Œuvres de Voltaire Tome XIX: Siècle de Louis XIV.—Tome I - 17

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Turenne de gloire; et on observa que dans la lettre écrite au nom du
roi au parlement[427] sur cette victoire, on y attribua le succès de
toute la campagne au cardinal Mazarin, et qu’on ne fit pas même mention
du nom de Turenne. Le cardinal s’était trouvé en effet à quelques
lieues d’Arras avec le roi. Il était même entré dans le camp au siége
de Stenai, que Turenne avait pris avant de secourir Arras. On avait
tenu devant le cardinal des conseils de guerre. Sur ce fondement il
s’attribua l’honneur des événements, et cette vanité lui donna un
ridicule que toute l’autorité du ministère ne put effacer.
Le roi ne se trouva point à la bataille d’Arras, et aurait pu y être:
il était allé à la tranchée au siége de Stenai; mais le cardinal
Mazarin ne voulut pas qu’il exposât davantage sa personne, à laquelle
le repos de l’état et la puissance du ministre semblaient attachés.
D’un côté Mazarin, maître absolu de la France et du jeune roi; de
l’autre, don Louis de Haro, qui gouvernait l’Espagne et Philippe IV,
continuaient sous le nom de leurs maîtres cette guerre peu vivement
soutenue. Il n’était pas encore question dans le monde du nom de Louis
XIV, et jamais on n’avait parlé du roi d’Espagne. Il n’y avait alors
qu’une tête couronnée en Europe qui eût une gloire personnelle: la
seule Christine, reine de Suède, gouvernait par elle-même, et soutenait
l’honneur du trône, abandonné, ou flétri, ou inconnu dans les autres
états.
Charles II, roi d’Angleterre, fugitif en France avec sa mère et son
frère, y traînait ses malheurs et ses espérances. Un simple citoyen
avait subjugué l’Angleterre, l’Écosse, et l’Irlande. Cromwell, cet
usurpateur digne de régner, avait pris le nom de _protecteur_, et non
celui de roi, parceque les Anglais savaient jusqu’où les droits de
leurs rois devaient s’étendre, et ne connaissaient pas quelles étaient
les bornes de l’autorité d’un protecteur.
Il affermit son pouvoir en sachant le réprimer à propos: il n’entreprit
point sur les priviléges dont le peuple était jaloux; il ne logea
jamais de gens de guerre dans la cité de Londres; il ne mit aucun impôt
dont on pût murmurer; il n’offensa point les yeux par trop de faste; il
ne se permit aucun plaisir; il n’accumula point de trésors; il eut soin
que la justice fût observée avec cette impartialité impitoyable, qui ne
distingue point les grands des petits.
Le frère de Pantaléon Sâ, ambassadeur de Portugal en Angleterre, ayant
cru que sa licence serait impunie parceque la personne de son frère
était sacrée, insulta des citoyens de Londres, et en fit assassiner
un pour se venger de la résistance des autres; il fut condamné à être
pendu. Cromwell, qui pouvait lui faire grace, le laissa exécuter, et
signa ensuite un traité avec l’ambassadeur.
Jamais le commerce ne fut si libre ni si florissant; jamais
l’Angleterre n’avait été si riche. Ses flottes victorieuses fesaient
respecter son nom sur toutes les mers; tandis que Mazarin, uniquement
occupé de dominer et de s’enrichir, laissait languir dans la France
la justice, le commerce, la marine, et même les finances. Maître de
la France, comme Cromwell l’était de l’Angleterre, après une guerre
civile, il eût pu faire pour le pays qu’il gouvernait ce que Cromwell
avait fait pour le sien; mais il était étranger, et l’ame de Mazarin,
qui n’avait pas la barbarie de celle de Cromwell, n’en avait pas aussi
la grandeur.
Toutes les nations de l’Europe qui avaient négligé l’alliance de
l’Angleterre sous Jacques Iᵉʳ, et sous Charles Iᵉʳ, la briguèrent sous
le protecteur. La reine Christine elle-même, quoiqu’elle eût détesté
le meurtre de Charles Iᵉʳ, entra dans l’alliance d’un tyran qu’elle
estimait.
Mazarin et don Louis de Haro prodiguèrent à l’envi leur politique pour
s’unir avec le protecteur. Il goûta quelque temps la satisfaction de se
voir courtisé par les deux plus puissants royaumes de la chrétienté.
Le ministre espagnol lui offrait de l’aider à prendre Calais;
Mazarin lui proposait d’assiéger Dunkerque, et de lui remettre cette
ville[428]. Cromwell avait à choisir entre les clefs de la France et
celles de la Flandre. Il fut beaucoup sollicité aussi par Condé; mais
il ne voulut point négocier avec un prince qui n’avait plus pour lui
que son nom, et qui était sans parti en France, et sans pouvoir chez
les Espagnols.
Le protecteur se détermina pour la France, mais sans faire de traité
particulier, et sans partager des conquêtes par avance: il voulait
illustrer son usurpation par de plus grandes entreprises. Son dessein
était d’enlever le Mexique aux Espagnols; mais ils furent avertis
à temps. Les amiraux de Cromwell leur prirent du moins la Jamaïque
(mai 1655), île que les Anglais possèdent encore, et qui assure leur
commerce dans le Nouveau-Monde. Ce ne fut qu’après l’expédition de la
Jamaïque que Cromwell signa son traité avec le roi de France, mais
sans faire encore mention de Dunkerque. Le protecteur traita d’égal à
égal; il força le roi à lui donner le titre de frère dans ses lettres.
(8 novembre 1655) Son secrétaire signa avant le plénipotentiaire de
France, dans la minute du traité qui resta en Angleterre; mais il
traita véritablement en supérieur, en obligeant le roi de France de
faire sortir de ses états Charles II et le duc d’York, petit-fils de
Henri IV, à qui la France devait un asile. On ne pouvait faire un plus
grand sacrifice de l’honneur à la fortune.
Tandis que Mazarin fesait ce traité, Charles II lui demandait une de
ses nièces en mariage. Le mauvais état de ses affaires, qui obligeait
ce prince à cette démarche, fut ce qui lui attira un refus. On a
même soupçonné le cardinal d’avoir voulu marier au fils de Cromwell
celle qu’il refusait au roi d’Angleterre. Ce qui est sûr, c’est que,
lorsqu’il vit ensuite le chemin du trône moins fermé à Charles II, il
voulut renouer ce mariage; mais il fut refusé à son tour.
La mère de ces deux princes, Henriette de France, fille de
Henri-le-Grand, demeurée en France sans secours, fut réduite à conjurer
le cardinal d’obtenir au moins de Cromwell qu’on lui payât son douaire.
C’était le comble des humiliations les plus douloureuses, de demander
une subsistance à celui qui avait versé le sang de son mari sur un
échafaud. Mazarin fit de faibles instances en Angleterre au nom de
cette reine, et lui annonça qu’il n’avait rien obtenu. Elle resta à
Paris dans la pauvreté, et dans la honte d’avoir imploré la pitié de
Cromwell, tandis que ses enfants allaient dans l’armée de Condé et de
don Juan d’Autriche apprendre le métier de la guerre contre la France
qui les abandonnait.
Les enfants de Charles Iᵉʳ, chassés de France, se réfugièrent en
Espagne. Les ministres espagnols éclatèrent dans toutes les cours,
et surtout à Rome, de vive voix et par écrit, contre un cardinal qui
sacrifiait, disaient-ils, les lois divines et humaines, l’honneur et
la religion, au meurtrier d’un roi, et qui chassait de France Charles
II et le duc d’York, cousins de Louis XIV, pour plaire au bourreau de
leur père. Pour toute réponse aux cris des Espagnols, on produisit les
offres qu’ils avaient faites eux-mêmes au protecteur.
La guerre continuait toujours en Flandre avec des succès divers.
Turenne, ayant assiégé Valenciennes avec le maréchal de La Ferté,
éprouva le même revers que Condé avait essuyé devant Arras. Le prince,
secondé alors de don Juan d’Autriche, plus digne de combattre à ses
côtés que n’était l’archiduc, força les lignes du maréchal de La
Ferté, le prit prisonnier, et délivra Valenciennes. Turenne fit ce
que Condé avait fait dans une déroute pareille. (17 juillet 1656) Il
sauva l’armée battue, et fit tête partout à l’ennemi; il alla même, un
mois après, assiéger et prendre la petite ville de La Capelle: c’était
peut-être la première fois qu’une armée battue avait osé faire un siége.
Cette marche de Turenne, si estimée, après laquelle il prit La Capelle,
fut éclipsée par une marche plus belle encore du prince de Condé
(avril 1657). Turenne assiégeait à peine Cambrai, que Condé, suivi de
deux mille chevaux, perça à travers l’armée des assiégeants; et ayant
renversé tout ce qui voulait l’arrêter, il se jeta dans la ville[429].
Les citoyens reçurent à genoux leur libérateur. Ainsi ces deux hommes
opposés l’un à l’autre déployaient les ressources de leur génie. On les
admirait dans leurs retraites comme dans leurs victoires, dans leur
bonne conduite et dans leurs fautes mêmes, qu’ils savaient toujours
réparer. Leurs talents arrêtaient tour-à-tour les progrès de l’une et
de l’autre monarchie; mais le désordre des finances en Espagne et en
France était encore un plus grand obstacle à leurs succès.
La ligue faite avec Cromwell donna enfin à la France une supériorité
plus marquée; d’un côté, l’amiral Blake alla brûler les galions
d’Espagne auprès des îles Canaries, et leur fit perdre les seuls
trésors avec lesquels la guerre pouvait se soutenir: de l’autre,
vingt vaisseaux anglais vinrent bloquer le port de Dunkerque, et six
mille vieux soldats, qui avaient fait la révolution d’Angleterre,
renforcèrent l’armée de Turenne.
Alors Dunkerque, la plus importante place de la Flandre, fut assiégée
par mer et par terre. Condé et don Juan d’Autriche, ayant ramassé
toutes leurs forces, se présentèrent pour la secourir. L’Europe avait
les yeux sur cet événement. Le cardinal Mazarin mena Louis XIV auprès
du théâtre de la guerre, sans lui permettre d’y monter, quoiqu’il
eût près de vingt ans. Ce prince se tint dans Calais. Ce fut là que
Cromwell lui envoya une ambassade fastueuse, à la tête de laquelle
était son gendre, le lord Falconbridge. Le roi lui envoya le duc de
Créqui, et Mancini, duc de Nevers, neveu du cardinal, suivis de deux
cents gentilshommes. Mancini présenta au protecteur une lettre du
cardinal. Cette lettre est remarquable; Mazarin lui dit «qu’il est
affligé de ne pouvoir lui rendre en personne les respects dus au plus
grand homme du monde.» C’est ainsi qu’il parlait à l’assassin du gendre
de Henri IV, et de l’oncle de Louis XIV, son maître.
Cependant le prince maréchal de Turenne attaqua l’armée d’Espagne, ou
plutôt l’armée de Flandre, près des Dunes. Elle était commandée par
don Juan d’Autriche, fils de Philippe IV et d’une comédienne[430], et
qui devint deux ans après beau-frère de Louis XIV. Le prince de Condé
était dans cette armée, mais il ne commandait pas: ainsi, il ne fut pas
difficile à Turenne de vaincre. Les six mille Anglais contribuèrent
à la victoire, elle fut complète (14 juin 1658). Les deux princes
d’Angleterre, qui furent depuis rois[431], virent leurs malheurs
augmentés dans cette journée par l’ascendant de Cromwell.
Le génie du grand Condé ne put rien contre les meilleures troupes de
France et d’Angleterre. L’armée espagnole fut détruite. Dunkerque se
rendit bientôt après. Le roi accourut avec son ministre pour voir
passer la garnison. Le cardinal ne laissa paraître Louis XIV ni comme
guerrier ni comme roi; il n’avait point d’argent à distribuer aux
soldats; à peine était-il servi: il allait manger chez Mazarin ou chez
le maréchal de Turenne, quand il était à l’armée. Cet oubli de la
dignité royale n’était pas dans Louis XIV l’effet du mépris pour le
faste, mais celui du dérangement de ses affaires, et du soin que le
cardinal avait de réunir pour soi-même la splendeur et l’autorité.
Louis n’entra dans Dunkerque que pour la rendre au lord Lockhart,
ambassadeur de Cromwell. Mazarin essaya si par quelque finesse il
pourrait éluder le traité, et ne pas remettre la place: mais Lockhart
menaça, et la fermeté anglaise l’emporta sur l’habileté italienne.
Plusieurs personnes ont assuré que le cardinal, qui s’était attribué
l’événement d’Arras, voulut engager Turenne à lui céder encore
l’honneur de la bataille des Dunes. Du Bec-Crépin, comte de Moret,
vint, dit-on, de la part du ministre, proposer au général d’écrire
une lettre par laquelle il parût que le cardinal avait arrangé
lui-même tout le plan des opérations. Turenne reçut avec mépris ces
insinuations, et ne voulut point donner un aveu qui eût produit la
honte d’un général d’armée et le ridicule d’un homme d’église. Mazarin,
qui avait eu cette faiblesse, eut celle de rester brouillé jusqu’à sa
mort avec Turenne.
Au milieu de ce premier triomphe, le roi tomba malade à Calais, et fut
plusieurs jours à la mort. Aussitôt tous les courtisans se tournèrent
vers son frère Monsieur. Mazarin prodigua les ménagements, les
flatteries, et les promesses, au maréchal Du Plessis-Praslin, ancien
gouverneur de ce jeune prince, et au comte de Guiche, son favori. Il se
forma dans Paris une cabale assez hardie pour écrire à Calais contre le
cardinal. Il prit ses mesures pour sortir du royaume, et pour mettre
à couvert ses richesses immenses. Un empirique d’Abbeville guérit
le roi avec du vin émétique que les médecins de la cour regardaient
comme un poison. Ce bon-homme s’asseyait sur le lit du roi, et disait:
Voilà un garçon bien malade, mais il n’en mourra pas. Dès qu’il fut
convalescent, le cardinal exila tous ceux qui avaient cabalé contre lui.
(13 septembre 1658) Peu de mois après mourut Cromwell, à l’âge de
cinquante-cinq ans[432], au milieu des projets qu’il fesait pour
l’affermissement de sa puissance et pour la gloire de sa nation.
Il avait humilié la Hollande, imposé les conditions d’un traité au
Portugal, vaincu l’Espagne, et forcé la France à briguer son alliance.
Il avait dit depuis peu, en apprenant avec quelle hauteur ses amiraux
s’étaient conduits à Lisbonne: «Je veux qu’on respecte la république
anglaise autant qu’on a respecté autrefois la république romaine.» Les
médecins lui annoncèrent la mort. Je ne sais s’il est vrai qu’il fit
dans ce moment l’enthousiaste et le prophète, et s’il leur répondit que
Dieu ferait un miracle en sa faveur. Thurloe, son secrétaire, prétend
qu’il leur dit: _La nature peut plus que les médecins_. Ces mots ne
sont point d’un prophète, mais d’un homme très sensé. Il se peut
qu’étant convaincu que les médecins pouvaient se tromper, il voulût, en
cas qu’il en réchappât, se donner auprès du peuple la gloire d’avoir
prédit sa guérison, et rendre par là sa personne plus respectable, et
même plus sacrée.
Il fut enterré en monarque légitime, et laissa dans l’Europe la
réputation d’un homme intrépide, tantôt fanatique, tantôt fourbe, et
d’un usurpateur qui avait su régner.
Le chevalier Temple prétend que Cromwell avait voulu, avant sa mort,
s’unir avec l’Espagne contre la France, et se faire donner Calais avec
le secours des Espagnols, comme il avait eu Dunkerque par les mains des
Français. Rien n’était plus dans son caractère et dans sa politique.
Il eût été l’idole du peuple anglais, en dépouillant ainsi l’une après
l’autre deux nations que la sienne haïssait également. La mort renversa
ses grands desseins, sa tyrannie, et la grandeur de l’Angleterre.
Il est à remarquer qu’on porta le deuil de Cromwell à la cour de
France, et que Mademoiselle fut la seule qui ne rendit point cet
hommage à la mémoire du meurtrier d’un roi son parent.
Nous avons vu déjà[433] que Richard Cromwell succéda paisiblement et
sans contradiction au protectorat de son père, comme un prince de
Galles aurait succédé à un roi d’Angleterre. Richard fit voir que du
caractère d’un seul homme dépend souvent la destinée de l’état. Il
avait un génie bien contraire à celui d’Olivier Cromwell, toute la
douceur des vertus civiles, et rien de cette intrépidité féroce qui
sacrifie tout à ses intérêts. Il eût conservé l’héritage acquis par
les travaux de son père, s’il eût voulu faire tuer trois ou quatre
principaux officiers de l’armée, qui s’opposaient à son élévation.
Il aima mieux se démettre du gouvernement que de régner par des
assassinats; il vécut particulier, et même ignoré, jusqu’à l’âge de
quatre-vingt-dix ans, dans le pays dont il avait été quelques jours le
souverain. Après sa démission du protectorat, il voyagea en France: on
sait qu’à Montpellier le prince de Conti, frère du grand Condé, en lui
parlant sans le connaître, lui dit un jour: «Olivier Cromwell était
un grand homme; mais son fils Richard est un misérable de n’avoir pas
su jouir du fruit des crimes de son père.» Cependant ce Richard vécut
heureux, et son père n’avait jamais connu le bonheur[434].
Quelque temps auparavant la France vit un autre exemple bien plus
mémorable du mépris d’une couronne. Christine, reine de Suède, vint à
Paris. On admira en elle une jeune reine, qui à vingt-sept ans avait
renoncé à la souveraineté dont elle était digne, pour vivre libre et
tranquille. Il est honteux aux écrivains protestants d’avoir osé dire,
sans la moindre preuve, qu’elle ne quitta sa couronne que parcequ’elle
ne pouvait plus la garder. Elle avait formé ce dessein dès l’âge de
vingt ans, et l’avait laissé mûrir sept années. Cette résolution, si
supérieure aux idées vulgaires, et si long-temps méditée, devait fermer
la bouche à ceux qui lui reprochaient de la légèreté et une abdication
involontaire. L’un de ces deux reproches détruisait l’autre; mais il
faut toujours que ce qui est grand soit attaqué par les petits esprits.
Pour connaître le génie unique de cette reine, on n’a qu’à lire ses
lettres. Elle dit dans celle qu’elle écrivit à Chanut, autrefois
ambassadeur de France auprès d’elle: «J’ai possédé sans faste, je
quitte avec facilité. Après cela ne craignez pas pour moi; mon bien
n’est pas au pouvoir de la fortune.» Elle écrivit au prince de Condé:
«Je me tiens autant honorée par votre estime que par la couronne que
j’ai portée. Si, après l’avoir quittée, vous m’en jugez moins digne,
j’avouerai que le repos que j’ai tant souhaité me coûte cher; mais
je ne me repentirai pourtant point de l’avoir acheté au prix d’une
couronne, et je ne noircirai jamais une action qui m’a semblé si belle
par un lâche repentir; et s’il arrive que vous condamniez cette action,
je vous dirai pour toute excuse que je n’aurais pas quitté les biens
que la fortune m’a donnés, si je les eusse crus nécessaires à ma
félicité, et que j’aurais prétendu à l’empire du monde, si j’eusse été
aussi assurée d’y réussir, ou de mourir, que le serait le grand Condé.»
Telle était l’ame de cette personne si singulière; tel était son style
dans notre langue, qu’elle avait parlée rarement. Elle savait huit
langues; elle avait été disciple et amie de Descartes, qui mourut à
Stockholm, dans son palais, après n’avoir pu obtenir seulement une
pension en France, où ses ouvrages furent même proscrits pour les
seules bonnes choses qui y fussent. Elle avait attiré en Suède tous
ceux qui pouvaient l’éclairer. Le chagrin de n’en trouver aucun parmi
ses sujets l’avait dégoûtée de régner sur un peuple qui n’était que
soldat. Elle crut qu’il valait mieux vivre avec des hommes qui pensent
que de commander à des hommes sans lettres ou sans génie. Elle avait
cultivé tous les arts, dans un climat où ils étaient alors inconnus.
Son dessein était d’aller se retirer au milieu d’eux en Italie. Elle
ne vint en France que pour y passer, parceque ces arts ne commençaient
qu’à y naître. Son goût la fixait à Rome. Dans cette vue elle avait
quitté la religion luthérienne pour la catholique; indifférente pour
l’une et pour l’autre, elle ne fit point scrupule de se conformer en
apparence aux sentiments du peuple chez lequel elle voulut passer sa
vie. Elle avait quitté son royaume en 1654, et fait publiquement à
Inspruck la cérémonie de son abjuration. Elle plut à la cour de France,
quoiqu’il ne s’y trouvât pas une femme dont le génie pût atteindre au
sien. Le roi la vit, et lui rendit de grands honneurs; mais il lui
parla à peine. Élevé dans l’ignorance, le bon sens avec lequel il
était né le rendait timide.
La plupart des femmes et des courtisans n’observèrent autre chose
dans cette reine philosophe, sinon quelle n’était pas coiffée à la
française, et qu’elle dansait mal. Les sages ne condamnèrent dans elle
que le meurtre de Monaldeschi, son écuyer, qu’elle fit assassiner
à Fontainebleau dans un second voyage. De quelque faute qu’il fût
coupable envers elle, ayant renoncé à la royauté, elle devait demander
justice, et non se la faire. Ce n’était pas une reine qui punissait un
sujet; c’était une femme qui terminait une galanterie par un meurtre;
c’était un Italien qui en fesait assassiner un autre par l’ordre d’une
Suédoise dans un palais d’un roi de France. Nul ne doit être mis à mort
que par les lois. Christine, en Suède, n’aurait eu le droit de faire
assassiner personne; et certes ce qui eût été un crime à Stockholm
n’était pas permis à Fontainebleau[435]. Ceux qui ont justifié cette
action méritent de servir de pareils maîtres. Cette honte et cette
cruauté ternirent la philosophie de Christine, qui lui avait fait
quitter un trône. Elle eût été punie en Angleterre, et dans tous les
pays où les lois règnent: mais la France ferma les yeux à cet attentat
contre l’autorité du roi, contre le droit des nations, et contre
l’humanité[436].
Après la mort de Cromwell, et la déposition de son fils, l’Angleterre
resta un an dans la confusion de l’anarchie. Charles Gustave, à qui la
reine Christine avait donné le royaume de Suède, se fesait redouter
dans le Nord et dans l’Allemagne. L’empereur Ferdinand III était mort
en 1657; son fils Léopold, âgé de dix-sept ans, déjà roi de Hongrie
et de Bohême, n’avait point été élu roi des Romains du vivant de son
père. Mazarin voulut essayer de faire Louis XIV empereur. Ce dessein
était chimérique; il eût fallu ou forcer les électeurs ou les séduire.
La France n’était ni assez forte pour ravir l’empire, ni assez riche
pour l’acheter; aussi les premières ouvertures, faites à Francfort,
par le maréchal de Grammont et par Lyonne, furent-elles abandonnées
aussitôt que proposées. Léopold fut élu. Tout ce que put la politique
de Mazarin, ce fut de faire une ligue avec des princes allemands pour
l’observation des traités de Munster, et pour donner un frein à
l’autorité de l’empereur sur l’empire (auguste 1658).
La France, après la bataille des Dunes, était puissante au-dehors par
la gloire de ses armes, et par l’état où étaient réduites les autres
nations: mais le dedans souffrait; il était épuisé d’argent; on avait
besoin de la paix.
Les nations, dans les monarchies chrétiennes, n’ont presque jamais
d’intérêt aux guerres de leurs souverains. Des armées mercenaires,
levées par ordre d’un ministre, et conduites par un général qui obéit
en aveugle à ce ministre, font plusieurs campagnes ruineuses, sans
que les rois au nom desquels elles combattent aient l’espérance ou
même le dessein de ravir tout le patrimoine l’un de l’autre. Le peuple
vainqueur ne profite jamais des dépouilles du peuple vaincu: il paie
tout; il souffre dans la prospérité des armes, comme dans l’adversité;
et la paix lui est presque aussi nécessaire, après la plus grande
victoire, que quand les ennemis ont pris ses places frontières.
Il fallait deux choses au cardinal pour consommer heureusement son
ministère; faire la paix, et assurer le repos de l’état par le mariage
du roi. Les cabales pendant sa maladie lui fesaient sentir combien un
héritier du trône était nécessaire à la grandeur du ministre. Toutes
ces considérations le déterminèrent à marier Louis XIV promptement.
Deux partis se présentaient, la fille du roi d’Espagne et la princesse
de Savoie. Le cœur du roi avait pris un autre engagement; il aimait
éperdument mademoiselle Mancini, l’une des nièces du cardinal; né avec
un cœur tendre et de la fermeté dans ses volontés, plein de passion et
sans expérience, il aurait pu se résoudre à épouser sa maîtresse.
Madame de Motteville, favorite de la reine-mère, dont les Mémoires
ont un grand air de vérité, prétend que Mazarin fut tenté de laisser
agir l’amour du roi, et de mettre sa nièce sur le trône. Il avait
déjà marié une autre nièce au prince de Conti, une au duc de Mercœur:
celle que Louis XIV aimait avait été demandée en mariage par le roi
d’Angleterre. C’étaient autant de titres qui pouvaient justifier son
ambition. Il pressentit adroitement la reine-mère: «Je crains bien,
lui dit-il, que le roi ne veuille trop fortement épouser ma nièce.» La
reine, qui connaissait le ministre, comprit qu’il souhaitait ce qu’il
feignait de craindre. Elle lui répondit avec la hauteur d’une princesse
du sang d’Autriche, fille, femme, et mère de rois, et avec l’aigreur
que lui inspirait depuis quelque temps un ministre qui affectait de ne
plus dépendre d’elle. Elle lui dit: «Si le roi était capable de cette
indignité, je me mettrais avec mon second fils à la tête de toute la
nation contre le roi et contre vous.»
Mazarin ne pardonna jamais, dit-on, cette réponse à la reine: mais il
prit le parti sage de penser comme elle: il se fit lui-même un honneur
et un mérite de s’opposer à la passion de Louis XIV. Son pouvoir
n’avait pas besoin d’une reine de son sang pour appui. Il craignait
même le caractère de sa nièce; et il crut affermir encore la puissance
de son ministère, en fuyant la gloire dangereuse d’élever trop sa
maison.
Dès l’année 1656 il avait envoyé Lyonne en Espagne solliciter la paix,
et demander l’infante; mais don Louis de Haro, persuadé que quelque
faible que fût l’Espagne, la France ne l’était pas moins, avait rejeté
les offres du cardinal. L’infante, fille du premier lit, était destinée
au jeune Léopold. Le roi d’Espagne, Philippe IV, n’avait alors de son
second mariage qu’un fils, dont l’enfance malsaine fesait craindre
pour sa vie. On voulait que l’infante, qui pouvait être héritière de
tant d’états, portât ses droits dans la maison d’Autriche, et non dans
une maison ennemie: mais enfin Philippe IV ayant eu un autre fils,
don Philippe Prosper, et sa femme étant encore enceinte, le danger de
donner l’infante au roi de France lui parut moins grand, et la bataille
des Dunes lui rendit la paix nécessaire.
Les Espagnols promirent l’infante, et demandèrent une suspension
d’armes. Mazarin et don Louis se rendirent sur les frontières d’Espagne
et de France, dans l’île des Faisans (1659). Quoique le mariage d’un
roi de France et la paix générale fussent l’objet de leurs conférences,
cependant plus d’un mois se passa à arranger les difficultés sur la
préséance, et à régler des cérémonies. Les cardinaux se disaient égaux
aux rois, et supérieurs aux autres souverains. La France prétendait
avec plus de justice la prééminence sur les autres puissances.
Cependant don Louis de Haro mit une égalité parfaite entre Mazarin et
lui, entre la France et l’Espagne.
Les conférences durèrent quatre mois. Mazarin et don Louis y
déployèrent toute leur politique: celle du cardinal était la finesse;
celle de don Louis, la lenteur. Celui-ci ne donnait presque jamais de
paroles, et celui-là en donnait toujours d’équivoques. Le génie du
ministre italien était de vouloir surprendre; celui de l’espagnol était
de s’empêcher d’être surpris. On prétend qu’il disait du cardinal: «Il
a un grand défaut en politique, c’est qu’il veut toujours tromper.»
Telle est la vicissitude des choses humaines, que de ce fameux traité
des Pyrénées il n’y a pas deux articles qui subsistent aujourd’hui. Le
roi de France garda le Roussillon, qu’il aurait toujours conservé sans
cette paix: mais à l’égard de la Flandre, la monarchie espagnole n’y a
plus rien. La France était alors l’amie nécessaire du Portugal; elle
ne l’est plus: tout est changé. Mais si don Louis de Haro avait dit
que le cardinal Mazarin savait tromper, on a dit depuis qu’il savait
prévoir. Il méditait dès long-temps l’alliance des maisons de France
et d’Espagne. On cite cette fameuse lettre de lui, écrite pendant les
négociations de Munster: «Si le roi très chrétien pouvait avoir les
Pays-Bas et la Franche-Comté en dot, en épousant l’infante, alors nous
pourrions aspirer à la succession d’Espagne, quelque renonciation qu’on
fît faire à l’infante: et ce ne serait pas une attente fort éloignée,
puisqu’il n’y a que la vie du prince son frère qui l’en pût exclure.»
Ce prince était alors Balthasar, qui mourut en 1649[437].
Le cardinal se trompait évidemment en pensant qu’on pourrait donner
les Pays-Bas et la Franche-Comté en mariage à l’infante. On ne
stipula pas une seule ville pour sa dot. Au contraire, on rendit à la
monarchie espagnole des villes considérables qu’on avait conquises,
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