Cadio - 07

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CHAILLAC. Oui, moyennant votre parole de ne pas chercher à favoriser son
évasion.
HENRI. Vous ne la connaissez pas. Elle refuserait...
CHAILLAC. N'importe, vous jurez?
HENRI. Oui, monsieur.
CHAILLAC. Tenez! on l'amène justement par ici, car voilà le convoi qui
va emmener les prisonniers.

SCÈNE VII.--HENRI, MARIE, à la porte de l'église, des factionnaires les
surveillent, des volontaires font monter les autres prisonniers sur des
voitures de transport et des charrettes.

MARIE, (à voix basse). Ah! Je suis heureuse de vous revoir, monsieur
Henri! Vous allez me dire si Louise et son père ont pu s'échapper. Je
suis dévorée d'inquiétude!
HENRI. Ils sont en fuite.
MARIE. On ne les poursuit pas?
HENRI. Nous avons fait notre devoir. La nuit nous a empêchés d'aller
plus loin.
MARIE. Mais, demain, vous les poursuivrez encore... Ah! que vous devez
souffrir, vous!
HENRI. Demain, mon détachement se porte sur un autre point. Je n'aurai
pas la douleur de frapper moi-même... Mais il s'agit de vous... Vous
savez qu'on va vous envoyer...
MARIE. Je sais, je vois, je suis perdue, moi!
HENRI. Non, vous invoquerez l'appui de votre cousin.
MARIE. Quand même on m'en laisserait le temps, je n'aurais pas recours à
lui. Si je suis gravement compromise, comme je le pense, je ne veux pas
le compromettre. Il est l'unique appui de ma pauvre famille, il est une
des gloires, une des forces de la patrie. Au besoin, je nierais notre
parenté pour le préserver du soupçon.
HENRI. Appelez-moi en témoignage, au moins.
MARIE. Pas plus que lui vous ne devez avoir à vous disculper, monsieur
de Sauvières! Votre nom est déjà assez difficile à porter sous les
drapeaux de la République. Ne me parlez pas davantage; je sais que vous
voudriez me sauver, je vous en remercie. Vous n'y pouvez rien, ne vous
exposez pas davantage.
HENRI. Marie, laissez-moi vous parler comme autrefois et vous serrer la
main.
MARIE. Non, nous sommes observés; mais sachez que j'ai pour vous autant
d'amitié que d'estime.
HENRI. Je ne peux pas vous laisser partir... Voyons, demandez à parler
encore à Chaillac. C'est un esprit étroit, rigide, mais c'est un honnête
homme.
MARIE. Son esprit n'est pas assez délicat pour comprendre ma situation.
Il veut des renseignements sur l'armée royaliste. Je ne puis m'abaisser
à la délation pour sauver ma tête; jamais Chaillac n'admettra que la
reconnaissance personnelle puisse l'emporter sur le patriotisme, et
j'avoue que je suis ici la victime de mon propre coeur. J'ai servi en
quelque sorte la cause des insurgés, j'ai partagé leur bonne et leur
mauvaise fortune. Si j'ai eu horreur de leurs excès, j'ai eu pitié de
leurs misères. J'ai soigné leurs blessés; j'ai soutenu leurs femmes,
j'ai quelquefois sauvé leurs pauvres enfants dans mes bras au milieu de
la déroute. Que voulez-vous! j'ai aimé Louise par-dessus tout, j'ai
servi avec zèle son vertueux père, votre bienfaiteur et le mien! Qui
comprendrait une pareille inconséquence, à moins d'être femme? Et
encore! Y a-t-il encore des femmes dans le temps où nous vivons? Je suis
peut-être la dernière qui osera faire violence à ses croyances pour
remplir un devoir et payer une dette.
HENRI. Eh bien, oui, Marie, vous êtes la seule femme, le dernier ange de
bonté... (Il lui baise la main.)
MARIE. On m'appelle; adieu! Si je suis condamnée pour avoir été sensible
au malheur de mes amis, ne me plaignez pas. Ma vie a été pure, et je
crois à une vie meilleure. Servez bien la France et soyez heureux...
CHAILLAC, s'approchant. Eh bien, citoyenne, es-tu décidée à me dire...?
MARIE. Je ne vous dirai rien, monsieur, cela m'est impossible.
CHAILLAC. En route, alors! Monte dans ce fourgon, tu seras mieux que sur
la charrette.
MARIE. Je vous remercie, monsieur.
CHAILLAC. As-tu pris quelque chose ce soir?
MARIE. Non, on n'a pas eu le temps, ou on a oublié; c'est inutile!
Adieu, merci. (Elle part.)
CHAILLAC, à Henri. Une fille très-douce, très-polie! c'est dommage! mais
que voulez-vous!...


QUATRIÈME PARTIE

Commencement de l'hiver, 1793.--En pays breton, de l'autre côté de la
Loire[4].--Un chemin creux entre deux buttes couvertes de buissons.--Au
loin, une lande coupée de zones boisées.--Clair de lune.--Cadio, seul,
sur la butte la plus élevée, au pied d'une croix de pierre, joue de la
cornemuse.
[Note 4: Ce peut être aux environs de Savenay.]
SCÈNE PREMIÈRE.--CADIO.

Je ne sais pas ce que je viens de jouer, pas moins! c'était comme une
prière, et ça m'a contenté le coeur. «Grand Dieu du ciel et de la terre,
tu m'as parlé dans la solitude! Tu n'es pas fier, toi! tu parles au
dernier des hommes, à celui que les autres hommes ne regardent seulement
pas. Ah! que tu m'as enseigné de choses, et comme je me soucie peu à
présent des peines que le diable peut me faire! Il ne peut rien contre
moi, non, rien. Celui qui croit en toi, Dieu bon, ne croit plus au
pouvoir du mal.»--Voilà pour sûr ce que mon biniou disait tout à
l'heure. Oh! c'est qu'il joue tout seul, lui, quand je suis en état de
grâce, et j'y suis depuis le jour où j'ai entendu armer le fusil pour me
tuer.--Drôle de chose, la mort! Dire qu'elle est bonne, puisqu'elle nous
rend meilleurs,... et nous la craignons pourtant! On ne sait pas
pourquoi on la craint;... mais on la craint, il n'y a pas à dire.
(Descendant la butte.) Voilà enfin tout de même une nuit sans danger.
J'ai fait tantôt un bon somme sur la fougère, avec la grosse lune toute
blanche au-dessus de ma tête. Il ne fait pas chaud, comme ça, aux
approches du matin; mais de souffler dans ce pauvre biniou, ça m'a
réchauffé l'esprit.--Où est-ce que je peux bien être? Je ne sais plus.
La Loire par là?--ou par là?--Qu'est-ce que ça me fait? Je l'ai passée;
les Vendéens l'ont bien passée aussi, mais ils ne me reprendront pas!
Ils ont monté du côté de la Manche, et, moi, j'ai tourné face à l'Océan.
Le vent qui en vient me conduit. Il faut que je retourne au pays des
grosses pierres. On dit qu'il n'y a plus nulle part ni moines ni
couvents. On m'y laissera en paix. Ça n'est pas qu'on soit mal par ici,
c'est tout désert. Le pays me plaît; il paraît bien tranquille... (on
entend deux coups de fusil au loin. Il tressaille et écoute.) Plus rien!
C'est quelque braconnier! Où donc trouver un coin du monde où on
n'entendra plus jamais ces maudits coups de fusil? Il faudra pourtant
bien que je le retrouve, car voilà l'hiver qui pique, et Dieu sait si je
pourrai continuer à coucher dans les bois!--Et puis ça m'ennuie
quelquefois, de me cacher, de ne rien savoir et de ne rien faire.--Quoi
faire à présent en ce bas monde, quand on ne veut pas tuer les autres?
UNE VOIX, derrière la butte. Cadio! Oh! Cadio!
CADIO, effrayé. Qu'est-ce qui m'appelle? Est-ce moi qu'on cherche?
LA VOIX, plus près. Hé! Cadio! es-tu par là?
CADIO. On dirait... Non! c'est un gars.

SCÈNE II.--CADIO, LA KORIGANE, en garçon.

LA KORIGANE. Ah! j'en étais bien sûre! J'ai reconnu l'air de ton biniou.
Il n'y a que toi dans le monde pour en jouer si bien que ça!
CADIO, incertain et méfiant. Je ne te connais pas, petit; qu'est-ce que
tu me veux?
LA KORIGANE. Tu ne connais pas le follet?
CADIO. En garçon, toi? Est-ce bien vrai, que c'est toi? Ta figure me
paraît toute changée, et ta voix aussi.
LA KORIGANE. M'aimes-tu mieux comme ça?
CADIO. Non! je te trouve encore plus laide et plus rauque; mais tu as
donc quitté les brigands?
LA KORIGANE. Et toi, tu as déserté, pas moins?
CADIO. Dame! je n'allais pas avec eux de plein coeur, tu le sais bien!
LA KORIGANE. Mais tu les suivais tout de même à cause de la demoiselle?
CADIO. La demoiselle? Qu'est-ce que ça me fait, la demoiselle?
LA KORIGANE. Tu as été amoureux d'elle, Cadio!
CADIO. Voilà une bêtise par exemple! Amoureux, moi? Je ne le serai
jamais.
LA KORIGANE. Pourquoi?
CADIO. Parce que je ne serai jamais ni ça ni autre chose. Je ne peux
rien être, et j'aime autant ça.
LA KORIGANE. Ce que tu es, je vais te le dire: tu es fou!
CADIO. On me l'a toujours dit; mais peut-être bien qu'il n'y a que moi
de sage sur la terre.
LA KORIGANE. Ah! et pourquoi donc ça?
CADIO. Parce qu'il n'y a que moi qui n'aie rien à réclamer et rien à
défendre, par conséquent aucun mal à faire à personne.
LA KORIGANE. Imbécile! tu as ta peau à défendre!
CADIO. Je la cache! il ne faut pas beaucoup de place pour ça. Et
qu'est-ce qu'elle est devenue, la demoiselle?
LA KORIGANE. Elle est devenue pâle, et maigre, et mal habillée, et
pauvre, et misérable!
CADIO. Et l'armée qu'elle suivait?
LA KORIGANE. Elle la suit toujours.
CADIO. Et Saint-Gueltas?
LA KORIGANE. Il voulait quitter. La demoiselle l'a retenu, pour son
malheur et celui de tout le monde.
CADIO. Elle aurait mieux fait d'aimer son cousin Henri.
LA KORIGANE. Un bleu enragé?
CADIO. Un beau garçon qui m'a donné la vie et rendu ma musique!
LA KORIGANE. Toujours ta musique! ça passe avant tout.
CADIO. Puisque je n'ai que ça.
LA KORIGANE. Tu m'avais, moi! Je t'aimais, et, si tu avais voulu mon
coeur et ma vie...
CADIO. Je n'ai rien voulu de toi; tu étais trop mauvaise. Toute petite,
tu écorchais les bêtes vivantes, et depuis tu es devenue pire. Je t'ai
vue au camp du roi! tu étais plus méchante que les plus méchants!
LA KORIGANE. Eh! tu n'as rien vu. Depuis que tu nous as quittés, et
depuis que le marquis est fou de la Sauvières, j'ai dit: «C'est comme
ça? il faut que je me venge sur ces chiens de patriotes!» J'ai pris des
habits de garçon, j'ai mis des cartouches sous ma blouse, et c'est moi
qui recharge lestement les fusils quand nos gens tirent de derrière les
buissons. Et, quand le vieux Sauvières et les doux chefs veulent
épargner les prisonniers, c'est moi qui crie à nos hommes: «Tuez tout!»
Et, quand on massacre, c'est moi qui chante! Et, quand on en a oublié,
c'est moi qui les montre et qui dis comme ça: «Allez! allez! saignez
encore, le compte n'y est pas!»
CADIO. Tu me fais peur... et tu me dégoûtes! Adieu! passe ton chemin!
LA KORIGANE. Voyons, Cadio, tu vas au pays? Je suis capable de m'en
aller avec toi.
CADIO. Alors, je n'y vais plus. Merci pour ta compagnie!
LA KORIGANE. Tu me méprises? tu me détestes?
CADIO. Non, je te plains.
LA KORIGANE. Si tu me plains, aime-moi, et je serai douce. Voyons,
Cadio, je pourrais peut-être t'aimer encore. Tu n'es ni beau ni
brave;... mais ta musique,--et puis l'habitude que j'avais de te
suivre... Tu étais bon pour moi, tu me grondais...
CADIO. Ça ne te changeait pas.
LA KORIGANE. C'est ta faute, il fallait m'aimer. Quand j'ai senti parler
mon coeur, si tu avais eu l'esprit de le comprendre, je ne serais pas où
j'en suis.
CADIO. Où en es-tu donc?
LA KORIGANE. J'aime à présent quelqu'un qui ne me regarderait pas, si
j'étais peureuse et pitoyable. C'est quelqu'un qui n'aime que le
courage, et c'est pour lui que j'en ai. Il est méchant, lui, et je suis
méchante. Il veut qu'on fasse le mal, et je le fais. S'il me commandait
le bien, je ferais le bien. Quand il me dit une parole, si j'avais trois
âmes, je les lui donnerais.
CADIO. C'est Saint-Gueltas, pas vrai? Eh bien, pourquoi est-ce que tu le
quittes?
LA KORIGANE. Je le quitterais bien par dépit! mais je suis avec lui
encore.
CADIO, effrayé et près de fuir. Il est donc par ici?
LA KORIGANE. A deux pas; il donne un moment de repos à sa troupe. Ça ne
sera pas long, on veut attaquer avant le jour la ville qui est là-bas,
derrière la colline. Oh! on va se cogner, c'est notre dernier enjeu. Où
vas-tu?
CADIO. Je vais plus loin. Je ne sais point cogner.
LA KORIGANE, le retenant. Tu ne veux pas m'emmener, et tu te sauves? Eh
bien, tu resteras, ça me venge... et ça m'amuse. Tu resteras, je te dis!
CADIO. Mais non!
LA KORIGANE, prenant un de ses pistolets. Mais si! Ne bouge pas, ou je
te brûle la cervelle! (Cadio se débat et s'échappe.)

SCÈNE III.--LA KORIGANE, SAINT-GUELTAS, sortant des buissons.

SAINT-GUELTAS. Eh bien, la farfadette, qu'est-ce qu'il y a donc?
LA KORIGANE. C'est rien, mon maître. Un des nôtres avec qui je
plaisantais.
SAINT-GUELTAS. Quelque amoureux? Ah! les femmes, ça trouve toujours le
temps de penser à ça!
LA KORIGANE. Je n'ai pas d'amoureux, mon maître.
SAINT-GUELTAS. Tu as tort... Mais où sont nos éclaireurs? Tu étais avec
eux?
LA KORIGANE. Ils avancent bien doucement; le pays est tout défoncé.
SAINT-GUELTAS. Vous n'avez rencontré personne?
LA KORIGANE. Pas seulement un lapin. Le gibier est épeuré à c't'heure.
SAINT-GUELTAS. Tant mieux! vous vous amuseriez à le chasser, et il ne
s'agit pas de ça.
LA KORIGANE. Dame! on est mort de faim! Je crois qu'on le mangerait tout
cru.
SAINT-GUELTAS. La poudre est pour tirer sur les bleus, et elle est rare.
Le premier qui perd un coup de fusil aura de mes nouvelles. Dis-leur ça,
rejoins-les; cours!
LA KORIGANE. Courir? J'ai les pieds en sang.
SAINT-GUELTAS. Pas de réflexion. Dis-leur de gagner toujours sur la
droite; l'armée arrive.
LA KORIGANE. L'armée?
SAINT-GUELTAS. Ah çà! m'entends-tu?
LA KORIGANE. Elle n'est pas grosse à présent, l'armée! Si vous en ôtiez
les blessés, les vieux, les femmes et les marmots... C'est avec ça que
vous voulez prendre une ville? Vous feriez mieux de vous retirer sur vos
terres, où personne n'oserait vous attaquer.
SAINT-GUELTAS. Oh! oh! tu raisonnes, toi? Tu donnes des conseils? Va au
diable! Je te chasse.
LA KORIGANE. Mon maître, un mot d'amitié, et je me fais tuer cette nuit.
SAINT-GUELTAS. Va, ma bonne fille, va!
LA KORIGANE. Un mot de tendresse!
SAINT-GUELTAS. Ah! tu m'ennuies! File d'un côté ou de l'autre, que je ne
te voie plus!
LA KORIGANE. Adieu, mon maître. (A part.) Je me vengerai sur les
Sauvières. (Elle sort.)
SAINT-GUELTAS. Si celle-là me quitte, je n'aurai bientôt plus
personne... Mais qu'est-ce que c'est que ça? (Une calèche toute crottée
et toute déchirée s'engage dans le chemin creux.--Un paysan la conduit
en postillon.--La voiture enfonce jusqu'au moyeu dans une ornière; un
des chevaux s'abat. L'homme jure, des cris de femme partent de la
voiture.)

SCÈNE IV.--SAINT-GUELTAS, LA TESSONNIÈRE, ROXANE, un Postillon.

SAINT-GUELTAS. Taisez-vous, sacrebleu! taisez-vous! (Au postillon.)
Tais-toi, butor! Et vous, imbéciles, qui allez en calèche dans de
pareils chemins; descendez, et que le diable vous emporte!
ROXANE, (dans la calèche.) Oui, oui, arrêtez, j'aime mieux descendre.
LA TESSONNIÈRE, dans la calèche. Ouvrez la portière, ouvrez!
LE POSTILLON, relevant son cheval. Ouvrez vous-mêmes, mille noms de nom
d'un tonnerre!
SAINT-GUELTAS, faisant descendre Roxane et la Tessonnière. Allons donc!
et flanquez-nous la paix. Silence! (Roxane est dans un costume
impossible, bonnet de coton, chapeau d'homme, robe de soie en lambeaux,
cape de paysanne. La Tessonnière a un chapeau de femme, une couverture
liée autour du corps avec des cordes et des rubans fanés; des pantoufles
dans des sabots.)
ROXANE, que Saint-Gueltas attire brusquement sur le marchepied de la
voiture. Ah! brutal, vous m'avez meurtri les bras! Ah ciel! pardon!
c'est vous, cher marquis? Dieu nous vient en aide! mais vous m'avez fait
bien mal...
SAINT-GUELTAS. Ah! tant pis pour vous, mademoiselle de Sauvières. Il
fallait aller à Guérande, au lieu de vous obstiner à suivre une armée en
déroute! Pourquoi diable à présent n'êtes-vous pas au centre de la
marche avec les autres personnes gênantes?
LA TESSONNIÈRE, bas, à Roxane. _Gênantes_ n'est pas poli!
ROXANE, à Saint-Gueltas. Vous nous faites des reproches!... Les bleus
étaient derrière nous, la peur nous a saisis; j'ai donné deux louis à
cet homme pour qu'il prît la tête. Il prétendait connaître la
traverse... Enfin nous voilà!
SAINT-GUELTAS. Belle idée! vous n'aviez personne derrière vous.
N'êtes-vous pas encore habituée aux paniques des traînards depuis un
mois que ça dure? Et croyez-vous n'avoir personne en face?
ROXANE. Vous y êtes, marquis; je ne crains plus rien. Je m'attache à
vous, je ne vous quitte pas!
SAINT-GUELTAS, haussant les épaules. Comptez là-dessus! Vous avez fait
la sottise, vous la boirez. (Au paysan postillon.) Dételle tes chevaux,
toi! flanque-moi cette voiture dans les genêts, débarrasse la voie et
viens t'atteler à nos caissons. Plus vite que ça!
ROXANE. Eh bien, et nous? Va-t-on nous jeter dans les genêts aussi?
SAINT-GUELTAS. Restez à découvert, si bon vous semble. L'avant-garde va
vous bousculer tout à l'heure.
ROXANE. Vous nous quittez?
SAINT-GUELTAS. Parfaitement. J'ai à conduire mes gens à l'assaut d'une
ville, c'est un peu plus pressé que de bavarder avec vous! (Il s'en va
par où il est venu.)
ROXANE. Mais qu'a donc le marquis? Lui autrefois si galant, si aimable,
je ne le reconnais plus depuis quelques jours.
LA TESSONNIÈRE. C'est que ça va mal, ma chère amie, ça va très-mal!
ROXANE. Bast! encore une affaire, et ce sera la fin.
LA TESSONNIÈRE. J'ai grand'peur que ce ne soit le commencement.
ROXANE. Le commencement de quoi? Vous radotez!
LA TESSONNIÈRE. Non pas! le commencement de misères dont vous n'avez pas
l'idée.
ROXANE. Nous en avons plus que nous n'en pouvons porter. Quand on est
fait comme nous voilà!... non, nous ne pouvons pas être plus malheureux!
LA TESSONNIÈRE. Si fait! car jusqu'à présent nous avons, vous et moi,
toujours trouvé quelque gîte, et nous allons, je pense, coucher en
pleins champs.
ROXANE. J'aime mieux ça que les lits bretons. C'est une saleté horrible!
LE PAYSAN, qui a dételé ses chevaux. Ah ça, dites donc, les bourgeois!
au lieu d'insulter le pays, venez donc un peu m'aider à verser la
calèche. Je ne peux pas tout seul!
ROXANE. Verser la calèche? Et qu'est-ce qui nous garantira du froid,
s'il nous faut attendre ici que la ville soit prise?
LE PAYSAN. Oh! vous aurez assez chaud tout à l'heure à vous sauver,
quand on chargera l'ennemi. Allons, vous, le vieux! un coup de main!
LA TESSONNIÈRE. Vous plaisantez, mon ami!
LE PAYSAN. Vous ne voulez pas? Eh bien, aux cinq cents diables le
berlingot! (Il casse les vitres avec le manche de son fouet et brise les
châssis de la calèche.)
ROXANE. Ah! le misérable! il détruit notre dernier asile! Empêchez-le
donc, la Tessonnière!
LA TESSONNIÈRE. Merci! vous voyez bien qu'il est furieux!
LE PAYSAN, cassant toujours. Damnée guimbarde, va! Pas possible de
l'ôter de là! Ah! v'là du renfort!

SCÈNE V.--Les Mêmes, MACHEBALLE et quatre Vendéens, maigres, déchirés,
barbus, hâves.

MACHEBALLE, (au postillon.) T'es-t-encore là, feignant? Laisse ça, et
cours aux canons; y en a un d'embourbé. Dépêche, ou gare à toi!
LE POSTILLON. On y va, quoi, on y va! (Il remonte à cheval et part au
trot.)
ROXANE, à la Tessonnière. C'est cet affreux Mâcheballe, si grossier! Ne
lui parlons pas, venez!
LA TESSONNIÈRE. Où donc aller? On enfonce à mi-jambes dans les près!
ROXANE. Non, par là, sur la fougère. Ah! grand Dieu! on parlait de ça
jadis, quand on chantait des bergeries: _Colin sur la fougère_... Et à
présent!... (Ils s'éloignent.)
MACHEBALLE, (qui a fait enlever la calèche par ses hommes; ils la
renversent sur la berge du chemin.) Boutez-moi ça le ventre en l'air, et
cassez les roues, que ces clampins de nobles ne s'en servent pas pour
fuir la bataille. Ah! si je repince ceux qui nous ont lâchés! C'est bon,
c'est bien, mes gars! A présent _égaillez-vous_[5]. Je vas tenir conseil
un moment avec les autres chefs.
[Note 5: C'était le mot technique: _dispersez-vous_.]
UN VENDÉEN. Encore! on ne fait que ça! On perd le temps à se demander ce
qu'on veut faire.
UN AUTRE. Hormis toi, général, c'est tous des messieurs qui n'y
connaissent rien, et qui ne peuvent pas s'accorder.
UN AUTRE. Y a Saint-Gueltas qu'est bon. Il en vaut quarante.
L'AUTRE. Je ne dis pas, mais il en demande plus qu'on n'en peut faire.
On est sur les dents!
MACHEBALLE. Allons, allons, les enfants du bon Dieu! faut pas parler de
ça. Faut aller de l'avant. Là-bas, on se reposera dans la ville.
L'AUTRE. Oui, en attrapant des coups de fusil! Les bleus sont partout à
c't'heure, et y a plus de villes sans défense!
UN AUTRE. Tout ça, c'est la faute au vieux Sauvières, qui veut la
discipline et la mode de se battre à découvert. C'est des histoires de
l'ancien temps. On ne veut plus de ça, nous autres!
MACHEBALLE. Ah dame! vous l'avez nommé général! Fallait pas!
UN AUTRE. Des généraux, on en a bien trop nommé! Il n'en faudrait qu'un.
MACHEBALLE. Et que ça soit toi, pas vrai?
L'AUTRE. Non! toi, Mâcheballe! général en chef!
MACHEBALLE. Ça pourra venir, mes enfants! Laissez partir les nobles: ils
en crèvent d'envie!
LE PREMIER VENDÉEN. Qu'ils s'en aillent! C'est tous des trahisseurs.
UN AUTRE. Quand ils s'en iront, on leur z'y lâchera du plomb dans le
dos. Ça les fera filer plus vite.
MACHEBALLE. V'là Saint-Gueltas, un bon, je ne dis pas; mais la belle
Louise lui a mis la tête à l'envers depuis un bout de temps.
UN VENDÉEN. Faut la renvoyer. On n'a pas besoin de femmes à la guerre.
C'est des bêtises, tout ça!
MACHEBALLE. On fera de son mieux. Égaillez-vous, et faites bonne garde.
LE VENDÉEN. Oui, si on peut! on tombe de fatigue, (Ils se dispersent et
s'éloignent.)

SCÈNE VI.--MACHEBALLE, LE COMTE DE SAUVIERES, LE BARON DE RABOISSON,
SAINT-GUELTAS, LE CHEVALIER DE PRÉMOUILLARD.

MACHEBALLE, (à Raboisson et au chevalier.) Me v'là, arrêtez-vous! c'est
ici qu'on se consulte.
LE CHEVALIER sans lui répondre, à Saint-Gueltas. Est-ce ici réellement?
Nous ne sommes pas en nombre, et, s'il nous faut attendre les autres
chefs, nous allons perdre un temps précieux; nous n'arriverons pas de
nuit sous les murs de la ville.
SAINT-GUELTAS. Une de nos colonnes doit y être.
LE COMTE. Raison de plus pour se hâter de la rejoindre. Écoutez! Vous
n'entendez pas de bruit?
MACHEBALLE. Eh non! la fusillade n'est pas commencée. Les oreilles vous
cornent!
LE COMTE. Plaît-il?
RABOISSON, bas. Ne répondez pas à ce manant.
SAINT-GUELTAS. Attendez! voici deux de mes éclaireurs!... (Entrent deux
Vendéens.) Eh bien?
UN ÉCLAIREUR. On a poussé, Jean et moi, jusqu'à la ville. Elle n'est pas
gardée et ne se méfie pas; avec quatre hommes de plus, on aurait pris le
faubourg.
SAINT-GUELTAS. En avant, alors!
RABOISSON. Un moment! c'est bien grave, de se lancer sans avoir pu se
réunir.
SAINT-GUELTAS. Oh! si on s'attend les uns les autres, ce sera comme sur
la route du Mans. N'espérons plus rien que de nous-mêmes.
LE CHEVALIER. Eh oui! En avant, mordieu! allons donc!
LE COMTE. Vous avez raison cette fois, chevalier. Le malheur doit avoir
dissipé toutes nos illusions. Ayons l'audace du désespoir.
SAINT-GUELTAS. Oui, oui, faites avancer vos colonnes, monsieur le comte.
LE COMTE. Mes colonnes? Ignorez-vous que je n'ai plus que cent vingt
hommes, de neufs cents que je commandais encore hier?
MACHEBALLE. Ah! vous, tous vos gens désertent! c'est la honte de
l'armée!
LE COMTE, méprisant. Vous dites?
SAINT-GUELTAS, à Mâcheballe. Tais-toi, brutal! ce n'est pas le moment.
MACHEBALLE. Je me tairai, si je veux.
SAINT-GUELTAS. Je le dis que tu vas te taire, et rester ici pour que
nous ne soyons pas surpris et attaqués en flanc. Là est le grand danger.
Ne l'oublie pas (bas), toi, le plus solide au poste!
MACHEBALLE. On restera, marchez!
SAINT-GUELTAS, aux autres. Je gagne la tête. J'enlève le faubourg.
Suivez-moi de près avec vos hommes.
LE COMTE. Les voici, avec Stock.
UN GROUPE, qui traverse en fuyant. Les bleus, les bleus!... Nous sommes
coupés!...
LE COMTE. Faites face alors, ralliez-vous!
STOCK. Oui, sacrement! ralliez-vous...
UNE VOIX. Oui, oui, à la République! elle fait grâce à ceux qui se
rendent. Nous allons à Nantes!
D'AUTRES VOIX. A Nantes! à Nantes!
LE COMTE, leur barrant le chemin. Malheureux! vous allez à la mort!
QUELQUES FUYARDS, le repoussant et passant outre. Tant pis! finir comme
ça ou autrement...
SAINT-GUELTAS, saisissant deux hommes. Lâches! je vous brûle la
cervelle, si vous ne vous arrêtez pas!
SAPIENCE, paraissant au pied de la croix. Mes frères, mes enfants, au
nom du Dieu des armées, je vous promets la victoire!
UNE VOIX. Tu mens, il nous abandonne! Tu l'as mal prié, toi! Laisse-nous
tranquilles!
TOUS. A Nantes! à Nantes! (Ils fuient.)
SAINT-GUELTAS, essoufflé d'avoir lutté corps à corps en vain avec les
fuyards. Bah! c'est encore une panique, j'en suis sûr! Messieurs,
retournez sur vos pas, et empêchez que ça ne gagne plus avant. Moi, j'ai
encore des gens sûrs, et nous tiendrons ici, Mâcheballe et moi.
LA KORIGANE, accourant. Mon maître, tes gars se sauvent aussi avec leurs
officiers!
SAINT-GUELTAS. De quel côté?
LA KORIGANE. Ils courent droit sur la ville, comme des fous, croyant lui
tourner le dos.
SAINT-GUELTAS. Alors, c'est bon! Ils la prendront malgré eux. Je les
rejoins. (Au chevalier.) Courez dire aux autres que la ville est prise!
(Il s'éloigne rapidement.)
LE CHEVALIER, le suivant. Au diable les autres! je vous suis!
LA KORIGANE. Et moi, je vais me fair tuer avec eux! (Elle part.)
MACHEBALLE, au comte et à Raboisson. Allons, mordieu! retournez, vous
autres! empêchez la déroute!
LE COMTE, hautain. Nous savons ce que nous avons à faire. (Il s'en va du
côté de l'armée vendéenne.)
MACHEBALLE, à Stock. Et vous, qu'est-ce que vous faites-là? Allez à
votre détachement.
STOCK. Mon détachement? Le voilà! c'est moi.
MACHEBALLE. Parti?
RABOISSON, à Stock. Comme le mien, depuis le coucher du soleil.
MACHEBALLE. Mille noms de nom du diable! Eh bien, alors...
RABOISSON, à Stock, sans vouloir répondre à Mâcheballe. C'est assez se
démener pour rien. Nos malheureux hommes sont ivres de terreur, de faim,
de fatigue et de désespoir. Ils ont fait tout ce que des hommes peuvent
faire, ils ont fait plus: ils ont tenu jusqu'au bout comme des héros,
tantôt comme des saints, tantôt comme des diables...
STOCK. Ou comme des Suisses! oui!
RABOISSON. Ils sont à bout d'énergie. Ce ne sont plus des hommes, ce
sont des spectres. Je suis à bout de courage et de volonté, moi, pour
les menacer, les injurier et les battre. Je ne sais ni mentir ni
prêcher, M. Sapience lui-même y perd son latin: mais je sais me faire
tuer, je ne sais que ça! allons avec Saint-Gueltas tenter le dernier
effort.
STOCK. Allons!
MACHEBALLE. Attendez, attendez! Voilà des nouvelles! (A Tirefeuille, qui
arrive en se traînant.) C'est toi, mon garçon? Qu'est-ce qui est arrivé
là-bas?
TIREFEUILLE. Rien! une fausse peur. Un bleu, un seul, qui portait un
ordre ou faisait une reconnaissance, je ne sais pas! Je crois que c'est
un officier. On a tiré sur lui, son cheval est tombé. On a sauté sur
l'homme, on l'a bouclé, on te l'amène. Nos gars ont coupé à travers
champs, ils vont sur la ville.
MACHEBALLE. C'est bon, ça; mais les canons, comment qu'ils passeront les
haies?
TIREFEUILLE. Ah bah! pour deux méchants canons!...
MACHEBALLE. Deux? et les autres?
TIREFEUILLE. On les a laissés en route. _Jeannette_ s'est embourbée
jusqu'à la gueule.
MACHEBALLE. _Jeannette?_ notre grand canon du bon Dieu, notre relique,
le porte-bonheur de l'armée? Pas possible! tout est perdu, si on sait ça
dans les rangs! Messieurs, sauvez les canons, sauvez _Jeannette!_ c'est
le plus pressé.
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