Œuvres de Voltaire Tome XIX: Siècle de Louis XIV.—Tome I - 13

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félicité et la gloire de la nation. François Iᵉʳ fit naître le
commerce, la navigation, les lettres, et tous les arts; mais il
fut trop malheureux pour leur faire prendre racine en France, et
tous périrent avec lui. Henri-le-Grand allait retirer la France des
calamités et de la barbarie où trente ans de discorde l’avaient
replongée, quand il fut assassiné dans sa capitale, au milieu du peuple
dont il commençait à faire le bonheur. Le cardinal de Richelieu, occupé
d’abaisser la maison d’Autriche, le calvinisme, et les grands, ne jouit
point d’une puissance assez paisible pour réformer la nation; mais au
moins il commença cet heureux ouvrage.
Ainsi, pendant neuf cents années, le génie des Français a été presque
toujours rétréci sous un gouvernement gothique, au milieu des divisions
et des guerres civiles, n’ayant ni lois ni coutumes fixes, changeant
de deux siècles en deux siècles un langage toujours grossier; les
nobles sans discipline, ne connaissant que la guerre et l’oisiveté; les
ecclésiastiques vivant dans le désordre et dans l’ignorance; et les
peuples sans industrie, croupissant dans leur misère.
Les Français n’eurent part, ni aux grandes découvertes ni aux
inventions admirables des autres nations: l’imprimerie, la poudre,
les glaces, les télescopes, le compas de proportion, la machine
pneumatique, le vrai système de l’univers, ne leur appartiennent point;
ils fesaient des tournois, pendant que les Portugais et les Espagnols
découvraient et conquéraient de nouveaux mondes à l’orient et à
l’occident du monde connu. Charles-Quint prodiguait déjà en Europe les
trésors du Mexique, avant que quelques sujets de François Iᵉʳ eussent
découvert la contrée inculte du Canada; mais par le peu même que firent
les Français dans le commencement du seizième siècle, on vit de quoi
ils sont capables quand ils sont conduits.
On se propose de montrer ce qu’ils ont été sous Louis XIV.
Il ne faut pas qu’on s’attende à trouver ici, plus que dans le tableau
des siècles précédents, les détails immenses des guerres, des attaques
de villes prises et reprises par les armes, données et rendues par des
traités. Mille circonstances intéressantes pour les contemporains se
perdent aux yeux de la postérité, et disparaissent pour ne laisser voir
que les grands événements qui ont fixé la destinée des empires. Tout
ce qui s’est fait ne mérite pas d’être écrit. On ne s’attachera, dans
cette histoire, qu’à ce qui mérite l’attention de tous les temps, à ce
qui peut peindre le génie et les mœurs des hommes, à ce qui peut servir
d’instruction, et conseiller l’amour de la vertu, des arts, et de la
patrie.
On a déjà vu[377] ce qu’étaient et la France et les autres états de
l’Europe avant la naissance de Louis XIV; on décrira ici les grands
événements politiques et militaires de son règne. Le gouvernement
intérieur du royaume, objet plus important pour les peuples, sera
traité à part. La vie privée de Louis XIV, les particularités de sa
cour et de son règne, tiendront une grande place. D’autres articles
seront pour les arts, pour les sciences, pour les progrès de l’esprit
humain dans ce siècle. Enfin on parlera de l’Église, qui depuis si
long-temps est liée au gouvernement; qui tantôt l’inquiète et tantôt le
fortifie; et qui, instituée pour enseigner la morale, se livre souvent
à la politique et aux passions humaines.


CHAPITRE II.
Des états de l’Europe avant Louis XIV.

Il y avait déjà long-temps qu’on pouvait regarder l’Europe chrétienne
(à la Russie près) comme une espèce de grande république partagée,
en plusieurs états, les uns monarchiques, les autres mixtes; ceux-ci
aristocratiques, ceux-là populaires, mais tous correspondants les uns
avec les autres; tous ayant un même fond de religion, quoique divisés
en plusieurs sectes; tous ayant les mêmes principes de droit public
et de politique, inconnus dans les autres parties du monde. C’est par
ces principes que les nations européanes ne font point esclaves leurs
prisonniers, qu’elles respectent les ambassadeurs de leurs ennemis,
qu’elles conviennent ensemble de la prééminence et de quelques droits
de certains princes, comme de l’empereur, des rois, et des autres
moindres potentats, et qu’elles s’accordent surtout dans la sage
politique de tenir entre elles, autant qu’elles peuvent, une balance
égale de pouvoir, employant sans cesse les négociations, même au milieu
de la guerre, et entretenant les unes chez les autres des ambassadeurs
ou des espions moins honorables, qui peuvent avertir toutes les cours
des desseins d’une seule, donner à-la-fois l’alarme à l’Europe, et
garantir les plus faibles des invasions que le plus fort est toujours
prêt d’entreprendre.
Depuis Charles-Quint la balance penchait du côté de la maison
d’Autriche. Cette maison puissante était, vers l’an 1630, maîtresse de
l’Espagne, du Portugal, et des trésors de l’Amérique; les Pays-Bas,
le Milanais, le royaume de Naples, la Bohême, la Hongrie, l’Allemagne
même (si on peut le dire), étaient devenus son patrimoine; et si tant
d’états avaient été réunis sous un seul chef de cette maison, il est à
croire que l’Europe lui aurait enfin été asservie.

DE L’ALLEMAGNE.
L’empire d’Allemagne est le plus puissant voisin qu’ait la France:
il est d’une plus grande étendue; moins riche peut-être en argent,
mais plus fécond en hommes robustes et patients dans le travail.
La nation allemande est gouvernée, peu s’en faut, comme l’était la
France sous les premiers rois _Capétiens_, qui étaient des chefs,
souvent mal obéis, de plusieurs grands vassaux et d’un grand nombre
de petits. Aujourd’hui soixante villes libres, et qu’on nomme
impériales, environ autant de souverains séculiers, près de quarante
princes ecclésiastiques, soit abbés, soit évêques, neuf électeurs,
parmi lesquels on peut compter aujourd’hui quatre rois[378], enfin
l’empereur, chef de tous ces potentats, composent ce grand corps
germanique, que le flegme allemand a fait subsister jusqu’à nos jours,
avec presque autant d’ordre qu’il y avait autrefois de confusion dans
le gouvernement français.
Chaque membre de l’empire a ses droits, ses priviléges, ses
obligations; et la connaissance difficile de tant de lois, souvent
contestées, fait ce que l’on appelle en Allemagne l’_étude du droit
public_, pour laquelle la nation germanique est si renommée.
L’empereur, par lui-même, ne serait guère à la vérité plus puissant ni
plus riche qu’un doge de Venise. Vous savez que l’Allemagne, partagée
en villes et en principautés, ne laisse au chef de tant d’états que la
prééminence avec d’extrêmes honneurs, sans domaines, sans argent, et
par conséquent sans pouvoir.
Il ne possède pas, à titre d’empereur, un seul village. Cependant cette
dignité, souvent aussi vaine que suprême, était devenue si puissante
entre les mains des Autrichiens, qu’on a craint souvent qu’ils ne
convertissent en monarchie absolue cette république de princes.
Deux partis divisaient alors, et partagent encore aujourd’hui l’Europe
chrétienne, et surtout l’Allemagne.
Le premier est celui des catholiques, plus ou moins soumis au pape; le
second est celui des ennemis de la domination spirituelle et temporelle
du pape et des prélats catholiques. Nous appelons ceux de ce parti du
nom général de protestants, quoiqu’ils soient divisés en luthériens,
calvinistes, et autres, qui se haïssent entre eux presque autant qu’ils
haïssent Rome.
En Allemagne, la Saxe, une partie du Brandebourg, le Palatinat,
une partie de la Bohême, de la Hongrie, les états de la maison de
Brunsvick, le Virtemberg, la Hesse, suivent la religion luthérienne,
qu’on nomme _évangélique_. Toutes les villes libres impériales ont
embrassé cette secte, qui a semblé plus convenable que la religion
catholique à des peuples jaloux de leur liberté.
Les calvinistes, répandus parmi les luthériens qui sont les plus forts,
ne font qu’un parti médiocre; les catholiques composent le reste de
l’empire, et ayant à leur tête la maison d’Autriche, ils étaient sans
doute les plus puissants.
Non seulement l’Allemagne, mais tous les états chrétiens, saignaient
encore des plaies qu’ils avaient reçues de tant de guerres de religion,
fureur particulière aux chrétiens, ignorée des idolâtres, et suite
malheureuse de l’esprit dogmatique introduit depuis si long-temps dans
toutes les conditions. Il y a peu de points de controverse qui n’aient
causé une guerre civile; et les nations étrangères (peut-être notre
postérité) ne pourront un jour comprendre que nos pères se soient
égorgés mutuellement, pendant tant d’années, en prêchant la patience.
Je vous ai déjà fait voir comment Ferdinand II[379] fut près de changer
l’aristocratie allemande en une monarchie absolue, et comment il fut
sur le point d’être détrôné par Gustave-Adolphe. Son fils, Ferdinand
III, qui hérita de sa politique, et fit comme lui la guerre de son
cabinet, régna pendant la minorité de Louis XIV.
L’Allemagne n’était point alors aussi florissante qu’elle l’est
devenue depuis; le luxe y était inconnu, et les commodités de la vie
étaient encore très rares chez les plus grands seigneurs. Elles n’y
ont été portées que vers l’an 1686 par les réfugiés français qui
allèrent y établir leurs manufactures. Ce pays fertile et peuplé
manquait de commerce et d’argent; la gravité des mœurs et la lenteur
particulière aux Allemands les privaient de ces plaisirs et de ces arts
agréables que la sagacité italienne cultivait depuis tant d’années,
et que l’industrie française commençait dès-lors à perfectionner.
Les Allemands, riches chez eux, étaient pauvres ailleurs; et cette
pauvreté, jointe à la difficulté de réunir en peu de temps sous les
mêmes étendards tant de peuples différents, les mettait à peu près,
comme aujourd’hui, dans l’impossibilité de porter et de soutenir
long-temps la guerre chez leurs voisins. Aussi c’est presque toujours
dans l’empire que les Français ont fait la guerre contre les empereurs.
La différence du gouvernement et du génie paraît rendre les Français
plus propres pour l’attaque, et les Allemands pour la défense.

DE L’ESPAGNE.
L’Espagne, gouvernée par la branche aînée de la maison d’Autriche,
avait imprimé, après la mort de Charles-Quint, plus de terreur que la
nation germanique. Les rois d’Espagne étaient incomparablement plus
absolus et plus riches. Les mines du Mexique et du Potosi semblaient
leur fournir de quoi acheter la liberté de l’Europe. Vous avez vu ce
projet de la monarchie, ou plutôt de la supériorité universelle sur
notre continent chrétien, commencé par Charles-Quint, et soutenu par
Philippe II.
La grandeur espagnole ne fut plus, sous Philippe III, qu’un vaste corps
sans substance, qui avait plus de réputation que de force.
Philippe IV, héritier de la faiblesse de son père, perdit le Portugal
par sa négligence, le Roussillon par la faiblesse de ses armes, et
la Catalogne par l’abus du despotisme. De tels rois ne pouvaient
être long-temps heureux dans leurs guerres contre la France. S’ils
obtenaient quelques avantages par les divisions et les fautes de leurs
ennemis, ils en perdaient le fruit par leur incapacité. De plus, ils
commandaient à des peuples que leurs priviléges mettaient en droit de
mal servir; les Castillans avaient la prérogative de ne point combattre
hors de leur patrie; les Aragonais disputaient sans cesse leur liberté
contre le conseil royal; et les Catalans, qui regardaient leurs rois
comme leurs ennemis, ne leur permettaient pas même de lever des milices
dans leurs provinces.
L’Espagne cependant, réunie avec l’empire, mettait un poids redoutable
dans la balance de l’Europe.

DU PORTUGAL.
Le Portugal redevenait alors un royaume. Jean, duc de Bragance, prince
qui passait pour faible, avait arraché cette province à un roi plus
faible que lui. Les Portugais cultivaient par nécessité le commerce,
que l’Espagne négligeait par fierté; ils venaient de se liguer avec la
France et la Hollande, en 1641, contre l’Espagne. Cette révolution du
Portugal valut à la France plus que n’eussent fait les plus signalées
victoires. Le ministère français, qui n’avait contribué en rien à cet
événement, en retira sans peine le plus grand avantage qu’on puisse
avoir contre son ennemi, celui de le voir attaqué par une puissance
irréconciliable.
Le Portugal, secouant le joug de l’Espagne, étendant son commerce,
et augmentant sa puissance, rappelle ici l’idée de la Hollande qui
jouissait des mêmes avantages d’une manière bien différente.

DES PROVINCES-UNIES.
Ce petit état des sept Provinces-Unies, pays fertile en pâturages, mais
stérile en grains, malsain, et presque submergé par la mer, était,
depuis environ un demi-siècle, un exemple presque unique sur la terre
de ce que peuvent l’amour de la liberté et le travail infatigable. Ces
peuples pauvres, peu nombreux, bien moins aguerris que les moindres
milices espagnoles, et qui n’étaient comptés encore pour rien dans
l’Europe, résistèrent à toutes les forces de leur maître et de leur
tyran, Philippe II, éludèrent les desseins de plusieurs princes, qui
voulaient les secourir pour les asservir, et fondèrent une puissance
que nous avons vue balancer le pouvoir de l’Espagne même. Le désespoir
qu’inspire la tyrannie les avait d’abord armés: la liberté avait
élevé leur courage, et les princes de la maison d’Orange en avaient
fait d’excellents soldats. A peine vainqueurs de leurs maîtres, ils
établirent une forme de gouvernement qui conserve, autant qu’il est
possible, l’égalité, le droit le plus naturel des hommes.
Cet état, d’une espèce si nouvelle, était, depuis sa fondation, attaché
intimement à la France: l’intérêt les réunissait; ils avaient les mêmes
ennemis; Henri-le-Grand et Louis XIII avaient été ses alliés et ses
protecteurs.

DE L’ANGLETERRE.
L’Angleterre, beaucoup plus puissante, affectait la souveraineté
des mers, et prétendait mettre une balance entre les dominations de
l’Europe; mais Charles Iᵉʳ, qui régnait depuis 1625, loin de pouvoir
soutenir le poids de cette balance, sentait le sceptre échapper déjà de
sa main: il avait voulu rendre son pouvoir en Angleterre indépendant
des lois, et changer la religion en Écosse. Trop opiniâtre pour se
désister de ses desseins, et trop faible pour les exécuter, bon mari,
bon maître, bon père, honnête homme, mais monarque mal conseillé, il
s’engagea dans une guerre civile, qui lui fit perdre enfin, comme nous
l’avons déjà dit[380], le trône et la vie sur un échafaud, par une
révolution presque inouïe.
Cette guerre civile, commencée dans la minorité de Louis XIV, empêcha
pour un temps l’Angleterre d’entrer dans les intérêts de ses voisins:
elle perdit sa considération avec son bonheur; son commerce fut
interrompu; les autres nations la crurent ensevelie sous ses ruines,
jusqu’au temps où elle devint tout-à-coup plus formidable que jamais,
sous la domination de Cromwell, qui l’assujettit en portant l’Évangile
dans une main, l’épée dans l’autre, le masque de la religion sur le
visage, et qui, dans son gouvernement, couvrit des qualités d’un grand
roi tous les crimes d’un usurpateur.

DE ROME.
Cette balance que l’Angleterre s’était long-temps flattée de maintenir
entre les rois par sa puissance, la cour de Rome essayait de la tenir
par sa politique. L’Italie était divisée, comme aujourd’hui, en
plusieurs souverainetés: celle que possède le pape est assez grande
pour le rendre respectable comme prince, et trop petite pour le
rendre redoutable. La nature du gouvernement ne sert pas à peupler
son pays, qui d’ailleurs a peu d’argent et de commerce; son autorité
spirituelle, toujours un peu mêlée de temporel, est détruite et
abhorrée dans la moitié de la chrétienté; et si dans l’autre il est
regardé comme un père, il a des enfants qui lui résistent quelquefois
avec raison et avec succès. La maxime de la France est de le regarder
comme une personne sacrée, mais entreprenante, à laquelle il faut
baiser les pieds, et lier quelquefois les mains. On voit encore, dans
tous les pays catholiques, les traces des pas que la cour de Rome a
faits autrefois vers la monarchie universelle. Tous les princes de la
religion catholique envoient au pape, à leur avènement, des ambassades
qu’on nomme d’_obédience_. Chaque couronne a dans Rome un cardinal,
qui prend le nom de protecteur. Le pape donne des bulles de tous
les évêchés, et s’exprime dans ses bulles comme s’il conférait ces
dignités de sa seule puissance. Tous les évêques italiens, espagnols,
flamands, se nomment évêques par la permission divine, et _par celle du
saint-siége_. Beaucoup de prélats français, vers l’an 1682, rejetèrent
cette formule si inconnue aux premiers siècles; et nous avons vu de
nos jours, en 1754, un évêque (Stuart Fitz-James, évêque de Soissons)
assez courageux pour l’omettre dans un mandement qui doit passer à la
postérité; mandement, ou plutôt instruction unique, dans laquelle il
est dit expressément ce que nul pontife n’avait encore osé dire, que
tous les hommes, et les infidèles mêmes, sont nos frères[381].
Enfin le pape a conservé, dans tous les états catholiques, des
prérogatives qu’assurément il n’obtiendrait pas si le temps ne les lui
avait pas données. Il n’y a point de royaume dans lequel il n’y ait
beaucoup de bénéfices à sa nomination; il reçoit en tribut les revenus
de la première année des bénéfices consistoriaux.
Les religieux, dont les chefs résident à Rome, sont encore autant de
sujets immédiats du pape, répandus dans tous les états. La coutume,
qui fait tout, et qui est cause que le monde est gouverné par des abus
comme par des lois, n’a pas toujours permis aux princes de remédier
entièrement à un danger qui tient d’ailleurs à des choses regardées
comme sacrées. Prêter serment à un autre qu’à son souverain est un
crime de lèse-majesté dans un laïque; c’est, dans le cloître, un acte
de religion. La difficulté de savoir à quel point on doit obéir à ce
souverain étranger, la facilité de se laisser séduire, le plaisir de
secouer un joug naturel pour en prendre un qu’on se donne soi-même,
l’esprit de trouble, le malheur des temps, n’ont que trop souvent porté
des ordres entiers de religieux à servir Rome contre leur patrie.
L’esprit éclairé qui règne en France depuis un siècle, et qui s’est
étendu dans presque toutes les conditions, a été le meilleur remède
a cet abus. Les bons livres écrits sur cette matière sont de vrais
services rendus aux rois et aux peuples; et un des grands changements
qui se soient faits par ce moyen dans nos mœurs sous Louis XIV, c’est
la persuasion dans laquelle les religieux commencent tous à être qu’ils
sont sujets du roi avant que d’être serviteurs du pape. La juridiction,
cette marque essentielle de la souveraineté, est encore demeurée au
pontife romain. La France même, malgré toutes ses libertés de l’Église
gallicane, souffre que l’on appelle au pape en dernier ressort dans
quelques causes ecclésiastiques.
Si l’on veut dissoudre un mariage, épouser sa cousine ou sa nièce, se
faire relever de ses vœux, c’est encore à Rome, et non à son évêque,
qu’on s’adresse; les graces y sont taxées[382], et les particuliers de
tous les états y achètent des dispenses à tout prix.
Ces avantages, regardés par beaucoup de personnes comme la suite des
plus grands abus, et par d’autres comme les restes des droits les plus
sacrés, sont toujours soutenus avec art. Rome ménage son crédit avec
autant de politique que la république romaine en mit à conquérir la
moitié du monde connu.
Jamais cour ne sut mieux se conduire selon les hommes et selon les
temps. Les papes sont presque toujours des Italiens blanchis dans les
affaires, sans passions qui les aveuglent; leur conseil est composé
de cardinaux qui leur ressemblent, et qui sont tous animés du même
esprit. De ce conseil émanent des ordres qui vont jusqu’à la Chine
et à l’Amérique: il embrasse en ce sens l’univers; et on a pu dire
quelquefois ce qu’avait dit autrefois un étranger du sénat de Rome:
«J’ai vu un consistoire de rois.» La plupart de nos écrivains se sont
élevés avec raison contre l’ambition de cette cour; mais je n’en vois
point qui ait rendu assez de justice à sa prudence. Je ne sais si une
autre nation eût pu conserver si long-temps dans l’Europe tant de
prérogatives toujours combattues: toute autre cour les eût peut-être
perdues, ou par sa fierté, ou par sa mollesse, ou par sa lenteur, ou
par sa vivacité; mais Rome, employant presque toujours à propos la
fermeté et la souplesse, a conservé tout ce qu’elle a pu humainement
garder. On la vit rampante sous Charles-Quint, terrible au roi de
France, Henri III, ennemie et amie tour-à-tour de Henri IV, adroite
avec Louis XIII, opposée ouvertement à Louis XIV dans le temps qu’il
fut à craindre, et souvent ennemie secrète des empereurs, dont elle se
défiait plus que du sultan des Turcs.
Quelques droits, beaucoup de prétentions, de la politique, et de la
patience, voilà ce qui reste aujourd’hui à Rome de cette ancienne
puissance qui, six siècles auparavant, avait voulu soumettre l’empire
et l’Europe à la tiare.
Naples[383] est un témoignage subsistant encore de ce droit que les
papes surent prendre autrefois avec tant d’art et de grandeur, de créer
et de donner des royaumes: mais le roi d’Espagne, possesseur de cet
état, ne laissait à la cour romaine que l’honneur et le danger d’avoir
un vassal trop puissant.
Au reste, l’état du pape était dans une paix heureuse qui n’avait été
altérée que par la petite guerre dont j’ai parlé entre les cardinaux
Barberin, neveux du pape Urbain VIII, et le duc de Parme[384].

DU RESTE DE L’ITALIE.
Les autres provinces d’Italie écoutaient des intérêts divers. Venise
craignait les Turcs et l’empereur; elle défendait à peine ses états
de terre-ferme des prétentions de l’Allemagne et de l’invasion du
grand-seigneur. Ce n’était plus cette Venise autrefois la maîtresse du
commerce du monde, qui, cent cinquante ans auparavant, avait excité la
jalousie de tant de rois. La sagesse de son gouvernement subsistait;
mais son grand commerce anéanti lui ôtait presque toute sa force, et la
ville de Venise était, par sa situation, incapable d’être domptée, et,
par sa faiblesse, incapable de faire des conquêtes.
L’état de Florence jouissait de la tranquillité et de l’abondance sous
le gouvernement des Médicis; les lettres, les arts, et la politesse,
que les Médicis avaient fait naître, florissaient encore. La Toscane
alors était en Italie ce qu’Athènes avait été en Grèce.
La Savoie, déchirée par une guerre civile et par les troupes françaises
et espagnoles, s’était enfin réunie tout entière en faveur de la
France, et contribuait en Italie à l’affaiblissement de la puissance
autrichienne.
Les Suisses conservaient, comme aujourd’hui, leur liberté, sans
chercher à opprimer personne. Ils vendaient leurs troupes à leurs
voisins plus riches qu’eux; ils étaient pauvres; ils ignoraient les
sciences et tous les arts que le luxe a fait naître; mais ils étaient
sages et heureux[385].

DES ÉTATS DU NORD.
Les nations du nord de l’Europe, la Pologne, la Suède, le Danemark,
la Russie, étaient, comme les autres puissances, toujours en défiance
ou en guerre entre elles. On voyait, comme aujourd’hui[386], dans la
Pologne, les mœurs et le gouvernement des Goths et des Francs, un roi
électif, des nobles partageant sa puissance, un peuple esclave, une
faible infanterie, une cavalerie composée de nobles; point de villes
fortifiées; presque point de commerce. Ces peuples étaient tantôt
attaqués par les Suédois ou par les Moscovites, et tantôt par les
Turcs. Les Suédois, nation plus libre encore par sa constitution,
qui admet les paysans mêmes dans les états-généraux, mais alors plus
soumise à ses rois que la Pologne, furent victorieux presque partout.
Le Danemark, autrefois formidable à la Suède, ne l’était plus à
personne; et sa véritable grandeur n’a commencé que sous ses deux
rois Frédéric III et Frédéric IV[387]. La Moscovie n’était encore que
barbare.

DES TURCS.
Les Turcs n’étaient pas ce qu’ils avaient été sous les Sélim, les
Mahomet, et les Soliman: la mollesse corrompait le sérail, sans en
bannir la cruauté. Les sultans étaient en même temps et les plus
despotiques des souverains dans leur sérail, et les moins assurés de
leur trône et de leur vie. Osman et Ibrahim venaient de mourir par le
cordeau. Mustapha avait été deux fois déposé. L’empire turc, ébranlé
par ces secousses, était encore attaqué par les Persans; mais, quand
les Persans le laissaient respirer, et que les révolutions du sérail
étaient finies, cet empire redevenait formidable à la chrétienté; car
depuis l’embouchure du Borysthène jusqu’aux états de Venise, on voyait
la Moscovie, la Hongrie, la Grèce, les îles, tour-à-tour en proie aux
armes des Turcs; et dès l’an 1644, ils fesaient constamment cette
guerre de Candie si funeste aux chrétiens. Telles étaient la situation,
les forces, et l’intérêt des principales nations européanes vers le
temps de la mort du roi de France, Louis XIII.

SITUATION DE LA FRANCE.
La France, alliée à la Suède, à la Hollande, à la Savoie, au Portugal,
et ayant pour elle les vœux des autres peuples demeurés dans
l’inaction, soutenait contre l’empire et l’Espagne une guerre ruineuse
aux deux partis, et funeste à la maison d’Autriche. Cette guerre était
semblable à toutes celles qui se font depuis tant de siècles entre
les princes chrétiens, dans lesquelles des millions d’hommes sont
sacrifiés et des provinces ravagées pour obtenir enfin quelques petites
villes frontières dont la possession vaut rarement ce qu’a coûté la
conquête.
Les généraux de Louis XIII avaient pris le Roussillon; les Catalans
venaient de se donner à la France, protectrice de la liberté qu’ils
défendaient contre leurs rois; mais ces succès n’avaient pas empêché
que les ennemis n’eussent pris Corbie en 1636, et ne fussent venus
jusqu’à Pontoise. La peur avait chassé de Paris la moitié de ses
habitants; et le cardinal de Richelieu, au milieu de ses vastes projets
d’abaisser la puissance autrichienne, avait été réduit à taxer les
portes cochères de Paris à fournir chacune un laquais pour aller à la
guerre, et pour repousser les ennemis des portes de la capitale.
Les Français avaient donc fait beaucoup de mal aux Espagnols et aux
Allemands, et n’en avaient pas moins essuyé.

FORCES DE LA FRANCE APRÈS LA MORT DE LOUIS XIII, ET MŒURS DU TEMPS.
Les guerres avaient produit des généraux illustres, tels qu’un
Gustave-Adolphe, un Valstein, un duc de Veimar, Piccolomini, Jean
de Vert, le maréchal de Guébriant, les princes d’Orange, le comte
d’Harcourt. Des ministres d’état ne s’étaient pas moins signalés.
Le chancelier Oxenstiern, le comte duc d’Olivarès, mais surtout le
cardinal de Richelieu, avaient attiré sur eux l’attention de l’Europe.
Il n’y a aucun siècle qui n’ait eu des hommes d’état et de guerre
célèbres: la politique et les armes semblent malheureusement être les
deux professions les plus naturelles à l’homme: il faut toujours ou
négocier ou se battre. Le plus heureux passe pour le plus grand, et le
public attribue souvent au mérite tous les succès de la fortune.
La guerre ne se fesait pas comme nous l’avons vu faire du temps de
Louis XIV; les armées n’étaient pas si nombreuses: aucun général,
depuis le siége de Metz par Charles-Quint, ne s’était vu à la tête de
cinquante mille hommes: on assiégeait et on défendait les places avec
moins de canons qu’aujourd’hui. L’art des fortifications était encore
dans son enfance. Les piques et les arquebuses étaient en usage: on se
servait beaucoup de l’épée, devenue inutile aujourd’hui. Il restait
encore des anciennes lois des nations celle de déclarer la guerre par
un héraut. Louis XIII fut le dernier qui observa cette coutume: il
envoya un héraut d’armes à Bruxelles déclarer la guerre à l’Espagne en
1635.
Vous savez que rien n’était plus commun alors que de voir des prêtres
commander des armées: le cardinal infant, le cardinal de Savoie,
Richelieu, La Valette, Sourdis, archevêque de Bordeaux, le cardinal
Théodore Trivulce, commandant de la cavalerie espagnole, avaient
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