broussel.
Il est difficile de concilier tous les détails rapportés par le
cardinal de Retz, madame de Motteville, l’avocat général Talon, et tant
d’autres; mais tous conviennent des principaux points. Pendant la nuit
qui suivit l’émeute, la reine fesait venir environ deux mille hommes
de troupes cantonnées à quelques lieues de Paris, pour soutenir la
maison du roi. Le chancelier Séguier se transportait déjà au parlement,
précédé d’un lieutenant et de plusieurs hoquetons, pour casser tous les
arrêts, et même, disait-on, pour interdire ce corps. Mais, dans la nuit
même, les factieux s’étaient assemblés chez le coadjuteur de Paris, si
fameux sous le nom de cardinal de Retz, et tout était disposé pour
mettre la ville en armes. Le peuple arrête le carrosse du chancelier
et le renverse. Il put à peine s’enfuir avec sa fille, la duchesse de
Sulli, qui, malgré lui, l’avait voulu accompagner; il se retire en
désordre dans l’hôtel de Luines, pressé et insulté par la populace.
Le lieutenant civil vient le prendre dans son carrosse, et le mène au
Palais-Royal, escorté de deux compagnies suisses, et d’une escouade de
gendarmes; le peuple tire sur eux, quelques uns sont tués: la duchesse
de Sulli est blessée au bras (26 août 1648). Deux cents barricades sont
formées en un instant; on les pousse jusqu’à cent pas du Palais-Royal.
Tous les soldats, après avoir vu tomber quelques uns des leurs,
reculent et regardent faire les bourgeois. Le parlement en corps marche
à pied vers la reine, à travers les barricades qui s’abaissent devant
lui, et redemande ses membres emprisonnés. La reine est obligée de
les rendre, et, par cela même, elle invite les factieux à de nouveaux
outrages.
Le cardinal de Retz se vante d’avoir seul armé tout Paris dans cette
journée, qui fut nommée des _barricades_, et qui était la seconde de
cette espèce. Cet homme singulier est le premier évêque en France qui
ait fait une guerre civile sans avoir la religion pour prétexte. Il
s’est peint lui-même dans ses Mémoires, écrits avec un air de grandeur,
une impétuosité de génie, et une inégalité, qui sont l’image de sa
conduite. C’était un homme qui, du sein de la débauche, et languissant
encore des suites infames qu’elle entraîne, prêchait le peuple et s’en
fesait idolâtrer. Il respirait la faction et les complots; il avait
été, à l’âge de vingt-trois ans, l’ame d’une conspiration contre
la vie de Richelieu; il fut l’auteur des barricades: il précipita
le parlement dans les cabales, et le peuple dans les séditions. Son
extrême vanité lui fesait entreprendre des crimes téméraires, afin
qu’on en parlât. C’est cette même vanité qui lui a fait répéter tant
de fois: Je suis d’une maison de Florence aussi ancienne que celle des
plus grands princes; lui, dont les ancêtres avaient été des marchands,
comme tant de ses compatriotes.
Ce qui paraît surprenant, c’est que le parlement, entraîné par lui,
leva l’étendard contre la cour, avant même d’être appuyé par aucun
prince.
Cette compagnie, depuis long-temps, était regardée bien différemment
par la cour et par le peuple. Si l’on en croyait la voix de tous les
ministres et de la cour, le parlement de Paris était une cour de
justice faite pour juger les causes des citoyens: il tenait cette
prérogative de la seule volonté des rois, il n’avait sur les autres
parlements du royaume d’autre prééminence que celle de l’ancienneté
et d’un ressort plus considérable; il n’était la cour des pairs que
parceque la cour résidait à Paris; il n’avait pas plus de droit de
faire des remontrances que les autres corps, et ce droit était encore
une pure grace: il avait succédé à ces parlements qui représentaient
autrefois la nation française; mais il n’avait de ces anciennes
assemblées rien que le seul nom; et pour preuve incontestable, c’est
qu’en effet les états généraux étaient substitués à la place des
assemblées de la nation; et le parlement de Paris ne ressemblait pas
plus aux parlements tenus par nos premiers rois, qu’un consul de
Smyrne ou d’Alep ne ressemble à un consul romain.
Cette seule erreur de nom était le prétexte des prétentions ambitieuses
d’une compagnie d’hommes de loi, qui tous, pour avoir acheté leurs
offices de robe, pensaient tenir la place des conquérants des Gaules,
et des seigneurs des fiefs de la couronne. Ce corps, en tous les
temps, avait abusé du pouvoir que s’arroge nécessairement un premier
tribunal, toujours subsistant dans une capitale. Il avait osé donner
un arrêt contre Charles VII, et le bannir du royaume[406]; il avait
commencé un procès criminel contre Henri III[407]: il avait en tous
les temps résisté, autant qu’il l’avait pu, à ses souverains; et dans
cette minorité de Louis XIV, sous le plus doux des gouvernements, et
sous la plus indulgente des reines, il voulait faire la guerre civile à
son prince, à l’exemple de ce parlement d’Angleterre qui tenait alors
son roi prisonnier, et qui lui fit trancher la tête. Tels étaient les
discours et les pensées du cabinet.
Mais les citoyens de Paris, et tout ce qui tenait à la robe, voyaient
dans le parlement un corps auguste, qui avait rendu la justice avec
une intégrité respectable, qui n’aimait que le bien de l’état, et qui
l’aimait au péril de sa fortune, qui bornait son ambition à la gloire
de réprimer l’ambition des favoris, et qui marchait d’un pas égal
entre le roi et le peuple; et, sans examiner l’origine de ses droits
et de son pouvoir, on lui supposait les droits les plus sacrés, et le
pouvoir le plus incontestable: quand on le voyait soutenir la cause
du peuple contre les ministres détestés, on l’appelait _le père de
l’état_; et on fesait peu de différence entre le droit qui donne la
couronne aux rois, et celui qui donnait au parlement le pouvoir de
modérer les volontés des rois.
Entre ces deux extrémités, un milieu juste était impossible à trouver;
car, enfin, il n’y avait de loi bien reconnue que celle de l’occasion
et du temps. Sous un gouvernement vigoureux le parlement n’était rien:
il était tout sous un roi faible; et l’on pouvait lui appliquer ce que
dit M. de Guémené, quand cette compagnie se plaignit, sous Louis XIII,
d’avoir été précédée par les députés de la noblesse: «Messieurs, vous
prendrez bien votre revanche dans la minorité.»
On ne veut point répéter ici tout ce qui a été écrit sur ces troubles,
et copier des livres pour remettre sous les yeux tant de détails alors
si chers et si importants, et aujourd’hui presque oubliés; mais on
doit dire ce qui caractérise l’esprit de la nation, et moins ce qui
appartient à toutes les guerres civiles, que ce qui distingue celle de
la Fronde.
Deux pouvoirs établis chez les hommes, uniquement pour le maintien de
la paix, un archevêque et un parlement de Paris ayant commencé les
troubles, le peuple crut tous ses emportements justifiés. La reine ne
pouvait paraître en public sans être outragée, on ne l’appelait que
_Dame Anne_; et si l’on y ajoutait quelque titre, c’était un opprobre.
Le peuple lui reprochait avec fureur de sacrifier l’état à son
amitié pour Mazarin; et, ce qu’il y avait de plus insupportable, elle
entendait de tous côtés ces chansons et ces vaudevilles, monuments de
plaisanterie et de malignité qui semblaient devoir éterniser le doute
où l’on affectait d’être de sa vertu. Madame de Motteville dit, avec
sa noble et sincère naïveté, que «ces insolences fesaient horreur à la
reine, et que les Parisiens trompés lui fesaient pitié.»
(6 janvier 1649) Elle s’enfuit de Paris avec ses enfants, son ministre,
le duc d’Orléans, frère de Louis XIII, le grand Condé lui-même, et alla
à Saint-Germain, où presque toute la cour coucha sur la paille[408].
On fut obligé de mettre en gage chez les usuriers les pierreries de la
couronne.
Le roi manqua souvent du nécessaire. Les pages de sa chambre furent
congédiés, parcequ’on n’avait pas de quoi les nourrir. En ce temps-là
même la tante de Louis XIV, fille de Henri-le-Grand, femme du roi
d’Angleterre, réfugiée à Paris, y était réduite aux extrémités de la
pauvreté; et sa fille, depuis mariée au frère de Louis XIV, restait
au lit, n’ayant pas de quoi se chauffer, sans que le peuple de Paris,
enivré de ses fureurs, fît seulement attention aux afflictions de tant
de personnes royales.
Anne d’Autriche, dont on vantait l’esprit, les graces, la bonté,
n’avait presque jamais été en France que malheureuse. Long-temps
traitée comme une criminelle par son époux, persécutée par le cardinal
de Richelieu, elle avait vu ses papiers saisis au Val-de-Grace; elle
avait été obligée de signer en plein conseil qu’elle était coupable
envers le roi son mari. Quand elle accoucha de Louis XIV, ce même mari
ne voulut jamais l’embrasser selon l’usage, et cet affront altéra sa
santé au point de mettre en danger sa vie. Enfin, dans sa régence,
après avoir comblé de graces tous ceux qui l’avaient implorée, elle se
voyait chassée de la capitale par un peuple volage et furieux. Elle et
la reine d’Angleterre, sa belle-sœur, étaient toutes deux un mémorable
exemple des révolutions que peuvent éprouver les têtes couronnées; et
sa belle-mère, Marie de Médicis, avait été encore plus malheureuse[409].
La reine, les larmes aux yeux, pressa le prince de Condé de servir de
protecteur au roi. Le vainqueur de Rocroi, de Fribourg, de Lens, et de
Nordlingen, ne put démentir tant de services passés: il fut flatté de
l’honneur de défendre une cour qu’il croyait ingrate, contre la fronde
qui recherchait son appui. Le parlement eut donc le grand Condé à
combattre, et il osa soutenir la guerre.
Le prince de Conti, frère du grand Condé, aussi jaloux de son aîné
qu’incapable de l’égaler; le duc de Longueville, le duc de Beaufort, le
duc de Bouillon, animés par l’esprit remuant du coadjuteur, et avides
de nouveautés, se flattant d’élever leur grandeur sur les ruines de
l’état, et de faire servir à leurs desseins particuliers les mouvements
aveugles du parlement, vinrent lui offrir leurs services. On nomma,
dans la grand’chambre, les généraux d’une armée qu’on n’avait pas.
Chacun se taxa pour lever des troupes: il y avait vingt conseillers
pourvus de charges nouvelles, créées par le cardinal de Richelieu.
Leurs confrères, par une petitesse d’esprit dont toute société est
susceptible, semblaient poursuivre sur eux la mémoire de Richelieu; ils
les accablaient de dégoûts, et ne les regardaient pas comme membres du
parlement: il fallut qu’ils donnassent chacun quinze mille livres pour
les frais de la guerre, et pour acheter la tolérance de leurs confrères.
La grand’chambre, les enquêtes, les requêtes, la chambre des comptes,
la cour des aides, qui avaient tant crié contre des impôts faibles
et nécessaires, et surtout contre l’augmentation du tarif, laquelle
n’allait qu’à deux cent mille livres, fournirent une somme de près de
dix millions de notre monnaie d’aujourd’hui, pour la subversion de la
patrie. On rendit un arrêt par lequel il fut ordonné de se saisir de
tout l’argent des partisans de la cour. On en prit pour douze cent
mille de nos livres. On leva douze mille hommes par arrêt du parlement
(15 février 1649): chaque porte cochère fournit un homme et un cheval.
Cette cavalerie fut appelée _la cavalerie des portes cochères_. Le
coadjuteur avait un régiment à lui, qu’on nommait le _régiment de
Corinthe_, parceque le coadjuteur était archevêque titulaire de
Corinthe.
Sans les noms de roi de France, de grand Condé, de capitale du royaume,
cette guerre de la fronde eût été aussi ridicule que celle des
Barberins; on ne savait pourquoi on était en armes. Le prince de Condé
assiégea cent mille bourgeois avec huit mille soldats. Les Parisiens
sortaient en campagne, ornés de plumes et de rubans; leurs évolutions
étaient le sujet de plaisanterie des gens du métier. Ils fuyaient
dès qu’ils rencontraient deux cents hommes de l’armée royale. Tout se
tournait en raillerie; le régiment de Corinthe ayant été battu par un
petit parti, on appela cet échec _la première aux Corinthiens_.
Ces vingt conseillers, qui avaient fourni chacun quinze mille livres,
n’eurent d’autre honneur que d’être appelés les _quinze-vingts_[410].
Le duc de Beaufort-Vendôme, petit-fils de Henri IV, l’idole du peuple,
et l’instrument dont on se servit pour le soulever, prince populaire,
mais d’un esprit borné, était publiquement l’objet des railleries de la
cour et de la fronde même. On ne parlait jamais de lui que sous le nom
de _roi des halles_. Une balle lui ayant fait une contusion au bras, il
disait que ce n’était qu’une confusion.
La duchesse de Nemours rapporte, dans ses Mémoires, que le prince de
Condé présenta à la reine un petit nain bossu, armé de pied en cap.
«Voilà, dit-il, le généralissime de l’armée parisienne.» Il voulait par
là désigner son frère, le prince de Conti, qui était en effet bossu,
et que les Parisiens avaient choisi pour leur général. Cependant ce
même Condé fut ensuite général des mêmes troupes; et madame de Nemours
ajoute qu’il disait que toute cette guerre ne méritait d’être écrite
qu’en vers burlesques. Il l’appelait aussi la guerre des pots de
chambre.
Les troupes parisiennes, qui sortaient de Paris et revenaient
toujours battues, étaient reçues avec des huées et des éclats de
rire. On ne réparait tous ces petits échecs que par des couplets
et des épigrammes. Les cabarets et les autres maisons de débauche
étaient les tentes où l’on tenait les conseils de guerre, au milieu
des plaisanteries, des chansons, et de la gaîté la plus dissolue. La
licence était si effrénée, qu’une nuit les principaux officiers de la
fronde, ayant rencontré le saint-sacrement qu’on portait dans les rues
à un homme qu’on soupçonnait d’être Mazarin, reconduisirent les prêtres
à coups de plat d’épée.
Enfin on vit le coadjuteur, archevêque de Paris, venir prendre séance
au parlement avec un poignard dans sa poche, dont on apercevait la
poignée, et on criait: _Voilà le bréviaire de notre archevêque_.
Il vint un héraut d’armes à la porte Saint-Antoine, accompagné d’un
gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, pour signifier des
propositions (1649). Le parlement ne voulut point le recevoir; mais il
admit dans la grand’chambre un envoyé de l’archiduc Léopold, qui fesait
alors la guerre à la France[411].
Au milieu de tous ces troubles, la noblesse s’assembla en corps aux
Augustins, nomma des syndics, tint publiquement des séances réglées.
On eût cru que c’était pour réformer la France, et pour assembler les
états généraux; c’était pour un tabouret que la reine avait accordé à
madame de Pons; peut-être n’y a-t-il jamais eu une preuve plus sensible
de la légèreté d’esprit qu’on reprochait aux Français.
Les discordes civiles qui désolaient l’Angleterre, précisément en même
temps, servent bien à faire voir les caractères des deux nations.
Les Anglais avaient mis dans leurs troubles civils un acharnement
mélancolique, et une fureur raisonnée: ils donnaient de sanglantes
batailles; le fer décidait tout; les échafauds étaient dressés pour les
vaincus; leur roi, pris en combattant, fut amené devant une cour de
justice, interrogé sur l’abus qu’on lui reprochait d’avoir fait de son
pouvoir, condamné à perdre la tête, et exécuté devant tout son peuple
(9 février 1649)[412], avec autant d’ordre, et avec le même appareil de
justice, que si on avait condamné un citoyen criminel, sans que, dans
le cours de ces troubles horribles, Londres se fût ressentie un moment
des calamités attachées aux guerres civiles.
Les Français, au contraire, se précipitaient dans les séditions par
caprice, et en riant: les femmes étaient à la tête des factions;
l’amour fesait et rompait les cabales. La duchesse de Longueville
engagea Turenne, à peine maréchal de France, à faire révolter l’armée
qu’il commandait pour le roi.
C’était la même armée que le célèbre duc de Saxe-Veimar avait
rassemblée. Elle était commandée, après la mort du duc de Veimar, par
le comte d’Erlach, d’une ancienne maison du canton de Berne. Ce fut
ce comte d’Erlach qui donna cette armée à la France, et qui lui valut
la possession de l’Alsace. Le vicomte de Turenne voulut le séduire;
l’Alsace eût été perdue pour Louis XIV, mais il fut inébranlable; il
contint les troupes veimariennes dans la fidélité qu’elles devaient à
leur serment. Il fut même chargé par le cardinal Mazarin d’arrêter le
vicomte. Ce grand homme, infidèle alors par faiblesse, fut obligé de
quitter en fugitif l’armée dont il était général, pour plaire à une
femme qui se moquait de sa passion: il devint, de général du roi de
France, lieutenant de don Estevan de Gamare, avec lequel il fut battu à
Rethel par le maréchal du Plessis-Praslin.
On connaît ce billet du maréchal d’Hocquincourt à la duchesse de
Montbazon: _Péronne est à la belle des belles_. On sait ces vers du duc
de La Rochefoucauld, pour la duchesse de Longueville, lorsqu’il reçut,
au combat de Saint-Antoine, un coup de mousquet qui lui fit perdre
quelque temps la vue:
Pour mériter son cœur, pour plaire à ses beaux yeux,
J’ai fait la guerre aux rois; je l’aurais faite aux dieux[413].
On voit, dans les Mémoires de Mademoiselle, une lettre de Gaston, duc
d’Orléans, son père, dont l’adresse est: _A mesdames les comtesses,
maréchales de camp dans l’armée de ma fille contre le Mazarin_.
La guerre finit, et recommença à plusieurs reprises; il n’y eut
personne qui ne changeât souvent de parti. Le prince de Condé, ayant
ramené dans Paris la cour triomphante, se livra au plaisir de la
mépriser après l’avoir défendue; et ne trouvant pas qu’on lui donnât
des récompenses proportionnées à sa gloire et à ses services, il fut
le premier à tourner Mazarin en ridicule, à braver la reine, et à
insulter le gouvernement qu’il dédaignait. Il écrivit, à ce qu’on
prétend, au cardinal, _all’ illustrissimo signor Faquino_. Il lui dit
un jour: _Adieu, Mars_. Il encouragea un marquis de Jarsai à faire une
déclaration d’amour à la reine, et trouva mauvais qu’elle osât s’en
offenser. Il se ligua avec le prince de Conti, son frère, et le duc de
Longueville, qui abandonnèrent le parti de la fronde. On avait appelé
la cabale du duc de Beaufort, au commencement de la régence, celle des
_importants_; on appelait celle de Condé le _parti des petits-maîtres_,
parcequ’ils voulaient être les maîtres de l’état. Il n’est resté de
tous ces troubles d’autres traces que ce nom de _petit-maître_, qu’on
applique aujourd’hui à la jeunesse avantageuse et mal élevée, et le nom
de _frondeurs_ qu’on donne aux censeurs du gouvernement.
On employa de tous côtés des moyens aussi bas qu’odieux. Joli,
conseiller au châtelet, depuis secrétaire du cardinal de Retz, imagina
de se faire une incision au bras, et de se faire tirer un coup de
pistolet dans son carrosse, pour faire accroire que la cour avait voulu
l’assassiner.
Quelques jours après, pour diviser le parti du prince de Condé et les
frondeurs, et pour les rendre irréconciliables, on tire des coups de
fusil dans les carrosses du grand Condé, et on tue un de ses valets
de pied, ce qui s’appelait une _joliade renforcée_. Qui fit cette
étrange entreprise? est-ce le parti du cardinal Mazarin? Il en fut très
soupçonné. On en accusa le cardinal de Retz, le duc de Beaufort, et le
vieux Broussel, en plein parlement, et ils furent justifiés.
Tous les partis se choquaient, négociaient, se trahissaient
tour-à-tour. Chaque homme important, ou qui voulait l’être, prétendait
établir sa fortune sur la ruine publique; et le bien public était dans
la bouche de tout le monde. Gaston était jaloux de la gloire du grand
Condé et du crédit de Mazarin. Condé ne les aimait ni ne les estimait.
Le coadjuteur de l’archevêché de Paris voulait être cardinal par la
nomination de la reine, et il se dévouait alors à elle pour obtenir
cette dignité étrangère qui ne donnait aucune autorité, mais un grand
relief. Telle était alors la force du préjugé, que le prince de Conti,
frère du grand Condé, voulait aussi couvrir sa couronne de prince d’un
chapeau rouge. Et tel était en même temps le pouvoir des intrigues,
qu’un abbé sans naissance et sans mérite, nommé La Rivière, disputait
ce chapeau romain au prince. Ils ne l’eurent ni l’un ni l’autre: le
prince, parcequ’enfin il sut le mépriser; La Rivière, parcequ’on se
moqua de son ambition; mais le coadjuteur l’obtint pour avoir abandonné
le prince de Condé aux ressentiments de la reine.
Ces ressentiments n’avaient d’autre fondement que de petites querelles
d’intérêt entre le grand Condé et Mazarin. Nul crime d’état ne pouvait
être imputé à Condé; cependant on l’arrêta dans le Louvre, lui,
son frère de Conti, et son beau-frère de Longueville, sans aucune
formalité, et uniquement parceque Mazarin le craignait (18 janvier
1650). Cette démarche était, à la vérité, contre toutes les lois; mais
on ne connaissait les lois dans aucun des partis[414].
Le cardinal, pour se rendre maître de ces princes, usa d’une fourberie
qu’on appela politique. Les frondeurs étaient accusés d’avoir tenté
d’assassiner le prince de Condé; Mazarin lui fait accroire qu’il s’agit
d’arrêter un des conjurés, et de tromper les frondeurs; que c’est à son
altesse à signer l’ordre aux gendarmes de la garde de se tenir prêts au
Louvre. Le grand Condé signe lui-même l’ordre de sa détention. On ne
vit jamais mieux que la politique consiste souvent dans le mensonge, et
que l’habileté est de pénétrer le menteur.
On lit dans la _Vie de la duchesse de Longueville_ que la reine-mère
se retira dans son petit oratoire pendant qu’on se saisissait des
princes, qu’elle fit mettre à genoux le roi son fils, âgé de onze ans,
et qu’ils prièrent Dieu dévotement ensemble pour l’heureux succès de
cette expédition. Si Mazarin en avait usé ainsi, c’eût été une momerie
atroce. Ce n’était dans Anne d’Autriche qu’une faiblesse ordinaire
aux femmes. La dévotion, chez elles, s’allie avec l’amour, avec la
politique, avec la cruauté même. Les femmes fortes sont au-dessus de
ces petitesses.
Le prince de Condé eût pu gouverner l’état s’il avait seulement voulu
plaire; mais il se contentait d’être admiré. Le peuple de Paris, qui
avait fait des barricades pour un conseiller-clerc presque imbécile,
fit des feux de joie lorsqu’on mena au donjon de Vincennes le défenseur
et le héros de la France.
Ce qui montre encore combien les événements trompent les hommes, c’est
que cette prison de trois princes, qui semblait devoir assoupir les
factions, fut ce qui les releva. La mère du prince de Condé, exilée,
resta dans Paris malgré la cour, et porta sa requête au parlement
(1650). Sa femme, après mille périls, se réfugia dans la ville de
Bordeaux; aidée des ducs de Bouillon et de La Rochefoucauld, elle
souleva cette ville, et arma l’Espagne.
Toute la France redemandait le grand Condé. S’il avait paru alors, la
cour était perdue. Gourville, qui, de simple valet de chambre du duc de
La Rochefoucauld, était devenu un homme considérable par son caractère
hardi et prudent, imagina un moyen sûr de délivrer les princes enfermés
alors à Vincennes. Un des conjurés eut la bêtise de se confesser à
un prêtre de la fronde. Ce malheureux prêtre avertit le coadjuteur,
persécuteur en ce temps-là du grand Condé. L’entreprise échoua par la
révélation de la confession, si ordinaire dans les guerres civiles.
On voit par les Mémoires du conseiller d’état Lenet, plus curieux que
connus, combien, dans ces temps de licence effrénée, de troubles,
d’iniquités, et même d’impiétés, les prêtres avaient encore de
pouvoir sur les esprits. Il rapporte qu’en Bourgogne le doyen de la
Sainte-Chapelle, attaché au prince de Condé, offrit pour tout secours
de faire parler en sa faveur tous les prédicateurs en chaire, et de
faire manœuvrer tous les prêtres dans la confession.
Pour mieux faire connaître encore les mœurs du temps, il dit que
lorsque la femme du grand Condé alla se réfugier dans Bordeaux, les
ducs de Bouillon et de La Rochefoucauld allèrent au-devant d’elle à la
tête d’une foule de jeunes gentilshommes qui crièrent à ses oreilles,
_vive Condé_, ajoutant un mot obscène pour Mazarin, et la priant de
joindre sa voix aux leurs.
(13 février 1651) Un an après, les mêmes frondeurs qui avaient vendu le
grand Condé et les princes à la vengeance timide de Mazarin, forcèrent
la reine à ouvrir leurs prisons, et à chasser du royaume son premier
ministre. Mazarin alla lui-même au Havre, où ils étaient détenus; il
leur rendit leur liberté, et ne fut reçu d’eux qu’avec le mépris qu’il
en devait attendre; après quoi il se retira à Liége. Condé revint dans
Paris aux acclamations de ce même peuple qui l’avait tant haï. Sa
présence renouvela les cabales, les dissensions, et les meurtres.
Le royaume resta dans cette combustion encore quelques années.
Le gouvernement ne prit presque jamais que des partis faibles et
incertains: il semblait devoir succomber; mais les révoltés furent
toujours désunis, et c’est ce qui sauva la cour. Le coadjuteur, tantôt
ami, tantôt ennemi du prince de Condé, suscita contre lui une partie du
parlement et du peuple: il osa en même temps servir la reine, en tenant
tête à ce prince, et l’outrager, en la forçant d’éloigner le cardinal
Mazarin, qui se retira à Cologne. La reine, par une contradiction trop
ordinaire aux gouvernements faibles, fut obligée de recevoir à-la-fois
ses services et ses offenses, et de nommer au cardinalat ce même
coadjuteur, l’auteur des barricades, qui avait contraint la famille
royale à sortir de la capitale, et à l’assiéger.


CHAPITRE V.
Suite de la guerre civile jusqu’à la fin de la rébellion, en 1653.

Enfin le prince de Condé se résolut à une guerre qu’il eût dû commencer
du temps de la fronde, s’il avait voulu être le maître de l’état, ou
qu’il n’aurait dû jamais faire s’il avait été citoyen. Il part de
Paris; il va soulever la Guienne, le Poitou, et l’Anjou, et mendier
contre la France le secours des Espagnols, dont il avait été le fléau
le plus terrible.
Rien ne marque mieux la manie de ce temps, et le dérèglement qui
déterminait toutes les démarches, que ce qui arriva alors à ce prince.
La reine lui envoya un courrier de Paris avec des propositions qui
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