Molière - Œuvres complètes, Tome 3 - 06

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aucune conversation, et sa bouche ne m'a point déclaré la passion qu'il
a pour moi; mais, dans tous les lieux où il m'a pu voir, ses regards et
ses actions m'ont toujours parlé si tendrement, et la demande qu'il a
fait faire de moi m'a paru d'un si honnête homme, que mon cœur n'a pu
s'empêcher d'être sensible à ses ardeurs; et, cependant, tu vois où la
dureté de mon père réduit toute cette tendresse.
LISETTE.
Allez, laissez-moi faire. Quelque sujet que j'aie de me plaindre de
vous du secret que vous m'avez fait, je ne veux pas laisser de servir
votre amour; et, pourvu que vous ayez assez de résolution...
LUCINDE.
Mais que veux-tu que je fasse contre l'autorité d'un père? Et s'il est
inexorable à mes vœux...
LISETTE.
Allez, allez, il ne faut pas se laisser mener comme un oison, et,
pourvu que l'honneur n'y soit pas offensé, on peut se libérer un peu
de la tyrannie d'un père. Que prétend-il que vous fassiez? N'êtes-vous
pas en âge d'être mariée? et croit-il que vous soyez de marbre? Allez,
encore un coup, je veux servir votre passion; je prends, dès à présent,
sur moi tout le soin de ses intérêts, et vous verrez que je sais des
détours... Mais je vois votre père. Rentrons, et me laissez agir.

SCÈNE V.--SGANARELLE.
Il est bon quelquefois de ne point faire semblant d'entendre les
choses qu'on n'entend que trop bien; et j'ai fait sagement de parer
la déclaration d'un désir que je ne suis pas résolu de contenter.
A-t-on jamais rien vu de plus tyrannique que cette coutume où l'on veut
assujettir les pères, rien de plus impertinent et de plus ridicule que
d'amasser du bien avec de grands travaux, et d'élever une fille avec
beaucoup de soin et de tendresse, pour se dépouiller de l'un et de
l'autre entre les mains d'un homme qui ne nous touche de rien? Non,
non; je me moque de cet usage, et je veux garder mon bien et ma fille
pour moi.

SCÈNE VI.--SGANARELLE, LISETTE.
LISETTE, courant sur le théâtre et feignant de ne pas voir Sganarelle.
Ah! malheur! ah! disgrâce! Ah! pauvre seigneur Sganarelle! où
pourrai-je te rencontrer?
SGANARELLE, à part.
Que dit-elle là?
LISETTE, courant toujours.
Ah! misérable père! que feras-tu quand tu sauras cette nouvelle?
SGANARELLE, à part.
Que sera-ce?
LISETTE.
Ma pauvre maîtresse!
SGANARELLE, à part.
Je suis perdu!
LISETTE.
Ah!
SGANARELLE, courant après Lisette.
Lisette!
LISETTE.
Quelle infortune!
SGANARELLE.
Lisette!
LISETTE.
Quel accident!
SGANARELLE.
Lisette!
LISETTE.
Quelle fatalité!
SGANARELLE.
Lisette!
LISETTE, s'arrêtant.
Ah! monsieur!
SGANARELLE.
Qu'est-ce?
LISETTE.
Monsieur!
SGANARELLE.
Qu'y a-t-il?
LISETTE.
Votre fille...
SGANARELLE.
Ah! ah!
LISETTE.
Monsieur, ne pleurez donc point comme cela, car vous me feriez rire.
SGANARELLE.
Dis donc vite!
LISETTE.
Votre fille, toute saisie des paroles que vous lui avez dites, et de la
colère effroyable où elle vous a vu contre elle, est montée vite dans
sa chambre, et, pleine de désespoir, a ouvert la fenêtre qui regarde
sur la rivière.
SGANARELLE.
Eh bien?
LISETTE.
Alors, levant les yeux au ciel: «Non, a-t-elle dit, il m'est impossible
de vivre avec le courroux de mon père; et, puisqu'il me renonce pour sa
fille, je veux mourir.»
SGANARELLE.
Elle s'est jetée?
LISETTE.
Non, monsieur. Elle a fermé tout doucement la fenêtre, et s'est allée
mettre sur son lit. Là, elle s'est prise à pleurer amèrement; et tout
d'un coup son visage a pâli, ses yeux se sont tournés, le cœur lui a
manqué, et elle m'est demeurée entre les bras.
SGANARELLE.
Ah! ma fille! [Elle est morte?
LISETTE.
Non, monsieur][33]. A force de la tourmenter, je l'ai fait revenir; mais
cela lui reprend de moment en moment, et je crois qu'elle ne passera
pas la journée.
SGANARELLE.
Champagne! Champagne! Champagne!
[33] Ce qui est renfermé entre des crochets n'existe point dans
l'édition originale.

SCÈNE VII.--SGANARELLE, CHAMPAGNE, LISETTE.
SGANARELLE.
Vite, qu'on m'aille quérir des médecins, et en quantité. On n'en peut
trop avoir dans une pareille aventure. Ah! ma fille! ma pauvre fille!

PREMIÈRE ENTRÉE.

SCÈNE VIII.
Champagne, valet de Sganarelle, frappe, en dansant, aux portes de
quatre médecins.

SCÈNE IX.
Les quatre médecins dansent et entrent avec cérémonie chez Sganarelle.


ACTE II

SCÈNE I.--SGANARELLE, LISETTE.
LISETTE.
Que voulez-vous donc faire, monsieur, de quatre médecins? N'est-ce pas
assez d'un pour tuer une personne?
SGANARELLE.
Taisez-vous. Quatre conseils valent mieux qu'un.
LISETTE.
Est-ce que votre fille ne peut pas bien mourir sans le secours de ces
messieurs-là?
SGANARELLE.
Est-ce que les médecins font mourir?
LISETTE.
Sans doute; et j'ai connu un homme qui prouvoit, par bonnes raisons,
qu'il ne faut jamais dire: Une telle personne est morte d'une fièvre et
d'une fluxion sur la poitrine; mais: Elle est morte de quatre médecins
et de deux apothicaires.
SGANARELLE.
Chut! n'offensez pas ces messieurs-là.
LISETTE.
Ma foi, monsieur, notre chat est réchappé depuis peu d'un saut qu'il
fit du haut de la maison dans la rue; et il fut trois jours sans manger
et sans pouvoir remuer ni pied ni patte; mais il est bien heureux de ce
qu'il n'y a point de chats médecins, car ses affaires étoient faites,
et il n'auroit pas manqué de le purger et de le saigner.
SGANARELLE.
Voulez-vous vous taire, vous dis-je! Mais voyez quelle impertinence!
Les voici.
LISETTE.
Prenez garde, vous allez être bien édifié. Ils vous diront en latin que
votre fille est malade.

SCÈNE II.--MM. TOMÈS, DESFONANDRÈS, MACROTON, BAHIS, SGANARELLE,
LISETTE.
SGANARELLE.
Eh bien, messieurs?
M. TOMÈS[34].
Nous avons vu suffisamment la malade, et sans doute qu'il y a beaucoup
d'impuretés en elle.
SGANARELLE.
Ma fille est impure?
M. TOMÈS.
Je veux dire qu'il y a beaucoup d'impuretés dans son corps, quantité
d'humeurs corrompues.
SGANARELLE.
Ah! je vous entends.
M. TOMÈS.
Mais... Nous allons consulter ensemble.
SGANARELLE.
Allons, faites donner des siéges.
LISETTE, à M. Tomès.
Ah! monsieur, vous en êtes!
SGANARELLE, à Lisette.
De quoi donc connoissez-vous monsieur?
LISETTE.
De l'avoir vu l'autre jour chez la bonne amie de madame votre nièce.
M. TOMÈS.
Comment se porte son cocher?
LISETTE.
Fort bien. Il est mort.
M. TOMÈS.
Mort?
LISETTE.
Oui.
M. TOMÈS.
Cela ne se peut.
LISETTE.
Je ne sais pas si cela se peut, mais je sais bien que cela est.
M. TOMÈS.
Il ne peut pas être mort, vous dis-je.
LISETTE.
Et moi, je vous dis qu'il est mort et enterré.
M. TOMÈS.
Vous vous trompez.
LISETTE.
Je l'ai vu.
M. TOMÈS.
Cela est impossible. Hippocrate dit que ces sortes de maladies ne se
terminent qu'au quatorze ou au vingt-un; et il n'y a que six jours
qu'il est tombé malade.
LISETTE.
Hippocrate dira ce qu'il lui plaira; mais le cocher est mort.
SGANARELLE.
Paix, discoureuse! allons, sortons d'ici! Messieurs, je vous supplie de
consulter la bonne manière. Quoique ce ne soit pas la coutume de payer
auparavant, toutefois, de peur que je l'oublie, et afin que ce soit une
affaire faite, voici...
Il leur donne de l'argent, et chacun, en le recevant, fait un geste
différent.
[34] Pour: le coupeur. Mot grec inventé par Despréaux. Il s'agit de
Dacquin, chimiste, charlatan qui saignait beaucoup.

SCÈNE III.--MM. DESFONANDRÈS, TOMÈS, MACROTON, BAHIS, ils s'asseyent et
toussent.
M. DESFONANDRÈS[35].
Paris est étrangement grand, et il faut faire de longs trajets quand la
pratique donne un peu.
M. TOMÈS.
Il faut avouer que j'ai une mule admirable pour cela, et qu'on a peine
à croire le chemin que je lui fais faire tous les jours.
M. DESFONANDRÈS.
J'ai un cheval merveilleux, et c'est un animal infatigable.
M. TOMÈS.
Savez-vous le chemin que ma mule a fait aujourd'hui? J'ai été,
premièrement, tout contre l'Arsenal; de l'Arsenal, au bout du faubourg
Saint-Germain, du faubourg Saint-Germain, au fond du Marais; du fond du
Marais, à la porte Saint-Honoré; de la porte Saint-Honoré, au faubourg
Saint-Jacques; du faubourg Saint-Jacques, à la porte de Richelieu[36];
de la porte de Richelieu, ici; et d'ici je dois aller encore à la place
Royale.
M. DESFONANDRÈS.
Mon cheval a fait tout cela aujourd'hui; et de plus j'ai été à Ruel
voir un malade.
M. TOMÈS.
Mais, à propos, quel parti prenez-vous dans la querelle des deux
médecins Théophraste et Artémius? car c'est une affaire qui partage
tout notre corps.
M. DESFONANDRÈS.
Moi, je suis pour Artémius.
M. TOMÈS.
Et moi aussi. Ce n'est pas que son avis, comme on a vu, n'ait tué
le malade, et que celui de Théophraste ne fût beaucoup meilleur
assurément; mais enfin il a tort dans les circonstances, et il ne
devoit pas être d'un autre avis que son ancien. Qu'en dites-vous?
M. DESFONANDRÈS.
Sans doute. Il faut toujours garder les formalités, quoi qu'il puisse
arriver.
M. TOMÈS.
Pour moi, j'y suis sévère en diable, à moins que ce soit entre amis;
et l'on nous assembla, un jour, trois de nous autres, avec un médecin
de dehors, pour une consultation où j'arrêtai toute l'affaire, et
ne voulus point endurer qu'on opinât, si les choses n'alloient dans
l'ordre. Les gens de la maison faisoient ce qu'ils pouvoient, et la
maladie pressoit; mais je n'en voulus point démordre, et la malade
mourut bravement pendant cette contestation.
M. DESFONANDRÈS.
C'est fort bien fait d'apprendre aux gens à vivre et de leur montrer
leur bec jaune[37].
M. TOMÈS.
Un homme mort n'est qu'un homme mort, et ne fait point de conséquence;
mais une formalité négligée porte un notable préjudice à tout le corps
des médecins.
[35] Pour: le tueur d'hommes. Mot grec également inventé par Boileau.
Il s'agit de Desfougerais, chimiste aussi, boiteux, partisan de
l'antimoine, guérissant toutes les maladies avec de la poudre blanche,
rouge et jaune, qu'il portait dans sa poche.
[36] Cette porte s'élevait à l'extrémité de la rue de Richelieu; elle
fut démolie en 1701.
[37] Voyez plus haut la note première, page 37.

SCÈNE IV.--SGANARELLE, MM. TOMÈS, DESFONANDRÈS, MACROTON, BAHIS.
SGANARELLE.
Messieurs, l'oppression de ma fille augmente; je vous prie de me dire
vite ce que vous avez résolu.
M. TOMÈS, à M. Desfonandrès.
Allons, monsieur.
M. DESFONANDRÈS.
Non, monsieur; parlez, s'il vous plaît.
M. TOMÈS.
Vous vous moquez.
M. DESFONANDRÈS.
Je ne parlerai pas le premier.
M. TOMÈS.
Monsieur...
M. DESFONANDRÈS.
Monsieur...
SGANARELLE.
Eh! de grâce, messieurs, laissez toutes ces cérémonies, et songez que
les choses pressent.
Ils parlent tous quatre à la fois.
M. TOMÈS.
La maladie de votre fille...
M. DESFONANDRÈS.
L'avis de tous ces messieurs tous ensemble...
M. MACROTON[38].
A-près a-voir bi-en con-sul-té.
M. BAHIS[39].
Pour raisonner...
SGANARELLE.
Eh! messieurs, parlez l'un après l'autre, de grâce.
M. TOMÈS.
Monsieur, nous avons raisonné sur la maladie de votre fille, et mon
avis, à moi, est que cela procède d'une grande chaleur de sang: ainsi
je conclus à la saigner le plus tôt que vous pourrez.
M. DESFONANDRÈS.
Et moi, je dis que sa maladie est une pourriture d'humeurs causée par
une trop grande réplétion; ainsi je conclus à lui donner de l'émétique.
M. TOMÈS.
Je soutiens que l'émétique la tuera.
M. DESFONANDRÈS.
Et moi, que la saignée la fera mourir.
M. TOMÈS.
C'est bien à vous de faire l'habile homme!
M. DESFONANDRÈS.
Oui, c'est à moi; et je vous prêterai le collet[40] en tout genre
d'érudition.
M. TOMÈS.
Souvenez-vous de l'homme que vous fîtes crever ces jours passés.
M. DESFONANDRÈS.
Souvenez-vous de la dame que vous avez envoyée en l'autre monde il y a
trois jours.
M. TOMÈS, à Sganarelle.
Je vous ai dit mon avis.
M. DESFONANDRÈS, à Sganarelle.
Je vous ai dit ma pensée.
M. TOMÈS.
Si vous ne faites saigner tout à l'heure votre fille, c'est une
personne morte.
Il sort.
M. DESFONANDRÈS.
Si vous la faites saigner, elle ne sera pas en vie dans un quart
d'heure.
Il sort.
[38] Pour: le lent. Mot grec inventé aussi par Boileau. Il s'agit du
fameux Guénaud, dont le cheval, dit Boileau, éclaboussait tout Paris;
qui parlait par poids et mesures et faisait tout pour de l'argent.
[39] Pour: l'aboyeur. Mot grec inventé par Boileau. Il s'agit d'Esprit,
médecin qui bredouillait.
[40] Pour: accepter le combat. Locution archaïque, par allusion au
collet que saisissent et secouent les deux combattants.

SCÈNE V.--SGANARELLE, MM. MACROTON, BAHIS.
SGANARELLE.
A qui croire des deux? et quelle résolution prendre sur des avis si
opposés? Messieurs, je vous conjure de déterminer mon esprit, et de me
dire, sans passion, ce que vous croyez le plus propre à soulager ma
fille.
M. MACROTON.
Mon-si-eur, dans ces ma-ti-è-res-là, il faut pro-cé-der a-vec-que
cir-con-spec-tion, et ne ri-en fai-re, com-me on dit, à la vo-lé-e,
d'au-tant que les fau-tes qu'on y peut fai-re sont, se-lon no-tre
maî-tre Hip-po-cra-te, d'u-ne dange-reu-se con-sé-quen-ce.
M. BAHIS, bredouillant.
Il est vrai, il faut bien prendre garde à ce qu'on fait; car ce ne sont
pas ici des jeux d'enfant; et, quand on a failli, il n'est pas aisé de
réparer le manquement, et de rétablir ce qu'on a gâté: _experimentum
periculosum_. C'est pourquoi il s'agit de raisonner auparavant comme
il faut, de peser mûrement les choses, de regarder le tempérament des
gens, d'examiner les causes de la maladie, et de voir les remèdes qu'on
y doit apporter.
SGANARELLE, à part.
L'un va en tortue, et l'autre court la poste.
M. MACROTON.
Or, mon-si-eur, pour ve-nir au fait, je trou-ve que vo-tre fil-le a
u-ne ma-la-di-e chro-ni-que, et qu'el-le peut pé-ri-cli-ter, si on
ne lui don-ne du se-cours, d'au-tant que les symp-tô-mes qu'el-le a
sont in-di-ca-tifs d'u-ne va-peur fu-li-gi-neu-se et mor-di-can-te qui
lui pi-co-te les mem-bra-nes du cer-veau. Or cet-te va-peur, que nous
nom-mons en grec _at-mos_, est cau-sé-e par des hu-meurs pu-tri-des,
te-na-ces et con-glu-ti-neu-ses, qui sont con-te-nu-es dans le
bas-ven-tre.
M. BAHIS.
Et, comme ces humeurs ont été là engendrées par une longue succession
de temps, elles s'y sont recuites, et ont acquis cette malignité qui
fume vers la région du cerveau.
M. MACR0T0N.
Si bi-en donc que, pour ti-rer, dé-ta-cher, ar-ra-cher, ex-pul-ser,
é-va-cu-er les-di-tes hu-meurs, il fau-dra u-ne pur-ga-ti-on
vi-gou-reu-se. Mais, au pré-a-la-ble, je trou-ve à pro-pos, et il n'y
a pas d'in-con-vé-ni-ent, d'u-ser de pe-tits re-mè-des a-no-dins,
c'est-à-di-re, de pe-tits la-ve-mens ré-mol-li-ents et dé-ter-sifs,
de ju-leps et de si-rops ra-fraî-chis-sants qu'on mê-le-ra dans sa
ti-sa-ne.
M. BAHIS.
Après, nous en viendrons à la purgation et à la saignée, que nous
réitérerons s'il en est besoin.
M. MACROTON.
Ce n'est pas qu'a-vec-que tout ce-la vo-tre fil-le ne puis-se mou-rir;
mais au moins vous au-rez fait quel-que cho-se, et vous au-rez la
con-so-la-ti-on qu'el-le se-ra mor-te dans les for-mes.
M. BAHIS.
Il vaut mieux mourir selon les règles que de réchapper contre les
règles.
M. MACROTON.
Nous vous di-sons sin-cè-re-ment no-tre pen-sée.
M. BAHIS.
Et nous avons parlé comme nous parlerions à notre propre frère.
SGANARELLE, à M. Macroton, en allongeant ses mots.
Je vous rends très-hum-bles grâ-ces. (A M. Bahis, en bredouillant.) Et
vous suis infiniment obligé de la peine que vous avez prise[41].
[41] Scène imitée du _Phormion_ de Térence, où le principal personnage
consulte inutilement trois avocats.

SCÈNE VI.--SGANARELLE.
Me voilà justement un peu plus incertain que je n'étois auparavant.
Morbleu! il me vient une fantaisie; il faut que j'aille acheter de
l'orviétan[42] et que je lui en fasse prendre. L'orviétan est un remède
dont beaucoup de gens se sont bien trouvés. Holà!
[42] Électuaire apporté à Paris en 1647 par un charlatan d'Orviéto,
ville d'Italie.

DEUXIÈME ENTRÉE.

SCÈNE VII--SGANARELLE, UN OPÉRATEUR.
SGANARELLE.
Monsieur, je vous prie de me donner une boîte de votre orviétan, que je
m'en vais vous payer.
L'OPÉRATEUR, chante.
L'or de tous les climats qu'entoure l'Océan
Peut-il jamais payer ce secret d'importance?
Mon remède guérit, par sa rare excellence,
Plus de maux qu'on n'en peut nombrer dans tout un an:
La gale,
La rogne,
La teigne,
La fièvre,
La peste,
La goutte,
Vérole,
Descente,
Rougeole.
O grande puissance
De l'orviétan!
SGANARELLE.
Monsieur, je crois que tout l'or du monde n'est pas capable de payer
votre remède; mais pourtant voici une pièce de trente sous que vous
prendrez, s'il vous plaît.
L'OPÉRATEUR, chante.
Admirez mes bontés, et le peu qu'on vous vend
Ce trésor merveilleux que ma main vous dispense.
Vous pouvez, avec lui, braver en assurance
Tous les maux que sur nous l'ire du ciel répand:
La gale,
La rogne,
La teigne,
La fièvre,
La peste,
La goutte,
Vérole.
Descente,
Rougeole.
O grande puissance
De l'orviétan!

SCÈNE VIII.
Plusieurs trivelins et plusieurs scaramouches, valets de l'opérateur,
se réjouissent en dansant.


ACTE III

SCÈNE I.--MM. FILERIN, TOMÈS, DESFONANDRÈS.
M. FILERIN[43].
N'avez-vous point de honte, messieurs, de montrer si peu de prudence,
pour des gens de votre âge, et de vous être querellés comme de jeunes
étourdis? Ne voyez-vous pas bien quel tort ces sortes de querelles
nous font parmi le monde? et n'est-ce pas assez que les savans voient
les contrariétés et les dissensions qui sont entre nos auteurs et
nos anciens maîtres, sans découvrir encore au peuple, par nos débats
et nos querelles, la forfanterie de notre art[44]? Pour moi, je ne
comprends rien du tout à cette méchante politique de quelques-uns de
nos gens; et il faut confesser que toutes ces contestations nous ont
décriés depuis peu d'une étrange manière, et que, si nous n'y prenons
garde, nous allons nous ruiner nous mêmes. Je n'en parle pas pour mon
intérêt; car, Dieu merci! j'ai déjà établi mes petites affaires. Qu'il
vente, qu'il pleuve, qu'il grêle, ceux qui sont morts sont morts, et
j'ai de quoi me passer des vivants; mais enfin toutes ces disputes
ne valent rien pour la médecine. Puisque le ciel nous fait la grâce
que, depuis tant de siècles, on demeure infatué de nous, ne désabusons
point les hommes avec nos cabales extravagantes, et profitons de leurs
sottises le plus doucement que nous pourrons. Nous ne sommes pas les
seuls, comme vous savez, qui tâchons à nous prévaloir de la faiblesse
humaine. C'est là que va l'étude de la plupart du monde, et chacun
s'efforce de prendre les hommes par leur foible, pour en tirer quelque
profit. Les flatteurs, par exemple, cherchent à profiter de l'amour
que les hommes ont pour les louanges, en leur donnant tout le vain
encens qu'ils souhaitent; et c'est un art où l'on fait, comme on voit,
des fortunes considérables. Les alchimistes tâchent à profiter de la
passion que l'on a pour les richesses, en promettant des montagnes
d'or à ceux qui les écoutent; et les diseurs d'horoscopes, par leurs
prédictions trompeuses, profitent de la vanité et de l'ambition des
crédules esprits. Mais le plus grand foible des hommes, c'est l'amour
qu'ils ont pour la vie; et nous en profitons, nous autres par notre
pompeux galimatias, et savons prendre nos avantages de cette vénération
que la peur de mourir leur donne pour notre métier. Conservons-nous
donc dans le degré d'estime où leur foiblesse nous a mis, et soyons de
concert auprès des malades, pour nous attribuer les heureux succès de
la maladie, et rejeter sur la nature toutes les bévues de notre art.
N'allons point, dis-je, détruire sottement les heureuses préventions
d'une erreur qui donne du pain à tant de personnes (et, de l'argent de
ceux que nous mettons en terre, nous fait élever de tous côtés de si
beaux héritages.)
M. TOMÈS.
Vous avez raison en tout ce que vous dites: mais ce sont chaleurs de
sang, dont parfois on n'est pas le maître.
M. FILERIN.
Allons donc, messieurs, mettez bas toute rancune, et faisons ici votre
accommodement.
M. DESFONANDRÈS.
J'y consens. Qu'il me passe mon émétique pour la malade dont il s'agit,
et je lui passerai tout ce qu'il voudra pour le premier malade dont il
sera question.
M. FILERIN.
On ne peut pas mieux dire, et voilà se mettre à la raison.
M. DESFONANDRÈS.
Cela est fait.
M. FILERIN.
Touchez donc là. Adieu. Une autre fois, montrez plus de prudence.
[43] Pour: φιλος ερεβεος, ami de la mort. Symbole de la médecine
elle-même.
[44] Consulter, sur les disputes médicales de l'époque, l'_Histoire de
la découverte de la circulation du sang_, par M. Flourens.

SCÈNE II.--MM. TOMÈS, DESFONANDRÈS, LISETTE.
LISETTE.
Quoi! messieurs, vous voilà, et vous ne songez pas à réparer le tort
qu'on vient de faire à la médecine?
M. TOMÈS.
Comment! Qu'est-ce?
LISETTE.
Un insolent, qui a eu l'effronterie d'entreprendre sur votre métier,
et qui, sans votre ordonnance, vient de tuer un homme d'un grand coup
d'épée au travers du corps.
M. TOMÈS.
Écoutez, vous faites la railleuse; mais vous passerez par nos mains
quelque jour.
LISETTE.
Je vous permets de me tuer lorsque j'aurai recours à vous.

SCÈNE III.--CLITANDRE, en habit de médecin, LISETTE.
CLITANDRE.
Eh bien, Lisette, [que dis-tu de mon équipage? Crois-tu qu'avec cet
habit je puisse duper le bonhomme?] Me trouves-tu bien ainsi?
LISETTE.
Le mieux du monde; et je vous attendois avec impatience. Enfin le ciel
m'a fait d'un naturel le plus humain du monde, et je ne puis voir deux
amans soupirer l'un pour l'autre qu'il ne me prenne une tendresse
charitable et un désir ardent de soulager les maux qu'ils souffrent.
Je veux, à quelque prix que ce soit, tirer Lucinde de la tyrannie où
elle est, et la mettre en votre pouvoir. Vous m'avez plu d'abord, je me
connois en gens, et elle ne peut pas mieux choisir. L'amour risque des
choses extraordinaires, et nous avons concerté ensemble une manière de
stratagème qui pourra peut-être nous réussir. Toutes nos mesures sont
déjà prises: l'homme à qui nous avons affaire n'est pas des plus fins
de ce monde; et, si cette aventure nous manque, nous trouverons mille
autres voies pour arriver à notre but. Attendez-moi là seulement, je
reviens vous quérir.
Clitandre se retire dans le fond du théâtre.

SCÈNE IV.--SGANARELLE, LISETTE.
LISETTE.
Monsieur, allégresse! allégresse!
SGANARELLE.
Qu'est-ce?
LISETTE.
Réjouissez-vous.
SGANARELLE.
De quoi?
LISETTE.
Réjouissez-vous, vous dis-je.
SGANARELLE.
Dis-moi donc ce que c'est, et puis je me réjouirai peut-être.
LISETTE.
Non. Je veux que vous vous réjouissiez auparavant; que vous chantiez,
que vous dansiez.
SGANARELLE.
Sur quoi?
LISETTE.
Sur ma parole.
SGANARELLE.
Allons donc! (Il chante et danse.) La lera la, la, la, lera, la. Que
diable!
LISETTE.
Monsieur, votre fille est guérie!
SGANARELLE.
Ma fille est guérie!
LISETTE.
Oui. Je vous amène un médecin, mais un médecin d'importance, qui fait
des cures merveilleuses, et qui se moque des autres médecins.
SGANARELLE.
Où est-il?
LISETTE.
Je vais le faire entrer.
SGANARELLE, seul.
Il faut voir si celui-ci fera plus que les autres.

SCÈNE V.--CLITANDRE, en habit de médecin, SGANARELLE, LISETTE.
LISETTE, amenant Clitandre.
Le voici.
SGANARELLE.
Voilà un médecin qui a la barbe bien jeune.
LISETTE.
La science ne se mesure pas à la barbe, et ce n'est pas par le menton
qu'il est habile.
SGANARELLE.
Monsieur, on m'a dit que vous aviez des remèdes admirables pour faire
aller à la selle.
CLITANDRE.
Monsieur, mes remèdes sont différents de ceux des autres. Ils ont
l'émétique, les saignées, les médecines et les lavements; mais moi,
je guéris par des paroles, par des sons, par des lettres, par des
talismans et par des anneaux constellés.
LISETTE.
Que vous ai-je dit?
SGANARELLE.
Voilà un grand homme!
LISETTE.
Monsieur, comme votre fille est là tout habillée dans une chaise, je
vais la faire passer ici.
SGANARELLE.
Oui, fais.
CLITANDRE, tâtant le pouls à Sganarelle.
Votre fille est bien malade.
SGANARELLE.
Vous connoissez cela ici?
CLITANDRE.
Oui, par la sympathie qu'il y a entre le père et la fille[45].
[45] Scène imitée du _Medico volante_, canevas italien que Molière
avait traduit dans sa jeunesse. Voyez tome Ier, p. 17.

SCÈNE VI.--SGANARELLE, LUCINDE, CLITANDRE, LISETTE.
LISETTE, à Clitandre.
Tenez, monsieur, voilà une chaise auprès d'elle. (A Sganarelle).
Allons, laissez-les là tous deux.
SGANARELLE.
Pourquoi? Je veux demeurer là.
LISETTE.
Vous moquez-vous? Il faut s'éloigner. Un médecin a cent choses à
demander qu'il n'est pas honnête qu'un homme entende.
Sganarelle et Lisette s'éloignent.
CLITANDRE, bas, à Lucinde.
Ah! madame, que le ravissement où je me trouve est grand! et je ne
sais par où vous commencer mon discours. Tant que je ne vous ai parlé
que des yeux, j'avois, ce me sembloit, cent choses à vous dire; et,
maintenant que j'ai la liberté de vous parler de la façon que je
souhaitois, je demeure interdit, et la grande joie où je suis étouffe
toutes mes paroles.
LUCINDE.
Je puis vous dire la même chose; et je sens, comme vous, des mouvements
de joie qui m'empêchent de pouvoir parler.
CLITANDRE.
Ah! madame, que je serois heureux s'il étoit vrai que vous sentissiez
tout ce que je sens, et qu'il me fût permis de juger de votre âme par
la mienne! Mais, madame, puis-je au moins croire que ce soit à vous à
qui je doive la pensée de cet heureux stratagème qui me fait jouir de
votre présence?
LUCINDE.
Si vous ne m'en devez pas la pensée, vous m'êtes redevable au moins
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