Molière - Œuvres complètes, Tome 3 - 03

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S'il vous a vue la première, il m'a vue la seconde, et m'a promis de
m'épouser.
DON JUAN, bas, à Mathurine.
Eh bien, que vous ai-je dit?
MATHURINE, à Charlotte.
Je vous baise les mains; c'est moi, et non pas vous, qu'il a promis
d'épouser.
DON JUAN, bas, à Charlotte.
N'ai-je pas deviné?
CHARLOTTE.
A d'autres, je vous prie; c'est moi, vous dis-je.
MATHURINE.
Vous vous moquez des gens; c'est moi, encore un coup.
CHARLOTTE.
Le v'là qui est pour le dire, si je n'ai pas raison.
MATHURINE.
Le v'là qui est pour me démentir, si je ne dis pas vrai.
CHARLOTTE.
Est-ce, monsieu, que vous lui avez promis de l'épouser?
DON JUAN, bas, à Charlotte.
Vous vous raillez de moi.
MATHURINE.
Est-il vrai, monsieu, que vous lui avez donné parole d'être son mari?
DON JUAN, bas, à Mathurine.
Pouvez-vous avoir cette pensée?
CHARLOTTE.
Vous voyez qu'al le soutient.
DON JUAN, bas, à Charlotte.
Laissez-la faire.
MATHURINE.
Vous êtes témoin comme al l'assure.
DON JUAN, bas, à Mathurine.
Laissez-la dire.
CHARLOTTE.
Non, non, il faut savoir la vérité.
MATHURINE.
Il est question de juger ça.
CHARLOTTE.
Oui, Mathurine, je veux que monsieu vous montre votre bec jaune[19].
MATHURINE.
Oui, Charlotte, je veux que monsieu vous rende un peu camuse[20].
CHARLOTTE.
Monsieu, videz la querelle, s'il vous plaît.
MATHURINE.
Mettez-nous d'accord, monsieu.
CHARLOTTE, à Mathurine.
Vous allez voir.
MATHURINE, à Charlotte.
Vous allez voir vous-même.
CHARLOTTE, à don Juan.
Dites.
MATHURINE, à don Juan.
Parlez.
DON JUAN.
Que voulez-vous que je dise? Vous soutenez également toutes deux que
je vous ai promis de vous prendre pour femmes. Est-ce que chacune de
vous ne sait pas ce qui en est, sans qu'il soit nécessaire que je
m'explique davantage? Pourquoi m'obliger là-dessus à des redites? Celle
à qui j'ai promis effectivement n'a-t-elle pas, en elle-même, de quoi
se moquer des discours de l'autre, et doit-elle se mettre en peine,
pourvu que j'accomplisse ma promesse? Tous les discours n'avancent
point les choses. Il faut faire et non pas dire; et les effets décident
mieux que les paroles. Aussi n'est-ce rien que par là que je vous veux
mettre d'accord; et l'on verra, quand je me marierai, laquelle des deux
a mon cœur. (Bas, à Mathurine.) Laissez-lui croire ce qu'elle voudra.
(Bas, à Charlotte.) Laissez-la se flatter dans son imagination. (Bas,
à Mathurine.) Je vous adore. (Bas, à Charlotte.) Je suis tout à vous.
(Bas, à Mathurine.) Tous les visages sont laids auprès du vôtre. (Bas,
à Charlotte.) On ne peut plus souffrir les autres quand on vous a vue.
(Haut.) J'ai un petit ordre à donner, je viens vous retrouver dans un
quart d'heure.
[19] Pour: montre votre niaiserie. Les jeunes oiseaux, ou _niais_ en
termes de fauconnerie, ont presque tous le bec jaune.
[20] Pour: honteuse de votre défaite. Mot proverbial qui équivaut à
«avoir le nez cassé.»

SCÈNE VI.--CHARLOTTE, MATHURINE, SGANARELLE.
CHARLOTTE, à Mathurine.
Je suis celle qu'il aime, au moins.
MATHURINE, à Charlotte.
C'est moi qu'il épousera.
SGANARELLE, arrêtant Charlotte et Mathurine.
Ah! pauvres filles que vous êtes, j'ai pitié de votre innocence, et je
ne puis souffrir de vous voir courir à votre malheur. Croyez-moi l'une
et l'autre: ne vous amusez point à tous les contes qu'on vous fait, et
demeurez dans votre village.

SCÈNE VII.--DON JUAN, CHARLOTTE, MATHURINE, SGANARELLE.
DON JUAN, dans le fond du théâtre, à part.
Je voudrois bien savoir pourquoi Sganarelle ne me suit pas.
SGANARELLE.
Mon maître est un fourbe; il n'a dessein que de vous abuser, et
en a bien abusé d'autres; c'est l'épouseur du genre humain, et...
(Apercevant don Juan.) Cela est faux; et quiconque vous dira cela, vous
lui devez dire qu'il en a menti. Mon maître n'est point l'épouseur
du genre humain, il n'est point fourbe, il n'a pas dessein de vous
tromper, et n'en a point abusé d'autres. Ah! tenez, le voilà;
demandez-le plutôt à lui-même.
DON JUAN, regardant Sganarelle, et le soupçonnant d'avoir parlé.
Oui!
SGANARELLE.
Monsieur, comme le monde est plein de médisans, je vais au-devant des
choses; et je leur disois que, si quelqu'un leur venoit dire du mal de
vous, elles se gardassent bien de le croire, et ne manquassent pas de
lui dire qu'il en auroit menti.
DON JUAN.
Sganarelle!
SGANARELLE, à Charlotte et à Mathurine.
Oui, monsieur est homme d'honneur; je le garantis tel.
DON JUAN.
Hon!
SGANARELLE.
Ce sont des impertinens.

SCÈNE VIII.--DON JUAN, LA RAMÉE, CHARLOTTE, MATHURINE, SGANARELLE.
LA RAMÉE, bas, à don Juan.
Monsieur, je viens vous avertir qu'il ne fait pas bon ici pour vous.
DON JUAN.
Comment?
LA RAMÉE.
Douze hommes à cheval vous cherchent, qui doivent arriver ici dans un
moment; je ne sais par quel moyen ils peuvent vous avoir suivi; mais
j'ai appris cette nouvelle d'un paysan qu'ils ont interrogé, et auquel
ils vous ont dépeint. L'affaire presse; et le plus tôt que vous pourrez
sortir d'ici sera le meilleur.

SCÈNE IX.--DON JUAN, CHARLOTTE, MATHURINE, SGANARELLE.
DON JUAN, à Charlotte et à Mathurine.
Une affaire pressante m'oblige de partir d'ici; mais je vous prie de
vous ressouvenir de la parole que je vous ai donnée, et de croire que
vous aurez de mes nouvelles avant qu'il soit demain au soir.

SCÈNE X.--DON JUAN, SGANARELLE.
DON JUAN.
Comme la partie n'est pas égale, il faut user de stratagème et éluder
adroitement le malheur qui me cherche. Je veux que Sganarelle se revête
de mes habits; et moi...
SGANARELLE.
Monsieur, vous vous moquez. M'exposer à être tué sous vos habits, et...
DON JUAN.
Allons vite, c'est trop d'honneur que je vous fais; et bien heureux est
le valet qui peut avoir la gloire de mourir pour son maître.
SGANARELLE.
Je vous remercie d'un tel honneur. (Seul.) O ciel! puisqu'il s'agit de
mort, fais-moi la grâce de n'être point pris pour un autre!


ACTE III
Une forêt.

SCÈNE I.[21]--DON JUAN, en habit de campagne, SGANARELLE, en médecin.
SGANARELLE.
Ma foi, monsieur, avouez que j'ai eu raison, et que nous voilà l'un
et l'autre déguisés à merveille. Votre premier dessein n'étoit point
du tout à propos, et ceci nous cache bien mieux que tout ce que vous
vouliez faire.
DON JUAN.
Il est vrai que te voilà bien; et je ne sais où tu as été déterrer cet
attirail ridicule.
SGANARELLE.
Oui. C'est l'habit d'un vieux médecin, qui a été laissé en gage au lieu
où je l'ai pris, et il m'en a coûté de l'argent pour l'avoir. Mais
savez-vous, monsieur, que cet habit me met déjà en considération; que
je suis salué des gens que je rencontre, et que l'on me vient consulter
ainsi qu'un habile homme?
DON JUAN.
Comment donc?
SGANARELLE.
Cinq ou six paysans et paysannes, en me voyant passer, me sont venus
demander mon avis sur différentes maladies.
DON JUAN.
Tu leur as répondu que tu n'y entendois rien?
SGANARELLE.
Moi? point du tout. J'ai voulu soutenir l'honneur de mon habit; j'ai
raisonné sur le mal, et leur ai fait des ordonnances à chacun.
DON JUAN.
Et quels remèdes encore leur as-tu ordonnés?
SGANARELLE.
Ma foi, monsieur, j'en ai pris par où j'en ai pu attraper, j'ai fait
mes ordonnances à l'aventure, et ce seroit une chose plaisante si les
malades guérissoient, et qu'on m'en vînt remercier.
DON JUAN.
Et pourquoi non? Par quelle raison n'aurois-tu pas les mêmes priviléges
qu'ont tous les autres médecins? Ils n'ont pas plus de part que toi aux
guérisons des malades, et tout leur art est pure grimace. Ils ne font
rien que recevoir la gloire des heureux succès; et tu peux profiter,
comme eux, du bonheur du malade, et voir attribuer à tes remèdes tout
ce qui peut venir des faveurs du hasard et des forces de la nature.
SGANARELLE.
Comment, monsieur, vous êtes aussi impie en médecine?
DON JUAN.
C'est une des grandes erreurs qui soient parmi les hommes.
SGANARELLE.
Quoi! vous ne croyez pas au séné, ni à la casse, ni au vin émétique.
DON JUAN.
Et pourquoi veux-tu que j'y croie?
SGANARELLE.
Vous avez l'âme bien mécréante. Cependant vous voyez depuis un temps,
que le vin émétique fait bruire ses fuseaux[22]. Ses miracles ont
converti les plus incrédules esprits; et il n'y a pas trois semaines
que j'en ai vu, moi qui vous parle, un effet merveilleux.
DON JUAN.
Et quoi!
SGANARELLE.
Il y avoit un homme qui, depuis six jours, étoit à l'agonie; on ne
savoit plus que lui ordonner, et tous les remèdes ne faisoient rien; on
s'avisa à la fin de lui donner de l'émétique.
DON JUAN.
Il réchappa, n'est-ce pas?
SGANARELLE.
Non, il mourut.
DON JUAN.
L'effet est admirable.
SGANARELLE.
Comment! il y avoit six jours entiers qu'il ne pouvoit mourir, et cela
le fit mourir tout d'un coup. Voulez-vous rien de plus efficace?
DON JUAN.
Tu as raison.
SGANARELLE.
Mais laissons là la médecine où vous ne croyez point, et parlons des
autres choses; car cet habit me donne de l'esprit, et je me sens en
humeur de disputer contre vous. Vous savez bien que vous me permettez
les disputes, et que vous ne me défendez pas les remontrances.
DON JUAN.
Eh bien?
SGANARELLE.
Je veux savoir un peu vos pensées à fond. Est-il possible que vous ne
croyiez point du tout au ciel?
DON JUAN.
Laissons cela.
SGANARELLE.
C'est-à-dire que non. Et à l'enfer?
DON JUAN.
Eh!
SGANARELLE.
Tout de même. Et au diable, s'il vous plaît?
DON JUAN.
Oui, oui.
SGANARELLE.
Aussi peu. Ne croyez-vous point à l'autre vie?
DON JUAN.
Ah! ah! ah!
SGANARELLE.
Voilà un homme que j'aurai bien de la peine à convertir. Et dites-moi
un peu; «le moine bourru[23], qu'en croyez-vous, eh?
DON JUAN.
»La peste soit du fat!
SGANARELLE.
«Et voilà ce que je ne puis souffrir; car il n'y a rien de plus vrai
que le moine bourru, et je me ferois pendre pour celui-là. Mais encore
faut-il croire quelque chose «dans le monde.» Qu'est-ce «donc» que vous
croyez?
DON JUAN.
Ce que je crois?
SGANARELLE.
Oui.
DON JUAN.
Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et
quatre sont huit.
SGANARELLE.
La belle croyance «et les beaux articles de foi» que voilà! Votre
religion, à ce que je vois, est donc l'arithmétique? Il faut avouer
qu'il se met d'étranges folies dans la tête des hommes, et que, pour
avoir bien étudié, on est bien moins sage le plus souvent. Pour moi,
monsieur, je n'ai point étudié comme vous, Dieu merci, et personne ne
sauroit se vanter de m'avoir jamais rien appris; mais avec mon petit
bon sens, mon petit jugement, je vois les choses mieux que les livres,
et je comprends fort bien que tout ce monde que nous voyons n'est pas
un champignon qui soit venu tout seul en une nuit. Je voudrois bien
vous demander qui a fait ces arbres-là, ces rochers, cette terre, et
ce ciel là-haut, et si tout cela s'est bâti de lui-même. Vous voilà,
vous, par exemple, vous êtes là: est-ce que vous vous êtes fait tout
seul, et n'a-t-il pas fallu que votre père ait engrossé votre mère pour
vous faire? Pouvez-vous voir toutes les inventions dont la machine de
l'homme est composée, sans admirer de quelle façon cela est agencé l'un
dans l'autre? Ces nerfs, ces os, ces veines, ces artères, ces... ce
poumon, ce cœur, ce foie, et tous ces autres ingrédients qui sont là,
et qui... Oh! dame, interrompez-moi donc, si vous voulez. Je ne saurois
disputer, si l'on ne m'interrompt. Vous vous taisez exprès, et me
laissez parler par belle malice.
DON JUAN.
J'attends que ton raisonnement soit fini.
SGANARELLE.
Mon raisonnement est qu'il y a quelque chose d'admirable dans l'homme,
quoi que vous puissiez dire, que tous les savants ne sauroient
expliquer. Cela n'est-il pas merveilleux que me voilà ici, et que j'ai
quelque chose dans la tête qui pense cent choses différentes en un
moment, et fait de mon corps tout ce qu'elle veut? Je veux frapper des
mains, hausser le bras, lever les yeux au ciel, baisser la tête, remuer
les pieds, aller à droite, à gauche, en avant, en arrière, tourner...
Il se laisse tomber en tournant.
DON JUAN.
Bon! voilà ton raisonnement qui a le nez cassé.
SGANARELLE.
Morbleu! je suis bien sot de m'amuser à raisonner avec vous; croyez ce
que vous voudrez; il m'importe bien que vous soyez damné!
DON JUAN.
Mais, tout en raisonnant, je crois que nous nous sommes égarés. Appelle
un peu cet homme que voilà là-bas, pour lui demander le chemin.
[21] Les deux premières scènes de cet acte, imprimées dans l'édition
de 1682, faite sur les manuscrits de Molière, puis dans l'édition
d'Amsterdam de 1683, furent supprimées comme impies dans les éditions
subséquentes. Il paraît que l'édition de 1682 fut cartonnée, à
l'exception de deux ou trois exemplaires, dont l'un, appartenant à
M. de Lomenie, fut retrouvé par M. Beuchot. M. Simonin les publia
intégralement en 1813. Quant à la seconde scène, elle fut supprimée à
la seconde représentation.
[22] Pour: fait beaucoup de bruit. Métaphore populaire.
[23] Passages supprimés par la censure au temps de Louis XIV, comme
tous les autres passages marqués ici par des guillemets.--Le moine
bourru, spectre d'un moine, qui, selon la tradition populaire, battait
les passants attardés.

SCÈNE II.--DON JUAN, SGANARELLE, UN PAUVRE.
SGANARELLE.
«Holà! oh! l'homme! oh! mon compère! oh! l'ami! un petit mot, s'il vous
plaît. Enseignez-nous un peu le chemin qui mène à la ville.
LE PAUVRE.
»Vous n'avez qu'à suivre cette route, messieurs, et détourner à main
droite quand vous serez au bout de la forêt; mais je vous donne avis
que vous devez vous tenir sur vos gardes, et que, depuis quelque temps,
il y a des voleurs ici autour.
DON JUAN.
»Je te suis obligé, mon ami, et je te rends grâce de tout mon cœur.
LE PAUVRE.
»Si vous vouliez me secourir, monsieur, de quelque aumône.
DON JUAN.
»Ah! ah! ton avis est intéressé, à ce que je vois.
LE PAUVRE.
»Je suis un pauvre homme, monsieur, retiré tout seul dans ce bois
depuis dix ans, et je ne manquerai pas de prier le ciel qu'il vous
donne toute sorte de biens.
DON JUAN.
»Eh! prie le ciel qu'il te donne un habit, sans te mettre en peine des
affaires des autres.
SGANARELLE.
»Vous ne connoissez pas monsieur bonhomme; il ne croit qu'en deux et
deux sont quatre, et quatre et quatre sont huit.
DON JUAN.
»Quelle est ton occupation parmi ces arbres?
LE PAUVRE.
»De prier le ciel tout le jour pour la prospérité des gens de bien qui
me donnent quelque chose.
DON JUAN.
»Il ne se peut donc pas que tu ne sois bien à ton aise.
LE PAUVRE.
»Hélas! monsieur, je suis dans la plus grande nécessité du monde.
DON JUAN.
»Tu te moques: un homme qui prie le ciel tout le jour ne peut manquer
d'être bien dans ses affaires.
LE PAUVRE.
»Je vous assure, monsieur, que le plus souvent je n'ai pas un morceau
de pain à mettre sous les dents.
DON JUAN.
»Voilà qui est étrange, et tu es bien mal reconnu de tes soins. Ah!
ah! je m'en vais te donner un louis d'or tout à l'heure, pourvu que tu
veuilles jurer.
LE PAUVRE.
»Ah! monsieur, voudriez-vous que je commisse un tel péché?
DON JUAN.
»Tu n'as qu'à voir si tu veux gagner un louis d'or, ou non: en voici un
que je te donne, si tu jures. Tiens: il faut jurer.
LE PAUVRE.
»Monsieur...
DON JUAN.
»A moins de cela, tu ne l'auras pas.
SGANARELLE.
»Va, va, jure un peu; il n'y a pas de mal.
DON JUAN.
»Prends, le voilà; prends, te dis-je; mais jure donc!
LE PAUVRE.
»Non, monsieur, j'aime mieux mourir de faim.
DON JUAN.
»Va, va, je te le donne pour l'amour de l'humanité.» (Regardant dans
la forêt.) Mais que vois-je là? Un homme attaqué par trois autres? La
partie est trop inégale, et je ne dois pas souffrir cette lâcheté.
Il met l'épée à la main, et court au lieu du combat.

SCÈNE III.--SGANARELLE.
Mon maître est un vrai enragé d'aller se présenter à un péril qui ne
le cherche pas. Mais, ma foi, le secours a servi, et les deux ont fait
fuir les trois.

SCÈNE IV.--DON JUAN, DON CARLOS, SGANARELLE, au fond du théâtre.
DON CARLOS, remettant son épée.
On voit, par la fuite de ces voleurs, de quel secours est votre bras.
Souffrez, monsieur, que je vous rende grâces d'une action si généreuse,
et que...
DON JUAN.
Je n'ai rien fait, monsieur, que vous n'eussiez fait en ma place. Notre
propre honneur est intéressé dans de pareilles aventures; et l'action
de ces coquins étoit si lâche, que c'eût été y prendre part que de ne
pas s'y opposer. Mais par quelle rencontre vous êtes-vous trouvé entre
leurs mains?
DON CARLOS.
Je m'étois, par hasard, égaré d'un frère et de tous ceux de notre
suite; et, comme je cherchois à les rejoindre, j'ai fait rencontre de
ces voleurs, qui d'abord ont tué mon cheval, et qui, sans votre valeur,
en auroient fait autant de moi.
DON JUAN.
Votre dessein est-il d'aller du côté de la ville?
DON CARLOS.
Oui, mais sans y vouloir entrer; et nous nous voyons obligés, mon
frère et moi, à tenir la campagne pour une de ces fâcheuses affaires
qui réduisent les gentilshommes à se sacrifier, eux et leur famille,
à la sévérité de leur honneur, puisque enfin le plus doux succès
en est toujours funeste, et que, si l'on ne quitte pas la vie, on
est contraint de quitter le royaume; et c'est en quoi je trouve la
condition d'un gentilhomme malheureuse, de ne pouvoir point s'assurer
sur toute la prudence et toute l'honnêteté de sa conduite, d'être
asservi par les lois de l'honneur au déréglement de la conduite
d'autrui, et de voir sa vie, son repos et ses biens, dépendre de la
fantaisie du premier téméraire qui s'avisera de lui faire une de ces
injures pour qui un honnête homme doit périr.
DON JUAN.
On a cet avantage, qu'on fait courir le même risque et passer mal aussi
le temps à ceux qui prennent fantaisie de nous venir faire une offense
de gaieté de cœur. Mais ne seroit-ce point une indiscrétion que de
vous demander quelle peut être votre affaire?
DON CARLOS.
La chose en est aux termes de n'en plus faire de secret; et, lorsque
l'injure a une fois éclaté, notre honneur ne va point à vouloir cacher
notre honte, mais à faire éclater notre vengeance, et à publier même
le dessein que nous en avons. Ainsi, monsieur, je ne feindrai point
de vous dire que l'offense que nous cherchons à venger est une sœur
séduite et enlevée d'un couvent, et que l'auteur de cette offense est
un don Juan Tenorio, fils de don Louis Tenorio. Nous le cherchons
depuis quelques jours, et nous l'avons suivi ce matin sur le rapport
d'un valet, qui nous a dit qu'il sortoit à cheval, accompagné de quatre
ou cinq, et qu'il avoit pris le long de cette côte; mais tous nos soins
ont été inutiles, et nous n'avons pu découvrir ce qu'il est devenu.
DON JUAN.
Le connoissez-vous, monsieur, ce don Juan dont vous parlez?
DON CARLOS.
Non, quant à moi; je ne l'ai jamais vu, et je l'ai seulement ouï
dépeindre à mon frère; mais la renommée n'en dit pas force bien, et
c'est un homme dont la vie...
DON JUAN.
Arrêtez, monsieur, s'il vous plaît. Il est un peu de mes amis, et ce
seroit à moi une espèce de lâcheté que d'en ouïr dire du mal.
DON CARLOS.
Pour l'amour de vous, monsieur, je n'en dirai rien du tout; et c'est
bien la moindre chose que je vous doive, après m'avoir sauvé la vie,
que de me taire devant vous d'une personne que vous connoissez, lorsque
je ne puis en parler sans en dire du mal; mais, quelque ami que vous
lui soyez, j'ose espérer que vous n'approuverez pas son action, et ne
trouverez pas étrange que nous cherchions d'en prendre la vengeance.
DON JUAN.
Au contraire, je vous y veux servir, et vous épargner des soins
inutiles. Je suis ami de don Juan, je ne puis pas m'en empêcher; mais
il n'est pas raisonnable qu'il offense impunément des gentilshommes, et
je m'engage à vous faire faire raison par lui.
DON CARLOS.
Et quelle raison peut-on faire à ces sortes d'injures?
DON JUAN.
Toute celle que votre honneur peut souhaiter; et, sans vous donner la
peine de chercher don Juan davantage, je m'oblige à le faire trouver au
lieu que vous voudrez, et quand il vous plaira.
DON CARLOS.
Cet espoir est bien doux, monsieur, à des cœurs offensés; mais, après
ce que je vous dois, ce me seroit une trop sensible douleur que vous
fussiez de la partie.
DON JUAN.
Je suis si attaché à don Juan, qu'il ne sauroit se battre que je ne me
batte aussi; mais enfin j'en réponds comme de moi-même, et vous n'avez
qu'à dire quand vous voulez qu'il paroisse et vous donne satisfaction.
DON CARLOS.
Que ma destinée est cruelle! Faut-il que je vous doive vie, et que don
Juan soit de vos amis?

SCÈNE V.--DON ALONSE, DON CARLOS, DON JUAN, SGANARELLE.
DON ALONSE, parlant à ceux de sa suite, sans voir don Carlos ni don
Juan.
Faites boire là mes chevaux, et qu'on les amène après nous; je veux un
peu marcher à pied. (Les apercevant tous deux.) O ciel! que vois-je
ici? Quoi! mon frère, vous voilà avec notre ennemi mortel?
DON CARLOS.
Notre ennemi mortel?
DON JUAN, mettant la main sur la garde de son épée.
Oui, je suis don Juan moi-même; et l'avantage du nombre ne m'obligera
pas à vouloir déguiser mon nom.
DON ALONSE, mettant l'épée à la main.
Ah! traître, il faut que tu périsses, et...
Sganarelle court se cacher.
DON CARLOS.
Ah! mon frère, arrêtez. Je lui suis redevable de la vie; et, sans le
secours de son bras, j'aurois été tué par des voleurs que j'ai trouvés.
DON ALONSE.
Et voulez-vous que cette considération empêche notre vengeance? Tous
les services que nous rend une main ennemie ne sont d'aucun mérite pour
engager notre âme; et, s'il faut mesurer l'obligation à l'injure, votre
reconnoissance, mon frère, est ici ridicule; et, comme l'honneur est
infiniment plus précieux que la vie, c'est ne devoir rien proprement
que d'être redevable de la vie à qui nous a ôté l'honneur.
DON CARLOS.
Je sais la différence, mon frère, qu'un gentilhomme doit toujours
mettre entre l'un et l'autre; et la reconnoissance de l'obligation
n'efface point en moi le ressentiment de l'injure; mais souffrez que je
lui rende ici ce qu'il m'a prêté, que je m'acquitte sur-le-champ de la
vie que je lui dois, par un délai de notre vengeance, et lui laisse la
liberté de jouir, durant quelques jours, du fruit de son bienfait.
DON ALONSE.
Non, non, c'est hasarder notre vengeance que de la reculer, et
l'occasion de la prendre peut ne plus revenir. Le ciel nous l'offre
ici, c'est à nous d'en profiter. Lorsque l'honneur est blessé
mortellement, on ne doit point songer à garder aucunes mesures; et, si
vous répugnez à prêter votre bras à cette action, vous n'avez qu'à vous
retirer, et laisser à ma main la gloire d'un tel sacrifice.
DON CARLOS.
De grâce, mon frère...
DON ALONSE.
Tous ces discours sont superflus: il faut qu'il meure.
DON CARLOS.
Arrêtez, vous dis-je, mon frère. Je ne souffrirai point du tout qu'on
attaque ses jours; et je jure le ciel que je le défendrai ici contre
qui que ce soit, et je saurai lui faire un rempart de cette même vie
qu'il a sauvée; et, pour adresser vos coups, il faudra que vous me
perciez.
DON ALONSE.
Quoi? vous prenez le parti de votre ennemi contre moi; et, loin d'être
saisi à son aspect des mêmes transports que je sens, vous faites voir
pour lui des sentiments pleins de douceur!
DON CARLOS.
Mon frère, montrons de la modération dans une action légitime, et ne
vengeons point notre honneur avec cet emportement que vous témoignez.
Ayons du cœur dont nous soyons les maîtres, une valeur qui n'ait rien
de farouche, et qui se porte aux choses par une pure délibération de
notre raison, et non point par le mouvement d'une aveugle colère. Je
ne veux point, mon frère, demeurer redevable à mon ennemi, et je lui
ai une obligation dont il faut que je m'acquitte avant toute chose.
Notre vengeance, pour être différée, n'en sera pas moins éclatante; au
contraire, elle en tirera de l'avantage; et cette occasion de l'avoir
pu prendre la fera paroître plus juste aux yeux de tout le monde.
DON ALONSE.
O l'étrange foiblesse, et l'aveuglement effroyable, de hasarder ainsi
les intérêts de son honneur pour la ridicule pensée d'une obligation
chimérique!
DON CARLOS.
Non, mon frère, ne vous mettez pas en peine. Si je fais une faute,
je saurai bien la réparer, et je me charge de tout le soin de notre
honneur; je sais à quoi il nous oblige, et cette suspension d'un jour,
que ma reconnoissance lui demande, ne fera qu'augmenter l'ardeur que
j'ai de le satisfaire. Don Juan, vous voyez que j'ai soin de vous
rendre le bien que j'ai reçu de vous, et vous devez par là juger du
reste, croire que je m'acquitte avec même chaleur de ce que je dois, et
que je ne serai pas moins exact à vous payer l'injure que le bienfait.
Je ne veux point vous obliger ici à expliquer vos sentiments, et je
vous donne la liberté de penser à loisir aux résolutions que vous avez
à prendre. Vous connoissez assez la grandeur de l'offense que vous nous
faites, et je vous fais juge vous-même des réparations qu'elle demande.
Il est des moyens doux pour nous satisfaire, il en est de violents et
de sanglants; mais enfin, quelque choix que vous fassiez, vous m'avez
donné parole de me faire raison par don Juan. Songez à me la faire, je
vous prie, et vous ressouvenez que, hors d'ici, je ne dois plus qu'à
mon honneur.
DON JUAN.
Je n'ai rien exigé de vous, et vous tiendrai ce que j'ai promis.
DON CARLOS.
Allons, mon frère; un moment de douceur ne fait aucune injure à la
sévérité de notre devoir.

SCÈNE VI.--DON JUAN, SGANARELLE.
DON JUAN.
Holà! hé! Sganarelle!
SGANARELLE, sortant de l'endroit où il étoit caché.
Plaît-il!
DON JUAN.
Comment! coquin, tu fuis quand on m'attaque!
SGANARELLE.
Pardonnez-moi, monsieur, je viens seulement d'ici près. Je crois que
cet habit est purgatif, et que c'est prendre médecine que de le porter.
DON JUAN.
Peste soit l'insolent! Couvre au moins ta poltronnerie d'un voile plus
honnête. Sais-tu bien qui est celui à qui j'ai sauvé la vie!
SGANARELLE.
Moi? non.
DON JUAN.
C'est un frère d'Elvire.
SGANARELLE.
Un...
DON JUAN.
Il est assez honnête homme, il en a bien usé, et j'ai regret d'avoir
démêlé avec lui.
SGANARELLE.
Il vous seroit aisé de pacifier toutes choses.
DON JUAN.
Oui; mais ma passion est usée pour done Elvire, et l'engagement ne
compatit point avec mon humeur. J'aime la liberté en amour, tu le
sais, et je ne saurois me résoudre à renfermer mon cœur entre quatre
murailles. Je te l'ai dit vingt fois, j'ai une pente naturelle à me
laisser aller à tout ce qui m'attire. Mon cœur est à toutes les
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