Cadio - 02

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LE MOREAU, à Roxane. Madame, je n'ai pas encouragé cette panique
ridicule. Je ne l'approuve pas. Je vais essayer de la faire cesser. (Il
salue et sort avec dignité.)
ROXANE, à Rebec. Celui-ci, à la bonne heure! mais vous, monsieur
l'aubergiste,... c'est-à-dire toi, l'ancien brocanteur, si heureux
autrefois de te chauffer au feu de nos cuisines...
REBEC. Madame, je suis citoyen et adjoint à la municipalité... Parvenu
par mon mérite, je ne rougis pas de mes antécédents.
ROXANE. En attendant, monsieur l'adjoint, vous allez déguerpir de céans
et remporter vos guenilles.
LOUISE, bas, à Rebec. Laissez dire ma tante. Elle est vive, mais
très-bonne. D'ailleurs, mon père, qui n'a jamais refusé l'hospitalité à
personne, vient d'ordonner que la cour fortifiée et le donjon fussent
ouverts à quiconque voudrait s'y réfugier, et tant qu'il y aura de la
place...
REBEC. Merci, aimable citoyenne et noble châtelaine; vous avez bien
mérité de la patrie, et le donjon est bon! Merci pour le donjon! Je
vais, avec votre permission, y installer mon petit avoir.
LOUISE. Allez, monsieur Rebec. (Il sort.)
ROXANE. Ah! Louise, toi aussi, tu ménages ces animaux-là?
LOUISE. Il le faut, ma tante; je ne vois pas sans crainte mon pauvre
père s'en aller à la ville avec eux. Pour un soupçon, ils peuvent le
garder prisonnier, le dénoncer à leur affreux tribunal
révolutionnaire...
ROXANE. Il n'aurait que ce qu'il mérite!
LOUISE et MARIE. Ah! que dites-vous là!
ROXANE. C'est vrai, j'ai tort! Je ne sais ce que je dis, j'ai la tête
perdue!
MARIE. Il faut pourtant montrer un peu de courage! Vous aviez tant
promis d'en avoir!
ROXANE. J'en ai; oui, je me sens un courage de lion, si vraiment le
marquis Saint-Gueltas est à la tête de ces bandes! Un homme du monde,
galant, à ce qu'on dit!--Mais, si ce sont des paysans sans chef, des
enfants perdus, des désespérés,... s'ils mettent le feu partout,...
s'ils outragent les femmes... Et mon frère qui nous quitte!
MARIE. Pour quelques heures peut-être; s'il apprend à la ville que c'est
encore une panique....
ROXANE. Qui sait ce que c'est? Ah! je me sens toute défaite. Je n'ai pas
pris ma crème aujourd'hui.--L'ai-je prise? Je ne sais où j'en suis!
MARIE. Vous ne l'avez pas prise, et c'est l'heure. (Elle va pour
sonner.) Mais voici la petite Bretonne qui vous l'apporte. Elle est
exacte.

SCÈNE VI.--Les Mêmes, LA KORIGANE.

LA KORIGANE. Est-ce que vous vous impatientez? (Elle présente un bol de
crème à Roxane.)
ROXANE. Non, non, petite, c'est fort bien. (Elle boit.) Elle est
délicieuse, ta crème. Ah! ma pauvre enfant, nous voilà bien en peine! Tu
n'as pas peur, toi?
LA KORIGANE. Moi, peur? Et de quoi donc, mamselle?
LOUISE. Des brigands!
LA KORIGANE. Oh! ça me connaît, moi, les brigands! c'est tout du monde
comme moi!
ROXANE. Comme toi? Ah ça! où donc les as-tu connus?
LA KORIGANE. Oh! dame! dans tout le bas pays. Vous savez bien que j'ai
pas mal roulé de ferme en ferme et de château en château avant que
d'entrer chez vous. Vous m'avez prise parce que votre cousine, chez qui
j'étais en dernier, vous a envoyé des vaches brettes et moi par-dessus
le marché, comme le chien qu'on vend avec le troupeau. Elle ne tenait
pas à moi,--pas plus que moi à elle!--Elle m'a dit comme ça: «Tu es
mauvaise tête, tu ne souffres pas les reproches; mais tu sais soigner
les bêtes, et je vais t'envoyer avec les tiennes chez des dames
très-riches et très-douces.» Moi, j'ai dit: «Ça me va, de m'en aller.
J'aime à changer d'endroit, je ne restais chez vous qu'à cause des
vaches.» Et pour lors...
ROXANE. C'est bon, c'est bon, caquet bon bec! tu nous raconteras tes
histoires un autre jour. Remporte ta tasse.
LOUISE. Permettez, ma tante, elle a peut-être vu chez notre cousine du
Rozeray...
ROXANE. Eh! au fait!... elle recevait tous les chefs, la cousine!...
Oui, oui. Dis-nous, Korigane..., est-ce que tu as entendu parler là-bas
d'un personnage,... un certain marquis?...
LA KORIGANE. Un marquis! c'est Saint-Gueltas que vous voulez dire?
ROXANE. Justement! M. de la Roche-Brûlée. Tu l'as vu?
LA KORIGANE. Si je l'ai vu! vous me demandez si je l'ai vu?
ROXANE. Eh bien, sans doute; est-ce que tu ne te souviens pas?
LOUISE. Tu ne réponds pas, toi qui n'as pas l'habitude de rester court!
(A Roxane.) Elle a oublié.
LA KORIGANE, exaltée. Oublier Saint-Gueltas, moi! Mamselle Louise, si
vous voyez jamais cet homme-là quand ça ne serait qu'une petite fois et
pour un moment, vous saurez qu'on ne l'oublie plus, quand même on
vivrait cent ans après.
ROXANE. Ah! oui-da! tu me donnes envie de le voir.
LA KORIGANE, à Louise, la regardant fixement. Et vous, vous êtes
curieuse de le voir aussi?
LOUISE, embarrassée. De le voir?... Peu m'importe; mais on nous menace
de son arrivée dans le pays, et je voudrais savoir si nous devons nous
en réjouir ou... ou nous cacher?
LA KORIGANE, emphatiquement, naïvement. Pour la cause du bon Dieu et des
bons prêtres, réjouissez-vous, mesdames! Si Saint-Gueltas vient ici avec
ses bons gars du Poitou, de la Bretagne et de la Loire, car il y en a de
tous les pays qui le suivent, comptez que la sainte Vierge est à leur
tête, et que pas un républicain, pas un trahisseur, pas même un tiède,
ne restera sur terre. Quand Saint-Gueltas passe quelque part, c'est
rasé! c'est comme le feu du ciel!--Mais, pour votre sûreté à vous, mes
petites femmes, cachez-vous; cachez vos jupons roses et vos cheveux
poudrés, et cachez-les bien, car il sait dépister les jeunes comme les
mûres, les villageoises en sabots comme les bourgeoises en souliers et
les princesses en mules de satin! Oui, oui, cachez-moi tout ça, ou
malheur à vous!
LOUISE, à sa tante. Elle parle comme une folle! elle me fait peur!
ROXANE. Et moi, elle m'amuse. (A la Korigane.) C'est très-drôle, tout ce
que tu nous chantes là; mais explique-toi mieux. Il ne respecte donc
rien, ton fameux marquis?
LA KORIGANE. Il n'a pas besoin de respecter ni de pourchasser; il
regarde!... Oh! il vous regarde avec des yeux... C'est comme le serpent
qui charme sa proie. Alors, qu'on veuille ou ne veuille pas, il faut
penser à lui le restant de ses jours. Voilà ce que je vous dis, est-ce
clair, mamselle Louise? (Louise, troublée, s'éloigne avec un air de
dédain.)
MARIE, calme, souriant, à la Korigane. Parlez pour vous, ma chère
enfant!
LA KORIGANE. Pour moi?
ROXANE. Pardine! on voit bien que tu es amoureuse de lui.
LA KORIGANE. Amoureuse? Je ne sais pas, demoiselle! Je n'ai que seize
ans, moi, et j'ai déjà couru de pays en pays pour gagner ma pauvre vie.
J'aurais dû en apprendre long. Eh bien, je n'en sais guère plus que ces
demoiselles, puisque je ne sais pas si j'ai été amoureuse et si je le
suis.
ROXANE. A la bonne heure! On t'a prise comme une fille innocente, et
j'aime à voir que...
LA KORIGANE. Vous ne voyez rien! A l'âge de six ans, j'avais déjà un ami
que je suivais partout: c'était un champi comme moi. Je l'appelais mon
petit mari, et lui, il m'appelait sa petite soeur. Quand il a eu
dix-huit ans et moi quatorze, on s'est fâché, parce que je lui disais:
«Il faudra nous marier ensemble,» et que lui, il ne voulait ni amitié ni
mariage. Il était devenu comme fou; son idée, qu'il disait, c'était
d'être moine. Alors, la colère m'est montée aux yeux. Je lui ai jeté mes
sabots à la tête, et je me suis sauvée du pays, pieds nus, toujours
courant. Je n'avais ni amis ni parents; personne n'a couru après moi, et
j'ai été ici et là, n'aimant personne et toujours en colère, toujours
pensant à cet imbécile qui n'avait pas voulu m'aimer! J'y ai pensé
jusqu'au jour où j'ai vu Saint-Gueltas. Alors, j'ai toujours pensé à
Saint-Gueltas, et j'ai oublié l'autre.
ROXANE. Et Saint-Gueltas... a-t-il fait attention à toi?
LA KORIGANE. Je ne sais pas! Un jour, votre cousine du Rozeray m'a dit
des sottises et des injustices; j'ai bien vu qu'elle était jalouse...
ROXANE. Allons donc, impertinente! tu voudrais nous faire croire que la
comtesse...
LA KORIGANE. Oh! si vous vous fâchez, je ne dirai plus rien.
ROXANE. Si fait, parle encore; tu nous amuses, tu nous distrais.--Que
regardes-tu, Marie? est-ce que mon frère?... Il a promis de ne pas
partir sans nous voir.
MARIE, à la fenêtre. Il est là, mademoiselle. Je ne comprends pas... il
donne des ordres... La cour du donjon est pleine de gens de la ville...
LOUISE. Et mon père fait fermer les grilles. Veut-il les retenir
prisonniers?
ROXANE. Il fait bien, s'il fait cela. Ces drôles l'auront menacé! (A la
Korigane.) Va voir ce qui se passe et reviens nous le dire.
LA KORIGANE, à la fenêtre, sur laquelle elle grimpe. Oh! je vas vous le
dire tout de suite. Voilà d'un côté les républicains de la ville qui se
cachent, et... dans l'autre cour, mon doux Jésus! c'est les gens du roi
qui entrent! Je reconnais bien le drapeau.
ROXANE, effrayée. Les brigands! On va se battre, là, sous nos fenêtres!
LOUISE. Non, non, ils ne se verront même pas! Mon père vient ici avec un
chef.
ROXANE. Ah! qui est-ce? le marquis?...
LA KORIGANE, regardant. Ça? c'est Mâcheballe, le général des braconniers
du bas pays. Je n'en vois pas d'autre!
ROXANE. Mâcheballe, l'assassin, comme on l'appelle? Nous sommes perdus!
LA KORIGANE. Dame, s'il sait comment vous le traitez! Il vous croira
tournée au bleu, et il n'est pas tendre, je ne vous dis que ça!
LOUISE. Taisez-vous, taisez-vous, le voici!

SCÈNE VII.--Les Mêmes, LE COMTE, MACHEBALLE et une douzaine de Paysans
armés, dont le nombre augmente insensiblement et envahit le salon. Ce
sont gens de diverses provinces et quelques Vendéens nouvellement
recrutés par eux. LE CHEVALIER, LE BARON, LA TESSONNIÈRE, MÉZIÈRES,
STOCK. Plusieurs Vendéens, un peu mieux habillés ou mieux armés que les
autres et simulant une sorte d'état-major, entourent Mâcheballe. Ils ont
le chapeau ou le mouchoir sur la figure.

LE COMTE, (à Mâcheballe, qu'il introduit). Entrez ici, et parlez,
monsieur, puisque vous vous présentez au nom du roi, et que vos pouvoirs
sont en règle. J'écoute les paroles que vous m'apportez et que vous
voulez me dire en présence de mes hôtes et de ma famille.
MACHEBALLE. Eh bien, monsieur le comte, voilà. Je ne suis pas grand
parolier, moi, et la chose que j'ai à vous dire ne prendra pas le temps
de réciter un chapelet. Je suis devant vous, moi, Pierre-Clément
Coutureau, dit Mâcheballe, capitaine, commandant ou général, comme ça
vous fera plaisir, je n'y tiens pas; j'ai ma bande de bons enfants, je
la mène du mieux que je peux; si elle est contente de moi, ça suffit!
LES INSURGÉS. Oui, oui, vive le général!
MACHEBALLE. Vous voyez, ils veulent que je le sois! On verra ça plus
tard, quand on sera organisé; pour le quart d'heure, faut se réunir et
se compter. Et, depuis trois mois qu'on avance dans le pays, on a
emmené, chemin faisant, tous les bons serviteurs de Dieu et de l'Église.
On est donc déjà vingt-cinq mille, chaque corps marchant dans son
chemin. On n'est chez vous qu'une cinquantaine; mais, autour de vous,
dans les bois, il y a autant d'hommes que d'arbres, monsieur le comte!
et faudrait pas nous mépriser parce qu'on vous paraît une poignée. On
est venu ici en confiance...
LE COMTE. Il est inutile de menacer, monsieur; fussiez-vous seul, vous
seriez en sûreté chez moi!
MACHEBALLE. Alors, monsieur le comte, vous allez, je pense, rassembler
vos métayers, vos domestiques et tout le monde de votre paroisse, et
vous viendrez avec nous, pas plus tard que tout à l'heure, donner
l'assaut à la ville de Puy-la-Guerche?
LE COMTE. Non, monsieur, je ne le ferai pas, et je vous prie, je vous
somme au besoin, de vous retirer du district où j'ai le devoir de
commander la garde nationale.
MACHEBALLE, riant. Vous me sommez, au nom de quoi?
LE COMTE. Au nom du roi, monsieur.
MACHEBALLE. Comment donc que vous arrangez ça dans le pays d'ici?
LE COMTE. Dans le pays, on procède comme ailleurs au nom de la
République; mais avec vous j'invoque la seule autorité légitime que je
reconnaisse.
MACHEBALLE. Alors, comment que vous arrangez ça dans votre cervelle?
(Les Vendéens rient.) Comment donc prétendez-vous, au nom du roi,
m'empêcher de servir le roi?
LE COMTE. Chacun entend le service du roi à sa manière. Vous avez
méconnu la sainteté de sa cause en commettant des excès, des cruautés
sans exemple. J'ai fait honneur à ceux qui ont signé votre mandat en
écoutant vos ouvertures, et, maintenant que je les ai entendues, je les
repousse. La guerre que vous faites est un prétexte au pillage et aux
vengeances personnelles. (Murmures des insurgés. Le comte élève la
voix.) Elle me répugne, et je la condamne. Passez votre chemin. Quand un
chef royaliste digne de ce nom paraîtra devant moi, je verrai à
m'entendre avec lui, si je le puis sans trahir le mandat qui m'est
confié. (Murmures des insurgés.)
MACHEBALLE, irrité. Par le saint ciboire! je ne sais pas comment je vous
laisse dire tant de sacriléges! (Il met la main sur ses pistolets. Un de
ses hommes passe devant lui, et le repousse en arrière en lui disant
tout bas: «Assez! tais-toi. Laisse-moi faire!» Cet homme ôte son
chapeau. La Korigane s'écrie: «Saint-Gueltas!» Louise, qui s'est élancée
vers son père menacé, recule avec effroi. Roxane laisse aussi échapper
une exclamation.)
SAINT-GUELTAS. Saint-Gueltas, marquis de la Roche-Brûlée. Il paraît que
mon nom effraye les dames; mais vous, monsieur le comte, peut-être me
ferez-vous l'honneur de m'agréer comme le chef sérieux d'une force
considérable,... à moins que vous ne me jugiez indigne aussi de servir
le roi? C'est possible, si vous proscrivez la peine de mort! Moi,
j'avoue que je n'ai pas encore découvert le moyen de faire la guerre
sans exposer sa vie et sans compromettre celle des autres.
MACHEBALLE. Bien parlé! (Il explique tout bas les paroles de
Saint-Gueltas à quelques paysans bretons qui approchent.)
LE COMTE. Je sais, monsieur le marquis, le respect qui est dû à votre
bravoure, à votre dévouement et à votre habileté; mais vos sarcasmes ne
m'empêcheront pas de réprouver les atrocités de vos triomphes. Vous avez
pu être débordé...
SAINT-GUELTAS, baissant la voix et s'approchant de lui et des femmes.
Débordé! comment ne pas l'être dans une guerre de partisans comme celle
que nous faisons? Nous manquons de chefs, monsieur le comte, et je ne
puis être partout; mais nous commençons à nous organiser. Suivez le bon
exemple, donnez-le à ceux qui hésitent encore, et nos paysans
deviendront des soldats soumis à une discipline; c'est le devoir de tout
bon royaliste et de tout brave gentilhomme.
LE COMTE. Devant de si sages paroles, je ne puis que regretter vivement
les engagements que j'ai pris...
MACHEBALLE, bas, à Saint-Gueltas. Il vous refuse aussi?
SAINT-GUELTAS, bas, à Mâcheballe. Prenez patience. Je vous réponds de
l'emmener! (Haut, au comte.) Puis-je au moins adresser mes offres aux
personnes libres qui vous entourent? (Allant à Raboisson.) Voici un ami
qui ne me reniera peut-être pas?
RABOISSON, lui serrant la main. Non certes; mais tu sers les prêtres,
marquis, et, moi...
SAINT-GUELTAS. Je sais, je sais! (Il fait un signe à Mâcheballe, qui se
retire au fond du salon et jusque dans la pièce du fond avec les
Vendéens.) Mon cher baron, tu peux être tranquille. Je ne suis pas plus
bigot que toi. Je n'ai pas changé! Nous nous servons du mysticisme des
paysans; mais que les gens sages nous secondent, et nous remettrons à
leur place MM. les ambitieux et les démagogues de la soutane.
RABOISSON, bas. Bien... Alors, je grille de te suivre, car je m'ennuie
ici considérablement; mais comment faire?
LE CHEVALIER, bas, à Saint-Gueltas. Moi aussi, monsieur le marquis, je
brûle de vous suivre; mais nous sommes ici en quelque sorte prisonniers
sur parole.
SAINT-GUELTAS. C'est bien simple. Allez ce soir à Puy-la-Guerche, et
laissez-vous faire prisonniers par moi.
LE CHEVALIER. Il vaudrait mieux vaincre les scrupules de M. de Sauvières
et nous emmener tous ensemble.
RABOISSON. Oh! vous ne les vaincrez pas, ses scrupules!
LE CHEVALIER. A moins que sa fille ne nous aide! Elle pense bien, et
elle a de l'ascendant sur lui.
SAINT-GUELTAS. Sa fille?... (Regardant Marie, qui est plus près de lui
que Louise.) Est-ce cette aimable et douce figure, qui ressemble à un
sourire de soleil dans la tempête?
RABOISSON. Non. Celle-ci est mademoiselle Hoche, une orpheline sans nom
et sans avoir, recueillie par la famille. Elle pense mal, mais elle agit
bien.
SAINT-GUELTAS. Qui est celui-ci? (Il montre Stock, qui s'est approché de
lui avec hésitation.)
RABOISSON. Un sous-officier des gardes suisses échappé au massacre,...
M. Stock!
SAINT-GUELTAS, à Stock. Ah!... Et comment avez-vous fait, monsieur
Stock, pour survivre à la journée du 10 août?
STOCK, accent étranger prononcé. J'étais en garnison avec mon bataillon
sur la Loire.
SAINT-GUELTAS. Je veux le croire; mais que faites-vous ici quand votre
place est marquée depuis longtemps dans les rangs de ceux qui vengent la
mort de vos frères?
STOCK, avec dignité. Je vous attendais, monsieur.
SAINT-GUELTAS, lui tendant la main. Voilà une belle et bonne réponse,
monsieur Stock. Je vous enrôle, vous commanderez un détachement. (A
Raboisson montrant la Tessonnière.) Et celui-ci?
RABOISSON, bas. Le plus grand poltron de la terre. Je te défie de le
faire marcher.
SAINT-GUELTAS. Nous allons bien voir. (A la Tessonnière.) Monsieur est
certainement des nôtres?
LA TESSONNIÈRE. Oh! moi, je suis trop vieux pour guerroyer.
SAINT-GUELTAS. Pas plus âgé que M. Stock?
LA TESSONNIÈRE. Ma religion me défend de verser le sang.
SAINT-GUELTAS. Eh bien, monsieur, vous êtes un serviteur inutile ici. Je
vais vous employer, moi!
LA TESSONNIÈRE. A quoi donc, s'il vous plaît?
SAINT-GUELTAS. J'ai promis, en échange de plusieurs de mes braves tombés
dans les mains des bleus, de rendre un nombre égal de transfuges de la
République. Le nombre n'y est pas, vous le compléterez.
LA TESSONNIÈRE. Vous voulez me faire passer...? C'est m'envoyer à la
guillotine!
SAINT-GUELTAS. C'est vous envoyer au ciel. Choisissez, ou de verser le
sang des scélérats, ou de donner le vôtre à la bonne cause.
LA TESSONNIÈRE, éperdu. Je me battrai, monsieur, j'aime mieux me battre!
(Raboisson rit.)
LE COMTE. Je ne sais si la chose est plaisante, mais je la trouve
arbitraire et cruelle. Quels que soient les pouvoirs de M. le marquis,
je proteste contre toute contrainte exercée dans ma maison.
LOUISE, animée. Je m'y oppose aussi! Monsieur est notre parent, le plus
ancien de nos amis. Il est âgé, infirme. Brave ou non, je le respecte et
je l'aime. Personne ne lui fera violence ou injure tant qu'il me restera
un souffle de vie!
ROXANE, bas, à Louise. Le fait est qu'il agit ici un peu cavalièrement,
le héros!
SAINT-GUELTAS, (allant à Louise, la regarde avec insolence et menace;
tout à coup il se radoucit, et, avec une émotion toute sensuelle, il lui
prend et lui baise la main.) La beauté d'un ange et la fierté d'une
reine! Je vous rends les armes, mademoiselle de Sauvières! Attachez
votre mouchoir à mon bras en guise d'écharpe, je me regarderai comme
votre chevalier, et je sortirai d'ici sans emmener ceux que vous voulez
garder.
LOUISE. Vous me faites des conditions, monsieur? J'ai ouï dire que les
chevaliers n'en faisaient point aux dames.
SAINT-GUELTAS. Eh bien, exaucez une prière, ne refusez pas de me donner
un brassard; c'est un encouragement dû à un homme qui sera peut-être
mort dans deux heures; car je me bats, moi, de ma personne et corps à
corps, tous les jours et deux fois plutôt qu'une. Voyons, un bon regard,
une douce parole, un gage fraternel que j'emporterais au combat et qui
serait sans doute bientôt rougi de mon sang... Que craignez-vous donc en
me l'accordant? Ce n'est ni votre coeur ni votre main que je vous
demande. Est-ce qu'un homme dans ma position peut songer à enchaîner le
sort d'une femme? Nous ne nous marions plus, nous autres! nous n'avons
plus ni intérêts domestiques, ni joies de famille; nous sommes des
martyrs. Une femme de coeur comme vous doit nous comprendre, nous
estimer et nous plaindre, et, quand nous ne lui demandons qu'une larme
ou un sourire a-t-elle le droit de détourner les yeux avec terreur... ou
dédain?
LOUISE, émue. Eh bien, monsieur, voici mon gage! (Saint-Gueltas
s'agenouille pendant qu'elle le lui attache au bras.) Voyez-y la preuve
de mon enthousiasme pour la foi de mes pères, dont vous êtes le
champion. Il faut que cet enthousiasme soit immense pour me faire
oublier que vos victoires ont été souillées par des crimes!
SAINT-GUELTAS, bas, en se relevant. Aimez-moi, adorable enfant, et je
deviendrai miséricordieux! (Il s'éloigne.)
LA KORIGANE, bas, à Louise stupéfaite et comme éperdue. Ah! il vous a
regardée... il vous a parlé bas... Et voilà que vous l'aimez?
LOUISE. Taisez-vous, laissez-moi!
LA KORIGANE, jalouse. Je vous dis que vous l'aimez, demoiselle. Ce sera
tant pis pour vous, ça! (Louise se réfugie auprès de sa tante.)
RABOISSON, à Saint-Gueltas. La belle Louise n'a pas demandé grâce pour
nous; j'espère que tu ne renonces pas à nous tirer d'ici?
SAINT-GUELTAS, bas. La belle Louise vient de condamner son père à nous
suivre sur l'heure.
RABOISSON. Comment ça?
SAINT-GUELTAS. Parce que, pour emmener l'une, il me faut emmener
l'autre. Comprends-tu?
RABOISSON. J'ai peur de comprendre! Es tu déjà épris de mademoiselle de
Sauvières?
SAINT-GUELTAS. Comme un fou!
RABOISSON. Allons donc!
SAINT-GUELTAS. Quoi d'étonnant? L'amour naît d'un regard, et un regard,
c'est la durée d'un éclair.
RABOISSON. Diable! tu as dit que tu ne te mariais pas, et pour cause!
Mais cette fille est pure, son père est mon ami, et elle est fiancée à
un jeune cousin...
SAINT-GUELTAS. Un cousin, c'est de rigueur. On le fera oublier!
RABOISSON. Il défendra ses droits.
SAINT-GUELTAS. Les armes à la main? Eh bien, on le tuera. Allons au plus
pressé! (Il va au comte.) Monsieur de Sauvières, votre adorable fille
m'a donné une bonne leçon. Je suis devenu un sauvage dans cette guerre
sauvage; il faut pardonner à la rudesse de mes manières. Ces messieurs
(montrant Stock, le chevalier et Raboisson) m'ont déjà fait grâce; ils
viennent avec moi de leur plein gré.
LE COMTE. Alors, c'est de leur plein gré qu'ils me rangent sur la liste
des traîtres et m'envoient à la mort?
RABOISSON. Nous prendrons de telles précautions, que vous ne serez pas
compromis.
LE CHEVALIER. Moi, je rougis de ce que vient de dire M. de Sauvières!
LE COMTE. Monsieur...
LE CHEVALIER. Oui, monsieur, je ne comprends pas que vous persistiez
dans votre fidélité à l'infâme République!
LE COMTE. L'infâme République?... Elle a guillotiné vos frères, je le
sais; mais des hommes plus humains vous ont permis de trouver chez moi
un refuge; c'est donc à des républicains que vous devez la vie. Il ne
fallait pas accepter cela, car à présent vous ne pouvez pas l'oublier.
SAINT-GUELTAS, bas, à Raboisson, pendant que le comte et le chevalier
discutent vivement. Trop de principes! cet homme-là n'est bon à rien.
RABOISSON. Laissons-le, emmène-nous de force.
SAINT-GUELTAS. Je ne veux ni ne peux le laisser! mes gens
s'impatientent...
MACHEBALLE, qui s'est approché, à Saint-Gueltas. Eh bien, mille
tonnerres du diable! ça va-t-il bientôt finir, tout ça?
SAINT-GUELTAS. Il faut employer les grands moyens. Nos camarades
arrivent-ils?
MACHEBALLE. Ils sont là, dans la cour.
SAINT-GUELTAS. Qu'ils montent l'escalier! et n'oublie pas l'homme
habillé de toile.
MACHEBALLE. N'ayez peur! (Il sort.)
ROXANE, approchant de Saint-Gueltas. Mon frère est un trembleur, ma
nièce une enfant qui s'est fait prier pour un simple mouchoir! Moi, je
vous broderai une écharpe de satin blanc avec des fleurs de lis en or.
SAINT-GUELTAS. De l'or sur nos vêtements? Il en faudrait bien plutôt
dans nos caisses, madame!
ROXANE. Je suis demoiselle, monsieur!
SAINT-GUELTAS. Alors, pardon! Vous ne pouvez rien pour nous.
ROXANE. Si fait! je suis majeure!
SAINT-GUELTAS, ironique. Vraiment? Je ne l'aurais pas cru!
ROXANE, à part. Allons, il est charmant! (Haut.) J'ai dans une petite
bourse deux mille écus en or au service du roi.
SAINT-GUELTAS. Ce serait de quoi donner des sabots à nos gens qui vont
pieds nus dans les épines.
ROXANE. Pauvres gens! je cours vous chercher mon offrande. (Elle sort en
faisant signe à Marie, qui la suit.)
SAINT-GUELTAS, à Raboisson, qui a entendu leur colloque. Elle a des
économies?...
RABOISSON. Et le coeur sensible!
SAINT-GUELTAS. Bien, ma bonne femme! tu viendras avec nous, alors!
MÉZIÈRES, bas, au comte. Ils arrivent par centaines, monsieur! Il en
vient de tous les côtés sans qu'on les ait vus approcher; c'est comme
s'ils sortaient de dessous terre.
LE COMTE. Pourvu qu'ils ne pénètrent pas dans la cour du donjon!
MÉZIÈRES. Il n'y a pas de risque. J'ai mis ces pauvres bourgeois sous
clef, et ils se tiennent cois. Ils ont grand'peur.
LE COMTE, regardant vers la salle du fond et voyant entrer de nouveaux
groupes. Les insurgés entrent jusqu'ici?
MÉZIÈRES. Ils n'ont pas l'air de menacer, mais ils ne demandent pas la
permission. Et puis il y a les gens de la paroisse qui se rassemblent
autour des murailles et qui ont l'air de vouloir s'insurger aussi.
LE COMTE, allant à Saint-Gueltas et lui montrant la salle du fond, d'un
ton de reproche. Ceci a l'air d'une invasion, monsieur le marquis; je
n'ai pas coutume de recevoir si nombreuse compagnie dans les
appartements réservés aux dames.
SAINT-GUELTAS, qui a été vers l'autre salle. Ce sont des amis, de chauds
amis, monsieur le comte. Ils viennent d'emporter le bourg du Jardier, et
ils rejoignent ici leurs chefs afin de prendre les ordres pour ce soir.
LE COMTE. Les ordres... c'est d'attaquer ce soir Puy-la-Guerche?
SAINT-GUELTAS. Que vous comptez défendre? Libre à vous, monsieur le
comte! Si vous voulez rejoindre votre poste, un mot de moi va vous
ouvrir loyalement les rangs de ceux que vous acceptez pour ennemis;
mais, avant de prendre une détermination aussi grave, réfléchissez
encore un instant, je vous en supplie!
LE COMTE, haut. Et vous attendiez l'arrivée de ces nombreux témoins pour
donner plus d'importance à ma réponse?
SAINT-GUELTAS. Je ne le nie pas, monsieur le comte; le temps des
ambiguïtés de langage et de conduite est passé. Il y a un an et plus que
nous préparons tout pour une guerre en règle, à laquelle la guerre de
partisans a servi jusqu'ici de préambule. Elle éclate maintenant sur
tous les points de la Vendée. Jusqu'ici, l'argent nous a suffi pour nous
organiser. Ceux qui combattent comme moi y ont jeté leur fortune entière
avec leur vie. Ceux des gentilshommes qui n'ont pas voulu payer de leur
personne nous ont donné une année de leur revenu.
LE COMTE, élevant la voix. Moi, monsieur, j'en ai donné deux, et je l'ai
fait volontairement.
SAINT-GUELTAS. Personne ne l'ignore, et c'est cette noble libéralité qui
rend votre position fausse et impossible à soutenir. Vous ne pouvez
payer les frais de la guerre contre vous-même. D'ailleurs, ces généreux
sacrifices, ces utiles secours, ne suffisent plus. Il faut des bras à la
sainte cause, des bras nouveaux et des coeurs éprouvés. Il faut des
soldats, il faut des officiers surtout. Vous avez servi, vous avez des
talents militaires; vous êtes encore jeune et robuste, vous disposez
d'anciens vassaux aujourd'hui vos métayers et vos serviteurs dévoués,
lesquels, nous le savons, ne demandent qu'à marcher sous vos ordres.
Écoutez! écoutez-les qui vous réclament. (On entend au dehors des
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