Cadio - 06

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me parler de lui. Que te disait-il de moi, là, tout à l'heure?
MARIE. Ne me le demande pas, ma Louise. Cet homme est indigne de toi. Il
faut l'oublier.
LOUISE. Ah! Et toi, l'oublieras-tu?
MARIE. Moi? Tu sais fort bien que j'ai pour lui un éloignement, un
dégoût invincibles!
LOUISE. Avec quelle énergie tu dis cela aujourd'hui! Marie, il te fait
la cour! Il me trompe, et, toi, tu ne m'as jamais dit la vérité!
MARIE. Il ne m'avait jamais fait cette injure.
LOUISE. Mais aujourd'hui, tout à l'heure, il t'a dit... Oui, tes joues
sont enflammées de colère... ou d'orgueil!
MARIE. Louise!... tu sembles croire... Faut-il te dire que cet homme ne
nous aime ni l'une ni l'autre, qu'il n'estime et ne respecte aucune
femme,... que son hommage me fait l'effet d'une flétrissure?...
LOUISE. Tu mens!
MARIE. Et toi, tu m'affliges et tu m'offenses!
LOUISE. Ah! c'est que mon courage est à bout. Il y a trois mois que je
me débats contre un soupçon qui me torture... Cruelle! tu ne vois donc
pas que j'en meurs?
MARIE. Cruelle, moi? Qu'ai-je donc fait?... Mais tu es folle, je le
vois; je te plains. Pauvre enfant, que faut-il faire pour te guérir?
LOUISE. Tu ne peux rien si tu ne peux pas me dire qu'il n'aime que moi.
MARIE. Je ne peux pas mentir pour t'égarer davantage. Tu l'aimes
passionnément, je le vois, et lui, il vient de m'offrir, par dépit de ta
pudeur, qu'il appelle méfiance et lâcheté, son insultant et banal
hommage. A-t-il agi ainsi pour éveiller ta jalousie? Je le crois, car il
m'a engagée à te dire sa trahison, et il se vante de nous brouiller
ensemble.
LOUISE. Ah! alors... oui, j'ai déjà l'expérience de ses ruses
affreuses!... Il veut me vaincre par le dépit!
MARIE. Est-ce là de l'affection, et te laisseras-tu prendre à ce jeu
grossier, toi qu'Henri eût si loyalement aimée? M. Saint-Gueltas n'a
aucun principe, tu le sais. Il ne voit dans l'amour que le plaisir et la
vanité de troubler la conscience et de vaincre la pudeur. Au lendemain
d'une conquête, il l'abandonne pour en essayer une autre. C'est comme sa
méchante guerre de partisan, va! Il ruine et profane sans pitié ce qu'il
terrasse, et il le laisse là sans remords et sans regret.
LOUISE. Ah! tu le hais trop pour ne pas l'aimer!
MARIE. Je ne le hais pas, je le dédaigne, comme ce qu'il y a de plus
vain, de plus inconsistant et de moins héroïque au monde.
LOUISE. Tu nies jusqu'à sa bravoure?
MARIE. Non, mais j'en fais peu de cas. Le dernier de vos paysans qui se
bat par fanatisme religieux est plus preux que lui, qui n'a que de
l'ambition et que mène la fièvre d'une énergie brutale, maladie
particulière à ces gentilshommes illettrés, espèces de fous à instincts
sauvages qui noient dans le carnage et la débauche le tourment de leur
oisiveté et le vide de leur intelligence. Ah! pardonne-moi. Louise! Ton
père est un saint, et il y en a plusieurs comme lui dans votre armée;
mais, puisque tu m'accuses de te disputer les regards du moins méritant,
du plus souillé de vos prétendus héros, il faut que tu saches quelle
indignation s'est amassée en moi contre l'abominable guerre que vous
faites avec eux et les crimes dont, grâce à eux, vous semez la
contagion... Oh! les cruautés sont égales de part et d'autre, je le
vois, je le sais, je les déteste toutes; mais vous qui avez allumé
l'incendie, vous êtes les vrais coupables, et j'ai horreur, à présent
que je vous connais, de la sanglante et cynique autorité que vous vous
flattez d'établir en France avec de pareils hommes!
LOUISE. Tu nous maudis, tu nous détestes? Je m'en doutais bien...
MARIE. Ton père déteste et maudit bien plus que moi l'entreprise où vous
l'avez jeté!
LOUISE. Tais-toi! tu me déchires le coeur! C'est moi qui l'ai entraîné,
perdu, je sais cela! J'ai été romanesque, exaltée... J'étais dévorée
d'ennui à Sauvières, je voyais Henri abandonner notre cause...
Saint-Gueltas est venu... Mon père résistait... Je sentais que l'on
faisait violence à sa loyauté... et pourtant j'ai dit un mot cruel,...
un mot fatal qui a étouffé le cri de sa conscience et qui l'a précipité
dans un abîme de chagrins et de malheurs.--Ah! que veux-tu! nous ne
pouvons pas voir bien clair dans tout cela, nous autres femmes; nous ne
jugeons les événements qu'à travers nos instincts ou nos passions. La
vérité, c'est le fantôme qui nous fascine; le devoir, c'est l'homme qui
nous charme; la justice, c'est le désir qui nous aveugle. Nous nous
croyons intrépides et dévouées quand nous ne sommes que folles d'amour
et de jalousie. Eh bien, oui! voilà ce que c'est! Mon courage, c'est de
la fièvre; mon royalisme, c'est du désespoir: cela est misérable et je
me condamne;... mais il est trop tard pour reculer, je ne peux ni ne
veux guérir! J'ai tout immolé à l'amour, et je veux recueillir le fruit
de mes sacrifices. Saint-Gueltas m'aimera ou je me ferai tuer. Je me
jetterai sous les pieds des chevaux, devant la gueule des canons...
MARIE. Il ne t'en demande pas tant! Sois sa maîtresse, et il t'aimera
vingt-quatre heures.
LOUISE. Sa maîtresse? Jamais! Pourquoi donc ne serais-je pas sa femme?
Il ne tient qu'à moi de l'être.
MARIE. Alors, pourquoi ne l'es-tu pas?
LOUISE. Oh! malheureuse que je suis! Je crains d'être haïe quand il se
sera engagé à moi; il raille à tout propos le mariage; trahi par sa
femme, il a conservé de ses premiers liens un souvenir odieux!
MARIE. Sa femme! Es-tu sûre qu'elle soit morte?
LOUISE. Ah! tu crois à cette légende de paysans, à la dame blanche qui
revient au château de la Roche-Brûlée?
MARIE. Il y a deux versions: selon l'une, il a enfermé cette femme
coupable; selon l'autre, il l'a assassinée. Et tu admires l'homme qui
n'a pas su sauver sa dignité par une conduite claire et loyale!
Supposons qu'il ait subi l'empire d'une fatalité, comment peux-tu croire
qu'il oubliera la blessure de son âme? Ne vois-tu pas que tous ses
entraînements portent l'empreinte de la haine et de la vengeance? Cet
homme épris de pillage et de massacre me fait, au milieu de son odieuse
gaieté, l'effet d'un fléau qui n'a plus conscience de lui-même.
LOUISE. Tu en dis trop de mal pour qu'il te soit indifférent.
MARIE. Je voudrais t'arracher à son influence. Je te vois perdue, si je
n'y parviens pas. Ton père, toujours irrésolu, n'a pas le courage de
contrarier ton penchant; ta tante...
LOUISE. Est une vieille enfant, je le sais: elle subit le prestige
encore plus que moi; mais, toi qui te vantes d'y échapper... Non, c'est
impossible! Je ne te crois pas. Tiens, donne-moi une dernière, une
suprême marque d'affection. Quitte l'armée, quitte-nous; retourne à ton
parti, à ta famille, à ton milieu. Fais en sorte que le marquis ne te
revoie jamais...
MARIE. C'est sérieux, ce que tu me dis là?
LOUISE. Oui, quitte-moi pendant que je t'admire et te chéris encore.
Demain, je te verrais troublée, il me semblerait que Saint-Gueltas te
cherche ou te regarde... Cette jalousie qu'il veut exciter en moi me
rendrait folle, injuste envers toi, odieuse à moi-même. Va-t'en, Marie,
ma chère Marie! pardonne-moi, va-t'en, je te le demande à genoux.
MARIE. Adieu, Louise, ma pauvre amie! Hélas! que vas-tu devenir? (Elle
l'embrasse.) Adieu!
LOUISE. Disons-nous adieu ici, et pleurons sans qu'on nous voie; mais tu
vas venir avec moi à la ville. Il faudra nous entendre sur le voyage que
tu vas faire et sur le prétexte à donner...
MARIE. A notre séparation? Je t'en laisse le soin. Tu diras que je suis
lasse de partager tes fatigues et tes dangers.
LOUISE. Non, je ne mentirai pas. On ne me croirait pas d'ailleurs; on
sait qui tu es!
MARIE. Eh bien, dis que ma vieille tante est malade et me rappelle à
Paris.
LOUISE. C'est là que tu iras?
MARIE. Je n'en sais rien.
LOUISE, soupçonneuse. Tu n'en sais rien? Où iras-tu?
MARIE. Sois tranquille, je n'irai pas à la Roche-Brûlée. Adieu, je te
quitte ici.
LOUISE. Ici? Mais tes effets?
MARIE. C'est si peu de chose, que cela ne vaut pas la peine d'être
emporté.
LOUISE. Mais tu n'as pas d'argent?
MARIE. J'en ai assez.
LOUISE. Non, tu n'as rien! Et moi, je n'en ai plus... Ah! attends! mes
diamants, partageons...
MARIE. Louise, ne m'humilie pas. Je ne veux rien... Regarde ce gros
arbre, le marquis est là qui t'attend. Tu n'as plus besoin de Cadio, il
me conduira à la ville républicaine la plus proche. Je ne veux pas subir
l'outrage de te voir jalouse de moi en présence de M. Saint-Gueltas.
Adieu!
LOUISE. Oh! je t'ai cruellement blessée, je le vois... Ne veux-tu pas me
pardonner? Reste avec moi, je souffrirai, mais je saurai me vaincre...
Marie, pardonne-moi!
MARIE. Je te pardonne de toute mon âme, mais je ne puis plus te servir,
ni te protéger. Voilà ton père qui rejoint le marquis. Je ne te laisse
pas seule.
LOUISE. Mais toi?...
MARIE. Cadio, voulez-vous me conduire à Pont-Vieux?
CADIO, qui, assis à l'écart, s'est occupé à sculpter un morceau de bois.
Oui bien, c'est par là que je voulais aller.
LOUISE. Tu reviendras à Saint-Christophe ce soir, j'ai à te payer...
CADIO. Oui, oui, c'est bon, demoiselle. (A Marie.) Le jour baisse,
partons!
MARIE, à Louise, qui veut la retenir. Ton père et le marquis t'ont vue,
ils viennent. Quand tu auras besoin de moi, appelle-moi, j'accourrai.
(Elle s'enfonce dans les massifs avec Cadio.)
LOUISE, la suivant des yeux. O Marie, Marie! je suis bien coupable
d'avoir froissé une âme comme la tienne! Je mérite le désespoir où je me
précipite.

SCÈNE III.--Un peu plus loin dans la campagne. MARIE, CADIO.

MARIE. Je peux marcher plus vite, Cadio.
CADIO. Nous avons le temps, demoiselle.
MARIE. Mais si vous voulez retourner ce soir à Saint-Christophe?
CADIO. Je n'y veux pas retourner. J'ai assez d'argent. Tenez, voilà ce
que M. Henri m'a donné. Prenez-en, puisque vous n'avez rien. Oh! c'est
de l'argent bien honnête! Ça vient d'un homme qui est bon et doux!
MARIE. Vous avez raison, Cadio, je pourrais l'accepter de lui sans
rougir.
CADIO. Mais vous auriez honte de partager avec moi?
MARIE. Non, mon ami, non certes! mais je vous jure que j'ai quelque
chose, et que cela me suffit.
CADIO. C'est comme vous voudrez; mais qu'est-ce qu'une jeunesse comme
vous va faire pour vivre à présent?
MARIE. Je trouverai quelque part du travail, n'importe lequel. Je ne
suis pas difficile.
CADIO. Est-ce que vous avez eu raison de quitter comme ça votre
camarade?
MARIE. Vous avez donc écouté ce que nous disions?
CADIO. Sans écouter, j'ai entendu.
MARIE. Et vous avez compris que...?
CADIO. J'ai tout compris.
MARIE. Pourtant vous me blâmez...
CADIO. Dame! la voilà bien abandonnée, puisque son père est faible, sa
tante folle et Saint-Gueltas méchant...
MARIE. Vous croyez que j'aurais dû me laisser avilir?...
CADIO. On aime les gens, ou on ne les aime pas.
MARIE. Cadio, attendez! Ce que vous dites là me frappe... Il me semble
que la vérité est en vous, pure comme dans l'âme d'un
enfant.--Retournons, voulez-vous? Je serai humiliée, flétrie peut-être
par des soupçons et des prétentions... N'importe, si je sauve Louise...
J'essayerai du moins, je n'aurai rien à me reprocher.
CADIO. A la bonne heure! Allez, demoiselle.
MARIE. Ne venez-vous pas avec moi?
CADIO. Oh! moi, je ne suis rien, je ne peux rien. Je déteste la guerre,
et je veux me sortir de ces vilaines choses. Vous n'avez pas peur pour
vous en retourner? C'est à deux pas.
MARIE. Je n'ai pas peur. Adieu, merci!
CADIO. Merci de quoi?
MARIE. Du bon conseil que vous m'avez donné. (Ils se séparent.)

SCÈNE IV. MARIE, sur le sentier, plus près de la ville; TIREFEUILLE, LA
MOUCHE, sortant des buissons.

TIREFEUILLE. Demoiselle, on vous cherche par ici; venez avec nous.
MARIE. Pourquoi? Qui me cherche?
TIREFEUILLE. La demoiselle de Sauvières. Allons, venez!
MARIE. Vous vous trompez. Je connais le chemin, et personne ne m'attend.
TIREFEUILLE. Ça ne fait rien, on vous cherchait, nous autres! on a des
ordres pour ça. Marchez par ici.
MARIE. Moi, je ne reçois d'ordres de personne, je ne vous suivrai pas.
TIREFEUILLE. Pas tant de paroles! Voyons, vous voulez passer à l'ennemi;
le grand chef ne veut pas de ça.
MARIE. C'est M. Saint-Gueltas que vous appelez le grand chef?
TIREFEUILLE. Faut pas avoir l'air d'en rire. Marchez, ou vous êtes
morte. (Il la couche en joue.)
MARIE, dédaigneuse. Ah çà! vous êtes fous! Vous m'accusez de passer à
l'ennemi quand vous me voyez retourner au camp royaliste?
LA MOUCHE, à Tirefeuille. En v'là assez. Faut qu'elle marche, puisqu'il
le veut.
TIREFEUILLE, bas. Comment donc faire? Il a défendu qu'on y touche, et
elle n'a point peur des menaces. Tiens, la v'là qui s'échappe!
LA MOUCHE. Une balle aux oreilles, ça l'arrêtera, (Il tire un coup de
fusil. Marie court plus vite.)
TIREFEUILLE. Allons, faut l'attraper et l'emmener de force, tant pis!
(s'arrêtant.) Diable! qu'est-ce que c'est que ça?
LA MOUCHE. Les bleus! les bleus! Cachons-nous et tirons dessus quand ils
passeront.
MARIE, rejoint un groupe de gardes nationaux républicains qui s'avance
au galop. Sauvez-moi, je suis poursuivie!
CHAILLAC. Viens au milieu de nous, jeune citoyenne, et ne crains rien...
Tiens, c'est la citoyenne Hoche! une vraie patriote, mes amis; elle va
nous dire où sont les brigands... Quoi! qu'est-ce que c'est? elle est
évanouie?
MARIE, se ranimant. Non! j'ai couru si vite... ce n'est rien.
CHAILLAC. Alors, réponds, citoyenne! L'ennemi occupe Saint-Christophe?
MARIE. Vous voyez bien le drapeau blanc sur l'église.
CHAILLAC. Tu étais prisonnière, et tu t'évadais?
MARIE. Non.
CHAILLAC. Comment, non?... Pourquoi courait-on après toi?
MARIE. Je ne sais pas, un guet-apens, des bandits qui n'appartiennent à
aucun parti que je sache.
CHAILLAC. Allons, fouillez ces broussailles. Eh bien, les enfants de la
patrie hésitent?
MOUCHON. Dame! ils peuvent être plus nombreux que nous. (A marie.)
Combien sont-ils?
MARIE. Je n'en ai vu que deux; mais ne vous jetez pas dans ces buissons.
C'est là que vos ennemis sont invincibles parce qu'ils sont
insaisissables.
CHAILLAC. Alors, marchons sur la ville.
MARIE. Non, vous n'êtes pas en force. N'essayez pas cela.
CHAILLAC. Citoyenne, tu jettes l'alarme dans le conseil. Tu protéges
l'ennemi, tu étais avec lui, puisque tu n'étais pas prisonnière. On
connaît ton attachement pour certaine famille...
MARIE. Je ne le nie pas, mais je vous dis la vérité. Les insurgés sont
ici en force et sur leurs gardes.
MOUCHON, aux gardes nationaux. Elle a raison, je la connais, vous la
connaissez bien aussi; c'est la cousine de Hoche, elle ne voudrait pas
nous tromper; replions-nous sur Pont-Vieux et attendons-y du renfort. La
troupe doit arriver...
CHAILLAC. Citoyen Mouchon, je te retire la parole et je te défends de
démoraliser la garde civique que j'ai l'honneur de commander.--Toi,
citoyenne, tu es suspecte, et je te retiens prisonnière jusqu'à nouvel
ordre. Quant à nous, enfants de la patrie, nous n'avons pas à compter
l'ennemi, nous avons à le vaincre. En avant, et vive la République! (Les
gardes nationaux s'élancent en avant en chantant la _Marseillaise_.)

SCÈNE V.--Minuit. Dans la ville de Saint-Christophe, reprise par las
républicains.--Au milieu de la place, un feu de joie est allumé; les
gardes nationaux de Chaillac font brûler les meubles des citoyens
réputés royalistes.--La porte de l'église est ouverte. Des factionnaires
y surveillent les prisonniers.--Des volontaires et des réquisitionnaires
des localités environnantes, de toute condition, équipés militairement
de toute manière, s'agitent autour du feu ou devant les maisons,
demandant, achetant ou pillant des vivres, selon les ressources ou le
bon vouloir des habitants.--Les gens de la ville qui ne se sont pas
enfuis ou cachés montrent en général beaucoup d'empressement à fêter les
patriotes, qu'ils remercient de les avoir délivrés des brigands.--On
fait beaucoup de bruit, on crie, on jure, on chante, on menace, on rit;
on saisit avec peine les dialogues confus, croisés, interrompus.

UNE VOIX. Tiens, v'là Mouchon! Ohé! les autres! voyez donc, c'est
Mouchon de Puy-la-Guerche! Dans les volontaires! qu'est-ce qui aurait
jamais dit ça?
UNE AUTRE VOIX. La République fait des miracles, vous le voyez bien.
UN VOLONTAIRE DE PUY-LA-GUERCHE. Mouchon? vous ne le connaissez pas! Il
a chargé trois fois l'ennemi... à reculons!
MOUCHON. J'ai chargé en avant et en arrière, c'est la vérité; ma jument
est habituée à tourner le pressoir à cidre, il faut qu'elle aille en
rond. On croit qu'elle tourne le dos à l'ennemi? Pas du tout, la pauvre
bête, elle revient lui faire face.
LE VOLONTAIRE. Qu'on le veuille ou non, pas vrai?
MOUCHON, bas. Tu as tort de te moquer de moi, Pascal! Les volontaires de
Chaumonton vont nous mépriser. Ils font déjà assez d'embarras, parce
qu'ils sont mieux montés que nous!
PASCAL. Se moquer? Qu'ils y viennent! on leur répondra!
UN GARÇON COIFFEUR, avec émotion. Pas de rivalité, citoyens! Que toutes
les villes du Bocage fraternisent et s'embrassent! (Un blessé passe sur
un brancard.)
UN CLERC DE NOTAIRE. Tiens, mon patron! Qu'est-ce qu'il y a?
LE BLESSÉ. Il y a qu'on va me couper le bras, mon pauvre enfant!
Viens-tu voir ça?
LE CLERC. Sacredieu, non!... Si fait! je ne vous quitte pas dans la
peine, mais, sacredieu, c'est dur. Il faut que je vous aime bien!
LE BLESSÉ. Tu me tiendras et tu m'encourageras. As-tu ton fifre?
LE CLERC. Pardié, toujours!
LE BLESSÉ. Eh bien, tu m'en joueras un air pendant l'opération.
LE CLERC. Ça va!
MOUCHON. C'est tout de même avoir du coeur, de demander de la musique.
LE BLESSÉ. Et de donner son bras droit à la patrie? C'est assez gentil,
ça, pour un notaire!
LES ASSISTANTS. Vive le notaire! honneur au notaire!
DANS UN AUTRE GROUPE, composé de jeunes gens artisans et bourgeois. Les
hussards ne reviennent pas vite.
--Ils donnent toujours la chasse aux brigands?
--Ils reviennent. J'entends le galop de la cavalerie légère.
--S'ils amènent encore des prisonniers, où les mettra-t-on? L'église est
pleine.
--On fusillera tout ce qui a été pris les armes à la main, ça fera de la
place!
--Eh bien, et les royalistes de la ville?
--Ça ne nous regarde pas. Les républicains de la ville s'en chargeront.
--Faut pas se fier à ça! Dans les villes, on est tous parents ou
camarades. On ne se fait pas bonne justice soi-même.
--Qu'ils s'arrangent. Moi, j'aime pas les exécutions.
--Laisse-moi donc, toi! tu es encore un tiède, un modéré!
--Fiche-moi la paix et tâche, quand tu vas au feu, de n'être pas plus
modéré que moi.
LE GARÇON COIFFEUR. Citoyens, citoyens, pas de rivalité! que toutes les
villes fraternisent et s'embrassent!
D'AUTRES VOLONTAIRES, mêlés à des bourgeois de la ville. Quand je vous
dis que, sans la troupe, nous étions aplatis comme un tas de galettes?
--Peut-être bien; mais, quand on a vu paraître les plumets, quelle
charge à la baïonnette, hein? c'était comme la foudre!
--Jamais les brigands ne tiendront contre la troupe.
--Ils n'auraient pas tenu contre nous, si nous avions voulu; mais on a
des paniques, c'est ça qui gâte tout!
--Tiens, les Mayençais eux-mêmes en ont, des paniques. Les brigands,
c'est pas des ennemis comme les autres. A présent surtout, c'est à faire
trembler! Ils se battent en désespérés. Et puis ils sont devenus si
laids avec leurs habits en guenilles, avec leurs figures noires, leurs
grandes barbes, leurs yeux qui jettent du feu... On va dessus tout de
même; mais, quand on y pense après, on en rêve la nuit. C'est des
cauchemars!
--Y a Saint-Gueltas, le grand chef, c'est comme un sanglier!
--Tu l'as vu, toi? Tu es bien malin! Personne ne peut dire qu'il connaît
sa figure. Il est toujours habillé en malheureux, et il se bat dans les
buissons en simple brigand.
--Je l'ai vu, à preuve que je l'ai tenu au bout de mon fusil.
--Et tu l'as manqué, imbécile?
--Il avait les deux mains embarrassées. Il tenait deux recrues qu'il
étranglait. Il a pris le canon de mon fusil avec ses dents...
--Et il a avalé les balles? En voilà des bourdes que je n'avale pas,
moi!
LE GARÇON COIFFEUR, attendri. Citoyens, pas de rivalité...
--Oh! en voilà un qui m'ennuie: il dit toujours la même chose.
--Il est soûl comme un Polonais!
--Où diable ce mâtin-là a-t-il trouvé de quoi se soûler? Je n'ai pas pu
mettre la main sur un verre de cidre!
--Et moi donc! je n'ai même pas pu trouver le verre. J'ai bu à la
fontaine comme un veau.
--Savez-vous que Perrichon est tué, dans tout ça?
--Quel Perrichon? le bègue?
--Non, le tanneur, celui qui demeurait aux Viviers.
--Tant pis! c'était un bon; il laisse une femme et quatre enfants!
--Damnés brigands! j'en veux tuer cinq à la première affaire!
--Qu'est-ce qui crie comme ça?
--Des blessés qu'on ampute; ils n'ont pas l'habitude.
--Tiens! voilà Duchêne avec des vivres.
--Un chaudron de pommes de terre qu'on allait donner aux cochons: qui en
veut?
--Tout le monde! on est mort de faim!
UN BOURGEOIS DE LA VILLE, apportant un grand panier. Non, mes enfants,
ne mangez pas ça. La pomme de terre, c'est bon pour les animaux, c'est
malsain pour l'homme. Voilà du pain et de la viande.
--Vive le bon patriote!
--Patriote, moi? Je n'en sais rien... Je ne m'étais jamais occupé des
affaires publiques. Hier, les brigands ont maltraité et frappé ma pauvre
femme qui était en couches, et qui ne pouvait pas se lever pour les
servir. Elle est morte sur le tantôt. Tuez-les tous, ces chiens-là, et
mangez, mes bons amis, prenez des forces! Je vous apporte tout ce que
j'ai. Si vous vouliez de mon sang, je vous en donnerais.
D'AUTRES BOURGEOIS, apportant aussi des vivres. Citoyens, buvez et
mangez, et puis entrez dans l'église, et tuez tous les prisonniers, ceux
de la ville surtout! Si vous les laissez échapper, dès que vous aurez
tourné les talons, les aristocrates nous mettront à feu et à sang.
LE GARÇON COIFFEUR, buvant. C'est ça, que le Bocage fraternise et
s'embrasse!
UN VOLONTAIRE, à un autre volontaire. Diantre! tu as une belle montre,
toi! Où as-tu cueilli ça?
--Tiens, sur le champ de bataille. C'est la toquante à quelque
aristocrate, ça sonne, et il y a des armoiries dedans.
--Dis donc, faudra les gratter, c'est des signes prohibés.
--Eh bien, toi, qui as ramassé un reliquaire en or avec un bon Dieu
dessus, c'est prohibé aussi!
--Non, le sans-culotte Jésus est à l'ordre du jour.
--Ah! voilà qu'on fusille derrière l'église. Entendez-vous?
--Qui est-ce qui fait la besogne?
--C'est des paysans patriotes qui ont demandé à s'en charger.
--Diables de paysans! aussi enragés les uns que les autres!
--Dame! les brigands coupent par morceaux les femmes et les enfants de
ceux qui ne veulent pas s'insurger. Tout ça, c'est des dettes qu'ils se
payent entre eux!
--Qu'est-ce qui passe là avec Chaillac? Un beau jeune homme!
--Un lieutenant de hussards? C'est peut-être le jeune Sauvières.
--Oui, c'est lui. On me l'a montré tantôt. Un rude troupier, à ce qu'il
paraît!
--Eh bien, et son oncle qui commande une colonne de brigands? comment ça
s'arrange-t-il?
--Ça ne s'arrange pas.
DEUX AVOCATS, officiers de volontaires. Horrible guerre! voilà du sang
français qui coule sur le pavé.
--Cela vient de derrière l'église, oui! un ruisseau de sang froidement
répandu! Voe victis!
--Vous n'êtes pas navré de ces vengeances personnelles?...
--Si fait, mais ne parlez pas si haut. Il ne faudrait qu'un mot pour
nous envoyer derrière l'église aussi, nous autres! Regardez ces figures
pâles, ces yeux ardents... C'étaient des gens paisibles naguère, une
population douce, économe, honnête et laborieuse. A présent, tous sont
ivres, ils ont perdu la conscience du droit et le sens de la logique...
Prêts à pleurer de tendresse ou à égorger sans savoir pourquoi...
Très-bons au fond, qui le croirait? Très-enfants, aisément héroïques...
mais exaltés ou abrutis par des émotions trop fortes. La nature humaine
ne comporte pas ce degré d'excitation.
--La République en a trop appelé aux passions, je vous le disais bien!
--Que vouliez-vous qu'elle fît? _qu'elle mourût?_
--Non pas, mourons pour elle!
--Ce n'est pas difficile, allez! La vie est si triste à présent! Nos
enfants meurent de frayeur dans le ventre de nos femmes.

SCÈNE VI.--HENRI, CHAILLAC, à la porte de l'église.

HENRI. Cette jeune fille assise là-bas, près du mur..
CHAILLAC. Vous la connaissez-bien, c'est la citoyenne Hoche, votre amie
d'enfance.
HENRI. C'est pour cela que je la réclame. Elle porte un nom déjà
glorieux et qui donne d'assez belles garanties à la République. Comment
se trouve-t-elle au nombre des prisonniers?
CHAILLAC. Vous ne saviez donc pas qu'elle a suivi les insurgés?
HENRI. Si fait. Elle a agi ainsi contrairement à ses opinions.
CHAILLAC. Agir contrairement à ses opinions, c'est mal agir. J'aime
mieux les fanatiques que les traîtres.
HENRI. Ce n'est pas agir contre la République que de se sacrifier à
l'amitié.
CHAILLAC. Subtilités, citoyen Sauvières! Vous aussi, vous suivez vos
anciens amis, mais en les chargeant à coups de sabre. Je vous ai vu
travailler la bande de Saint-Gueltas tantôt. Vous alliez bien!
HENRI. Moi, je suis un homme. Les femmes ont d'autres devoirs.
CHAILLAC. Des devoirs contraires au salut de la patrie? Diable, non! Je
ne veux pas vous accorder ça, jeune homme.
HENRI. Si la générosité du coeur est un crime, accordez-moi la grâce de
cette jeune fille.
CHAILLAC. Je serais heureux de rendre hommage à un militaire tel que
vous, mais cela m'est impossible. La mauvaise herbe repousse sous la
faux révolutionnaire. Il faut l'arracher, tiges et fleurs; tant pis pour
la jolie fille! Je ne suis plus jeune, moi, Cupidon ne me chatouille
plus les yeux. Mademoiselle Hoche ira rendre compte de ses faits et
gestes au tribunal d'Angers.
HENRI. Mon capitaine va venir vous dire...
CHAILLAC. Je ne reconnais pas l'autorité de votre capitaine. Le
militaire n'a rien à voir dans nos affaires civiles. J'ai des pouvoirs
extraordinaires des délégués de la Convention. Mon mandat est d'envoyer
les suspects devant leurs juges naturels.
HENRI. Mais c'est de votre propre autorité que vous qualifiez de
suspectes et traitez comme telles les personnes qui vous inspirent de la
méfiance. Si vous vous trompez...
CHAILLAC. Je peux me tromper: errare humanum est! Le tribunal examinera,
je m'en lave les mains. Il s'est passé au château de Sauvières, en votre
absence, des choses que j'ai sur le coeur. On y a lâchement assassiné un
magistrat, un homme de bien que j'ai juré de venger!
HENRI. De venger sur la personne d'une pauvre enfant qui certes a eu,
comme mes parents, un tel crime en horreur?
CHAILLAC. Je suis un homme impartial. J'ai toujours rendu justice aux
vertus privées de votre oncle, et il fallait du courage pour ça, je vous
en réponds; mais sa conduite politique est impardonnable. Pardon, je
vous afflige, vous savez ça aussi bien que moi. Ceux qui, à partir de sa
défection, lui sont restés attachés sont gravement coupables à mes yeux.
Je ne leur ferai pas de grâce. N'essayez pas de m'attendrir.
HENRI. Au moins, vous interrogerez mademoiselle Hoche avant de l'envoyer
dans les prisons d'Angers?
CHAILLAC. Je l'ai interrogée. Elle protége les insurgés par son silence.
HENRI. Puis-je lui parler, moi?
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