Cadio - 03

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clameurs et des cris de «Vive le roi!») Le moment est donc venu. Nous
voici sur vos terres avec une apparence _d'invasion_ qui vous délie de
vos promesses à la bourgeoisie. Nous ouvrons nos rangs avec respect pour
vous faire place. Entrez-y, c'est aujourd'hui qu'il le faut ou jamais!
LE COMTE, entraîné, faisant un pas. Eh bien... (Il s'arrête en trouvant
Mâcheballe devant lui.)
MACHEBALLE, faisant assaut de popularité avec Saint-Gueltas et voulant
se targuer d'avoir décidé le comte. Oui, Sacrebleu! c'est aujourd'hui!
ça n'est pas demain! Il y a assez longtemps que les nobles font trimer
nos sabots pour ménager leurs escarpins, et le sang que nous avons perdu
l'an passé, il l'ont regardé benoîtement couler sans se déranger de
leurs chasses, galanteries et ripailles! On a assez de ça! Croyez-vous
qu'on va se battre toute la vie comme des chiens pour rétablir vos
priviléges? Non, par la peau du diable! on n'a plus qu'un intérêt, qui
est aussi bien le vôtre que celui du paysan. C'est que la monarchie soit
rétablie avec l'abolition des dîmes, de la milice, des tailles, et qu'on
nous rende nos couvents, nos bons prêtres et nos fêtes. On s'était tous
réconciliés en 89. Faut y revenir! Faut que le seigneur fasse ce qui est
le bien du paysan, et, puisque le paysan veut venger son roi et son
Dieu, faut que le noble se batte comme nous autres, que ceux qui sont en
retard se dépêchent et fassent sonner le tocsin de leurs paroisses, ou
bien on le sonnera nous-mêmes, et on mettra le feu aux maisons des
feugnans; ça y est-il, vous autres! (Cris et clameurs des insurgés qui
envahissent le salon. Saint-Gueltas va vers eux avec une autorité
irrésistible et les fait reculer.)
LE COMTE, avec énergie. Devant les menaces, vous comprenez, monsieur le
marquis, que je dis non, non, trois fois non! Je mets les femmes de ma
maison sous la sauvegarde de votre honneur, et je vais à Puy-la-Guerche!
(Aux insurgés.) Arrêtez-moi, si vous l'osez!
SAINT-GUELTAS. Personne ne l'osera... Mais un moment encore... Quelqu'un
veut vous parler. (Aux insurgés.) Silence! (Bas, à Mâcheballe.) L'homme
en toile!
MACHEBALLE. Le voilà! (Il fait sortir du groupe derrière lui un jeune
paysan breton habillé de toile bise de la tête aux pieds, les cheveux
longs, l'air doux, étonné.)
LA KORIGANE, s'écriant. Tiens, Cadio! (Cadio jette un regard indifférent
sur elle et présente au comte une quenouille ornée de rubans roses.)
LE COMTE, surpris. Que me voulez-vous?
CADIO, simplement. Moi, monsieur? Rien! on m'a dit de vous donner cette
chose-là, je vous la donne.
RABOISSON, voulant prendre la quenouille. Tu t'es trompé, mon ami, c'est
pour ces dames!
CADIO, défendant la quenouille. Non pas, non pas! On m'a dit: «Donne la
quenouille à ce monsieur;» je fais ce qu'on m'a commandé.
LE COMTE, prenant la quenouille. Qui vous a commandé cela?
CADIO, montrant Sapience, qui s'est mis à la tête du groupe. Il est
habillé en paysan. Dame, c'est lui! je ne le connais pas plus que les
autres.
LE COMTE, à Sapience. Approche donc, misérable, que je te brise ton
présent sur la figure!
SAINT-GUELTAS, le retenant et riant sous cape. Arrêtez, monsieur, c'est
notre...
SAPIENCE, l'air inspiré et emphatique. Inutile de le dire, M. le comte
voit bien que je tends la joue!
LE COMTE, le regardant avec surprise. Un paysan... le fouet en
bandoulière, le sac à farine sur l'épaule... J'y suis! c'est le signe de
ralliement adopté par des hommes dont le ministère de paix et de charité
s'accorde mal avec de pareilles provocations! Je respecte votre
caractère, monsieur, et c'est à ceux qui emploient un personnage
inviolable pour m'adresser le plus sanglant outrage que je renvoie le
reproche de lâcheté. Est-ce vous, monsieur le marquis de la
Roche-Brûlée?
SAINT-GUELTAS. Non, monsieur, je vous aurais présenté le défi moi-même.
C'est le conseil de l'armée catholique qui, malgré moi, a chargé M.
le... M. Sapience, nous l'appelons ainsi, de vous offrir, en cas de
refus...
LE COMTE (montrant Cadio.) Et celui-ci... est-ce aussi un ministre?...
SAPIENCE. Non; c'est un pauvre idiot que nous avons ramassé sur les
chemins et qui ne sait ce qu'il fait. Ne lui en veuillez pas. Aucun de
nous ne se fût senti le courage d'infliger en personne un châtiment
aussi cruel à un homme jusqu'ici respectable et pur; mais les ordres
étaient formels, et je devais obéir à mon évêque.
LE COMTE. Quel évêque? Son nom!
SAPIENCE. Monseigneur l'évêque d'Agra.
RABOISSON, bas, à Saint-Gueltas. Qu'est-ce que c'est que ça? un évêque
de ta façon?
SAINT-GUELTAS, bas. Ça fait très-bien. Silence! (Au comte qui tient
toujours la quenouille.) Eh bien, vous la gardez, monsieur le comte?
C'est trop d'héroïsme et de fierté!
LOUISE, tremblant de colère. Oh! oui, mon père, c'est trop!
LE COMTE, vaincu par l'élan de sa fille. Je devrais pousser jusque-là le
respect de ma parole; mais ce serait rompre avec ma religion, et Dieu me
délie! (Il place la quenouille dans une panoplie au-dessus de la
cheminée et s'adresse à Louise.) Nous laisserons cela ici, ma fille, et,
si Henri revient, il verra l'humiliation que j'ai subie avant de me
décider à rompre vos fiançailles. Il sert la République, lui, et il la
sert de bonne foi. Il apprendra qu'il n'y a plus d'accord possible entre
les partis; on l'a dit ici tout à l'heure, il n'y a plus d'avenir, plus
de repos, plus de liens de coeur, plus de famille! Ah! Louise! que
vas-tu devenir, mon enfant!
LOUISE. Vous partez, mon père? (Montrant les insurgés.) Avec eux?
LE COMTE, à Saint-Gueltas. Oui, me voilà. Laissez-moi m'occuper d'un
refuge pour ma famille.
LOUISE. Je vous suivrai, ma place est auprès de vous!
SAINT-GUELTAS, avec un cri de joie. Vive mademoiselle de Sauvières!
(Tous crient en agitant leurs chapeaux. Cadio reste isolé et regarde
Louise sans crier.)
MACHEBALLE, le secouant. Crie donc aussi, sauvage!
SAPIENCE, à Mâcheballe. Laissez-le donc, c'est un fou! (Ils vont au fond
et parlent avec les autres.)
LA KORIGANE, à Cadio, qui regarde toujours Louise. Eh bien, Cadio?
Cadio! est-ce que tu ne me reconnais pas?
CADIO. Toi? Si bien!
LA KORIGANE. Et voilà tout ce que tu me dis? Tu ne t'es donc pas fait
prêtre?
CADIO, sortant comme d'un rêve. Ah! oui, bonjour! (Il s'en va.)
LA KORIGANE. Il a l'esprit tout à fait dérangé! Pauvre Cadio!
SAINT-GUELTAS, aux fond, aux insurgés. Allons, mes gars, gagnez les
bois, je vous suis. (Montrant le comte et ses amis.) Nous vous suivons
tous! Je vous l'avais bien dit, que personne ne resterait céans! Non,
personne en Vendée ne se croisera plus les bras quand Dieu et le roi
commandent.
TOUS, criant. Vive le roi et Saint-Gueltas!
SAINT-GUELTAS. Non, non: vive le roi et Sauvières!
TOUS, sortent en criant. Vive Sauvières et Saint-Gueltas! (Le chevalier,
électrisé, sort avec eux. Stock fait de même.)
SAINT-GUELTAS, à Mâcheballe resté le dernier. Monte la tête aux gens de
la paroisse! Il ne faut pas que Sauvières se ravise!
MACHEBALLE. N'ayez peur! on leur z'y chauffera le sang! (Il sort.)

SCÈNE VIII.--SAINT-GUELTAS, LE COMTE, LA TESSONNIÈRE, RABOISSON. (On
entend encore au dehors les cris de «Vive Sauvières et Saint-Gueltas!»)

SAINT-GUELTAS, (à Louise.) Vous l'entendez, nos deux noms ne font plus
qu'un seul cri de guerre. (Au comte.) Vous feriez bien, monsieur le
comte, de vous montrer à notre campement. Vos cheveux blancs et la
présence de mademoiselle de Sauvières enflammeraient l'ardeur de nos
gens. C'est de l'enthousiasme, c'est du prestige qu'il faut à ces âmes
simples!
LE COMTE. Monsieur le marquis, vous n'obtiendrez pas que je me porte
avec vous à l'attaque de Puy-la-Guerche. C'est assez d'abandonner cette
malheureuse ville, je ne vous la livrerai pas. Vous avez ma parole.
Dites-moi en quel lieu et quel jour j'aurai à vous rejoindre après que
vous aurez fait ce coup de main.
SAINT-GUELTAS. Ce ne sera pas long, nous ne gardons pas les pays
conquis; nous portons la terreur et le châtiment de ville en ville. Ce
soir, nous surprenons Puy-la-Guerche; demain, nous serons à Buzanays.
LE COMTE. J'y serai aussi.
SAINT-GUELTAS. Il faudrait vous mettre en route sur-le-champ...
autrement, les républicains viendront s'opposer à votre départ.
LE COMTE, tristement. C'est-à-dire à ma fuite! Je fuirai, monsieur, et
sans tarder!
SAINT-GUELTAS, bas, à Louise. Vous ne craignez pas que votre père ne
revienne sur sa décision? Elle lui coûte beaucoup!
LOUISE. Vous avez sa parole... et la mienne! A demain, monsieur!
SAINT-GUELTAS, tendrement. A demain! (à part) ou à tout à l'heure!
LE COMTE, le saluant. Au revoir, monsieur le marquis!
SAINT-GUELTAS. Au revoir, monsieur le comte! (Il le salue profondément,
regarde Louise avec passion, baise le brassard et se retire en faisant
signe à Raboisson, qui le suit.)
LE COMTE, à Mézières. Fais tout préparer pour le départ. Il faut que
nous soyons hors d'ici dans une heure. (Mézières sort.)
LA TESSONNIÈRE. Dans une heure! vous n'aurez pas le temps d'emporter vos
meubles. Songez donc que les républicains viendront piller ici dès
qu'ils sauront la folie que nous faisons!
LE COMTE. Ils feront peut-être pis!--Ah! ma fille! dis adieu à ton
berceau!
LOUISE. Je suis résignée à tout, mon père! J'ai tout prévu; et
pardonnez-moi la fièvre de joie que je ressens. Enfin vous voilà rendu à
vous-même! (Elle l'embrasse.) Nous ne ferons plus qu'une âme et un
coeur...
LE COMTE. Et Henri!... tu ne songes pas à lui?
LOUISE. Votre exemple le décidera. En apprenant vos dangers, il accourra
pour vous couvrir de son corps... S'il ne le faisait pas, je le
mépriserais!... Ah! c'est Dieu qui le veut, allez! Partons, partons! je
vais donner des ordres.
LA TESSONNIÈRE. Songez à une voiture... On me permettra bien de marcher
avec les femmes... pour les défendre?
LOUISE. Je monterai à cheval, mon ami; vous, vous irez en voiture avec
ma tante.
ROXANE, entrant. Où donc?
LOUISE. A la guerre! Réjouissez-vous, nous servons le roi! nous nous
sommes déclarés, nous partons!
ROXANE. Ah! vive-Dieu! embrassez-moi, mon frère! Oui, oui! la guerre, le
mouvement, la poudre, le danger, le triomphe! Vous serez généralissime
en Vendée, et maréchal de France quand le roi sera proclamé.
LE COMTE. Tâchez de garder vos illusions, ma soeur, et de ne pas perdre
la tête au premier revers!
ROXANE. Bah! le courage n'est pas nécessaire quand tant de braves gens
en ont à notre place! La France entière va se lever. Toute l'Europe est
avec nous. Dans un mois, dans six semaines peut-être, le jeune roi sera
aux Tuileries,--et nous aussi.--Quand partons-nous?
LE COMTE. Sachons d'abord où vous irez. En Bretagne, on est redevenu
tranquille...
LA TESSONNIÈRE. Ah! on est tranquille par là?
ROXANE. Mais je ne veux pas être tranquille, moi! Je veux me battre, je
serai Jeanne d'Arc, et Saint-Gueltas sera mon Dunois, mon aide de camp.
LE COMTE. Prenez garde que Saint-Gueltas ne devienne trop votre général,
ma soeur, et songez à gagner Guérande, où nous avons des parents.
ROXANE, Mézières rentre. Guérande? Soit! C'est une bonne ville, une
place de guerre imprenable, où tout le monde pense bien. On se voit
beaucoup; Louise, il faudra emporter de la toilette.
LE COMTE. N'emportez rien. Vos femmes vous rejoindront avec vos effets.
Vous partez sans bruit dans cinq minutes.
ROXANE. Dans cinq minutes! faite comme me voilà!
LE COMTE. Croyez-vous aller à une partie de plaisir?
ROXANE. Mais...
LE COMTE. Il le faut, et je le veux!
ROXANE. Allons! pour le roi, je suis prête à tous les sacrifices. Je
sortirai en robe d'indienne!
LE COMTE, bas. Prenez de l'argent. (A la Tessonnière, qui reste comme
hébété.) Allons, préparez-vous, mon ami! (Roxane sort.)
LA TESSONNIÈRE. Oui, oui, certainement! mais... où coucherons-nous ce
soir?
LE COMTE. Où vous pourrez. Vous gagnerez vite le pays insurgé. Mézières
saura vous diriger.
LA TESSONNIÈRE. Mais souper! où soupera-t-on?
LE COMTE. Nulle part; vous achèterez du pain en courant.
LA TESSONNIÈRE. Oh! mon Dieu, c'est le martyre, je le vois bien!
LOUISE. Allons, allons, du courage, mon ami!
LA TESSONNIÈRE, sortant. C'est le martyre, je vous dis que c'est le
martyre! (Il sort.)
LE COMTE. Toi, Louise...
LOUISE. Moi, je ne vous quitte pas.
LE COMTE. Tu le veux! Aurais-je du courage en te voyant partager mes
souffrances?
LOUISE. Je ne souffrirai de rien, pourvu que je ne vous quitte pas.
LE COMTE. Ah! si Henri était là!... Mais je ne puis te confier à ma
soeur et à la Tessonnière; ce sont deux enfants!... (A Mézières, qui
entre.) Tout est prêt?
MÉZIÈRES. Oui, monsieur le comte, mais je crains qu'aucun de nous ne
soit libre d'aller où vous le souhaitez.
LE COMTE. Comment cela?
MÉZIÈRES. Vos paysans sont comme des septembriseurs! Ils veulent marcher
à Puy-la-Guerche; ils disent que vous n'irez pas ailleurs aujourd'hui.
LE COMTE. En vérité? Ils sont fous! Mais qui vient là? (Il fait signe à
Louise, qui rentre dans son appartement.)

SCÈNE IX.--Les Mêmes, le Moreau, entrant; MÉZIÈRES, sortant.

LE MOREAU. C'est moi, monsieur! D'où vient que, depuis une heure, nous
sommes retenus prisonniers dans la cour de votre donjon?
LE COMTE. C'était pour votre sûreté, messieurs. Ignorez-vous ce qui se
passe?
LE MOREAU. J'ignore ce qui s'est passé entre les brigands et vous; mais
je sais que, quand ils sont entrés ils n'étaient qu'une vingtaine, et
qu'avec vos gens vous pouviez les écraser. Vous les avez laissés se
réunir chez vous, et ils en sont sortis en criant: «Vive Sauvières et
Saint-Gueltas!»
LE COMTE, blessé. Que ne leur imposiez-vous silence, vous?
LE MOREAU. Entouré de gens à demi morts de peur, certain d'être trahi
par vous, que pouvais-je faire?
LE COMTE. Trahi? Vous ai-je livré?
LE MOREAU. Alors, expliquez-vous, monsieur; je ne me contenterai pas de
réponses évasives.
LE COMTE. Vous le prenez bien haut, monsieur; vous oubliez...
LE MOREAU. Je n'oublie pas que je suis chez vous, et que vous pouvez me
faire jeter par les fenêtres comme faisaient vos bons aïeux quand les
petits gens de ma sorte se permettaient de raisonner. Ce n'est pas Rebec
et ses pareils qui me défendraient, ils sont cachés sous les bottes de
paille de vos greniers; mais, quoi qu'il arrive, je ferai mon devoir; il
me faut la vérité, et je vous somme de me la dire.
LE COMTE, irrité. Vous me sommez... (Devant la courageuse attitude de Le
Moreau, il se trouble et il se tord les mains en silence.)
LE MOREAU. Eh bien, monsieur?
LE COMTE. Eh bien!... il est vrai, je me sépare de vous.
LE MOREAU. Au moment du danger?
LE COMTE. Le danger est égal de part et d'autre, et, d'ailleurs...
LE MOREAU. Ne répliquez pas, monsieur, la vérité vous écrase. Ah! la
noblesse! voilà comme toujours la récompense de nos alliances avec elle,
de notre confiance dans ses protestations de civisme, de notre
engouement imbécile pour ses détestables séductions! C'est ainsi que,
spéculant sur notre candeur, elle nous berne et nous crache au visage!
Ah! bourgeois, pauvres dupes, pauvres sots que nous sommes! nous
méritons bien ce qui nous arrive. Ceci servira de leçon à quelques-uns,
j'espère; mais ceux de nous qui vous eussent épargnés vont devenir
atroces d'indignation et de vengeance: ce sera vous qui l'aurez voulu,
messieurs les traîtres! Malheur à vous! nous accepterons le règne de la
terreur plutôt que votre amitié perfide. Pour ma part, je sors d'ici en
secouant la poussière de mes pieds, comme d'un lieu maudit où le canon
républicain fera bien de ne pas laisser pierre sur pierre. (Il sort.)
LE COMTE. Insolent!... non, honnête homme! O mon Dieu! qu'ai-je fait? et
où m'entraîne le point d'honneur? (On entend des cris et le tocsin.) Que
se passe-t-il? le tocsin, sans mon ordre? (Un coup de fusil très près.
Louise entre, venant de l'intérieur. Elle est en costume d'amazone.)
Louise, qu'est-ce que cela?
LOUISE. Je ne sais pas. (Elle va à la fenêtre.)
LE COMTE, (l'en retirant convulsivement). Ne reste pas là, va-t'en! (Il
va pour sortir.--Le Moreau, sanglant, blessé à la figure, paraît au fond
de la seconde salle; il élève son chapeau en l'air et crie: «Vive la
nation!» et «Vive la République!» Un second coup de fusil, partant de
l'escalier, l'atteint en pleine poitrine. Il tombe mort sur le seuil. On
entend crier sur l'escalier: «A bas le municipal!»)
LE COMTE. Ah! les misérables! (Il s'élance, l'épée à la main, sur ses
paysans qui paraissent au fond, armés de fusils et de faux. Mézières se
précipite à sa rencontre et le force à reculer en le couvrant de son
corps.)
MÉZIÈRES. Arrêtez! ils sont furieux, ils ne se connaissent plus! (Louise
aussi s'est élancée au-devant des paysans, qui s'arrêtent devant elle.)
LOUISE, aux paysans, montrant le cadavre de Le Moreau. Malheureux que
vous êtes! Cent contre un! c'est odieux! c'est lâche!
LE COMTE, exaspéré. Assassins! vous êtes des assassins! (Les paysans
s'arrêtent consternés, quelques-uns emportent Le Moreau.) Ah! ma fille,
voilà ce que c'est que la guerre civile! et tu la désirais! (Il tombe
sur un siége, suffoqué.)
LOUISE. Mon père, il faut s'y jeter pour contenir ceux qui déshonorent
la cause! C'est le devoir, vous le voyez bien!
LE COMTE, se relevant avec énergie. Oui, contenir et châtier! (Aux
paysans.) Qui a fait cela? qui a assassiné chez moi?
PLUSIEURS PAYSANS. C'est pas moi!--Ni moi!--Ni moi!
LE COMTE, à Tirefeuille qui paraît, le fusil à la main. Est-ce toi,
coquin?
TIREFEUILLE, farouche. Oui, c'est moi! Après?
LE COMTE. Et qui encore?
TIREFEUILLE, montrant un camarade. Y a lui, La Mouche; on a tiré chacun
son fusil. On n'est pas dans les maladroits.
LE COMTE, le prenant au collet avec vigueur. A moi, vous autres!
Honnêtes gens, qui n'avez pu empêcher cette infamie, prenez-moi ces deux
brutes et jetez-les au cachot. Je les abandonne à la vengeance de nos
ennemis! (Les paysans font un mouvement pour obéir et s'arrêtent.
Mézières tient Tirefeuille en respect.)
UN PAYSAN. Oui... mais... dites donc, monsieur le comte, faut pourtant
savoir si vous êtes pour ou contre nous!
LE COMTE. Je suis votre capitaine et je vous mène à la guerre pour le
roi et la religion.
TOUS. Vive notre capitaine, et en route!
TIREFEUILLE et LA MOUCHE. Oui, oui, en route, et tout de suite!
LE COMTE, les montrant aux autres paysans. Ces deux hommes au cachot
d'abord, ou, devant vous, je me brûle la cervelle!
LES PAYSANS. Oh!... pourquoi ça?
UN PAYSAN. Oui, pourquoi, monsieur le comte?
LE COMTE, exalté. Parce que, si je ne suis pas obéi, je vais faire avec
vous une guerre de démons, et non une guerre de chrétiens! J'aime mieux
mourir que de vous conduire à la damnation éternelle!
LE PAYSAN. Il a raison... oui, oui... c'est vrai, ça!
TOUS. Oui, oui, vive Sauvières!
LE PAYSAN. Vive la religion! au cachot les assassins!
TOUS, s'emparant de Tirefeuille et de La Mouche. Au cachot! Vive
Sauvières et la religion! (Ils sortent.)
MÉZIÈRES. Tout est prêt, monsieur le comte; il faut monter à cheval. Je
vais vous habiller.
LE COMTE, à Louise, qui s'est jetée dans ses bras. Ah! Louise, quel
commencement et quel présage! Le seuil de ma maison est souillé du sang
innocent; j'ai mérité de le franchir pour la dernière fois! (Il sort par
l'intérieur, Mézières le suit.)

SCÈNE X.--LOUISE, MARIE, entrant.

LOUISE, se jetant dans ses bras. Ah! où étais-tu? Chère Marie, je suis
brisée!
MARIE. Je sais tout, je me suis hâtée de faire vos préparatifs et les
miens.
LOUISE. Les tiens? Tu retournes dans ta famille?
MARIE. Quand vous avez besoin de moi? A quoi songez-vous, Louise?
LOUISE. Vraiment? Ah! brave fille!... Mais c'est impossible, tu n'es
royaliste ni par situation ni par croyance. Tu ne peux pas renier tes
parents, ton milieu, ton opinion pour venir partager nos périls, nos
revers peut-être!
MARIE. Ma famille, qui se réduit à une vieille tante et à un frère
infirme, a vécu du travail que votre amitié m'a procuré chez vous. Une
petite pension vient de leur être accordée à la considération d'un
cousin que nous avons sous les drapeaux et qui sert bien la République.
Moi, je suis libre, je n'ai besoin de rien, et je vous servirai mieux
qu'une femme de chambre, si dévouée qu'elle soit.
LOUISE. Toi, me servir?...
MARIE. Oui, moi, car ce ne sont plus seulement des soins matériels qu'il
vous faut; c'est une amitié à l'épreuve de tout, c'est du courage pour
soutenir le vôtre, c'est en un mot ce que l'on ne peut ni exiger ni
obtenir pour de l'argent, mais ce qu'on doit accepter d'un coeur
reconnaissant, sous peine de l'offenser en doutant de lui!
LOUISE. Ah! chère amie, viens, alors! oui, avec toi je serai capable de
tout supporter! Ah! que j'ai besoin de toi! Mon âme est déjà éperdue, je
tremble d'avoir mal conseillé mon père;... mais il est trop tard, il
faut partir ou l'abandonner à la vengeance des républicains. (A la
Korigane, qui entre.) Eh bien, ma tante? est-elle prête?
LA KORIGANE. Elle est déjà en voiture avec le vieux monsieur, et votre
cheval est en bas, qui s'impatiente.
LOUISE, regardant à la fenêtre. Mais ce n'est pas là mon cheval.
LA KORIGANE. Celui qui le tient vous en a trouvé un meilleur.
LOUISE. Celui qui le tient? qui donc?
LA KORIGANE. C'est Saint-Gueltas, pardi! ne faites donc pas semblant...
MARIE, à Louise, bas. Ne répondez pas à cette folle. Je monterai votre
cheval. Acceptez celui qu'on vous offre, puisqu'il est meilleur.
LOUISE, à la Korigane. Dites à mon père que je l'attends en bas. (Elle
sort avec Marie.)
LA KORIGANE. Oui, oui, marche! Où le cheval ira, il faudra que tu
ailles, et où Saint-Gueltas te conduit, il faudra bien que ton père te
suive! Il a gagné son pari, Saint-Gueltas! La fille lui plaît. Et moi...
il ne m'a pas seulement regardée!... Qu'est-ce que je vais devenir à
présent? Voyons, si je peux retrouver Cadio! (Elle sort.)


DEUXIÈME PARTIE
Fin de l'été, 1793.--La salle à manger du château de Sauvières. La
grande porte du fond est ouverte sur le parc, dont la grille porte cette
inscription: PROPRIÉTÉ NATIONALE.

SCÈNE PREMIÈRE.--REBEC est attablé avec MOUCHON et CHAILLAC; MADELON et
JAVOTTE, servantes de Rebec les servent. Flambeaux allumés, il fait nuit
dehors. La table est richement servie.

MOUCHON. Brrr!... La nuit est noire... et pas chaude, savez-vous?
REBEC, avec dignité. Javotte, allumez la cheminée! Madelon, fermez les
portes.
CHAILLAC, d'un ton impératif et militaire. Allumez ce que vous voudrez,
mais ne fermez rien. Dans ma position, la surveillance est de rigueur.
REBEC. Vous avez raison, commandant! Buvons pour nous réchauffer. Avec
ce bon vin-là, on ne craint pas les surprises. Ça vous enflamme le
coeur... J'ai envie de chanter!
CHAILLAC. Chantez, monsieur le gardien du séquestre, chantez!
Chantez-nous la prise de la Bastille.
REBEC. Justement, c'était mon idée! (Il chante sur l'air _O ma tendre
musette_.)
O jour immémorable[2]
Où nous devions périr,
Sans un trait admirable
Fait pour nous secourir!
Des fastes de l'histoire
Tu seras l'ornement.
France, chante victoire.
En cet heureux moment.
(Les deux autres reprennent le refrain.)
Éli, rempli de zèle,
Brave officier français!
La couronne immortelle
Est due à ton succès.
Au bout de ton épée
Conserve cet écrit
Qui fait ta renommée
Que chacun applaudit.
Cette affreuse Bastille
N'existe déjà plus.
D'ardeur chacun pétille...
Permettez,... j'oublie!
Fuis, honteux esclavage...
[Note 2: Chanson textuelle, historique.]
MOUCHON, bâillant. Ah bah! compère, tu t'embrouilles et tu chantes faux!
Et puis la prise de la Bastille, c'est vieux! On a dépassé tout ça!
CHAILLAC. Permettez, permettez, citoyen Mouchon. Dépasser la prise de la
Bastille n'est pas aisé. Il n'y a rien de si grand dans l'histoire!
MOUCHON. Je ne veux pas vous dire non, vous en étiez.
REBEC. Oui, il en était, lui, et je porte la santé d'Harmodius Chaillac,
ci-devant vainqueur de la Bastille!
CHAILLAC. Comment ci-devant? ci-devant vous-même!
REBEC. Pardonnez, j'ai la langue un peu épaisse. Je dis le brave
Chaillac, vainqueur de la ci-devant Bastille et commandant actuel de
l'héroïque garde nationale de Puy-la-Guerche, élu sur le champ de
bataille, il y a quatre mois, en remplacement du traître Sauvières,
passé à l'ennemi. En voilà, des titres de gloire!
CHAILLAC, trinquant. Merci; à la vôtre! Mais la modestie me force à dire
que la défense de Puy-la-Guerche n'est pas un fait d'armes comparable à
la prise de la Bastille, et que, si M. Sauvières, le ci-devant comte, ne
se fût interposé entre nous et les royalistes...
MOUCHON, aviné. Et moi, je vous dis... je vous dis que si! La Bastille,
c'était la Bastille. Y avait du monde, y avait tout Paris pour prendre
ça, tandis que notre ville, nous n'étions pas seulement deux cents
hommes armés contre des mille et des mille brigands!
CHAILLAC. Vous n'en savez rien. Vous n'y étiez pas!
MOUCHON. Je n'y étais pas, je n'y étais pas... Ça vous plaît à dire!
REBEC. Allons, compère Mouchon, faut pas tergiverser; nous n'y étions
pas!
CHAILLAC. Vous étiez ici avec bien d'autres, et vous vous cachiez!
REBEC. Comme des imbéciles que nous sommes,--que nous étions! pensant
que le Sauvières était pour nous, tandis que l'oppresseur nous tenait
dans les fers et nous livrait aux sicaires royalistes.
CHAILLAC. Il ne faut rien exagérer, c'est inutile. Le citoyen Sauvières
n'était pas oppresseur, et il ne vous a pas livrés, puisqu'on vous a
retrouvés ici sains et saufs le lendemain de la chasse que nous avons
donnée à l'avant garde de Saint-Gueltas!
MOUCHON. Grande action, action sublime, commandant Chaillac, et qui
burine votre nom au frontispice de la renommée!
CHAILLAC. Oui, oui, vous me flattez pour que je ne vous reproche pas
votre couardise! Si vous aviez eu un peu de coeur au ventre, ce jour-là,
on n'aurait pas massacré sous vos yeux ce malheureux Le Moreau.
REBEC. Commandant, les portes étaient fermées entre nous et ce forfait
exécrable.
CHAILLAC. Il fallait les enfoncer! Celles de la Bastille étaient plus
solides! Pauvre municipal! un homme de coeur, celui-là, et qui parlait
bien!
REBEC. Un peu emphatique.
MOUCHON. Ah! il était empha... Comment dites-vous?
REBEC. Je maintiens le mot, il s'écoutait parler, c'était son défaut! Il
aura fait des phrases au vieux Sauvières,--ça l'aura ennuyé...
CHAILLAC. Qu'est-ce que vous dites donc? Vous donneriez à penser que
Sauvières a ordonné sa mort?
REBEC. Dame! est-ce que les aristocrates ne sont pas capables de tout?
CHAILLAC. Vous ne savez pas ce que vous dites! On a trouvé les deux
assassins enchaînés dans le cachot de la tour neuve avec cet écriteau:
«Sauvières abandonne ces deux criminels au châtiment qu'ils méritent.»
REBEC. Très-bien! mais vous n'en avez fait fusiller qu'un; l'autre, un
certain Tirefeuille, un coquin fini, a réussi à s'évader... Et quand on
pense qu'un scélérat comme ça rôde peut-être encore dans les environs!
Vous m'avouerez que ce n'est pas rassurant, la vie que nous menons ici,
Mouchon et moi.
CHAILLAC. Vous voilà bien malades d'être préposés à la garde de ce
château! Vous y faites chère lie, car on n'a pas mis les scellés sur la
cave, à ce que je vois.
REBEC. Ni sur la volaille, heureusement! Encore un peu de ce tokay? il
est gentil!
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