Molière - Œuvres complètes, Tome 3 - 11

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Il fait par un arrêt couronner son forfait!
Et, non content encor du tort que l'on me fait,
Il court parmi le monde un livre abominable,
Et de qui la lecture est même condamnable;
Un livre à mériter la dernière rigueur,
Dont le fourbe a le front de me faire l'auteur[85]!
Et là-dessus on voit Oronte qui murmure,
Et tâche méchamment d'appuyer l'imposture!
Lui qui d'un honnête homme à la cour tient le rang,
A qui je n'ai rien fait qu'être sincère et franc,
Qui me vient malgré moi, d'une ardeur empressée,
Sur des vers qu'il a faits demander ma pensée;
Et, parce que j'en use avec honnêteté,
Et ne le veux trahir, lui, ni la vérité,
Il aide à m'accabler d'un crime imaginaire!
Le voilà devenu mon plus grand adversaire!
Et jamais de son cœur je n'aurai de pardon,
Pour n'avoir pas trouvé que son sonnet fût bon!
Et les hommes, morbleu! sont faits de cette sorte!
C'est à ces actions que la gloire[86] les porte!
Voilà la bonne foi, le zèle vertueux,
La justice et l'honneur que l'on trouve chez eux!
Allons, c'est trop souffrir les chagrins qu'on nous forge,
Tirons-nous de ce bois et de ce coupe-gorge.
Puisque entre humains ainsi vous vivez en vrais loups,
Traîtres, vous ne m'aurez de ma vie avec vous!
PHILINTE.
Je trouve un peu bien prompt le dessein où vous êtes;
Et tout le mal n'est pas si grand que vous le faites.
Ce que votre partie ose vous imputer
N'a point eu le crédit de vous faire arrêter;
On voit son faux rapport lui-même se détruire,
Et c'est une action qui pourroit bien lui nuire.
ALCESTE.
Lui? de semblables tours il ne craint point l'éclat:
Il a permission d'être franc scélérat;
Et, loin qu'à son crédit nuise cette aventure,
On l'en verra demain en meilleure posture.
PHILINTE.
Enfin, il est constant qu'on n'a point trop donné
Au bruit que contre vous sa malice a tourné;
De ce côté déjà vous n'avez rien à craindre:
Et pour votre procès, dont vous pouvez vous plaindre,
Il vous est en justice aisé d'y revenir,
Et contre cet arrêt...
ALCESTE.
Non, je veux m'y tenir.
Quelque sensible tort qu'un tel arrêt me fasse,
Je me garderai bien de vouloir qu'on le casse;
On y voit trop à plein le bon droit maltraité,
Et je veux qu'il demeure à la postérité
Comme une marque insigne, un fameux témoignage
De la méchanceté des hommes de notre âge.
Ce sont vingt mille francs qu'il m'en pourra coûter;
Mais pour vingt mille francs j'aurai droit de pester
Contre l'iniquité de la nature humaine,
Et de nourrir pour elle une immortelle haine.
PHILINTE.
Mais enfin...
ALCESTE.
Mais enfin vos soins sont superflus.
Que pouvez-vous, monsieur, me dire là-dessus?
Aurez-vous bien le front de me vouloir, en face,
Excuser les horreurs de tout ce qui se passe?
PHILINTE.
Non, je tombe d'accord de tout ce qu'il vous plaît.
Tout marche par cabale et par pur intérêt;
Ce n'est plus que la ruse aujourd'hui qui l'emporte,
Et les hommes devroient être faits d'autre sorte;
Mais est-ce une raison que leur peu d'équité,
Pour vouloir se tirer de leur société?
Tous ces défauts humains nous donnent, dans la vie,
Des moyens d'exercer notre philosophie:
C'est le plus bel emploi que trouve la vertu;
Et, si de probité tout étoit revêtu,
Si tous les cœurs étoient francs, justes et dociles,
La plupart des vertus nous seroient inutiles,
Puisqu'on en met l'usage à pouvoir, sans ennui,
Supporter dans nos droits l'injustice d'autrui;
Et, de même qu'un cœur d'une vertu profonde...
ALCESTE.
Je sais que vous parlez, monsieur, le mieux du monde;
En beaux raisonnemens vous abondez toujours;
Mais vous perdez le temps et tous vos beaux discours.
La raison, pour mon bien, veut que je me retire;
Je n'ai point sur ma langue un assez grand empire;
De ce que je dirois je ne répondrois pas,
Et je me jetterois cent choses sur les bras.
Laissez-moi, sans dispute, attendre Célimène.
Il faut qu'elle consente au dessein qui m'amène;
Je vais voir si son cœur a de l'amour de moi;
Et c'est ce moment-ci qui doit m'en faire foi.
PHILINTE.
Montons chez Éliante, attendant sa venue.
ALCESTE.
Non, de trop de souci je me sens l'âme émue.
Allez-vous-en la voir, et me laissez enfin
Dans ce petit coin sombre avec mon noir chagrin.
PHILINTE.
C'est une compagnie étrange pour attendre;
Et je vais obliger Éliante à descendre.
[85] Allusion à un libelle attribué à Molière par ses ennemis.
[86] Pour: vanité. Expression archaïque encore usitée dans le patois
du Languedoc: _gloria_.

SCÈNE II.--CÉLIMÈNE, ORONTE, ALCESTE.
ORONTE.
Oui, c'est à vous de voir si, par des nœuds si doux,
Madame, vous voulez m'attacher tout à vous.
Il me faut de votre âme une pleine assurance:
Un amant là-dessus n'aime point qu'on balance.
Si l'ardeur de mes feux a pu vous émouvoir,
Vous ne devez point feindre à me le faire voir:
Et la preuve, après tout, que je vous en demande,
C'est de ne plus souffrir qu'Alceste vous prétende[87];
De le sacrifier, madame, à mon amour,
Et de chez vous enfin le bannir dès ce jour.
CÉLIMÈNE.
Mais quel sujet si grand contre lui vous irrite,
Vous à qui[88] j'ai tant vu parler de son mérite?
ORONTE.
Madame, il ne faut point ces éclaircissemens;
Il s'agit de savoir quels sont vos sentimens.
Choisissez, s'il vous plaît, de garder l'une ou l'autre:
Ma résolution n'attend rien que la vôtre.
ALCESTE, sortant du coin où il étoit.
Oui, monsieur a raison, madame, il faut choisir;
Et sa demande ici s'accorde à mon désir.
Pareille ardeur me presse, et même soin m'amène;
Mon amour veut du vôtre une marque certaine:
Les choses ne sont plus pour traîner en longueur,
Et voici le moment d'expliquer votre cœur.
ORONTE.
Je ne veux point, monsieur, d'une flamme importune
Troubler aucunement votre bonne fortune.
ALCESTE.
Je ne veux point, monsieur, jaloux ou non jaloux,
Partager de son cœur rien du tout avec vous.
ORONTE.
Si votre amour au mien lui semble préférable...
ALCESTE.
Si du moindre penchant elle est pour vous capable...
ORONTE.
Je jure de n'y rien prétendre désormais.
ALCESTE.
Je jure hautement de ne la voir jamais.
ORONTE.
Madame, c'est à vous de parler sans contrainte.
ALCESTE.
Madame, vous pouvez vous expliquer sans crainte.
ORONTE.
Vous n'avez qu'à nous dire où s'attachent vos vœux.
ALCESTE.
Vous n'avez qu'à trancher, et choisir de nous deux.
ORONTE.
Quoi! sur un pareil choix vous semblez être en peine!
ALCESTE.
Quoi! votre âme balance et paroît incertaine!
CÉLIMÈNE.
Mon Dieu! que cette instance est là hors de saison!
Et que vous témoignez tous deux peu de raison!
Je sais prendre parti sur cette préférence,
Et ce n'est pas mon cœur maintenant qui balance:
Il n'est point suspendu sans doute entre vous deux;
Et rien n'est sitôt fait que le choix de nos vœux.
Mais je souffre, à vrai dire, une gêne trop forte
A prononcer en face un aveu de la sorte:
Je trouve que ces mots, qui sont désobligeans,
Ne se doivent point dire en présence des gens;
Qu'un cœur de son penchant donne assez de lumière,
Sans qu'on nous fasse aller jusqu'à rompre en visière,
Et qu'il suffit enfin que de plus doux témoins[89]
Instruisent un amant du malheur de ses soins.
ORONTE.
Non, non, un franc aveu n'a rien que j'appréhende;
J'y consens pour ma part.
ALCESTE.
Et moi, je le demande;
C'est son éclat surtout qu'ici j'ose exiger,
Et je ne prétends point vous voir rien ménager.
Conserver tout le monde est votre grande étude:
Mais plus d'amusement, et plus d'incertitude;
Il faut vous expliquer nettement là-dessus,
Ou bien pour un arrêt je prends votre refus;
Je saurai, de ma part, expliquer ce silence,
Et me tiendrai pour dit tout le mal que je pense.
ORONTE.
Je vous sais fort bon gré, monsieur, de ce courroux
Et je lui dis ici même chose que vous.
CÉLIMÈNE.
Que vous me fatiguez avec un tel caprice!
Ce que vous demandez a-t-il de la justice?
Et ne vous dis-je pas quel motif me retient?
J'en vais prendre pour juge Éliante qui vient.
[87] Pour: prétende à vous. C'est une licence plutôt qu'un archaïsme.
[88] Pour: vous que. La faute de français est évidente.
[89] Pour: témoignages. Expression impropre.

SCÈNE III.--ÉLIANTE, PHILINTE, CÉLIMÈNE, ORONTE, ALCESTE.
CÉLIMÈNE.
Je me vois, ma cousine, ici persécutée
Par des gens dont l'humeur y paroît concertée[90].
Ils veulent l'un et l'autre, avec même chaleur,
Que je prononce entre eux le choix que fait mon cœur,
Et que, par un arrêt qu'en face il me faut rendre,
Je défende à l'un d'eux tous les soins qu'il peut prendre.
Dites-moi si jamais cela se fait ainsi.
ÉLIANTE.
N'allez point là-dessus me consulter ici;
Peut-être y pourriez-vous être mal adressée,
Et je suis pour les gens qui disent leur pensée.
ORONTE.
Madame, c'est en vain que vous vous défendez.
ALCESTE.
Tous vos détours ici seront mal secondés.
ORONTE.
Il faut, il faut parler, et lâcher la balance.
ALCESTE.
Il ne faut que poursuivre à garder le silence.
ORONTE.
Je ne veux qu'un seul mot pour finir nos débats.
ALCESTE.
Et moi, je vous entends si vous ne parlez pas.
[90] Pour: arrangée de concert.

SCÈNE IV.--ARSINOÉ, CÉLIMÈNE, ÉLIANTE, ALCESTE, PHILINTE, ACASTE,
CLITANDRE, ORONTE.
ACASTE, à Célimène.
Madame, nous venons tous deux, sans vous déplaire,
Éclaircir avec vous une petite affaire.
CLITANDRE, à Oronte et à Alceste.
Fort à propos, messieurs, vous vous trouvez ici;
Et vous êtes mêlés dans cette affaire aussi.
ARSINOÉ, à Célimène.
Madame, vous serez surprise de ma vue;
Mais ce sont ces messieurs qui causent ma venue:
Tous deux ils m'ont trouvée, et se sont plaints à moi
D'un trait à qui mon cœur ne sauroit prêter foi.
J'ai du fond de votre âme une trop haute estime
Pour vous croire jamais capable d'un tel crime;
Mes yeux ont démenti leurs témoins les plus forts,
Et, l'amitié passant sur de petits discords,
J'ai bien voulu chez vous leur faire compagnie,
Pour vous voir vous laver de cette calomnie.
ACASTE.
Oui, madame, voyons d'un esprit adouci
Comment vous vous prendrez à soutenir ceci.
Cette lettre, par vous, est écrite à Clitandre.
CLITANDRE.
Vous avez, pour Acaste, écrit ce billet tendre.
ACASTE, à Oronte et à Alceste.
Messieurs, ces traits pour vous n'ont point d'obscurité,
Et je ne doute pas que sa civilité
A connoître sa main n'ait trop su vous instruire.
Mais ceci vaut assez la peine de le lire:
«Vous êtes un étrange homme, de condamner mon enjouement, et de me
reprocher que je n'ai jamais tant de joie que lorsque je ne suis pas
avec vous. Il n'y a rien de plus injuste; et, si vous ne venez bien
vite me demander pardon de cette offense, je ne vous la pardonnerai de
ma vie. Notre grand flandrin de vicomte...»
Il devroit être ici.
«... Notre grand flandrin de vicomte, par qui vous commencez vos
plaintes, est un homme qui ne sauroit me revenir; et, depuis que je
l'ai vu, trois quarts d'heure durant, cracher dans un puits pour faire
des ronds, je n'ai pu jamais prendre bonne opinion de lui. Pour le
petit marquis...»
C'est moi-même, messieurs, sans nulle vanité.
«... Pour le petit marquis, qui me tint hier longtemps la main, je
trouve qu'il n'y a rien de si mince que toute sa personne; et ce sont
de ces mérites qui n'ont que la cape et l'épée. Pour l'homme aux
rubans verts...»
A Alceste.
A vous le dé, monsieur.
«... Pour l'homme aux rubans verts, il me divertit quelquefois
avec ses brusqueries et son chagrin bourru; mais
il est cent momens où je le trouve le plus fâcheux du
monde. Et pour l'homme à la veste...»
A Oronte.
Voici votre paquet.
«... Et pour l'homme à la veste, qui s'est jeté dans le bel esprit, et
veut être auteur malgré tout le monde, je ne puis me donner la peine
d'écouter ce qu'il dit, et sa prose me fatigue autant que ses vers.
Mettez-vous donc en tête que je ne me divertis pas toujours si bien
que vous pensez; que je vous trouve à dire[91] plus que je ne voudrois
dans toutes les parties où l'on m'entraîne; et que c'est un
merveilleux assaisonnement aux plaisirs qu'on goûte, que la présence
des gens qu'on aime.»
CLITANDRE.
Me voici maintenant, moi.
«Votre Clitandre, dont vous me parlez, et qui fait tant le doucereux,
est le dernier des hommes pour qui j'aurois de l'amitié. Il est
extravagant de se persuader qu'on l'aime; et vous l'êtes de croire
qu'on ne vous aime pas. Changez, pour être raisonnable, vos sentimens
contre les siens; et voyez-moi le plus que vous pourrez, pour m'aider
à porter le chagrin d'en être obsédée.»
D'un fort beau caractère on voit là le modèle,
Madame; et vous savez comment cela s'appelle.
Il suffit. Nous allons, l'un et l'autre, en tous lieux,
Montrer de votre cœur le portrait glorieux.
ACASTE.
J'aurois de quoi vous dire, et belle est la matière;
Mais je ne vous tiens pas digne de ma colère;
Et je vous ferai voir que les petits marquis
Ont, pour se consoler, des cœurs de plus haut prix[92].
[91] Pour: que je trouve à vous désirer, regretter. Apocope archaïque,
fréquente chez Montaigne.
[92] Allusion à Mademoiselle de Montpensier.

SCÈNE V.--CÉLIMÈNE, ÉLIANTE, ARSINOÉ, ALCESTE, ORONTE, PHILINTE.
ORONTE.
Quoi! de cette façon je vois qu'on me déchire,
Après tout ce qu'à moi je vous ai vu m'écrire!
Et votre cœur, paré de beaux semblans d'amour,
A tout le genre humain se promet tour à tour!
Allez, j'étois trop dupe, et je vais ne plus l'être;
Vous me faites un bien, me faisant vous connoître;
J'y profite d'un cœur qu'ainsi vous me rendez,
Et trouve ma vengeance en ce que vous perdez.
A Alceste.
Monsieur, je ne fais plus d'obstacle à votre flamme
Et vous pouvez conclure affaire avec madame.

SCÈNE VI.--CÉLIMÈNE, ÉLIANTE, ARSINOÉ, ALCESTE, PHILINTE.

ARSINOÉ, à Célimène.
Certes, voilà le trait du monde le plus noir;
Je ne m'en saurois taire, et me sens émouvoir.
Voit-on des procédés qui soient pareils aux vôtres?
Je ne prends point de part aux intérêts des autres;
Montrant Alceste.
Mais monsieur, que chez vous fixoit votre bonheur,
Un homme, comme lui, de mérite et d'honneur,
Et qui vous chérissoit avec idolâtrie,
Devoit-il...
ALCESTE.
Laissez-moi, madame, je vous prie,
Vider mes intérêts moi-même là-dessus;
Et ne vous chargez point de ces soins superflus.
Mon cœur a beau vous voir prendre ici sa querelle,
Il n'est point en état de payer ce grand zèle;
Et ce n'est pas à vous que je pourrai songer,
Si, par un autre choix, je cherche à me venger.
ARSINOÉ.
Eh! croyez-vous, monsieur, qu'on ait cette pensée,
Et que de vous avoir on soit tant empressée?
Je vous trouve un esprit bien plein de vanité,
Si de cette créance il peut s'être flatté.
Le rebut de madame est une marchandise
Dont on auroit grand tort d'être si fort éprise.
Détrompez-vous, de grâce, et portez-le moins haut.
Ce ne sont pas des gens comme moi qu'il vous faut.
Vous ferez bien encor de soupirer pour elle,
Et je brûle de voir une union si belle.

SCÈNE VII.--CÉLIMÈNE, ÉLIANTE, ALCESTE, PHILINTE.
ALCESTE, à Célimène.
Eh bien, je me suis tu, malgré ce que je voi,
Et j'ai laissé parler tout le monde avant moi.
Ai-je pris sur moi-même un assez long empire?
Et puis-je maintenant...
CÉLIMÈNE.
Oui, vous pouvez tout dire;
Vous en êtes en droit, lorsque vous vous plaindrez,
Et de me reprocher tout ce que vous voudrez.
J'ai tort, je le confesse, et mon âme confuse
Ne cherche à vous payer d'aucune vaine excuse;
J'ai des autres ici méprisé le courroux;
Mais je tombe d'accord de mon crime envers vous.
Votre ressentiment, sans doute, est raisonnable;
Je sais combien je dois vous paroître coupable,
Que toute chose dit que j'ai pu vous trahir,
Et qu'enfin vous avez sujet de me haïr.
Faites-le, j'y consens.
ALCESTE.
Eh! le puis-je, traîtresse?
Puis-je ainsi triompher de toute ma tendresse?
Et, quoique avec ardeur je veuille vous haïr,
Trouvé-je un cœur en moi tout prêt à m'obéir?
A Éliante et à Philinte.
Vous voyez ce que peut une indigne tendresse,
Et je vous fais tous deux témoins de ma foiblesse.
Mais, à vous dire vrai, ce n'est pas encor tout,
Et vous allez me voir la pousser jusqu'au bout,
Montrer que c'est à tort que sages on nous nomme,
Et que dans tous les cœurs il est toujours de l'homme.
A Célimène.
Oui, je veux bien, perfide, oublier vos forfaits;
J'en saurai, dans mon âme, excuser tous les traits,
Et me les couvrirai du nom d'une foiblesse
Où le vice du temps porte votre jeunesse,
Pourvu que votre cœur veuille donner les mains
Au dessein que j'ai fait de fuir tous les humains,
Et que dans mon désert, où j'ai fait vœu de vivre,
Vous soyez, sans tarder, résolue à me suivre.
C'est par là seulement que, dans tous les esprits,
Vous pouvez réparer le mal de vos écrits,
Et qu'après cet éclat qu'un noble cœur abhorre,
Il peut m'être permis de vous aimer encore.
CÉLIMÈNE.
Moi, renoncer au monde avant que de vieillir,
Et dans votre désert aller m'ensevelir!
ALCESTE.
Et, s'il faut qu'à mes feux votre flamme réponde,
Que vous doit importer tout le reste du monde?
Vos désirs avec moi ne sont-ils pas contens?
CÉLIMÈNE.
La solitude effraye une âme de vingt ans.
Je ne sens point la mienne assez grande, assez forte,
Pour me résoudre à prendre un dessein de la sorte.
Si le don de ma main peut contenter vos vœux,
Je pourrai me résoudre à serrer de tels nœuds;
Et l'hymen...
ALCESTE.
Non. Mon cœur à présent vous déteste,
Et ce refus lui seul fait plus que tout le reste.
Puisque vous n'êtes point, en des liens si doux,
Pour trouver tout en moi[93], comme moi tout en vous,
Allez, je vous refuse: et ce sensible outrage
De vos indignes fers pour jamais me dégage.
[93] Pour: résolue à trouver en moi. Ellipse et licence très-hardie et
très-énergique.

SCÈNE VIII.--ÉLIANTE, ALCESTE, PHILINTE.
ALCESTE, à Éliante.
Madame, cent vertus ornent votre beauté,
Et je n'ai vu qu'en vous de la sincérité;
De vous depuis longtemps je fais un cas extrême;
Mais laissez-moi toujours vous estimer de même,
Et souffrez que mon cœur, dans ses troubles divers,
Ne se présente point à l'honneur de vos fers;
Je me sens trop indigne, et commence à connoître
Que le ciel pour ce nœud ne m'avoit point fait naître;
Que ce seroit pour vous un hommage trop bas,
Que le rebut d'un cœur qui ne vous valoit pas;
Et qu'enfin...
ÉLIANTE.
Vous pouvez suivre cette pensée:
Ma main de se donner n'est pas embarrassée;
Et voilà votre ami, sans trop m'inquiéter,
Qui, si je l'en priois, la pourroit accepter.
PHILINTE.
Ah! cet honneur, madame, est toute mon envie.
Et j'y sacrifierois et mon sang et ma vie.
ALCESTE.
Puissiez-vous, pour goûter de vrais contentemens,
L'un pour l'autre à jamais garder ces sentiments!
Trahi de toutes parts, accablé d'injustices,
Je vais sortir d'un gouffre où triomphent les vices,
Et chercher sur la terre un endroit écarté
Où d'être homme d'honneur on ait la liberté.
PHILINTE.
Allons, madame, allons employer toute chose
Pour rompre le dessein que son cœur se propose.

FIN DU MISANTHROPE.


QUATRIÈME ÉPOQUE
1666-1667
ŒUVRES ÉCRITES POUR LA COUR ET DIVERTISSEMENTS
XIX. 1666. LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
XX. 1666. MÉLICERTE.
XXI. 1666. LA PASTORALE COMIQUE.
XXII. 1667. LE SICILIEN OU L'AMOUR PEINTRE.


LE
MÉDECIN MALGRÉ LUI[94]
COMÉDIE
REPRÉSENTÉE POUR LA PREMIÈRE FOIS
A PARIS, SUR LE THÉATRE DU PALAIS-ROYAL, LE 9 AOÛT 1666.
[94] Annoncé aussi sous le nom du _Fagotier_.

Le _Misanthrope_, le chef-d'œuvre comique non-seulement de la scène
française, mais de la scène noble et de bon ton en Europe, faisait peu
d'argent. La farce du _Médecin malgré lui_, qui succéda immédiatement
à ce bel ouvrage, fut évidemment composée pour relever les intérêts
financiers du théâtre, et pour compenser, au moyen d'une vogue
populaire, la froide estime inspirée par le chef-d'œuvre.
L'idée d'un médecin pour rire, devant son crédit et sa réputation à de
grands mots, à une robe et à un bonnet, avait depuis longtemps pris
possession de l'esprit de Molière: on la retrouve déjà dans le _Médecin
volant_. L'idée collatérale et l'invention comique de cette femme qui,
pour se venger d'un mari, l'indique comme excellent médecin, mais
ne livrant ses ordonnances que sous le bâton, est venue renforcer
la donnée première, à laquelle toutes les querelles ridicules de la
Faculté et des apothicaires, leurs grands combats sur l'antimoine et
l'émétique, prêtèrent un corps plus solide.
De là cette délicieuse comédie du _Fagoteux_ ou _Fagotier_, à laquelle
Molière avait rêvé depuis sa jeunesse, de là le plus burlesque et le
plus philosophique ensemble, un long éclat de rire aux dépens de la
formule pédantesque et de l'antique empirisme. On a peine à croire
aujourd'hui que Boileau, cet homme d'un goût si sûr, et qui aimait
Molière, lui ait encore reproché, à ce propos, sérieusement, le
langage patois qu'il a prêté à ses paysans, tant le sentiment de la
décence et de l'élégance convenue dominait alors, tant les meilleurs
esprits avaient peu de goût pour la vraie peinture du caractère et la
reproduction fidèle de la personnalité humaine. Il n'y avait qu'un
pas à franchir pour arriver aux bergers enrubanés de Fontenelle et de
Lamothe.
Molière fut récompensé par un succès étourdissant, succès bourgeois et
roturier, aussi net, aussi durable que le succès élégant et classique
du _Misanthrope_.
Ce fut, dit-on, dans un conte plaisant, dont Louis XIV avait ri, que
Molière trouva sa fable, qui se rapporte à la vieille légende ainsi
résumée par Anguilbert: «Quædam mulier percussa a viro suo ivit
ad castellanum infirmum, dicens virum suum esse medicum, sed non
mederi cuique nisi forte percuteretur, et sic eum fortissime percuti
procuravit.» (_Mensa philosophica_, cap. XVIII, _de Mulieribus_, in
fine, fol. 58.)--«Une certaine femme, frappée par son mari, alla chez
son seigneur malade, disant que son mari était médecin, mais qu'il
ne guérissait que ceux qui le battaient bien; et par là elle le fit
rosser de la bonne manière.» Cet Anguilbert, qui avait, comme beaucoup
de moines et de savants du moyen âge, recueilli, pour en garnir son
_Festin philosophique_, toutes les miettes anecdotiques ayant cours de
son temps, accorde trois lignes à ce vieux conte, que l'on retrouve
dans le fabliau du _Vilain mire_ ou du _Manant médecin_, et que sans
doute Molière avait entendu répéter sous une forme ou sous une autre à
la cour de Louis XIV.
On le voit, Molière ne lâche pas sa proie; la guerre commencée à la
porte de Nesle dans le _Médecin volant_, la lutte contre l'empirisme et
la crédulité, ne finira qu'avec le _Malade imaginaire_ et avec sa vie.


PERSONNAGES.
GÉRONTE, père de Lucinde.
LUCINDE, fille de Géronte.
LÉANDRE, amant de Lucinde.
SGANARELLE, mari de Martine.
MARTINE, femme de Sganarelle.
M. ROBERT, voisin de Sganarelle.
VALÈRE, domestique[95] de Géronte.
LUCAS, mari de Jacqueline.
JACQUELINE, nourrice chez Géronte, et femme de Lucas.
THIBAUT, père de Perrin, }
PERRIN, } paysans.
La scène est à la campagne.--Le théâtre représente une forêt.
[95] Pour: vivant dans la maison de Géronte. Du latin _domesticus_,
attaché à la famille; sans doute un intendant ou un secrétaire.


ACTE PREMIER

SCÈNE I.--SGANARELLE, MARTINE.

SGANARELLE.
Non, je te dis que je n'en veux rien faire, et que c'est à moi de
parler et d'être le maître.
MARTINE.
Et je te dis, moi, que je veux que tu vives à ma fantaisie, et que je
ne me suis point mariée avec toi pour souffrir tes fredaines.
SGANARELLE.
Oh! la grande fatigue que d'avoir une femme, et qu'Aristote a bien
raison quand il dit qu'une femme est pire qu'un démon!
MARTINE.
Voyez un peu l'habile homme, avec son benêt d'Aristote!
SGANARELLE.
Oui, habile homme. Trouve-moi un faiseur de fagots qui sache comme moi
raisonner des choses, qui ait servi six ans un fameux médecin, et qui
ait su dans son jeune âge son rudiment par cœur.
MARTINE.
Peste du fou fieffé!
SGANARELLE.
Peste de la carogne!
MARTINE.
Que maudits soient l'heure et le jour où je m'avisai d'aller dire oui!
SGANARELLE.
Que maudit soit le bec cornu[96] de notaire qui me fit signer ma ruine!
MARTINE.
C'est bien à toi, vraiment, à te plaindre de cette affaire! Devrois-tu
être un seul moment sans rendre grâces au ciel de m'avoir pour ta
femme? et méritois-tu d'épouser une personne comme moi?
SGANARELLE.
Il est vrai que tu me fis trop d'honneur, et que j'eus lieu de me louer
la première nuit de nos noces! Eh! morbleu, ne me fais point parler
là-dessus: je dirois de certaines choses...
MARTINE.
Quoi? que dirois-tu?
SGANARELLE.
Baste[97]! laissons là ce chapitre. Il suffit que nous savons ce que
nous savons, et que tu fus bien heureuse de me trouver.
MARTINE.
Qu'appelles-tu bien heureuse de te trouver? Un homme qui me réduit à
l'hôpital, un débauché, un traître, qui me mange tout ce que j'ai!...
SGANARELLE.
Tu as menti! j'en bois une partie.
MARTINE.
Qui me vend, pièce à pièce, tout ce qui est dans le logis!
SGANARELLE.
C'est vivre de ménage.
MARTINE.
Qui m'a ôté jusqu'au lit que j'avois!...
SGANARELLE.
Tu t'en lèveras plus matin.
MARTINE.
Enfin qui ne laisse aucun meuble dans toute la maison!...
SGANARELLE.
On en déménage plus aisément.
MARTINE.
Et qui, du matin jusqu'au soir, ne fait que jouer et que boire!
SGANARELLE.
C'est pour ne me point ennuyer.
MARTINE.
Et que veux-tu, pendant ce temps, que je fasse avec ma famille?
SGANARELLE.
Tout ce qu'il te plaira.
MARTINE.
J'ai quatre pauvres petits enfants sur les bras...
SGANARELLE.
Mets-les à terre.
MARTINE.
Qui me demandent à toute heure du pain.
SGANARELLE.
Donne-leur le fouet: quand j'ai bien bu et bien mangé, je veux que tout
le monde soit soûl dans ma maison.
MARTINE.
Et tu prétends, ivrogne, que les choses aillent toujours de même?
SGANARELLE.
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