Cadio - 04

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CHAILLAC. Non, j'en ai assez. Je suis triste. Il me semble que je vois
le sang de Le Moreau sur le pavé... et jusque sur la nappe!
REBEC. Sacredieu! taisez-vous donc, commandant! Ça fait frémir, des
paroles comme ça! Ah! oui, vous avez le vin triste, vous! (Il se lève.)
MOUCHON, qui écoute. Chut!
CHAILLAC. Quoi donc?
MOUCHON. Vous n'avez rien entendu?
REBEC. Si fait, j'entends!
CHAILLAC. Qu'est-ce que vous entendez?
MADELON, qui est au fond. C'est comme des cris et des gémissements!
JAVOTTE. Eh non! c'est comme des cris de joie au loin.
CHAILLAC, au fond. Êtes-vous bêtes! C'est une trompette à la porte du
donjon. (Aux servantes.) Courez ouvrir! m'entendez-vous?
REBEC. Mais un instant, un instant! Si c'est les brigands de
Saint-Gueltas qui reviennent se venger! Vous n'avez pas avec vous la
moindre escorte, et ici nous ne pouvons pas compter sur les habitants.
CHAILLAC, écoutant. Soyez donc tranquille! C'est une sommation militaire
en règle, et les brigands ne procèdent pas comme ça. Allons! c'est de la
troupe, recevons-la fraternellement. Suivez-moi. (Aux servantes.)
Éclairez-nous! (Il sort avec Mouchon et Madelon.)

SCÈNE II.--REBEC et JAVOTTE.

REBEC. Moi, je ne suis pas un héros du 14 juillet, ce n'est pas mon
état. Ma mie Javotte, donne-moi la clef.
JAVOTTE. La clef de la cache? Je ne l'ai pas.
REBEC. Si fait, je te l'ai confiée ce matin pour balayer. Donne donc!
(Javotte cherche dans ses poches.) Voyons, tu n'as pas balayé?
JAVOTTE. Si fait, si fait; mais je vous ai rendu la clef, vrai,
d'honneur!
REBEC, se fouillant. Tu as raison, la voilà! Elle est si petite...
Javotte, fais le guet par là, et, si c'est des amis qui arrivent,
avertis-moi.
JAVOTTE. Vous allez encore vous enfermer pour rien, je parie! Depuis que
je vous ai découvert cette grande cache dans le mur, vous y entrez pour
une mouche qui vole.
REBEC, qui a essayé la clef. Eh bien, mais dis donc! je ne peux pas
ouvrir!
JAVOTTE. Vous avez emmêlé la serrure à force de l'essayer.
REBEC. Mais non! Vois! C'est comme si on l'avait fermée en dedans!
JAVOTTE, riant. Dame! c'est peut-être quelqu'un du dehors qui la
connaissait avant vous et qui s'en sert contre vous... Quelque brigand!
REBEC, effrayé, reculant. Tirefeuille peut-être! l'assassin de...
JAVOTTE, qui a été au fond. Allons, cachez vos peurs! C'est des beaux
soldats républicains qui arrivent. Tenez! quand je vous dis! en voilà un
superbe.
REBEC. Un officier? Il veut prendre mes ordres sans doute. Retire-toi,
Javotte, c'est des affaires d'État.

SCÈNE III.--HENRI DE SAUVIÈRES, REBEC.

REBEC, (à part.) Joli garçon, tout jeune! Qu'est-ce qu'il a à regarder
comme ça partout? Il a l'air timide, rassurons-le. (Haut.) Salut et
fraternité, général!
HENRI, d'un ton résolu. Lieutenant, s'il vous plaît! c'est assez pour
deux ans de service.
REBEC. Ah! mon Dieu! M. Henri!
HENRI. Tiens, Rebec! Comment cela va-t-il, mon vieux?
REBEC. Bien, monsieur le comte; et vous-même?
HENRI. Pourquoi m'appelles-tu comme ça? Mon oncle est vivant, Dieu
merci! As-tu de ses nouvelles, toi?
REBEC. Oh! vous en avez bien aussi? On a dû vous dire à la ville qu'il
était vainqueur sur toute la ligne, au bord de la Loire.
HENRI. Vainqueur? C'est comme ça que vous êtes renseignés? L'armée
vendéenne est en pleine déroute...
REBEC. Pourtant elle avance toujours!
HENRI. Parce qu'elle ne peut pas reculer.
REBEC. Ah! dame! c'est possible. Moi, je ne sais rien de ce qui se
passe. Je reste ici pour...
HENRI. Au fait, pour quoi es-tu ici?
REBEC. Hélas! monsieur Henri, vous savez, le séquestre!
HENRI. Ah oui! tu es préposé...
REBEC. On m'a forcé d'accepter cet emploi-là. Ça fait grand tort à mon
établissement dans la ville, et ça me dérange fort de mes petites
affaires.
HENRI. Je te croyais adjoint à la municipalité.
REBEC. J'ai donné ma démission, le poste était périlleux.
HENRI. Et tu n'es pas précisément un foudre de guerre, toi, je me
souviens...
REBEC. Et puis le dévouement me commandait de rester ici.
HENRI. Le dévouement à la République?
REBEC. A votre famille surtout. Un gardien fidèle...
HENRI. _Surtout_ est de trop. On ne t'en demande pas tant. Fais ton
devoir et ne t'occupe pas du reste.
REBEC. Ah! alors... vous, vous êtes avec nous? tout à fait? sans
arrière-pensée?
HENRI. Comment sans arrière-pensée? Tu demandes ça à un officier de
cavalerie de l'armée républicaine?
REBEC. Ah! vous êtes dans la cavalerie? Et votre régiment?
HENRI. Partie ici, partie à Puy-la-Guerche.
REBEC. Enfin! enfin! vous voilà arrivés pour nous défendre et nous
protéger? Dieu soit loué! Et c'est ça l'uniforme?
HENRI. Dame, il n'est pas cossu. Nous ne sommes pas des gens de cour, la
République n'est pas riche, nous nous contentons de ce qu'elle donne.
REBEC. Oh! vous êtes un vrai patriote, vous, un bon! Ça réjouit le coeur
de vous entendre parler comme ça.--Alors... vous avez rompu avec votre
ci-devant famille?
HENRI, riant. Ma ci-devant... Es-tu fou? ma famille est toujours ma
famille.
REBEC. Pardon! j'allais trop loin... Il y a comme ça des idées... et des
intérêts qu'on ne peut pas oublier, n'est-ce pas? C'est trop juste,
c'est trop juste.
HENRI. Dis donc, toi! tu as l'air de me soumettre à un interrogatoire?
Es-tu chargé de ça?
REBEC. Oh! par exemple! moi, vous trahir? moi qui vous aime tant! moi
qui vous ai vu tout petit et qui vous mettais sur mon bidet, du temps
que je venais ici acheter vos laines? Étiez-vous content de taper ma
bête avec vos petits talons! Et mademoiselle Louise que vous vouliez
prendre en croupe... et qui avait peur!
HENRI. Pauvre Louise! elle a bien d'autres sujets de frayeur à présent!
REBEC. Mais... vous savez qu'elle est devenue intrépide! Elle ne quitte
pas son père, c'est une des héroïnes de l'armée catholique.
HENRI, soupirant. On me l'a dit.
REBEC. Ça n'avance pas vos affaires pour le mariage?
HENRI. Ça les met à néant, comme tu penses.
REBEC. Ça ne vous chagrine pas plus que ça?
HENRI, brusquement. Eh bien, à quoi cela m'avancerait-il, de m'en
chagriner?
REBEC. C'était pourtant un beau parti! fille unique! et vous qui n'avez
rien!
HENRI. Justement, c'est là ce qui me console un peu.
REBEC. Ah bah?
HENRI. Tout ça n'empêche pas que je voudrais avoir de leurs nouvelles, à
mes pauvres parents. Voyons, comment ne sais-tu rien, toi qui te
prétends si dévoué à la famille?
REBEC. C'est que... on n'ose pas trop faire de questions dans ce temps
de suspicion et de crainte; on risque d'avoir l'air de s'intéresser...
HENRI. Qu'est devenue mademoiselle Hoche?
REBEC. Partie avec ces dames.
HENRI. Pour l'armée catholique? elle?
REBEC. C'est comme je vous le dis.
HENRI. Par dévouement, alors? Généreuse fille! Est-elle toujours jolie?
REBEC. Ah! du présent je ne peux rien vous dire. Elle était plus jolie
que jamais quand elle a suivi mademoiselle Louise. Savez-vous qu'à elles
deux, elles auraient été la fleur du pays sans ces maudites guerres?
Est-ce que vous n'étiez pas un peu amoureux de l'une et de l'autre?
HENRI. Quelles sottes questions me fais-tu; au lieu de me donner des
renseignements sérieux?
REBEC. Dame! quand on ne sait pas! Mais il y a l'ancien homme d'affaires
de votre oncle, il est resté au pays, et, si vous voulez le voir...
HENRI. Oui! cours me le chercher... Non, n'y va pas. Je le verrai comme
par hasard. Il ne faut pas le compromettre.
REBEC. Ah! tenez, avouez, monsieur Henri, que la République est bien
soupçonneuse, et qu'il est bien difficile d'oublier...--Mais qui sait?
tout va si drôlement aujourd'hui!... Et, après tout, des fils de famille
enrôlés malgré eux, comme vous par exemple, pourraient bien, s'ils le
voulaient, ramener l'ancien temps, qui n'était pas si mauvais qu'on veut
bien le dire! Hein, ai-je tort?
HENRI. Mon ami Rebec, je vois que tu n'as pas changé.
REBEC. Il faut bien plier sous les circonstances; mais, au fond,
monsieur Henri, je suis toujours aussi bien pensant... et aussi...
HENRI. Et aussi bête que par le passé.
REBEC. Plaît-il?
HENRI. Tu as très-bien entendu, mon cher, et tu es stupide de croire
qu'un ci-devant noble ne peut pas servir fidèlement son pays.
REBEC. Je ne dis pas ça! au contraire! Je vois bien que vous détestez le
mensonge, et, entre nous, monsieur votre oncle a manqué à son devoir en
trahissant lâchement...
HENRI. Tais-toi! Ne répète jamais ce mot-là devant moi, si tu tiens à
tes deux oreilles. Mon oncle a cru obéir à sa conscience. Il s'est
trompé, mais comme se trompe un galant homme, en se sacrifiant. Il
savait que la Vendée n'aboutirait qu'à un gâchis et à un désastre. Il
s'y fera tuer et laissera quand même une mémoire pure. Moi, je me ferai
éventrer aussi pour dompter la révolte, et peut-être recevrai-je mon
affaire de la main d'un de mes paysans ou d'un des vieux domestiques qui
m'ont porté dans leurs bras et fait manger la bouillie! ou bien ce sera
le prêtre qui m'a fait faire ma première communion, qui me cassera la
mâchoire, ou encore... mon oncle lui-même, le plus doux, le plus tendre,
le meilleur des hommes! C'est comme ça, à ce qu'il paraît, la guerre
civile. C'est très-gentil! mais, quand on y est, on y est, et, quand on
va au feu, ce n'est pas pour recevoir des pommes cuites. Là-dessus, va
te coucher, Rebec, car je perds mon temps à te faire comprendre ce que
tu ne comprendras jamais.
REBEC. Me coucher, non! Je vais vous reconduire.
HENRI. Nous couchons ici, nous, le capitaine et le détachement, si ça ne
te contrarie pas.
REBEC. Ah! mon Dieu, vous ne me disiez pas ça! Je cours donner des
ordres...
HENRI. C'est fait, nos fourriers n'ont pas besoin de toi pour installer
leur monde.
REBEC. Mais... votre capitaine, où couchera-t-il? Toutes les chambres
sont sous le scellé, excepté...
HENRI. Excepté celle que tu t'es réservée? Le capitaine la prendra; où
est-elle?
REBEC. Celle-ci... à côté.
HENRI. L'appartement de ma tante Roxane? C'était le meilleur. Tu n'as
pas mal choisi, camarade!
REBEC. Monsieur Henri, c'est à cause des odeurs! Cette chambre embaume
et je suis fou des odeurs.
HENRI. Pauvre tante! elle couche peut-être maintenant dans une étable.
REBEC. Vous ferai-je apporter à souper?
HENRI. Non, nous avons mangé à Puy-la-Guerche.
REBEC, allant à la table. Vous prendrez bien au moins un verre de tokay?
Voyons, sans cérémonie?
HENRI. Tu es trop bon! tu fais les honneurs de chez nous avec une
grâce...
REBEC. Et, sans être trop curieux, qu'est-ce que vous venez donc faire
ici?
HENRI. Ça ne me regarde pas. On commande, j'obéis; mais je suppose qu'on
veut mettre garnison dans un château qui pourrait servir de point de
ralliement et de refuge aux rebelles.
REBEC. Il y a trois mois qu'on aurait dû le faire! On vit ici dans les
transes, et, si les brigands avaient voulu... Ah! la République est bien
négligente!
HENRI. Oui! elle te loge dans un château fortifié, elle t'y donne les
clefs d'une cave exquise, un lit de dentelle et de duvet, et elle oublie
de t'attribuer une garde d'honneur pour que tu puisses y dormir
tranquille; c'est impardonnable!
REBEC. Vous vous moquez de moi?
HENRI. Ça se pourrait bien. Allons, va préparer cette chambre parfumée
pour mon capitaine. Il n'a pas volé un bon gîte et une bonne nuit,
celui-là!
REBEC. Eh bien, et vous?
HENRI. Je dormirai sur une chaise. Je suis ici en pays conquis; mais je
respecte le passé, moi, et je ne l'oublierai pas en me gobergeant dans
le lit de mon oncle...
REBEC. Mais votre ancienne chambre!
HENRI. Assez de politesses, tu m'ennuies. Va enlever tes draps et tes
nippes. Dépêchons-nous!
REBEC. On y va, on y va, lieutenant; ne vous impatientez pas.
HENRI, à un cavalier qui entre avec la valise du capitaine. Va faire le
lit, camarade. Par ici. Tu sortiras de l'autre côté. (Rebec sort, suivi
du soldat.)

SCÈNE IV.--HENRI, le capitaine RAVAUD.

LE CAPITAINE, (homme distingué, à la figure douce.) Eh bien, mon jeune
lieutenant, comment va ce pauvre coeur ému?
HENRI. Bien, mon capitaine. Je n'ai reçu ici aucune mauvaise nouvelle de
ma famille. Espérons que mon oncle mettra en temps utile les femmes en
sûreté; quant à lui et à ses amis, ils font comme nous, ils courent les
chances de la guerre.
LE CAPITAINE. Sommes-nous seuls? J'ai quelque chose à vous dire.
HENRI, allant fermer la porte de côté. Oui, Capitaine; à présent, vous
pouvez parler.
LE CAPITAINE, s'asseyant. Voyons, Henri, nous allons entrer en campagne
et faire des choses terribles, je le crains!
HENRI. Vous plaisantez, capitaine, les choses terribles ne vous font pas
peur.
LE CAPITAINE. Je vous demande pardon. La guerre civile entraîne des
rigueurs que vous ne prévoyez pas, et, d'après les ordres que nos
généraux reçoivent, je m'attends à tout. On veut en finir brusquement et
sans retour avec la Vendée, et, pour les exaltés qui nous gouvernent à
présent, tous les moyens sont bons. La Convention trouve les procès trop
longs à instruire. Elle nous défendra peut-être de faire des
prisonniers. Si elle entre dans cette voie, Dieu sait où elle
s'arrêtera. Vous sentirez-vous la force d'aller jusqu'au bout?
HENRI. Est-ce une épreuve, mon capitaine? M'avez-vous amené ici, de
préférence aux jeunes officiers mes camarades, pour voir si, en présence
du manoir où j'ai passé mon enfance et où tout me rappelle les plus
chers souvenirs de ma vie, je sentirai faiblir mon patriotisme?
LE CAPITAINE. Oui, mon cher enfant, je l'ai fait à dessein, non pour
surprendre les secrets tourments de votre conscience, mais pour vous
dire: Jamais homme de coeur n'a été mis à une épreuve plus cruelle.
Certains devoirs dépassent les forces morales les mieux trempées, et
ceux qu'on va vous imposer répugnent à la nature autant qu'à l'humanité.
Vous allez peut-être vous trouver en face de vos parents, de vos amis...
HENRI. C'est possible, c'est prévu!
LE CAPITAINE. Avez-vous prévu la malédiction de votre famille,
l'indignation de votre caste... et celle d'une personne... Vous étiez
fiancé, m'avez-vous dit, à une parente...
HENRI. Ne parlons pas de ça, mon capitaine; ce serait le côté faible de
la place. J'avais pour la petite cousine une amitié... c'était peut-être
déjà de l'amour; mais elle n'en pouvait avoir pour moi: c'était une
enfant, et Dieu sait que, depuis l'insurrection elle, doit me mépriser
de tout son coeur!
LE CAPITAINE. Elle vous pardonnerait si... Voyons! admettons toutes les
probabilités: que diriez-vous si j'avais sur moi, en ce moment, l'ordre
de brûler le château de Sauvières?
HENRI, se levant. Cet ordre... l'avez-vous, capitaine? Oui, je le vois!
vous l'avez.
LE CAPITAINE. Et vous devez commander l'exécution du mandat. On le veut
ainsi.
HENRI. Diable! c'est dur.
LE CAPITAINE. Et cruel! j'en suis révolté. Écoutez, Henri, écoutez-moi
bien. Je crois être un brave soldat et un honnête homme. Vous m'avez vu
souriant en face de la mort. Eh bien, il y a un courage que je n'ai pas,
c'est celui de faire des choses atroces. On l'exige de moi,--je suis
résolu à désobéir.
HENRI. Vous?
LE CAPITAINE. Oui, car j'ai l'ordre aussi de brûler les chaumières et
les forêts, de détruire les récoltes, de dévaster les champs, d'affamer
le pays, de réduire les habitants au désespoir, et cela, dans tout le
pays insurgé, sans pitié pour les enfants, les vieillards et les
femmes.--Oui, c'est ainsi! On nous donne des généraux ineptes qui n'ont
jamais vu le feu. Le civil s'arroge le droit de contrôler le civisme du
militaire. Un démagogue ceint d'une écharpe renverse les plans d'un
officier expérimenté. Le premier venu parmi ces brutes féroces a le
pouvoir de mener de braves soldats à la boucherie, et, faisant le vil
métier d'espion, il dénonce comme traître quiconque ose le contredire.
Votre nom vous rend suspect à un de ces lâches, et c'est lui qui, à
Puy-la-Guerche, m'a donné l'ordre exécrable de vous amener ici.--Et nous
nous soumettrions à de pareils ordres? nous, des soldats français, des
hommes, des philosophes! Non, quant à moi, jamais! Le jour où un
commissaire du gouvernement viendra me dire que je suis suspect
d'indulgence, je briserai mon épée et lui en jetterai les morceaux à la
figure! (Henri est absorbé, la tête dans ses mains. Un silence.)
HENRI, se levant. Et après ça?
LE CAPITAINE. C'est la proscription ou la guillotine. J'en prendrai mon
parti comme tant d'autres.
HENRI. La guillotine tranche les têtes, elle ne tranche pas les
questions.
LE CAPITAINE. Elle délivre de la vie celui que l'on veut forcer à faire
le mal.
HENRI. En le prenant comme ça, c'est un suicide, alors?
LE CAPITAINE. Je l'accepte.
HENRI. Un suicide est une lâcheté.
LE CAPITAINE, tressaillant. Une lâcheté?
HENRI. Oui, mon capitaine, toujours! Je ne suis pas un grand raisonneur,
moi; mais on m'a appris ça ici dès mon enfance. L'homme qui se tue donne
sa démission et se déclare inutile. On m'a dit aussi qu'un homme
représentait toujours une force quelconque, et qu'il n'avait pas le
droit de la supprimer, parce qu'il ne la tient pas de lui-même: c'est
Dieu qui la lui a confiée. Il faut donc choisir entre ce qui est bien et
ce qui est mal. Si la Révolution est un mal, il faut l'abandonner et se
jeter résolûment dans le parti contraire.
LE CAPITAINE. Le parti royaliste? Jamais quant à moi! Il m'inspire des
répugnances invincibles.
HENRI. Concluez, alors.
LE CAPITAINE. Je ne puis... Aucun parti ne représente plus pour moi la
France. Elle est perdue, souillée. La vie me fait horreur à présent!
HENRI. La vie est rude, mon capitaine, c'est vrai; mais, moi, à
vingt-deux ans, je ne peux pas dire comme vous que tout est perdu. Ça ne
m'entre pas dans la tête, une idée pareille! Si la France est égarée et
souillée, nous serions bien fous ou bien paresseux d'aller demander au
bourreau la fin de nos incertitudes, et de donner à cette France
criminelle le plaisir de commettre un crime de plus. S'il n'y a plus
d'honneur en France, c'est donc que personne ne croit plus en soi-même?
Eh bien, mordieu! voilà une parole que je ne puis pas dire pour mon
compte, et un exemple que je ne veux pas donner.
LE CAPITAINE. Henri, tu as raison. Servir son pays ou le trahir... Dans
cette extrémité, il n'y a plus de milieu possible. Eh bien, je me
soumets, mon coeur saignera... j'obéirai! Mais toi, tu n'as pas été
libre de choisir, le jour où la République t'a enrôlé, et tu peux... Va,
je fermerai les yeux. Quitte-nous, quitte-moi, et va rejoindre ta
famille; nul n'est forcé de devenir parricide.
HENRI, ému. Merci, mon capitaine, merci!
LE CAPITAINE. Tu acceptes, mon enfant?
HENRI. Non, je refuse... Ce qui est vrai pour vous l'est aussi pour moi.
Il n'y a pas deux vérités. Le jour où j'ai été enrôlé, j'étais
royaliste. Je pensais comme ceux qui m'avaient élevé, comme la jeune
fiancée qui m'était promise: c'est tout simple. C'est par dévouement
pour eux, c'est pour leur laisser garder une apparence de civisme qui
préservait leurs personnes et leurs biens que je les ai quittés avec une
sorte de joie, tout en leur promettant de passer à l'ennemi aussitôt
qu'ils auraient pu émigrer. Ils n'ont pas émigré. Eux aussi, ils ont
manqué de logique; eux aussi, ils aimaient la France! Que voulez-vous!
c'est dans le sang des Sauvières! Et moi, enfant, j'ai senti ça le jour
où j'ai entendu résonner sur le pavé des villes le talon de mes
premières bottes. Je me suis mis à aimer la patrie comme un fou en me
voyant chargé de défendre le drapeau qui représentait son honneur et le
mien à la frontière. Je n'ai pas raisonné ça, je n'ai pas eu le temps
d'y réfléchir. J'ai senti mon coeur battre jusqu'à m'étouffer! Mon oncle
aurait dû prévoir que ça m'arriverait, lui qui a porté les armes pour la
France. Est-ce que le premier roulement du tambour qui bat la charge,
est-ce que le premier coup de canon qui ébranle l'air autour de nous
n'enivre pas un homme de mon âge jusqu'au délire? Allons donc! si mes
parents eussent été là, ils m'eussent crié: «Marche et ne recule pas!»
Eh bien, j'y suis à présent, dans la grande mêlée! Je suis patriote,
j'appartiens à la Révolution, puisque j'ai donné mon sang pour elle.
Elle est ma religion et mon dieu, comme mon régiment est ma famille et
comme vous êtes mon confesseur. La République nous surmène? C'est
possible. Égarée ou sage, ivre ou méchante, malade ou folle, elle est
notre mère, et une mère n'a jamais tort quand il s'agit de la défendre.
Plus tard, quand je serai vieux ou infirme, je jugerai peut-être ses
actes; mais, tant que mon bras pourra soutenir un sabre, je me battrai
pour elle, fallût-il écraser mon propre coeur sous les sabots de mon
cheval!
LE CAPITAINE, exalté. Henri, embrasse-moi, généreux enfant! ta foi
transporterait des montagnes! Oui, des hommes comme toi, des hommes qui
croient doivent sauver la patrie. Vive la République! (Abattu.) Nous
brûlerons donc...
HENRI. A quand l'exécution de votre mandat?
LE CAPITAINE. C'est pour cette nuit. Je compte procéder avec prudence.
J'ai donné des ordres pour qu'il n'y eût pas une âme vivante autour de
l'enceinte. Il ne faut pas exaspérer les habitants et les exposer à
faire résistance. Ils succomberaient misérablement.
HENRI. Mon capitaine, je crois qu'ils nous aideraient plutôt. Tous les
paysans ne sont pas royalistes, et ceux qui sont restés chez eux ne le
sont peut-être pas du tout. N'importe, j'irai faire une ronde.
LE CAPITAINE. Attendez, on vient.

SCÈNE V.--LE CAPITAINE, HENRI, MOTUS.

MOTUS, (trompette de cavalerie, républicain à tous crins, très-aimé dans
le régiment.) Mon capitaine, sans te commander, je t'annonce qu'on vient
de prendre un espion qui essayait de se faufiler subrepticement. Faut-il
lui faire son affaire?
LE CAPITAINE. Il faut d'abord savoir si c'est réellement un espion.
Amène-le.
MOTUS. C'est que, sans t'offenser, mon capitaine, je ne crois pas que tu
puisses lui tirer une parole du ventre. Il n'a pas l'air de comprendre
ce qu'on lui dit, ou il fait semblant d'être Breton.
LE CAPITAINE, à Henri. Savez-vous la langue?
HENRI. Ma foi, non, pas un mot.
LE CAPITAINE, à Motus. Où est-il?
MOTUS. Il est là, mon capitaine. (Allant à la porte.) Allons, avance à
l'ordre, l'homme à la tignasse jaune! (Cadio paraît, amené par deux
cavaliers. Son habit de toile est en lambeaux. Il a une peau de chèvre
sur les épaules.)
LE CAPITAINE, bas, à Henri, après avoir fait signe à Motus et aux deux
autres cavaliers de sortir. Interrogez-le. Vous savez mieux que moi
parler aux paysans.
HENRI, à Cadio. Est-ce que tu ne parles pas français?
CADIO, triste et abattu. Je parle français, latin au besoin. Du moins,
j'en sais quelque peu.
HENRI. Alors, tu es prêtre ou moine?
CADIO. Non, je suis sonneur de biniou.
HENRI. Sorcier, par conséquent?
CADIO. Sorcier? Oh! Jésus, non! Je renie le diable!
HENRI. Mais tu as beau le renier, il court après toi, la nuit, dans les
bois ou sur les bruyères. Il t'arrache ton chapeau et te bat avec le
hautbois de ta cornemuse. Et, quand tu as prononcé certaine formule
d'exorcisme, un ange t'apparaît et te dit: «Va tuer un bleu, et Satan te
laissera tranquille.»
CADIO. O bon saint Cornéli! d'où savez-vous ces choses?
HENRI. Je suis sorcier aussi. Je connais les pratiques des maîtres
sonneurs de tous pays. (Bas, au capitaine.) Regardez les yeux fixes et
brillants de ce garçon-là; c'est un extatique.
LE CAPITAINE. Inoffensif peut-être?
HENRI. Ou des plus dangereux.
LE CAPITAINE. Tâchez de le confesser.
HENRI, à Cadio. Combien as-tu déjà tué de bleus pour contenter Dieu ou
le diable?
CADIO. Tuer? moi? Jamais! je ne saurais pas.
HENRI. Tu avoues pourtant que ta croyance te le commande.
CADIO. Oui; mais je suis mauvais chrétien, et je n'ai pu obéir.
HENRI. Pourquoi?
CADIO. Je suis poltron.
HENRI. Tu t'en vantes? Je ne te crois pas. Ton nom?
CADIO. Cadio.
HENRI. C'est ton nom de famille?
CADIO. De famille? Je n'en ai pas.
HENRI. Tu es un champi?
CADIO. Il faut croire.
HENRI. Tu as un sobriquet?
CADIO. Carnac.
HENRI. Tu es de ce pays-là?
CADIO. Je ne sais pas. On m'a trouvé dans les géantes.
LE CAPITAINE. Qu'est-ce que ça veut dire?
CADIO. Ça veut dire les grandes pierres, pas loin de la baie de
Quiberon, au pays des anciens hommes qui dressaient sur tranche des
pierres plus grosses que des tours.
HENRI. Qui t'a élevé?
CADIO. Personne et tout le monde.
HENRI. Mais qui t'a enseigné le français et le latin?
CADIO. Les moines du couvent. J'allais chez eux chanter au lutrin.
J'aurais voulu savoir la musique. Ils ne la savaient pas et voulaient me
faire moine. Ils m'avaient déjà coupé les cheveux, et, comme je m'en
allais souvent seul dans la lande pour jouer d'un méchant pipeau que je
m'étais fabriqué, ils ont prétendu que je me donnais au diable. Ce
n'était pas vrai; mais, à force de me le dire, ils me l'ont mis dans la
tête, et le diable s'est mis à me tourmenter; je m'en suis confessé.
Alors, ils m'ont fait jeûner et souffrir dans le caveau des morts. C'est
pourquoi je me suis sauvé du couvent et du pays.
LE CAPITAINE. Qu'es-tu devenu, alors?
CADIO. J'ai tâché de gagner ma vie en faisant danser le monde avec mon
pipeau, et j'ai passé bien des journées sans manger, afin de pouvoir
m'acheter un biniou!
HENRI. Qu'as-tu à pleurer?
CADIO. Vos soldats me l'ont pris.
LE CAPITAINE, bas, à Henri. Il ne paraît pas se douter qu'il puisse lui
arriver pire. Continuez à le questionner.
HENRI. Pourquoi as-tu quitté la Bretagne?
CADIO. Je ne pouvais plus y rester. Comme j'avais la tête rasée, on
courait après moi dans les villages en m'appelant renégat. Alors, j'ai
été devant moi au hasard, et, un jour, les brigands m'ont pris--du côté
d'ici. Ils m'ont mis dans la main une quenouille, et ils m'ont amené
dans ce château où nous voilà, en me disant: «Donne ça au vieux seigneur
qui est là, devant toi.»
HENRI. A M. de Sauvières, une quenouille?
CADIO. Oui. Ça l'a fâché! Moi, je ne savais pas pourquoi; on me l'a
expliqué ensuite.
HENRI. Il y a de cela trois mois?
CADIO. A peu près quatre.
HENRI. Et, comme cette offense a décidé M. de Sauvières à suivre les
brigands, tu les as suivis aussi?
CADIO. Ils m'y ont obligé.
HENRI. Malgré toi?
CADIO. Malgré moi d'abord. Et puis _elle_ m'a dit: «On ne danse plus,
Cadio. Tu vas mourir de faim, reste avec nous; tu sonneras ta cornemuse
à l'élévation, quand nos bons prêtres nous diront la vraie messe dans
les champs.»
HENRI. Qui t'a dit cela?
CADIO. Elle!
HENRI. La demoiselle de Sauvières? (Cadio fait signe que oui.) Tu la
connais? Parle-moi d'elle! Où est-elle à présent? (Cadio secoue la
tête.) Tu ne sais pas, ou tu ne veux pas dire?
CADIO. Je ne veux pas.
HENRI. Je suis son parent et son ami.
CADIO. Ça ne se peut pas.
HENRI. Tu peux me dire au moins si elle est en lieu sûr; c'est tout ce
que je désire.
CADIO. Je ne dirai rien.
HENRI. Nous diras-tu depuis combien de temps tu l'as quittée?
CADIO. Non.
HENRI. Eh bien, ne le dis pas; mais apprends-moi si son amie,
mademoiselle Hoche, est toujours auprès d'elle...
CADIO. Cela ne vous regarde pas.
HENRI. Que viens-tu faire ici?
CADIO. Je ne veux pas le dire.
HENRI. Avec qui es-tu venu de l'armée catholique?
CADIO. Je ne dirai plus rien.
HENRI. Alors, tu es un espion.
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