Cadio - 15

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SAINT-GUELTAS. Et tu réponds de mon succès? Je serai le chef suprême et
absolu de l'insurrection?
RABOISSON. Je ne peux répondre de rien, mais j'ai foi au succès.
SAINT-GUELTAS. Allons, c'est décidé! (A la Korigane, qui entre.) Ces
dames sont prêtes?
LA KORIGANE. Oui, maître, les voilà. (Bas.) Moi, j'ai à te parler. Vite!
(Saint-Gueltas sort sur le palier avec la Korigane.)
SAINT-GUELTAS. Qu'est-ce qu'il y a?
LA KORIGANE. Un grand malheur! Retarde ton mariage.
SAINT-GUELTAS. Impossible!
LA KORIGANE. La folle est ici.
SAINT-GUELTAS, se tordant les mains. La folle? elle est vivante? Et
l'enfant?...
LA KORIGANE. L'enfant est avec elle. Un paysan de Marande, qui les avait
cachés, vient de les ramener ici. Tirefeuille les a reçus et enfermés
dans le guettoir; mais...
SAINT-GUELTAS. Est-ce qu'ils parlent? est-ce qu'ils se souviennent?
LA KORIGANE. L'enfant, non; mais la mère se reconnaît. Elle s'échappe,
elle rôde, elle est entrée là tout à l'heure...
SAINT-GUELTAS. Louise l'a vue?
LA KORIGANE. Oui, elle a cru rêver. Elle n'a pas compris...
SAINT-GUELTAS. Je vais aviser, suis-moi!... Ah! c'est trop de malheur
aussi!


DEUXIÈME TABLEAU
Dans le salon rempli de monde, brillant de lumières et orné de fleurs.

SCÈNE UNIQUE.--LA COMTESSE DE ROSERAY, LE BARON DE RABOISSON,
l'Émissaire des Princes, L'ABBÉ SAPIENCE, se tiennent dans la profonde
embrasure d'une croisée pendant que les autres invités causent avec
animation dans le salon et la salle des gardes contiguë.--A la fin,
SAINT-GUELTAS et LOUISE.

LA COMTESSE, (à Raboisson.) Vous avez bien tort de faire ce mariage, mon
cher! un homme marié n'est plus que la moitié d'un chef et le quart d'un
conspirateur.
RABOISSON. Saint-Gueltas vaut dix hommes; qu'il perde les trois quarts
de son énergie, il lui en restera plus qu'à tout autre. D'ailleurs,
est-ce qu'il n'en a pas dépensé avec les belles bien plus qu'il ne s'en
dépense dans le mariage?
LA COMTESSE. Avec les belles, comme vous dites, il n'a eu que du
plaisir, et cela entretient l'énergie. Dans le mariage, il n'y a que des
peines, il est payé pour le savoir!
L'ÉMISSAIRE. Sa première femme était pourtant fort bien née, m'a-t-on
dit?
RABOISSON. Elle était plus âgée que lui et très-faible d'esprit.
LA COMTESSE. Bah! elle n'est pas la seule qui lui ait donné un enfant
idiot! C'est une particularité assez plaisante dans la vie de
Saint-Gueltas: tous ses bâtards sont nés contrefaits, imbéciles ou
affectés d'un vice du sang. On n'a jamais pu en élever un seul.
RABOISSON, d'un air ingénu. A propos d'enfants, monsieur votre fils se
porte bien?
LA COMTESSE, d'un air dégagé. On ne peut mieux. (Bas.) Impertinent, vous
me payerez cela.
L'ÉMISSAIRE. Depuis quand donc le marquis est-il veuf?
RABOISSON. Depuis deux ans.
L'ABBÉ SAPIENCE. Je crois qu'on n'en sait rien.
RABOISSON. Pardon, monsieur l'abbé, personne n'ignore que la marquise
était avec son fils au château de Morande quand les républicains l'ont
surpris et brûlé.
L'ABBÉ. Je sais que la mère et l'enfant ont disparu à ce moment-là; mais
j'imagine que le marquis produira quelque preuve de leur mort?
RABOISSON. Cela regarde le prêtre qui va consacrer le nouveau mariage.
Vous pensez bien qu'il s'est mis en règle.
L'ABBÉ. S'il avait négligé ce soin, il faudrait l'avertir si vous
souhaitez que le mariage soit valide!
LA COMTESSE, bas, à Raboisson. Est-ce qu'il y a quelque doute à cet
égard?
RABOISSON. Aucun que je sache; mais l'abbé est vendu à M. de Charette,
et il a tout fait pour desservir Saint-Gueltas auprès de l'émissaire des
princes. Il faudrait empêcher cela.
LA COMTESSE. Je m'en charge.
RABOISSON. Vos beaux yeux peuvent charmer les serpents comme les lions.
LA COMTESSE. Les beaux yeux d'un évêché seront plus puissants encore.
Mon oncle le cardinal ratifiera mes promesses. Quant au mariage de
Saint-Gueltas, je le blâme absolument; mais, s'il le faut pour qu'on lui
rende justice...
RABOISSON. Il le faut, je vous jure.
LA COMTESSE. Alors, c'est que mademoiselle de Sauvières... (Elle rit.)
RABOISSON. Non; mais je ne veux pas que pareille chose lui arrive.
LA COMTESSE. Vous ne me persuaderez pas qu'elle ait passé un an près de
lui, courant par monts et par vaux, et vivant ensuite sous son toit,
sans que sa vertu ait reçu quelque atteinte.
RABOISSON. Sa tante ne l'a pas quittée.
LA COMTESSE. Excepté pendant les longues heures qu'elle passe à épiler
ses cheveux blancs et à plâtrer sa figure.
RABOISSON. Voyons, n'abusez pas de vos avantages contre les autres
femmes. Vieilles ou jeunes, toutes disparaissent comme de pâles étoiles
dans le rayonnement de votre soleil. Soyez généreuse. Je ne vous dirai
pas de ne pas rendre Saint-Gueltas infidèle à sa jeune compagne. Il
suffit qu'on vous regarde pour être pris ou repris de la belle manière;
mais conduisez-vous comme une grande reine des coeurs que vous êtes.
Protégez la faiblesse et mettez du coton au bout de vos flèches. Si le
comte de Roseray eût voulu avoir l'esprit de mourir à temps, certes vous
étiez la seule femme digne de seconder le futur lieutenant général; mais
il s'obstine à vivre, le fâcheux, et mademoiselle de Sauvières est une
personne si romanesque, pour ne pas dire si niaise dans ses opinions,
que vous saurez diriger le marquis sans qu'elle s'en aperçoive. Elle
déteste les Anglais et n'aime guère les émigrés; vous vaincrez aisément
les préjugés qu'elle pourrait entretenir dans l'esprit de son mari.
LA COMTESSE. Allons, je vois qu'en qualité d'émigré vous-même, vous avez
besoin de moi. Je serai bonne femme, je vous le promets! (Entre
Saint-Gueltas, tenant Louise par la main. Elle est vêtue en mariée.
Roxane les suit.)
SAINT-GUELTAS. Mesdames, permettez-moi de vous présenter celle qui sera
dans un quart d'heure la marquise de la Rochebrûlée. (Il la conduit
d'abord à la comtesse, qui lui tend la main; Louise lui donne la sienne
avec effroi. Saint-Gueltas s'adressant aux hommes qui se rapprochent de
lui.) Messieurs, souffrez que je vous présente à ma fiancée.
LA COMTESSE, à Raboisson pendant que Saint-Gueltas présente à Louise
l'émissaire des princes et ceux des autres invités qu'elle ne connaît
point. Dites-lui de changer de voile, le sien est déchiré. Voyez, à
l'épaule, c'est de mauvais présage en temps de guerre!
RABOISSON. Bah! c'est la fille de chambre en lui mettant les épingles;
mieux vaut qu'elle ne s'en aperçoive pas.
LA COMTESSE. Et puis il y a peut-être du danger à déranger les longs
plis qui cachent sa taille!
RABOISSON. Méchante que vous êtes!
SAINT-GUELTAS. Tout est prêt; rendons-nous à la chapelle. (Il invite
l'émissaire à offrir la main à la mariée et va présenter la sienne à la
comtesse, comme à la personne la plus considérable de la réunion.)
LA COMTESSE, bas. Ah! vous me faites les grands honneurs, infidèle?
C'est pour me consoler!
SAINT-GUELTAS. Consolez-moi, vous, car je suis éperdu d'amour pour vous
depuis ce soir.
LA COMTESSE. Alors, vous ne m'aviez pas encore aimée?
SAINT-GUELTAS. Ma foi, non; je commence!
LA COMTESSE. Ce n'est pas vrai, mais c'est aimable. J'ai à vous parler
après la cérémonie.


TROISIÈME TABLEAU
Au bord de la mer, sur un escalier taillé dans le roc, qui descend en
rampe la falaise à pic jusqu'à une petite construction soudée à son
flanc.

SCÈNE UNIQUE.--LA KORIGANE, TIREFEUILLE, puis la Folle et son Enfant.

TIREFEUILLE, (montrant la construction.) Pas possible de les laisser dans
ce guettoir. La porte ne tient plus; ils s'échapperont encore. Il
faudrait les embarquer tout de suite.
LA KORIGANE. La mer est trop mauvaise ce soir.
TIREFEUILLE. Pourtant, le maître a dit de les conduire cette nuit à
Noirmoutier.
LA KORIGANE. Va prendre ses ordres. Dépêche-toi. (Tirefeuille monte
l'escalier. La Korigane le descend jusqu'au guettoir.) Ce qu'il faudrait
faire, il le désire. S'il ne le veut pas... Pourquoi ne le voudrait-il
pas? Il m'a déjà commandé le mal, et plus j'en faisais, plus il avait
d'estime pour mon courage. Il sera content après. Il est perdu sans
cela. La folle parle plus qu'il ne pense. Voilà les cloches qui
annoncent la fin. Il est marié. Si je ne me dévoue pas pour lui, il est
déshonoré, conspué, abandonné de tout le monde... Allons! que le crime
retombe sur ma vie et le péché sur mon âme! (Elle va ouvrir la cellule.)
Sortez, vous pouvez prendre le frais et vous promener.
LA FOLLE, sortant; l'enfant la suit. Ah! oui! le bal, le bal des
noces!... Je veux aller au bal! C'est moi la mariée!
LA KORIGANE, lui montrant le pied du rocher que longe une étroite bande
de sable. Par là. Descendez!
LA FOLLE, voulant monter l'escalier. Non, par ici!
LA KORIGANE, l'arrêtant. Je vous dis que non. Par ici, les portes sont
fermées. Voilà votre chemin.
LA FOLLE, qui descend. Il y a de l'eau... la marée monte.
LA KORIGANE. Mais non, vous rêvez! elle descend!
LA FOLLE. C'est bien vrai? Je ne sais plus, moi!
LA KORIGANE. Dépêchez-vous, on va danser sans vous.
LA FOLLE. Allons, allons!
LA KORIGANE. Vous oubliez votre fils.
LA FOLLE. Quel fils? Ah! oui! (Elle le tire par le bras; l'enfant a peur
et résiste.)
LA KORIGANE, à l'enfant. Allez donc, ou votre mère va vous laisser tout
seul.
LA FOLLE. Il ne veut pas venir, le méchant! Eh bien, reste, adieu!
L'ENFANT. Maman, maman!
LA FOLLE. Viens, mon amour, je te porterai! (Elle le prend dans ses bras
et disparaît en courant le long de la falaise.)
LA KORIGANE, qui a descendu derrière eux. Comme ça, tout ira bien, sans
que je m'en mêle,--la marée monte!... S'ils ne reviennent pas dans cinq
minutes... Comme le flot va lentement!... non, le voilà qui remplit le
sentier; il me gagne... Je vais remonter les marches en comptant...
Encore une de couverte, une autre... En voilà cinq, en voilà dix; dix
marches, c'est dix pieds.--Ah! qu'est-ce que j'entends? un cri, bien
sûr!--C'est le petit qui dit le seul mot qu'il sache, _maman_! Va,
pauvre malheureux, c'est elle qui te mène, ce n'est pas moi!...
Qu'est-ce que je vois de blanc là-bas? Elle surnage? Non, c'est une
lame... et ce n'est plus rien... Tout est dit, le brouillard et l'eau
ont tout fait; ils ne parleront pas... Je vais remonter auprès de la
mariée... l'arranger pour le bal... Mais qu'est-ce que j'ai, donc? je ne
peux pas marcher. Suis-je bête! j'en ai bien vu d'autres et j'ai bien
fait pire!--Mais, si le maître était fâché, s'il regrettait
l'enfant?--Bah! ce n'est pas son fils!... D'ailleurs, je lui ai pardonné
la mort de Cadio, moi! il faudra bien qu'il me pardonne... Cadio! si sa
pauvre âme voyait ce que je viens de faire!... Ah! j'ai peur! (Elle veut
remonter l'escalier et s'arrête hallucinée.) Il est là, je le vois!
Laisse-moi passer, Cadio! le flot monte toujours... Tu ne veux pas? tu
me parles? qu'est-ce que tu dis?... Je périrai comme j'ai fait périr? Il
me pousse... je tombe! (Elle se cramponne au rocher.) Non, non, c'était
un rêve! ce n'est pas lui, ce n'est rien! Est-ce que je deviens folle
aussi, moi? (Elle remonte l'escalier en courant.)


HUITIÈME PARTIE
Juillet 1795.--Au bourg de Carnac, dans une auberge rustique.--Une heure
du matin.

SCÈNE PREMIÈRE.--REBEC, JAVOTTE, dans une salle dont une porte donne sur
la cuisine, l'autre sur une chambre à coucher, une autre, avec guichet,
sur un escalier extérieur qui descend à une petite place.

JAVOTTE. Ah! vous voilà, ce n'est pas malheureux!
REBEC. Mauvaise nuit, Javotte! un temps magnifique, un clair de lune
désespérant! Tu ne t'es donc pas couchée?
JAVOTTE. Non, j'ai sommeillé là sur une chaise. J'étais inquiète de
vous... Vous vous ferez prendre avec vos manigances!
REBEC. Ah dame! il faut se hâter; il faut être en mesure de plier bagage
encore une fois. Il ne se passera peut-être pas trois jours avant que le
pays soit à feu et à sang.
JAVOTTE. Moi, je trouve qu'il y est déjà! Toutes ces bandes de chouans
qui battent la campagne font des horreurs, et il en arrive des quatre
coins du ciel. Et tous ces émigrés qui arpentent la plage comme des
cormorans! Et ces vaisseaux anglais dans la rade! si ça ne fait pas mal
au coeur de voir des choses pareilles! Pas possible que les
républicains, qui sont partis sans rien dire, ne reviennent pas un de
ces matins nous délivrer!
REBEC. Tais-toi, Javotte, tais-toi! ne te mêle pas de politique, ma
fille! Rien de plus pernicieux que d'avoir une opinion!
JAVOTTE. Oh! ma foi, tant pis! Je suis patriote, moi, et vous ne me
blanchirez point.
REBEC. De la prudence, te dis-je, de la prudence! Songe donc que je t'ai
tirée jusqu'à présent des plus grands dangers! Ah! certes, on voudrait
bien pouvoir dilater son âme dans le sentiment du plus pur patriotisme;
mais, quand il y va de notre existence et de notre argent, il faut avoir
le courage de se taire et l'héroïsme de se cacher. Ah ça! dis-moi,
est-il venu du monde, ce soir, pendant ma tournée?
JAVOTTE. Quelques paysans royalistes des environs sont encore venus
demander des habits et des armes.
REBEC. Tu n'as rien délivré, j'espère?
JAVOTTE. Non, ils n'avaient point de bons pour toucher. J'ai dit que
nous n'avions plus rien.
REBEC. Tu n'as guère menti. La nuit prochaine, j'emporterai ce qui nous
reste, et, quand on se battra, nous pourrons lâcher l'auberge.
JAVOTTE. Et si on y met le feu?
REBEC. Me crois-tu assez bête pour l'avoir payée?
JAVOTTE. Êtes-vous sûr que votre dépôt ne sera pas déniché?
REBEC. Parle plus bas. J'ai avisé à tout. Il ne faut pas mettre tous ses
oeufs dans le même panier! J'ai des cartouches et des souliers dans un
souterrain, un ancien tombeau sous la colline Saint-Michel, à deux pas
d'ici... J'ai des balles et de l'eau-de-vie dans trois villages de la
côte. J'ai du riz et des gibernes dans les ruines du couvent. J'ai...
JAVOTTE. Et, si les bleus trouvent tout ça, ils vous fusilleront comme
accapareur ou comme vendu aux Anglais!
REBEC. Laisse-moi donc tranquille! je suis plus fin qu'eux! Je les
conduirai moi-même à une de mes caches, ça me mettra à l'abri du soupçon
pour les autres.
JAVOTTE. En attendant, c'est un vol que vous faites aux royalistes!
REBEC. Oh! ma mie Javotte, dans des temps comme ceux-ci, il y a des mots
qui ne signifient plus rien. Qu'est-ce que c'est que ces armements et
ces approvisionnements que les Anglais et les insurgés distribuent aux
rebelles? Des instruments de guerre civile, n'est-ce pas? Tout bon
citoyen a le droit de s'en emparer pour les livrer à la nation; mais
tout service mérite sa récompense, et rien de plus légitime qu'une
modeste spéculation après les dangers que j'ai courus pour me procurer
ce butin incendiaire et prévaricateur! Ai-je sollicité la confiance des
chefs insurgés? Ne m'ont-ils pas requis, moi, mon cheval et ma
charrette, pour travailler à leurs convois et à leurs distributions?
JAVOTTE. Vous n'avez point été forcé, ce n'est pas à moi qu'il faut
conter des histoires! Vous n'êtes venu dans ce vilain pays faire
semblant de vous établir que parce que vous avez eu vent de l'expédition
et de ce qui s'ensuivrait.
REBEC. Javotte, tu faiblis! tu ne comprends pas,... tu n'es pas à la
hauteur de ma mission.
JAVOTTE. Votre mission? Qu'est-ce que c'est que ça?
REBEC. C'est le devoir de traverser les discordes civiles en faisant
fleurir les transactions commerciales au milieu de tous les périls et à
la faveur de tous les désordres. Je me flatte d'être sous ce rapport un
homme peu ordinaire et d'arriver bientôt à une position de fortune qui
m'assurera le bien-être et la considération... Mais écoute.... on marche
dans la rue, on vient sur la place,... on monte l'escalier de pierre,...
on frappe...--Qui va là?
VOIX AU DEHORS. Un voyageur, ouvrez!
REBEC, qui a regardé par le guichet, ouvre en disant: Entrez!

SCÈNE II.--Les Mêmes, RABOISSON.

RABOISSON. Bonjour, Rebec!
REBEC. Ah! citoyen baron, plus bas, je vous en supplie! je ne m'appelle
plus comme ça.
RABOISSON, riant. C'est vrai, c'est vrai! Lycurgue, je crois?
REBEC. Ah! miséricorde! encore moins! Ici, je suis Normand et je
m'appelle Latoupe.
RABOISSON. Va pour Latoupe; ça m'est égal! Je sais que tu es de nos
amis, puisque je t'ai vu travailler pour nous sur le rivage.
REBEC. Et moi, je vous avais bien reconnu hier sur un canot de l'escadre
anglaise; mais je n'ai pas osé vous parler. Et, sans être trop curieux,
vous...?
RABOISSON. Pas de questions sur la politique, mon cher! Ma confiance ne
pourrait que te compromettre, et je sais que, par état comme par
tempérament, tu dois ménager tout le monde. Dis-moi seulement si
quelqu'un est venu me demander ici cette nuit.
REBEC. Personne, monsieur le baron.
RABOISSON. Alors, j'attendrai chez toi. Sers-moi quelque chose, ce que
tu voudras.
REBEC. Je vais vous chercher du jambon délicieux.--Javotte, descends à
la cave et monte du meilleur. (Il sort, Javotte, le suit.)
RABOISSON marche avec impatience et va regarder par le guichet. Ah! le
voilà! il est exact au rendez-vous! (Il ouvre, Saint-Gueltas entre. Ils
se serrent la main en silence. Raboisson referme la porte au verrou.)

SCÈNE III.--SAINT-GUELTAS, RABOISSON.

SAINT-GUELTAS. Est-ce que nous pouvons parler ici?
RABOISSON. Oui, l'aubergiste est des nôtres.
SAINT-GUELTAS. Eh bien, parle; c'est à toi de m'instruire, puisque
j'arrive à ton appel.
RABOISSON. Diable! tu me vois embarrassé...
SAINT-GUELTAS. Il suffit, je comprends; on refuse mes services?
RABOISSON. On ne refuse jamais des services comme les tiens; mais...
SAINT-GUELTAS. Mais on veut les recevoir _gratis_?
RABOISSON. Les seuls bons services sont ceux qui ne se marchandent pas.
(A Rebec, qui ouvre la porte de la cuisine et qui apporte le déjeuner.)
Un peu plus tard, laisse-nous. (Il referme la porte de la cuisine et
revient vers Saint-Gueltas, qui frappe du pied avec fureur.) Eh bien,
voyons! As-tu si peu de philosophie, si peu de dévouement?
SAINT-GUELTAS, irrité. Ah! je t'admire, toi qui me prêches le
désintéressement après avoir excité mon ambition quand la tienne y
trouvait son compte! J'échoue, tu m'abandonnes, c'est dans l'ordre; mais
tu pourrais t'épargner la peine de me railler.
RABOISSON. Je ne t'abandonne pas, puisque je t'ai fait venir; mais te
soutenir ouvertement est devenu impossible. Ton compétiteur l'emporte,
et, ma foi, il y a de ta faute, mon cher! Tu es d'une imprudence, d'une
témérité... excellentes sur les champs de bataille, mais funestes dans
la vie privée.
SAINT-GUELTAS. De quoi m'accuse-t-on?
RABOISSON. De bigamie, rien que ça!
SAINT-GUELTAS. Qui m'accuse? l'abbé Sapience?
RABOISSON. Oui, l'abbé prétend que ta première femme était vivante et
jouissait de toute sa raison quand tu as épousé Louise. Eh bien,
qu'est-ce que tu as?
SAINT-GUELTAS, qui brise une chaise. Il en a menti! elle était
complètement folle, incurable, et elle est morte!
RABOISSON. En as-tu la preuve?
SAINT-GUELTAS. Mieux que ça: j'en ai la certitude.
RABOISSON. Comment? Voyons, explique-toi.
SAINT-GUELTAS. Je ne veux pas m'expliquer, je n'ai de comptes à rendre à
personne.
RABOISSON. Tant pis! c'est donner gain de cause à la calomnie. Il
circule sur ton compte des histoires effroyables que je n'ose te
répéter.
SAINT-GUELTAS. Dis-les, je veux tout savoir.
RABOISSON. Puisque tu le veux... On a fait courir le bruit autour des
princes que tu avais assassiné ta première femme la nuit de ton mariage
avec la seconde. Ton malheureux fils aurait partagé son sort... Tu
pâlis! il y a donc quelque chose de vrai?...
SAINT-GUELTAS. Il y a une chose vraie: l'enfant était vivant, si c'est
vivre que d'être un avorton privé de sens; il s'est noyé durant cette
nuit fatale, j'ai retrouvé son corps sur la grève.
RABOISSON. Il était donc chez toi? Comment? pourquoi? avec qui?
SAINT-GUELTAS. Est-ce pour me trahir que tu m'infliges cet
interrogatoire?
RABOISSON. Non, c'est pour te justifier, si cela est possible, pour te
défendre dans tous les cas.
SAINT-GUELTAS. Eh bien, je ne sais pas feindre, voici la vérité... Cette
femme m'avait trompé, tu le sais. J'ai tué son amant dans ses bras; elle
est devenue folle. Longtemps enfermée dans mon château de Marande avec
un enfant infirme de corps et d'esprit que j'avais sujet de ne pas
croire légitime, mais auquel j'étais forcé par la loi de laisser porter
mon nom, elle avait disparu en 92 avec son fils quand ce manoir a été
pris et incendié par les républicains. On a cru et j'ai dû croire que
ces deux misérables créatures avaient été égorgées ou brûlées; mais
elles s'étaient échappées, et elles s'étaient traînées jusque chez moi
la veille du jour où j'ai épousé Louise, dont tu connaissais la
situation délicate. Pouvais-je et devais-je sacrifier son honneur et mon
avenir à ce fantôme d'épouse légitime, objet d'horreur et de dégoût,
dont le malheur ne méritait même pas le respect? La loi qui rend de tels
liens indissolubles est atroce. Elle violente la plus inaliénable des
libertés humaines, celle de disposer de soi. Ma femme était coupable,
elle ne m'était plus rien; elle était folle, elle n'était plus rien pour
personne. Je me suis cru le droit de la considérer comme morte, et
j'allais l'éloigner pour jamais... mais à quoi bon te dire le reste? Ce
qui s'est fait, je ne l'ai ni souhaité ni ordonné; j'aurais dû le
châtier peut-être... Mais, si nous punissions tous les excès de
dévouement dont nous sommes forcés de profiter, nous n'aurions plus
guère de soldats et de serviteurs à offrir à notre cause.
RABOISSON. N'importe!... dis tout. Ils ont été assassinés?
SAINT-GUELTAS. Non, un mot les a tués! Quelqu'un leur a montré le
château où ils s'obstinaient à pénétrer en leur disant: «Voilà le
chemin!» C'était le pied de la falaise, et la marée montait!
RABOISSON. C'est le fidèle Tirefeuille qui a fait cette chose atroce?
SAINT-GUELTAS. Non; je ne dirai pas... je ne peux pas le dire.
RABOISSON. Tu me jures que cela s'est fait malgré toi?
SAINT-GUELTAS. Je te le jure.
RABOISSON. Eh bien, j'essayerai de ramener les esprits. Puisaye est tout
à Charette; mais d'Hervilly commande l'expédition, et, si tu veux amener
ici tes Poitevins...
SAINT-GUELTAS. Impossible. La trêve les a énervés. Les paysans nous
trahissent et nous abandonnent. Le petit corps d'aventuriers qui me
reste est à peine suffisant pour mettre mon château à l'abri d'un coup
de main.
RABOISSON. Ainsi, en offrant toute une province soulevée pour recevoir,
accueillir et défendre au besoin les princes, tu me trompais?
SAINT-GUELTAS. Je me faisais illusion; mais je sais où trouver de
nombreux chefs de chouans dont les bandes éparses ne demandent qu'un nom
prestigieux pour se réunir à moi. Ici, je n'ai qu'un mot à dire, et je
suis encore le chef le plus populaire et le plus redoutable de
l'insurrection.
RABOISSON. Rien n'est perdu, alors. Rassemble cette armée, et sois sûr
que, quand elle paraîtra, les mandataires des princes feront bon marché
du blâme qui pèse sur ta vie domestique.
SAINT-GUELTAS. Les mandataires des princes sont des intrigants ou des
imbéciles! Pourquoi les princes ne viennent-ils pas eux-mêmes assister à
la lutte qui va décider de leur sort, et se faire juges des coups?
Faut-il donner son sang et sa fortune à des ingrats ou à des poltrons?
Je suis las de ce métier de dupe! On s'est mal conduit envers moi. Des
subsides insuffisants, des éloges contraints, des remercîments froids,
tandis qu'on a comblé Charette de louanges, d'argent et de promesses!
J'ai pourtant agi plus que lui, j'ai plus souffert, j'ai suivi la Vendée
jusqu'à son dernier soupir. J'ai fait plus de sacrifices... Les princes
sont pauvres... soit! Je veux bien manger jusqu'à mon dernier écu et ne
pas compter avec le futur roi de France; mais, en fait d'orgueil, je ne
me pique pas de désintéressement chevaleresque. Je veux un éclat
proportionné à la grandeur de mes actions, je veux un titre au moins
égal à celui de Charette, je veux un pouvoir qui contre-balance le sien.
A l'oeuvre on verra qui de nous deux est le plus habile, le plus brave
et le plus influent. Quant aux vices et aux crimes dont on m'accuse, il
me semble qu'il n'est pas plus blanc que moi!
RABOISSON. Rassemble vingt mille chouans, et tu pourras faire tes
conditions. Combien en as-tu autour d'ici?
SAINT-GUELTAS. Cinq ou six cents déjà.
RABOISSON. Ce n'est guère!
SAINT-GUELTAS. Je suis en Bretagne depuis vingt-quatre heures, et tu
trouves que le résultat est mince?
RABOISSON. Alors, reprends tes courses, et reviens vite avec tes
recrues.
SAINT-GUELTAS. Je reviendrai quand vous serez battus.
RABOISSON. Grand merci!
SAINT-GUELTAS. Il faudra bien alors que vous preniez mes ordres! Une
bonne victoire des républicains fera tomber les préventions de mes amis
et rabattra les prétentions de mes ennemis. Au revoir, mon cher; j'ai le
temps de penser à mes affaires domestiques, comme tu dis, et de faire
rentrer ma seconde femme dans le devoir.
RABOISSON. Louise! Que dis-tu? qu'a-t-elle fait? où est-elle?
SAINT-GUELTAS. Où elle est, je n'en sais rien. Elle s'est enfuie de chez
moi pendant que je me rendais ici. On vient de me l'apprendre. Je sais
qu'elle erre dans les environs, guettant le moment de s'embarquer ou de
faire pis.
RABOISSON. Comment! Louise te quitte? Elle te trompait? C'est
impossible!
SAINT-GUELTAS. Louise me trompait en ce sens qu'elle cherchait depuis
longtemps à s'assurer une autre protection que la mienne; elle me
menaçait sans cesse de me quitter. Elle est injuste, impérieuse, dévorée
de jalousie, aigrie par le chagrin; notre enfant n'a pas vécu. Enfin
elle a dû nouer à mon insu des intelligences avec nos ennemis...
peut-être avec son cousin Sauvières, qui est maintenant, je le sais,
auprès de M. Hoche. Je ne l'accuse pas d'infidélité, mais je vois
qu'elle est lâche, et je n'entends pas qu'elle aussi déshonore le nom
que tu m'as forcé de lui donner.
RABOISSON. J'ai fait pour elle tout ce que je devais, tout ce que je
pouvais. Elle a voulu être ta femme, c'est à elle d'en accepter les
conséquences. Le jour va paraître, je te quitte. Tu m'as dit ton dernier
mot? Tu ne veux pas te joindre à nous?
SAINT-GUELTAS. Pas encore.
RABOISSON. Ce n'est ni patriotique ni fraternel. Tu te proposes de venir
ramasser nos morts sur le champ de bataille? J'en serai peut-être;
reçois donc mes adieux.
SAINT-GUELTAS. Sois tranquille, je vous vengerai.
REBEC, frappant à la porte de la cuisine. Ouvrez! ouvrez!
RABOISSON, allant ouvrir. Qu'est-ce qu'il y a?
REBEC. Les bleus! les bleus! Ils envahissent le village...
SAINT-GUELTAS. Ils attaquent?... Je n'entends aucun bruit!
REBEC. Non, personne ne leur dit rien. Ils s'installent, et
probablement... Tenez, oui, on vient chez moi. Sortez par la cuisine et
par la ruelle.
RABOISSON, bas, à Saint-Gueltas. Si tu as cinq cents hommes sous la
main, ce serait l'occasion de faire un coup d'éclat.
SAINT-GUELTAS, amer et ironique. Non, messieurs, vous êtes encore
intacts; à vous l'honneur! (Ils sortent. On frappe à la porte de la rue.
Rebec va ouvrir. Motus entre.)

SCÈNE IV.--REBEC, MOTUS, puis JAVOTTE.

REBEC. Salut et fraternité!
JAVOTTE, (accourant.) Vivent les bleus!
MOTUS. Sensible à vos politesses! Où diable, sans vous offenser, ai-je
vu vos estimables frimousses? Ça ne fait rien. J'en ai tant vu! Ayez la
chose de préparer le vivre et le couvert pour mon capitaine.
REBEC. Ah! le capitaine Ravaud, n'est-ce pas?
MOTUS, avec un gros soupir, portant la main à son front (salut
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