Cadio - 19

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MOTUS. Le lieutenant est jeune; il aura perdu la tête, il aura mal
entendu.
HENRI. Où peuvent-ils être? Avec eux, rien ne serait perdu encore.
CADIO. Attention! voilà l'ennemi qui se décide.
HENRI. Saint-Gueltas est à leur tête?
CADIO. Je ne le vois pas. Le lâche n'ose pas se montrer.
LA KORIGANE. Saint-Gueltas est prisonnier des chouans. Ils ne veulent ni
paix, ni trêve, ni affaires d'honneur en dehors de leurs intérêts.
CADIO. Qui donc les a avertis?
LA KORIGANE. C'est moi.
CADIO. C'est toi qui as fait massacrer la moitié de mes braves soldats?
Ah! maudite, je te reconnais là.
LA KORIGANE. Je ne croyais pas qu'ils vous attaqueraient. Ils ne le
voulaient pas; quand ils ont vu que vous étiez si peu...
HENRI, qui regarde par le contrevent. Un parlementaire, attendez! (Il le
couche en joue.) Parlez d'où vous êtes, n'approchez pas.
UNE VOIX DU DEHORS. Rendez-vous! Saint-Gueltas vous fait grâce.
HENRI. Saint-Gueltas? Qu'il se montre d'abord!
LA VOIX. Il ne viendra pas.
CADIO. Il a peur?
LA VOIX. Il n'est pas le maître.
HENRI. S'il n'est pas le maître, il ne peut rien promettre.
Retirez-vous!
LA VOIX. Nous vous ferons grâce, nous. Sortez!
HENRI. On la connaît, la grâce des chouans! Allez au diable!
LA VOIX. Moi, je réponds de tout, allons!
CADIO. Non.
LA VOIX. Vous ne voulez pas?
MOTUS. Allez vous faire... (Un groupe de chouans cachés sous la halle de
la place derrière des planches tire sur la fenêtre, qui se referme à
temps. Cadio tire sur le faux parlementaire.)
MOTUS. C'est bien, il est salé, le traître!
LA KORIGANE. Mort? Bien, Cadio!... C'était Tirefeuille, ton assassin,
j'ai reconnu sa voix. (Combat. Les chouans inondent la place et tirent
sur la maison. Henri, Cadio et Motus, protégés par les sacs de farine,
tirent par le contrevent, dont le haut est bientôt criblé par les
balles.)
MOTUS, à Henri. Mon colonel, baisse-toi plus que ça. Voilà le bois de
chêne percé en dentelle.
HENRI. Ils visent de trop bas, leurs balles vont au plafond; tiens, le
plâtre et les lattes nous tombent sur la tête.--Louise, ôtez-vous,
allez-vous-en.
LOUISE. Qui vous passera vos fusils?
LA KORIGANE. Moi.--Défends-toi, Cadio.
CADIO, sans l'écouter. Ah! les voilà qui montent sur le toit de la
halle! Ils vont pouvoir ajuster!
MOTUS. Bouchons la fenêtre. Tirons au hasard entre les sacs, puisque les
munitions ne manquent pas.
CADIO. Le hasard ne sert pas les hommes! Ôtez-vous de là, Henri!
Ôte-toi, Motus! inutile de succomber tous trois à la fois. Chacun son
tour, ça durera plus longtemps! Je commence. (Il se présente à la
fenêtre, dont le contrevent vole en éclats, vise tranquillement et
tire.) En voilà un! Vite un autre fusil; deux! J'en aurai abattu six
avant qu'ils aient rechargé, (Il continue, tous ses coups portent, les
chouans hurlent de rage.)
MOTUS. Mon capitaine, en voilà assez. C'est à moi!
CADIO, qui change toujours d'arme et qui tire toujours. Non! pas toi! Je
ne veux pas!
MOTUS. Je sais que je dois y passer aujourd'hui!
CADIO. Tu es fou!
HENRI. Assez, Cadio! Laissons-les user leurs munitions. Il faudra bien
qu'ils viennent à la portée de nos sabres.
CADIO. Des munitions? Ils n'en ont plus. Voyez, ils vont nous donner
l'assaut. Les voilà sur l'escalier!
HENRI. Alors, feu par la fenêtre! tous les trois! (Ils tirent pendant
que les chouans battent la porte, qui résiste, et attaquent la fenêtre à
coups de pierres. Motus et Henri se réfugient derrière la barricade.
Cadio reste exposé sans paraître s'en apercevoir.)
LOUISE, au seuil de l'autre chambre. Cadio! c'est trop de courage! De
grâce...
CADIO, qui tire toujours. Vous m'avez dit de vous défendre et de vous
venger! Je vous défends aujourd'hui, je vous vengerai demain.
LOUISE. Vous périrez ici, ôtez-vous...
CADIO. Non! je suis invulnérable, moi! Tenez, ils se lassent!
HENRI. Et ils abandonnent l'assaut de la porte! Que veulent-ils faire?
CADIO. Ils reviennent avec des échelles! Ils croient donc que nous
n'avons plus de balles?
HENRI. Laissons-les monter un peu.
MOTUS. Oui, les voilà sous la fenêtre. Ils appliquent l'échelle...
Rendons-leur les pierres qu'ils nous ont envoyées. Tenez, chiens
maudits, reprenez vos présens!
CADIO. Dix sur l'échelle! Voilà le moment. A toi, Motus, pousse! moi, je
tire sur ceux qui la tiennent. (Henri et Motus poussent de côté
l'échelle, qui tombe avec ceux qu'elle porte. Malédictions et
rugissemens des chouans.) Les voilà qui se décident enfin à mettre le
feu. Tant mieux! les gens du village, qui se cachent, vont tomber sur
eux pour défendre leurs maisons.
MOTUS. Ils n'oseront pas, mon capitaine! Sans te contredire, on pourrait
bien nous enfumer ici comme des jambons de Mayence. Je crois, sauf ta
permission, que ce serait le moment de faire une belle sortie et de les
sabrer comme qui fauche.
HENRI. Oui, à cause des femmes, il ne faut pas braver l'incendie.
Sortons par la cuisine;... ces dames auront le temps de se faire
reconnaître pendant qu'ils abattront la barricade.
LOUISE. Ne pensez pas à nous, fuyez!
CADIO. Moi? Non pas! je vais faire le tour de la maison et les sabrer
par derrière. Si tous mes hommes sont morts, il faut que je meure ici!
HENRI. Sois tranquille, tu ne mourras pas seul!
MOTUS. Non, fichtre! j'en suis pareillement à mes supérieurs! (Ils se
serrent tous trois la main précipitamment et vont à la cuisine.)
JAVOTTE, prenant une broche. Ils sont quelques-uns dans la ruelle: je
vais vous aider!
LOUISE, à la Korigane. Je veux mourir avec eux! Toi, lave-toi de tes
péchés, sauve ma tante, parle à ces furieux.
LA KORIGANE. Je vous sauverai tous à cause de vous et de Cadio! (Allant
à la fenêtre. Parlant breton.) Les bleus! les cavaliers bleus! Là-bas,
voyez, ils reviennent! Courez-leur sus, mes amis! Ici, il n'y a plus que
des femmes prisonnières! (Les chouans reculent, hésitants et agités.)
CADIO, qui était déjà au fond de la cuisine, revenant. Qu'est-ce qu'elle
dit? Nos cavaliers reviennent?
HENRI, revenant aussi. Alors, il faut tenir bon encore cinq minutes!
LA KORIGANE. Non, j'ai menti, ils ne reviennent pas. Sauvez-vous tous;
moi, je reste.
CADIO. C'est à présent que tu mens! Ils reviennent, je les vois!
MOTUS, regardant aussi. Les voilà! Ils sont encore au moins cent, mais
dispersés!
LA KORIGANE. Et les chouans sont au moins mille. Vous êtes perdus! fuyez
donc! vous avez le temps. Les chouans vont à leur rencontre, ils
s'éloignent...
MOTUS. Sans te commander, mon colonel, si je sonnais le ralliement...,
ça donnerait du coeur et de l'ensemble aux camarades.
HENRI. Oui, oui, dépêche-toi! (Motus saute sur la fenêtre et sonne le
ralliement. Tirefeuille, étendu par terre, auprès de la halle et
mortellement blessé, se relève sur ses genoux, ramasse son fusil et
ajuste Motus. Cadio, qui l'a vu, repousse Motus, et, s'élançant devant
lui, recule et tombe.)
MOTUS. Ah! malheur! mort pour moi!
CADIO. Non, blessé enfin! C'est bon signe! Achève ta fanfare, tu ne
risques plus rien! (Louise et Henri ont couru à Cadio, qui se relève sur
ses genoux et se trouve aux pieds de Louise. Elle étanche le sang de son
front avec son mouchoir.)
LOUISE, éperdue. Ah! pauvre Cadio! Est-ce qu'il va mourir?
CADIO. Je n'aurai pas cette chance-là de mourir où me voilà!
JAVOTTE, lavant la blessure. Je crois que ça n'est rien; la balle a
ricoché.
MOTUS. Non, ce n'est rien; mais assieds-toi, mon ami.
CADIO, serrant le mouchoir de Louise autour de son front et reprenant sa
coiffure militaire. Non, c'est le moment de sortir et de sabrer.
MOTUS, qui a achevé sa fanfare. Fais excuse, mon capitaine. Les chouans
sont refoulés... ils reviennent sur la place... Ah! nos braves
cavaliers, comme ils y vont! Tirons encore sur les chouans!
HENRI, qui a saisi un fusil. Oui! Nous leur ferons d'ici plus de mal que
de plain-pied. (Le combat recommence. Les cavaliers, arrivés en
chargeant sur la place, sabrent et écrasent les chouans, qui fuient en
désordre dans les rues adjacentes, mais qui reviennent bientôt en voyant
le petit nombre de leurs adversaires. Henri, Cadio et Motus ont défait
la barricade et se sont élancés sur l'escalier. Un hourra de leurs
cavaliers les salue; mais plusieurs tombent. Les chouans se jettent dans
les jambes des chevaux, les éventrent à coups de couteau et égorgent les
hommes renversés ou les emportent sous la halle pour les mutiler. Louise
et sa tante, muettes d'horreur et d'effroi, sont à la fenêtre. La
Korigane a disparu. Javotte, armée d'une hache, frappe ceux qui
approchent de l'escalier. Henri, Motus et Cadio l'ont descendu; mais,
séparés par la mêlée du reste du détachement, ils sabrent sans pouvoir
avancer. La petite troupe républicaine diminue à vue d'oeil. On se bat
corps à corps avec furie. Tout à coup, le canon retentit à quelque
distance. Le premier coup est à peine entendu au milieu des clameurs de
la lutte. Au second, un instant de profond silence.)
LES CHOUANS. Victoire! c'est les Anglais! _Vive le roi!_
LES BLEUS, Henri en tête. C'est le général Hoche! _Vive la République!_
(Une troupe de paysans sans armes et revenant du marché avec des femmes,
des enfants et des troupeaux, arrive éperdue en criant: _Les bleus!
c'est les bleus! nous les avons vus, nous autres!_ Leurs boeufs et leurs
charrettes achèvent de mettre la confusion et d'écraser les blessés et
les cadavres. En un instant, la place est jonchée de paniers de
volailles et de fromages que les chouans arrachent ou ramassent en
fuyant et en criant en breton: _Sauve qui peut!..._ Les cavaliers et
leurs chefs leur donnent la chasse; Louise, Roxane et Javotte sont sur
l'escalier.)
REBEC, reparaissant sans qu'on sache d'où il sort. Victoire!
JAVOTTE. C'est pas tout ça, on est vainqueur, mais y a du mal! Courons
aux blessés!
ROXANE. Oui, oui, secourons ces braves républicains! Où vas-tu, Louise?
LOUISE. Leur chirurgien n'a pas été tué, je le vois là-bas... Je cours
me mettre à sa disposition.
REBEC. Non, aidez-moi à organiser ici l'ambulance! Javotte, ma mie...
JAVOTTE. Je ne suis plus votre mie, vous vous êtes caché quand je me
battais, vous n'êtes pas un homme!

SCÈNE XV.--LOUISE, MARIE, HENRI. (Pendant qu'on apporte et soigne les
blessés, une chaise de poste percée de balles arrive au galop sur la
place, avec une escorte de gendarmes volontaires dont quelques-uns sont
blessés.--Marie s'élance sur l'escalier. Louise se jette dans ses bras.)

Louise. Ah! mon amie, mon ange! (Elle sanglote. Roxane embrasse Marie en
pleurant aussi.)
MARIE. Je viens à vous au hasard, et la Providence m'a conduite. Nous
avons rencontré les chouans, nous avons traversé leurs balles.
Heureusement, ils n'en avaient presque plus. Ils fuient en désordre.
Toute la population royaliste se réfugie dans la presqu'île. Nous voilà
pour aujourd'hui en sûreté; mais, mon Dieu, comme on s'est battu ici! Où
peut être Henri?
LOUISE, lui montrant Henri qui arrive au galop avec Cadio et Motus.
Regarde!
HENRI, saute de son cheval et court baiser les mains de Marie. Comme
toujours, vous êtes l'envoyée du ciel! Serrez la main du capitaine
Cadio, et remontez en voiture avec vos amies. Regagnez Auray avant la
nuit. Louise ne doit pas rester un instant de plus ici. Elle vous dira
pourquoi!


NEUVIÈME PARTIE
16 juillet 1795.--Onze heures du soir, au bout de la presqu'île de
Quiberon.--Un hameau à la côte.--Des paysans et des chouans bivaquent ou
campent par groupes sur la grève parmi les rochers.--Un chouan fait
cuire une volaille à peine plumée au feu d'une cantine, quelques autres
l'entourent et causent à voix haute.

SCÈNE PREMIÈRE.--Chouans, Paysans, un Officier anglais, un Émigré,
Femmes.

LE CHOUAN, (dans un dialecte.) Oui, oui, on a été entraîné, poussé comme
des moutons dans une foire. Qu'est-ce que vous voulez! encore une
panique de ces imbéciles de paysans!
UN PAYSAN, qui passe, dans un autre dialecte. De quel pays donc que vous
êtes, vous? Vous ne vous croyez plus paysans, parce que vous avez des
armes et que nous n'en avons point?
LE CHOUAN. Il fallait en demander à ceux qui en donnaient, mais vous
avez mieux aimé les vendre que de vous en servir, et ça ne vous a sauvés
de rien. Vous voilà ici comme nous!
LE PAYSAN. Peut-être bien qu'on s'en serait mieux servi que vous autres,
qui vous êtes sauvés les premiers, après avoir saccagé notre village.
LES AUTRES CHOUANS. Qu'est-ce qu'il dit, celui-là?
LE PREMIER CHOUAN. Il nous insulte!
UN AUTRE, au paysan. Prends garde qu'on ne te mette en travers du feu,
toi! Tu m'as l'air d'un républicain honteux!
D'AUTRES PAYSANS, s'approchant. Qu'est-ce qu'il y a? Voyons!
LE PREMIER PAYSAN. C'est ces voleurs-là qui nous ont pillés tantôt, et
qui mangent nos poules pendant que nous irons nous coucher sans souper.
UNE FEMME. Vous dites plus vrai que vous ne pensez. Voilà mon panier, je
le reconnais bien, et les plumes de ma poule jaune. Rendez-la-moi, vous
autres, j'ai mes enfants là-bas qui crient la faim!
LE CHOUAN. Eh bien, viens donc un peu ici la débrocher de ma baïonnette,
ta méchante poule de deux sous! tâche!
LA FEMME, aux paysans. Vous n'avez point de coeur si vous laissez
malmener comme ça le monde de votre endroit!
UN PAYSAN. Oui! Il faut qu'on nous rende ce qui est à nous. Ces gueux-là
m'ont volé mes deux moutons, à moi!
UN DES CHOUANS. Ça n'est pas nous, mais ça ne fait rien, on répond les
uns pour les autres. Tout ce que le chouan trouve est à lui. Tenez-vous
tranquilles, les amis! C'est nous qui défendons le pays, nous avons
droit à tout ce que vous avez.
UN AUTRE PAYSAN. Vous défendez le pays, vous? Eh bien, vous n'en
défendez ni long, ni large, puisque nous voilà, grâce à vous, sur un
pays grand comme la langue d'un chien et fait de même.
UN DES HABITANTS DE LA PRESQU'ÎLE. C'est vous qui êtes des langues de
chien, dites donc! Vous venez ici nous gêner et nous affamer, et vous
méprisez notre endroit par-dessus le marché! (Aux chouans.) Cognez-les
donc, vous autres, on va vous aider! (Les chouans et les paysans se
battent. Les femmes éperdues accourent pour soutenir leurs maris. Les
enfants se réfugient dans les rochers en pleurant et en criant. Une
patrouille de la garnison anglaise arrive et sépare avec peine les
combattants. Ne pouvant se faire comprendre, les soldats anglais les
frappent et les menacent.--Un vieil émigré à cheval accourt et se fait
expliquer la cause du tumulte.)
UN OFFICIER ANGLAIS, qui parle français. C'est comme cela dans tout le
fond de la presqu'île, monsieur, on se bat pour les vivres et on en
manque.
L'ÉMIGRÉ, à un paysan. Est-ce qu'on ne vous a pas fait une distribution
de riz ce soir? L'ordre a été donné...
UNE FEMME. On a donné l'ordre, oui, mais la nourriture, point! Voilà
vingt-quatre heures que nos pauvres enfants se nourrissent de quelques
méchants coquillages, et pour les avoir ils font comme nous, ils se
battent!
L'ÉMIGRÉ, à l'officier. Ceci est intolérable, monsieur! Il y a chez vous
une indifférence, ou un désordre....
L'OFFICIER. Oh! monsieur, adressez-vous à l'administration, cela ne me
regarde pas. Je suis chargé de la police et non des vivres.
L'ÉMIGRÉ. Vous ne faites pas mieux l'un que l'autre!
L'OFFICIER. Est-ce à moi personnellement, monsieur, que vous adressez
cette réprimande impertinente?
L'ÉMIGRÉ. Vous? Je ne vous connais pas; mais prenez-le comme vous
voudrez!
L'OFFICIER. Vous me rendrez raison de cette parole, monsieur?
L'ÉMIGRÉ. Quand vous voudrez, monsieur!
UN PAYSAN, qui les a écoutés, parlant à ses compagnons. Voilà comme ça
se passe ici! On se bat, nous autres, parce qu'on a faim, et les chefs
se battent parce qu'ils ne s'aiment point. On nous a trompés, les amis!
Anglais et Français ne pourront jamais marcher ensemble.
UNE FEMME. En attendant, nous voilà dans le grand malheur, et ça n'est
pas la faute des uns ni des autres, si ces vaisseaux-là n'ont point
apporté de quoi nourrir tout un pays qui se jette sur eux, au lieu de
marcher en avant. M'est avis que nous avons fait comme les oiseaux
affamés qui s'acharnent sur la mangeaille pendant que le vautour tombe
sur eux.
UNE AUTRE FEMME. Dites donc plutôt que nous avons été sottes de nous
sauver devant les républicains! Ils ne nous auraient point fait de mal.
Et quand même ils nous auraient pris nos denrées, ils nous auraient au
moins laissé nos maisons! A présent, nous voilà ici, couchant sur la
terre, à la franche étoile, comme des animaux, manquant de tout, et ne
pouvant plus sortir de ce méchant bout de rochers ou les bleus nous
tiennent bloqués, Dieu sait pour combien de temps!
UNE AUTRE. Faut essayer d'en sortir! A quoi ça leur sert-il, de nous
bloquer?
LA PREMIÈRE. Ça leur sert à affamer les Anglais et les émigrés, et ils
nous tiendront là jusqu'à tant qu'on soit nus comme la pierre et plats
comme le varech.
L'AUTRE. Faut donc que nos pauvres enfants payent tout ça?
UNE VIEILLE FILLE. C'est vos hommes qui devraient vous délivrer; s'ils
ne le font point, c'est des lâches!
L'AUTRE FEMME. Ah! oui, nos hommes! fallait qu'ils ne se sauvent point
les premiers quand on est entré ici; c'est eux qui nous ont donné la
grand'peur... Mais les hommes! c'est ce qu'il y a de plus capon!
UN HOMME. Vous dites des bêtises! les femmes, c'est ce qu'il y a de plus
pleurard et de plus décourageant! Taisez-vous!
LES FEMMES. On se taira si on veut! (Les hommes et les femmes se
disputent. Les chouans se moquent d'eux. On recommence à se battre. Les
habitants se renferment chez eux en maudissant les intrus.)

SCÈNE II.--RABOISSON, SAINT-GUELTAS. (Ils se promènent en causant, sur
la laisse de mer, un peu plus loin.)

RABOISSON. Ainsi, tu es sûr qu'elle n'est point ici?
SAINT-GUELTAS. J'ai parcouru tous ces hameaux, je ne l'ai pas trouvée.
Il n'en faut plus douter, les républicains l'ont emmenée de Carnac, et
me voilà séparé d'elle, bravé et raillé par M. Cadio, accusé de trahison
par Sauvières, bloqué ici parmi des gens qui me sont hostiles, sous la
protection des Anglais, que je ne crois pas sincères.
RABOISSON. Quant au dernier point, tu es injuste: ils font pour nous ce
qu'ils peuvent; mais nos divisions, nos jalousies, l'incapacité de nos
chefs et le découragement de nos partisans, sans compter la
malencontreuse arrivée de ces paysans effarés et affamés, voilà ce que
nos alliés ne pouvaient prévoir et ne peuvent empêcher. Voyons, il faut
demander une barque, et à tout risque nous faire conduire à la côte. Les
républicains ne sont pas partout, que diable! et nous trouverons bien
moyen de rejoindre Vauban ou quelque autre corps en rase campagne.
SAINT-GUELTAS. Libre à toi d'aller te mettre sous les ordres de M. de
Vauban ou de M. Georges; mais Saint-Gueltas ne reçoit pas d'ordres, il
en donne.
RABOISSON. L'orgueil n'est pas de saison dans un moment aussi critique.
Je servirai comme simple soldat, si je sers ainsi à quelque chose. Toi,
tu retrouveras d'autres bandes de chouans qui probablement t'appellent
et te cherchent.
SAINT-GUELTAS. Commander à des chouans? Non, plus jamais! J'aimerais
mieux une armée de peaux-rouges ou de cannibales. Jamais je ne leur
pardonnerai d'avoir porté la main sur moi! J'ai été forcé d'en tuer
trois ou quatre; après quoi, écrasé sous le nombre...
RABOISSON. Il y a là quelque chose d'inexpliqué. Que ne te
laissaient-ils tuer Cadio?
SAINT-GUELTAS. Tu ne les connais pas! ils ont contre le duel la même
prévention que contre les combats à découvert. Tout ce qui est lutte à
force égale répugne à leur lâcheté. Ils n'ont pas voulu me laisser
tenter le diable, comme ils disent.
RABOISSON. Mais qui leur a dit que tu allais te battre en duel?
SAINT-GUELTAS. Je m'en doute. Je le saurai plus tard! Un ennemi, frêle
comme une guêpe, mais comme elle obstiné et venimeux, me harcèle et me
poursuit depuis quelque temps! Je l'ai longtemps supporté et ménagé par
pitié,... par superstition peut-être! Oui, je me figurais que cette
Korigane, au sobriquet bien trouvé, était mon porte-bonheur, une sorte
de petite étoile rouge chargée de présider à ma sanglante destinée et
d'entretenir de son souffle infernal le feu de ma volonté dans les
situations extrêmes; mais elle a été trop loin, je n'ai pu la suivre, je
l'ai reniée et chassée. À présent, elle s'est tournée contre moi, et
rien ne me réussit plus!
RABOISSON, haussant les épaules. Tu baisses, mon pauvre marquis! Tu ne
crois pas en Dieu, je t'en offre autant; mais te voilà croyant au
diable, c'est le commencement de la dévotion.
SAINT-GUELTAS. L'homme le mieux trempé a beau compter sur lui-même,...
il a besoin d'invoquer quelque mystérieuse influence... Tiens! l'autre
nuit, j'ai eu, moi qui te parle, des visions effroyables! Ces brutes de
chouans, ne pouvant me décider à marcher contre Sauvières, ne voulant
pas comprendre que sa loyauté engageait la mienne, effrayés de la menace
que je leur faisais de me tourner contre eux, s'ils me laissaient libre,
m'avaient jeté dans une cave. J'avais lutté comme un taureau pour me
défendre de cet opprobre. Laissé là tout seul, sans armes, avec mes bras
meurtris qui ne pouvaient me délivrer, je me suis évanoui brisé de
fatigue, étouffé de rage; c'est la première fois de ma vie que ma force
physique m'a fait défaut, que ma persuasion a échoué, et que mon
autorité a été méconnue. J'étais si accablé, que je n'ai rien entendu de
ce qui se passait au-dessus de ma tête, dans ce village où l'on s'est
battu avec fureur. Quand je me suis éveillé de cette léthargie, il
faisait nuit. Un silence lugubre régnait partout, j'étais dans les
ténèbres, je ne me rappelais plus rien. Je me suis cru enterré vivant
avec d'autres cadavres qui m'apparaissaient dans la lueur glauque de
l'hallucination. J'ai vu le cadavre du pauvre enfant, qui me regardait
avec ses yeux hébétés et son rire affreux. J'ai vu la folle, qui rampait
le long des murs humides et qui traversait la voûte en volant comme une
chauve-souris. J'ai eu peur, oui, moi, j'ai eu peur!... Une sueur froide
glaçait mes membres. Enfin, j'ai surmonté ce cauchemar, j'ai commandé à
mon énergie. J'ai tordu et arraché les barres de fer du soupirail, je
suis sorti! J'ai erré dans le village sans y rencontrer un visage ami.
Les habitants s'étaient renfermés chez eux. De la maison de Rebec
convertie en ambulance partaient les gémissements des blessés. Quelques
soldats républicains les gardaient. J'ai écouté, caché dans l'ombre. Les
officiers étaient partis pour rejoindre un des corps de Hoche avec
quelques hommes valides. De Louise, de sa tante et de la Korigane, je
n'ai rien pu apprendre, sinon qu'elles n'étaient plus là. J'ai pensé
qu'elles avaient été entraînées ici par les fuyards, car les bleus
parlaient d'une panique qui avait refoulé sur Quiberon chouans et
habitants du rivage pêle-mêle. J'ai traversé miraculeusement les
avant-postes républicains, cherchant à apercevoir quelque barque
anglaise que je pusse héler et joindre à la nage. N'en voyant aucune,
j'ai longtemps marché sur le sable, dans l'eau jusqu'à la poitrine, et
mourant de faim et de soif. Enfin une barque s'est approchée aux
premières clartés du matin, et je me suis jeté dans la vague. Je suis
bon nageur, tu le sais, et, quoique le trajet fût long, il n'était pas
inquiétant pour moi. Eh bien, j'ai mal nagé, je ne savais plus! Dix fois
j'ai failli être englouti, et, chaque fois, j'ai vu auprès de moi la
folle et l'enfant qui flottaient sur l'écume et cherchaient à me saisir
pour m'entraîner. Quand la barque m'a recueilli, je me suis évanoui
encore... Tiens! c'est fait de moi. Je subis les défaillances et les
terreurs qui sont le lot des autres hommes. Je n'espère plus rien. Je
mourrai ici, et voilà peut-être la dernière fois que je te parle!
RABOISSON. Tu as l'esprit frappé, comme tant d'autres. Celui qui
pourrait voir et retracer les fantômes sinistres que les songes de nos
nuits évoquent ferait ici, en ce moment, un second enfer du Dante...
Nous avons tous été dévots, c'est-à-dire superstitieux, dans notre
enfance; quelques-uns de nous le sont encore, et, d'ailleurs, nous
subissons forcément le contre-coup de nos agitations et de nos fatigues,
sans être soutenus par l'espoir du triomphe. Tu as plus qu'un autre
sujet de t'alarmer. D'Hervilly, blessé, résilie ce soir son
commandement, et c'est bien vu. Ses meilleurs amis sont forcés de le
reconnaître incapable. Puisaye ne t'aime pas. Si tu t'abandonnes
toi-même, si tu refuses de reprendre la campagne avec les partisans, tu
n'auras, parmi les émigrés, aucun ascendant, aucun prestige. L'abbé
Sapience t'a perdu dans leur esprit,... et l'on sait, ou l'on croit,
d'après son assertion, que, grâce à lui, celle dont l'ombre te poursuit
est vivante et guérie, toute prête à te convaincre d'infamie.
SAINT-GUELTAS. Que dis-tu?... Ah! voilà le dernier coup! Je paraîtrai
demain au conseil, je veux me disculper, raconter les faits...
RABOISSON. Il ne faut pas même l'essayer. On ne t'a pas encore vu ici:
il faut, pour te soustraire à des affronts qui te conduiraient peut-être
au suicide, partir cette nuit. Tu ne sais pas à quel point sont honnis
et repoussés ceux que d'Hervilly protégeait hier, et qui sont entraînés
dans sa défaite aujourd'hui!
SAINT-GUELTAS. Je ne partirai pas! je repousserai tous les outrages, je
démasquerai toutes les intrigues, je déjouerai toutes les calomnies. Ah!
devant l'insolence de mes ennemis, je sens renaître mon courage! Si on
refuse de me rendre justice et de me donner réparation, je braverai ici
le sort des combats. Je n'irai pas me cacher encore dans les genêts pour
attaquer l'ennemi par derrière et faire dire que je ne connais que la
guerre des brigands et les audaces de l'embuscade. Chef de partisans à
perpétuité, moi? c'est là ce qu'on veut et à quoi on me condamne? Non,
je ne le suis plus, je ne veux plus l'être! Ce rôle est bon pour
l'initiative, il devient abject quand il se prolonge. J'en ai assez!
j'en suis dégoûté, repu, je l'ai en horreur! On veut que je rentre dans
l'ombre des bois pour que le monde ignore les prodiges que j'y
accomplirais, et pour que l'on dise à la cour que je me cache! La fin de
ces destins-là est atroce, on est assassiné par les siens ou livré à une
patrouille ennemie qui vous fusille au pied d'un arbre sans vous
connaître, sans vous accorder la mise en relief du procès politique et
la haute tragédie de l'échafaud. On disparaît comme on a vécu, ignoré ou
méconnu; on n'a pas même une tombe, et c'est tout au plus si le bûcheron
de la forêt ose révéler à vos amis au pied de quel chêne il vous a
enseveli sous les ronces!
RABOISSON. Je t'ai averti, tu feras ce que tu voudras. Je n'ai plus
qu'un conseil, une prière à t'adresser: ne provoque personne en duel.
Adieu! (Il s'éloigne.)
SAINT-GUELTAS, seul. C'est-à-dire qu'on a décidé de ne pas m'accorder
même la réparation de l'honneur! O rage! vrai, si j'ai fait le mal, j'en
suis trop puni!

SCÈNE III.--SAINT-GUELTAS, LA KORIGANE.

SAINT-GUELTAS, (à la Korigane, qui se glisse dans les rochers et vient à
lui.) Ah! te voilà, toi? Bien, je vais te tuer. Ça me délivrera du
diable qui est après moi.
LA KORIGANE. Tue-moi, si tu veux. Je ne peux pas vivre sans toi, et je
viens chercher ma punition.
SAINT-GUELTAS. Tu l'auras! Fais ta confession! C'est toi qui as
conseillé à Louise de me fuir et qui lui as servi de guide?
LA KORIGANE. C'est moi.
SAINT-GUELTAS. Qu'as-tu dit contre moi à Sauvières?
LA KORIGANE. Tout le mal que tu as fait à Louise.
SAINT-GUELTAS. Lui as-tu dit, à elle, le mal que tu as fait?
LA KORIGANE. Tout.
SAINT-GUELTAS. C'est toi qui as aidé l'abbé à sauver la folle?
LA KORIGANE. Non! je t'aimais encore, je ne me repentais de rien.
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