Œuvres de Voltaire Tome XIX: Siècle de Louis XIV.—Tome I - 19

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couvraient l’Océan de près de trois cents gros vaisseaux de guerre,
il n’en avait encore que quinze ou seize du dernier rang, que le duc
de Beaufort occupait contre les pirates de Barbarie; et lorsque les
états généraux pressèrent Louis XIV de joindre sa flotte à la leur,
il ne se trouva dans le port de Brest qu’un seul brûlot, qu’on eut
honte de faire partir, et qu’il fallut pourtant leur envoyer sur leurs
instances réitérées. Ce fut une honte que Louis XIV s’empressa bien
vite d’effacer.
(1665) Il donna aux états un secours de ses forces de terre plus
essentiel et plus honorable. Il leur envoya six mille Français pour
les défendre contre l’évêque de Munster, Christophe-Bernard Van-Galen,
prélat guerrier et ennemi implacable, soudoyé par l’Angleterre pour
désoler la Hollande; mais il leur fit payer chèrement ce secours,
et les traita comme un homme puissant qui vend sa protection à des
marchands opulents. Colbert mit sur leur compte non seulement la
solde de ses troupes, mais jusqu’aux frais d’une ambassade envoyée en
Angleterre pour conclure leur paix avec Charles II. Jamais secours ne
fut donné de si mauvaise grace, ni reçu avec moins de reconnaissance.
Le roi ayant ainsi aguerri ses troupes, et formé de nouveaux officiers
en Hongrie, en Hollande, en Portugal, respecté et vengé dans Rome, ne
voyait pas un seul potentat qu’il dût craindre. L’Angleterre ravagée
par la peste; Londres réduite en cendres par un incendie[446] attribué
injustement aux catholiques; la prodigalité et l’indigence continuelle
de Charles II, aussi dangereuse pour ses affaires que la contagion
et l’incendie, mettaient la France en sûreté du côté des Anglais.
L’empereur réparait à peine l’épuisement d’une guerre contre les
Turcs. Le roi d’Espagne, Philippe IV, mourant, et sa monarchie aussi
faible que lui, laissaient Louis XIV le seul puissant et le seul
redoutable. Il était jeune, riche, bien servi, obéi aveuglément, et
marquait l’impatience de se signaler, et d’être conquérant.


CHAPITRE VIII.
Conquête de la Flandre.

L’occasion se présenta bientôt à un roi qui la cherchait. Philippe IV,
son beau-père, mourut (1665): il avait eu de sa première femme, sœur de
Louis XIII, cette princesse Marie-Thérèse, mariée à son cousin Louis
XIV; mariage par lequel la monarchie espagnole est enfin tombée dans
la maison de Bourbon, si long-temps son ennemie. De son second mariage
avec Marie-Anne d’Autriche était né Charles II, enfant faible et
malsain, héritier de sa couronne, et seul reste de trois enfants mâles,
dont deux étaient morts en bas âge. Louis XIV prétendit que la Flandre,
le Brabant, et la Franche-Comté, provinces du royaume d’Espagne,
devaient, selon la jurisprudence de ces provinces, revenir à sa femme,
malgré sa renonciation. Si les causes des rois pouvaient se juger par
les lois des nations à un tribunal désintéressé, l’affaire eût été un
peu douteuse.
Louis fit examiner ses droits par son conseil, et par des théologiens,
qui les jugèrent incontestables; mais le conseil et le confesseur de
la veuve de Philippe IV les trouvaient bien mauvais. Elle avait pour
elle une puissante raison, la loi expresse de Charles-Quint; mais les
lois de Charles-Quint n’étaient guère suivies par la cour de France.
Un des prétextes que prenait le conseil du roi était que les cinq cent
mille écus donnés en dot à sa femme n’avaient point été payés; mais
on oubliait que la dot de la fille de Henri IV ne l’avait pas été
davantage. La France et l’Espagne combattirent d’abord par des écrits,
où l’on étala des calculs de banquier et des raisons d’avocat; mais
la seule raison d’état était écoutée. Cette raison d’état fut bien
extraordinaire. Louis XIV allait attaquer un enfant dont il devait être
naturellement le protecteur, puisqu’il avait épousé la sœur de cet
enfant. Comment pouvait-il croire que l’empereur Léopold, regardé comme
le chef de la maison d’Autriche, le laisserait opprimer cette maison,
et s’agrandir dans la Flandre? Qui croirait que l’empereur et le roi
de France eussent déjà partagé en idée les dépouilles du jeune Charles
d’Autriche, roi d’Espagne? On trouve quelques traces de cette triste
vérité dans les Mémoires du marquis de Torci[447]; mais elles sont peu
démêlées. Le temps a enfin dévoilé ce mystère, qui prouve qu’entre les
rois la convenance et le droit du plus fort tiennent lieu de justice,
surtout quand cette justice semble douteuse.
Tous les frères de Charles II, roi d’Espagne, étaient morts. Charles
était d’une complexion faible et malsaine. Louis XIV et Léopold
firent, dans son enfance, à peu près le même traité de partage qu’ils
entamèrent depuis à sa mort. Par ce traité, qui est actuellement dans
le dépôt du Louvre, Léopold devait laisser Louis XIV se mettre déjà en
possession de la Flandre, à condition qu’à la mort de Charles l’Espagne
passerait sous la domination de l’empereur. Il n’est pas dit s’il
en coûta de l’argent pour cette étrange négociation. D’ordinaire ce
principal article de tant de traités demeure secret.
Léopold n’eut pas sitôt signé l’acte qu’il s’en repentit: il exigea
au moins qu’aucune cour n’en eût connaissance; qu’on n’en fît point
une double copie selon l’usage; et que le seul instrument qui devait
subsister fût enfermé dans une cassette de métal, dont l’empereur
aurait une clef et le roi de France l’autre. Cette cassette dut être
déposée entre les mains du grand-duc de Florence. L’empereur la remit
pour cet effet entre les mains de l’ambassadeur de France à Vienne, et
le roi envoya seize de ses gardes-du-corps aux portes de Vienne pour
accompagner le courrier, de peur que l’empereur ne changeât d’avis et
ne fît enlever la cassette sur la route. Elle fut portée à Versailles,
et non à Florence; ce qui laisse soupçonner que Léopold avait reçu de
l’argent, puisqu’il n’osa se plaindre.
Voilà comment l’empereur laissa dépouiller le roi d’Espagne.
Le roi, comptant encore plus sur ses forces que sur ses raisons,
marcha en Flandre à des conquêtes assurées. (1667) Il était à la tête
de trente-cinq mille hommes; un autre corps de huit mille fut envoyé
vers Dunkerque; un de quatre mille vers Luxembourg. Turenne était sous
lui le général de cette armée. Colbert avait multiplié les ressources
de l’état pour fournir à ces dépenses. Louvois, nouveau ministre de
la guerre, avait fait des préparatifs immenses pour la campagne. Des
magasins de toute espèce étaient distribués sur la frontière. Il
introduisit le premier cette méthode avantageuse, que la faiblesse du
gouvernement avait jusqu’alors rendue impraticable, de faire subsister
les armées par magasins; quelque siége que le roi voulût faire, de
quelque côté qu’il tournât ses armes, les secours en tout genre étaient
prêts, les logements des troupes marqués, leurs marches réglées.
La discipline, rendue plus sévère de jour en jour par l’austérité
inflexible du ministre, enchaînait tous les officiers à leur devoir. La
présence d’un jeune roi, l’idole de son armée, leur rendait la dureté
de ce devoir aisée et chère. Le grade militaire commença dès-lors à
être un droit beaucoup au-dessus de celui de la naissance. Les services
et non les aïeux furent comptés, ce qui ne s’était guère vu encore:
par là l’officier de la plus médiocre naissance fut encouragé, sans
que ceux de la plus haute eussent à se plaindre. L’infanterie, sur qui
tombait tout le poids de la guerre, depuis l’inutilité reconnue des
lances, partagea les récompenses dont la cavalerie était en possession.
Les maximes nouvelles dans le gouvernement inspiraient un nouveau
courage.
Le roi, entre un chef et un ministre également habiles, tous deux
jaloux l’un de l’autre, et cependant ne l’en servant que mieux, suivi
des meilleures troupes de l’Europe, enfin, ligué de nouveau avec le
Portugal, attaquait avec tous ses avantages une province mal défendue
d’un royaume ruiné et déchiré. Il n’avait à faire qu’à sa belle-mère,
femme faible, gouvernée par un jésuite, dont l’administration méprisée
et malheureuse laissait la monarchie espagnole sans défense. Le roi de
France avait tout ce qui manquait à l’Espagne.
L’art d’attaquer les places n’était pas encore perfectionné comme
aujourd’hui, parceque celui de les bien fortifier et de les bien
défendre était plus ignoré. Les frontières de la Flandre espagnole
étaient presque sans fortifications et sans garnisons.
Louis n’eut qu’à se présenter devant elles. (Juin 1667) Il entra dans
Charleroi comme dans Paris; Ath, Tournai, furent prises en deux jours;
Furnes, Armentières, Courtrai, ne tinrent pas davantage. Il descendit
dans la tranchée devant Douai, qui se rendit le lendemain (6 juillet).
Lille, la plus florissante ville de ces pays, la seule bien fortifiée,
et qui avait une garnison de six mille hommes, capitula (27 août) après
neuf jours de siége. Les Espagnols n’avaient que huit mille hommes à
opposer à l’armée victorieuse; encore l’arrière-garde de cette petite
armée fut-elle taillée en pièces (31 août) par le marquis depuis
maréchal de Créqui. Le reste se cacha sous Bruxelles et sous Mons,
laissant le roi vaincre sans combattre.
Cette campagne, faite au milieu de la plus grande abondance, parmi
des succès si faciles, parut le voyage d’une cour. La bonne chère, le
luxe, et les plaisirs, s’introduisirent alors dans les armées, dans
le temps même que la discipline s’affermissait. Les officiers fesaient
le devoir militaire beaucoup plus exactement, mais avec des commodités
plus recherchées. Le maréchal de Turenne n’avait eu long-temps que des
assiettes de fer en campagne. Le marquis d’Humières fut le premier, au
siége d’Arras[448], en 1658, qui se fit servir en vaisselle d’argent
à la tranchée, et qui y fit manger des ragoûts et des entremets. Mais
dans cette campagne de 1667, où un jeune roi, aimant la magnificence,
étalait celle de sa cour dans les fatigues de la guerre, tout le monde
se piqua de somptuosité et de goût dans la bonne chère, dans les
habits, dans les équipages. Ce luxe, la marque certaine de la richesse
d’un grand état, et souvent la cause de la décadence d’un petit, était
cependant encore très peu de chose auprès de celui qu’on a vu depuis.
Le roi, ses généraux, et ses ministres, allaient au rendez-vous de
l’armée à cheval; au lieu qu’aujourd’hui il n’y a point de capitaine
de cavalerie, ni de secrétaire d’un officier général qui ne fasse
ce voyage en chaise de poste avec des glaces et des ressorts, plus
commodément et plus tranquillement qu’on ne fesait alors une visite
dans Paris d’un quartier à un autre.
La délicatesse des officiers ne les empêchait point alors d’aller à
la tranchée avec le pot en tête et la cuirasse sur le dos. Le roi en
donnait l’exemple: il alla ainsi à la tranchée devant Douai et devant
Lille. Cette conduite sage conserva plus d’un grand homme. Elle a
été trop négligée depuis par des jeunes gens peu robustes, pleins de
valeur, mais de mollesse, et qui semblent plus craindre la fatigue que
le danger.
La rapidité de ces conquêtes remplit d’alarmes Bruxelles; les citoyens
transportaient déjà leurs effets dans Anvers. La conquête de la Flandre
entière pouvait être l’ouvrage d’une campagne. Il ne manquait au
roi que des troupes assez nombreuses pour garder les places, prêtes
à s’ouvrir à ses armes. Louvois lui conseilla de mettre de grosses
garnisons dans les villes prises, et de les fortifier. Vauban, l’un de
ces grands hommes et de ces génies qui parurent dans ce siècle pour
le service de Louis XIV, fut chargé de ces fortifications. Il les fit
suivant sa nouvelle méthode, devenue aujourd’hui la règle de tous les
bons ingénieurs. On fut étonné de ne plus voir les places revêtues
que d’ouvrages presque au niveau de la campagne. Les fortifications
hautes et menaçantes n’en étaient que plus exposées à être foudroyées
par l’artillerie: plus il les rendit rasantes, moins elles étaient en
prise. Il construisit la citadelle de Lille sur ces principes (1668).
On n’avait point encore en France détaché le gouvernement d’une ville
de celui de la forteresse. L’exemple commença en faveur de Vauban; il
fut le premier gouverneur d’une citadelle. On peut encore observer
que le premier de ces plans en relief qu’on voit dans la galerie du
Louvre[449] fut celui des fortifications de Lille.
Le roi se hâta de venir jouir des acclamations des peuples, des
adorations de ses courtisans et de ses maîtresses, et des fêtes qu’il
donna à sa cour.


CHAPITRE IX.
Conquête de la Franche-Comté. Paix d’Aix-la-Chapelle.

(1668) On était plongé dans les divertissements à Saint-Germain,
lorsqu’au cœur de l’hiver, au mois de janvier, on fut étonné de voir
des troupes marcher de tous côtés, aller et revenir sur les chemins
de la Champagne, dans les Trois-Évêchés: des trains d’artillerie,
des chariots de munitions, s’arrêtaient, sous divers prétextes, dans
la route qui mène de Champagne en Bourgogne. Cette partie de la
France était remplie de mouvements dont on ignorait la cause. Les
étrangers par intérêt, et les courtisans par curiosité, s’épuisaient
en conjectures: l’Allemagne était alarmée: l’objet de ces préparatifs
et de ces marches irrégulières était inconnu à tout le monde. Le
secret dans les conspirations n’a jamais été mieux gardé qu’il le fut
dans cette entreprise de Louis XIV. Enfin le 2 de février il part de
Saint-Germain avec le jeune duc d’Enghien, fils du grand Condé, et
quelques courtisans: les autres officiers étaient au rendez-vous des
troupes. Il va à cheval à grandes journées, et arrive à Dijon. Vingt
mille hommes assemblés de vingt routes différentes se trouvent le même
jour en Franche-Comté, à quelques lieues de Besançon, et le grand
Condé paraît à leur tête, ayant pour son principal lieutenant-général
Montmorenci-Boutteville, son ami, devenu duc de Luxembourg, toujours
attaché à lui dans la bonne et dans la mauvaise fortune. Luxembourg
était l’élève de Condé dans l’art de la guerre; et il obligea, à force
de mérite, le roi, qui ne l’aimait pas, à l’employer.
Des intrigues eurent part à cette entreprise imprévue: le prince de
Condé était jaloux de la gloire de Turenne, et Louvois de sa faveur
auprès du roi; Condé était jaloux en héros, et Louvois en ministre.
Le prince, gouverneur de la Bourgogne, qui touche à la Franche-Comté,
avait formé le dessein de s’en rendre maître en hiver, en moins de
temps que Turenne n’en avait mis l’été précédent à conquérir la Flandre
française. Il communiqua d’abord son projet à Louvois, qui l’embrassa
avidement, pour éloigner et rendre inutile Turenne, et pour servir en
même temps son maître.
Cette province, assez pauvre alors en argent, mais très fertile,
bien peuplée, étendue en long de quarante lieues et large de vingt,
avait le nom de Franche[450], et l’était en effet. Les rois d’Espagne
en étaient plutôt les protecteurs que les maîtres. Quoique ce pays
fût du gouvernement de la Flandre, il n’en dépendait que peu. Toute
l’administration était partagée et disputée entre le parlement et
le gouverneur de la Franche-Comté. Le peuple jouissait de grands
priviléges, toujours respectés par la cour de Madrid, qui ménageait
une province jalouse de ses droits, et voisine de la France. Besançon
même se gouvernait comme une ville impériale. Jamais peuple ne vécut
sous une administration plus douce, et ne fut si attaché à ses
souverains. Leur amour pour la maison d’Autriche s’est conservé pendant
deux générations; mais cet amour était, au fond, celui de leur liberté.
Enfin la Franche-Comté était heureuse, mais pauvre, et puisqu’elle
était une espèce de république, il y avait des factions. Quoi qu’en
dise Pellisson, on ne se borna pas à employer la force.
On gagna d’abord quelques citoyens par des présents et des espérances.
On s’assura l’abbé Jean de Vatteville, frère de celui qui, ayant
insulté à Londres l’ambassadeur de France, avait procuré, par cet
outrage, l’humiliation de la branche d’Autriche espagnole. Cet abbé,
autrefois officier, puis chartreux, puis long-temps musulman chez les
Turcs, et enfin ecclésiastique, eut parole d’être grand doyen, et
d’avoir d’autres bénéfices. On acheta peu cher quelques magistrats,
quelques officiers; et à la fin même, le marquis d’Yenne, gouverneur
général, devint si traitable, qu’il accepta publiquement, après la
guerre, une grosse pension et le grade de lieutenant-général en France.
Ces intrigues secrètes, à peine commencées, furent soutenues par vingt
mille hommes. Besançon, la capitale de la province, est investie par
le prince de Condé, Luxembourg court à Salins: le lendemain Besançon
et Salins se rendirent. Besançon ne demanda pour capitulation que la
conservation d’un saint-suaire fort révéré dans cette ville; ce qu’on
lui accorda très aisément. Le roi arrivait à Dijon. Louvois, qui
avait volé sur la frontière pour diriger toutes ces marches, vient lui
apprendre que ces deux villes sont assiégées et prises. Le roi courut
aussitôt se montrer à la fortune qui fesait tout pour lui.
Il alla assiéger Dôle en personne. Cette place était réputée forte;
elle avait pour commandant le comte de Montrevel, homme d’un grand
courage, fidèle par grandeur d’ame aux Espagnols qu’il haïssait, et
au parlement qu’il méprisait. Il n’avait pour garnison que quatre
cents soldats et les citoyens, et il osa se défendre. La tranchée ne
fut point poussée dans les formes. A peine l’eut-on ouverte, qu’une
foule de jeunes volontaires, qui suivaient le roi, courut attaquer
la contrescarpe, et s’y logea: le prince de Condé, à qui l’âge et
l’expérience avaient donné un courage tranquille, les fit soutenir
à propos, et partagea leur péril pour les en tirer. Ce prince était
partout avec son fils, et venait ensuite rendre compte de tout au
roi, comme un officier qui aurait eu sa fortune à faire. Le roi,
dans son quartier, montrait plutôt la dignité d’un monarque dans sa
cour, qu’une ardeur impétueuse qui n’était pas nécessaire. Tout le
cérémonial de Saint-Germain était observé. Il avait son petit coucher,
ses grandes, ses petites entrées, une salle des audiences dans sa
tente. Il ne tempérait le faste du trône qu’en fesant manger à sa
table ses officiers généraux et ses aides de camp. On ne lui voyait
point, dans les travaux de la guerre, ce courage emporté de François
Iᵉʳ et de Henri IV, qui cherchaient toutes les espèces de danger. Il
se contentait de ne les pas craindre, et d’engager tout le monde à
s’y précipiter pour lui avec ardeur. Il entra dans Dôle (14 février
1668) au bout de quatre jours de siége, douze jours après son départ
de Saint-Germain; et enfin, en moins de trois semaines toute la
Franche-Comté lui fut soumise. Le conseil d’Espagne, étonné et indigné
du peu de résistance, écrivit au gouverneur «que le roi de France
aurait dû envoyer ses laquais prendre possession de ce pays, au lieu
d’y aller en personne.»
Tant de fortune et tant d’ambition réveillèrent l’Europe assoupie;
l’empire commença à se remuer, et l’empereur à lever des troupes. Les
Suisses, voisins des Francs-Comtois, et qui n’avaient guère alors
d’autre bien que leur liberté, tremblèrent pour elle. Le reste de la
Flandre pouvait être envahi au printemps prochain. Les Hollandais,
à qui il avait toujours importé d’avoir les Français pour amis,
frémissaient de les avoir pour voisins. L’Espagne alors eut recours à
ces mêmes Hollandais, et fut en effet protégée par cette petite nation,
qui ne lui paraissait auparavant que méprisable et rebelle.
La Hollande était gouvernée par Jean de Witt, qui dès l’âge de
vingt-huit ans avait été élu grand pensionnaire, homme amoureux de la
liberté de son pays, autant que de sa grandeur personnelle: assujetti
à la frugalité et à la modestie de sa république, il n’avait qu’un
laquais et une servante, et allait à pied dans La Haye, tandis que dans
les négociations de l’Europe son nom était compté avec les noms des
plus puissants rois: homme infatigable dans le travail, plein d’ordre,
de sagesse, d’industrie dans les affaires, excellent citoyen, grand
politique, et qui, cependant, fut depuis très malheureux[451].
Il avait contracté avec le chevalier Temple, ambassadeur d’Angleterre
à La Haye, une amitié bien rare entre des ministres. Temple était un
philosophe qui joignait les lettres aux affaires; homme de bien, malgré
les reproches que l’évêque Burnet lui a faits d’athéisme; né avec le
génie d’un sage républicain, aimant la Hollande comme son propre pays,
parcequ’elle était libre, et aussi jaloux de cette liberté que le grand
pensionnaire lui-même. Ces deux citoyens s’unirent avec le comte de
Dhona, ambassadeur de Suède, pour arrêter les progrès du roi de France.
Ce temps était marqué pour les événements rapides. La Flandre,
qu’on nomme Flandre française, avait été prise en trois mois; la
Franche-Comté en trois semaines. Le traité entre la Hollande,
l’Angleterre, et la Suède, pour tenir la balance de l’Europe et
réprimer l’ambition de Louis XIV, fut proposé et conclu en cinq jours.
Le conseil de l’empereur Léopold n’osa entrer dans cette intrigue. Il
était lié par le traité secret qu’il avait signé avec le roi de France
pour dépouiller le jeune roi d’Espagne. Il encourageait secrètement
l’union de l’Angleterre, de la Suède, et de la Hollande; mais il ne
prenait aucunes mesures ouvertes.
Louis XIV fut indigné qu’un petit état tel que la Hollande conçût
l’idée de borner ses conquêtes, et d’être l’arbitre des rois, et plus
encore qu’elle en fût capable. Cette entreprise des Provinces-Unies
lui fut un outrage sensible qu’il fallut dévorer, et dont il médita
dès-lors la vengeance.
Tout ambitieux, tout puissant, et tout irrité qu’il était, il détourna
l’orage qui allait s’élever de tous les côtés de l’Europe. Il proposa
lui-même la paix. La France et l’Espagne choisirent Aix-la-Chapelle
pour le lieu des conférences, et le nouveau pape Rospigliosi, Clément
IX, pour médiateur.
La cour de Rome, pour décorer sa faiblesse d’un crédit apparent,
rechercha par toutes sortes de moyens l’honneur d’être l’arbitre entre
les couronnes. Elle n’avait pu l’obtenir au traité des Pyrénées: elle
parut l’avoir au moins à la paix d’Aix-la-Chapelle. Un nonce fut
envoyé à ce congrès pour être un fantôme d’arbitre entre des fantômes
de plénipotentiaires. Les Hollandais, déjà jaloux de la gloire, ne
voulurent point partager celle de conclure ce qu’ils avaient commencé.
Tout se traitait en effet à Saint-Germain, par le ministère de leur
ambassadeur Van-Beuning. Ce qui avait été accordé en secret par lui
était envoyé à Aix-la-Chapelle, pour être signé avec appareil par les
ministres assemblés au congrès. Qui eût dit trente ans auparavant qu’un
bourgeois de Hollande obligerait la France et l’Espagne à recevoir sa
médiation?
Ce Van-Beuning, échevin d’Amsterdam, avait la vivacité d’un Français
et la fierté d’un Espagnol. Il se plaisait à choquer, dans toutes les
occasions, la hauteur impérieuse du roi, et apposait une inflexibilité
républicaine au ton de supériorité que les ministres de France
commençaient à prendre. «Ne vous fiez-vous pas à la parole du roi?»
lui disait M. de Lyonne dans une conférence. «J’ignore ce que veut le
roi, dit Van-Beuning, je considère ce qu’il peut.» Enfin, à la cour du
plus superbe monarque du monde, un bourgmestre conclut avec autorité
(2 mai 1668) une paix par laquelle le roi fut obligé de rendre la
Franche-Comté. Les Hollandais eussent bien mieux aimé qu’il eût rendu
la Flandre, et être délivrés d’un voisin si redoutable: mais toutes
les nations trouvèrent que le roi marquait assez de modération en se
privant de la Franche-Comté. Cependant il gagnait davantage en retenant
les villes de Flandre, et il s’ouvrait les portes de la Hollande, qu’il
songeait à détruire dans le temps qu’il lui cédait.


CHAPITRE X.
Travaux et magnificence de Louis XIV. Aventure singulière en
Portugal. Casimir en France. Secours en Candie. Conquête de la
Hollande.

Louis XIV, forcé de rester quelque temps en paix, continua, comme il
avait commencé, à régler, à fortifier, et embellir son royaume. Il fit
voir qu’un roi absolu, qui veut le bien, vient à bout de tout sans
peine. Il n’avait qu’à commander, et les succès dans l’administration
étaient aussi rapides que l’avaient été ses conquêtes. C’était une
chose véritablement admirable de voir les ports de mer, auparavant
déserts, ruinés, maintenant entourés d’ouvrages qui fesaient leur
ornement et leur défense, couverts de navires et de matelots, et
contenant déjà près de soixante grands vaisseaux qu’il pouvait armer en
guerre. De nouvelles colonies, protégées par son pavillon, partaient
de tous cotés pour l’Amérique, pour les Indes orientales, pour les
côtes de l’Afrique. Cependant en France, et sous ses yeux, des édifices
immenses occupaient des milliers d’hommes, avec tous les arts que
l’architecture entraîne après elle; et dans l’intérieur de sa cour et
de sa capitale, des arts plus nobles et plus ingénieux donnaient à la
France des plaisirs et une gloire dont les siècles précédents n’avaient
pas eu même l’idée. Les lettres florissaient; le bon goût et la raison
pénétraient dans les écoles de la barbarie. Tous ces détails de la
gloire et de la félicité de la nation trouveront leur véritable place
dans cette histoire[452]; il ne s’agit ici que des affaires générales
et militaires.
Le Portugal donnait en ce temps un spectacle étrange à l’Europe. Dom
Alfonse, fils indigne de l’heureux dom Jean de Bragance, y régnait: il
était furieux et imbécile. Sa femme, fille du duc de Nemours, amoureuse
de dom Pèdre, frère d’Alfonse, osa concevoir le projet de détrôner
son mari, et d’épouser son amant. L’abrutissement du mari justifia
l’audace de la reine. Il était d’une force de corps au-dessus de
l’ordinaire; il avait eu publiquement d’une courtisane un enfant qu’il
avait reconnu: enfin, il avait couché très long-temps avec la reine.
Malgré tout cela, elle l’accusa d’impuissance; et ayant acquis dans le
royaume, par son habileté, l’autorité que son mari avait perdue par
ses fureurs, elle le fit enfermer (novembre 1667). Elle obtint bientôt
de Rome une bulle pour épouser son beau-frère. Il n’est pas étonnant
que Rome ait accordé cette bulle; mais il l’est que des personnes
toutes puissantes en aient besoin. Ce que Jules II avait accordé sans
difficulté au roi d’Angleterre Henri VIII[453], Clément IX l’accorda
à l’épouse d’un roi de Portugal. La plus petite intrigue fait dans un
temps ce que les plus grands ressorts ne peuvent opérer dans un autre.
Il y a toujours deux poids et deux mesures pour tous les droits des
rois et des peuples; et ces deux mesures étaient au Vatican depuis que
les papes influèrent sur les affaires de l’Europe. Il serait impossible
de comprendre comment tant de nations avaient laissé une si étrange
autorité au pontife de Rome, si l’on ne savait combien l’usage a de
force.
Cet événement, qui ne fut une révolution que dans la famille royale, et
non dans le royaume de Portugal, n’ayant rien changé aux affaires de
l’Europe, ne mérite d’attention que par sa singularité.
La France reçut bientôt après un roi qui descendait du trône d’une
autre manière. (1668) Jean-Casimir, roi de Pologne, renouvela l’exemple
de la reine Christine. Fatigué des embarras du gouvernement, et
voulant vivre heureux, il choisit sa retraite à Paris dans l’abbaye de
Saint-Germain dont il fut abbé. Paris, devenu depuis quelques années
le séjour de tous les arts, était une demeure délicieuse pour un roi
qui cherchait les douceurs de la société, et qui aimait les lettres. Il
avait été jésuite et cardinal avant d’être roi; et dégoûté également de
la royauté et de l’église, il ne cherchait qu’à vivre en particulier et
en sage, et ne voulut jamais souffrir qu’on lui donnât à Paris le titre
de majesté[454].
Mais une affaire plus intéressante tenait tous les princes chrétiens
attentifs.
Les Turcs, moins formidables à la vérité, que du temps des Mahomet, des
Sélim, et des Soliman, mais dangereux encore et forts de nos divisions,
après avoir bloqué Candie pendant huit années, l’assiégeaient
régulièrement avec toutes les forces de leur empire. On ne sait
s’il était plus étonnant que les Vénitiens se fussent défendus si
long-temps, ou que les rois de l’Europe les eussent abandonnés.
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