Molière - Œuvres complètes, Tome 3 - 16

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PHILÈNE.
C'est par trop discourir;
Allons, il faut mourir.

SCÈNE VIII.--PHILÈNE, LYCAS, PAYSANS.
Les paysans viennent pour séparer Philène et Lycas.

QUATRIÈME ENTRÉE DE BALLET.
Les paysans prennent querelle en voulant séparer les deux pasteurs,
et dansent en se battant.

SCÈNE IX.--CORYDON, LYCAS, PHILÈNE, PAYSANS.
Corydon, par ses discours, trouve moyen d'apaiser la querelle des
paysans.

CINQUIÈME ENTRÉE DE BALLET.
Les paysans réconciliés dansent ensemble.

SCÈNE X.--CORYDON, LYCAS, PHILÈNE.

SCÈNE XI.--IRIS, CORYDON.

SCÈNE XII.--PHILÈNE, LYCAS, IRIS, CORYDON.
Lycas et Philène, amans de la bergère, la pressent de décider lequel
des deux aura la préférence.
PHILÈNE, à Iris.
N'attendez pas qu'ici je me vante moi-même,
Pour le choix que vous balancez;
Vous avez des yeux, je vous aime;
C'est vous en dire assez.
La bergère décide en faveur de Corydon.

SCÈNE XIII.--PHILÈNE, LYCAS.
PHILÈNE chante.
Hélas! peut-on sentir de plus vive douleur?
Nous préférer un servile pasteur!
O ciel!
LYCAS chante.
O sort!
PHILÈNE.
Quelle rigueur!
LYCAS.
Quel coup!
PHILÈNE.
Quoi! tant de pleurs,
LYCAS.
Tant de persévérance,
PHILÈNE.
Tant de langueur,
LYCAS.
Tant de souffrance,
PHILÈNE.
Tant de vœux,
LYCAS.
Tant de soins,
PHILÈNE.
Tant d'ardeur,
LYCAS.
Tant d'amour,
PHILÈNE.
Avec tant de mépris sont traités en ce jour!
Ah! cruelle!
LYCAS.
Cœur dur!
PHILÈNE.
Tigresse!
LYCAS.
Inexorable!
PHILÈNE.
Inhumaine!
LYCAS.
Inflexible!
PHILÈNE.
Ingrate!
LYCAS.
Impitoyable!
PHILÈNE.
Tu veux donc nous faire mourir?
Il te faut contenter.
LYCAS.
Il te faut obéir.
PHILÈNE, tirant son javelot.
Mourons, Lycas.
LYCAS, tirant son javelot.
Mourons, Philène.
PHILÈNE.
Avec ce fer, finissons notre peine.
LYCAS.
Pousse.
PHILÈNE.
Ferme!
LYCAS.
Courage!
PHILÈNE.
Allons, va le premier.
LYCAS.
Non, je veux marcher le dernier.
PHILÈNE.
Puisque même malheur aujourd'hui nous assemble,
Allons, partons ensemble.

SCÈNE XIV.--UN BERGER, LYCAS, PHILÈNE.
LE BERGER chante.
Ah! quelle folie
De quitter la vie
Pour une beauté
Dont on est rebuté!
On peut pour un objet aimable,
Dont le cœur nous est favorable,
Vouloir perdre la clarté;
Mais quitter la vie
Pour une beauté
Dont on est rebuté,
Ah! quelle folie!

SCÈNE XV.--UNE ÉGYPTIENNE, ÉGYPTIENS dansans.
L'ÉGYPTIENNE.
D'un pauvre cœur
Soulagez le martyre;
D'un pauvre cœur
Soulagez la douleur.
J'ai beau vous dire
Ma vive ardeur,
Je vous vois rire
De ma langueur.
Ah! cruelle, j'expire
Sous tant de rigueur.
D'un pauvre cœur
Soulagez le martyre;
D'un pauvre cœur
Soulagez la douleur.

SIXIÈME ENTRÉE DE BALLET.
Douze Égyptiens, dont quatre jouent de la guitare, quatre des
castagnettes, quatre des gnacares[119], dansent avec l'Égyptienne
aux chansons qu'elle chante.
L'ÉGYPTIENNE.
Croyez-moi, hâtons-nous, ma Sylvie,
Usons bien des momens précieux;
Contentons ici notre envie,
De nos ans le feu nous y convie,
Nous ne saurions, vous et moi, faire mieux.
Quand l'hiver a glacé nos guérets,
Le printemps vient reprendre sa place,
Et ramène à nos champs leurs attraits;
Mais, hélas! quand l'âge nous glace,
Nos beaux jours ne reviennent jamais.
Ne cherchons tous les jours qu'à nous plaire,
Soyons-y l'un et l'autre empressés;
Du plaisir faisons notre affaire,
Des chagrins songeons à nous défaire;
Il vient un temps où l'on en prend assez.
Quand l'hiver a glacé nos guérets,
Le printemps vient reprendre sa place,
Et ramène à nos champs leurs attraits;
Mais, hélas! quand l'âge nous glace,
Nos beaux jours ne reviennent jamais.
[119] Les _gnacares_ étaient une espèce de cymbales. Le nom de cet
instrument est italien: _gnaccare_ ou _gnachere_.
FIN DE LA PASTORALE COMIQUE.


NOMS DES PERSONNES QUI RÉCITOIENT, CHANTOIENT ET DANSOIENT DANS LA
PASTORALE.
IRIS, mademoiselle DEBRIE.
LYCAS, le sieur MOLIÈRE.
PHILÈNE, le sieur ESTIVAL.
CORYDON, le sieur LA GRANGE.
UN BERGER, le sieur BLONDEL.
UN PATRE, le sieur de CHATEAUNEUF.
MAGICIENS dansans, les sieurs LA PIERRE, FAVIER.
MAGICIENS chantans, les sieurs LE GROS, DON, GAYE.
DÉMONS dansans, les sieurs CHICANNEAU, BONNARD, NOBLET le cadet,
ARNALD, MAYEU, FOIGNARD.
PAYSANS, les sieurs DOLIVET, DESONETS, DU PRON, LA PIERRE, MERCIER,
PESAN, LE ROY.
ÉGYPTIENNE dansante et chantante, le sieur NOBLET l'aîné.
ÉGYPTIENS dansans: quatre jouant de la guitare, les sieurs LULLI,
BEAUCHAMP, CHICANNEAU, VAIGART; quatre jouant des castagnettes,
les sieurs FAVIER, BONNARD, SAINT-ANDRÉ, ARNALD; quatre jouant
des gnacares, les sieurs LA MARRE, DES-AIRS second, DU FEU, PESAN.


LE SICILIEN
OU L'AMOUR PEINTRE
COMÉDIE-BALLET
REPRÉSENTÉE POUR LA PREMIÈRE FOIS, A SAINT-GERMAIN EN LAYE, DEVANT LA
COUR, DANS LE BALLET DES MUSES, LE 6 JANVIER 1667, ET A PARIS, SUR LE
THÉATRE DU PALAIS-ROYAL, LE 10 JUIN SUIVANT.

Molière n'était satisfait ni de sa _Pastorale comique_ ni de
_Mélicerte_. Le départ du jeune Baron renouvelait l'amertume de ses
chagrins intérieurs. Dans _le Sicilien_, charmante esquisse, d'un
coloris plus chaud que la plupart de ses œuvres, et qui devait trouver
sa place dans la seconde représentation du _Ballet des Muses_, il
revint avec bonheur à cette fantaisie délicate qui lui avait dicté
_l'Étourdi_ et _l'Amour médecin_, délicieux ouvrage où Beaumarchais a
trouvé presque tous les jeux de scènes de son _Barbier de Séville_, et
où le génie et les instincts de l'artiste dominent sans partage. La
danse, la musique, les sérénades, la douce joie, la jeune gaieté, la
folâtre ruse, voltigent autour de la coquetterie et de l'amour. Rien
d'excessif, de licencieux ou de guindé; rien de galant ou de fade. Une
lumière harmonieuse l'éclaire: c'est le soleil naissant sur la mer
sicilienne; tout est d'accord, localités, auteur, sujet du drame. La
prose elle-même est rhythmée et marche légère comme l'oiseau.
Molière essaya pour la première fois ici l'initiation de cette
_lingua franca_ qui devait lui fournir de si grotesques ressources
dans _le Bourgeois gentilhomme_ et le _Malade imaginaire_. Ce fut _le
Sicilien ou l'Amour peintre_ qui remplaça _Mélicerte_ et la _Pastorale
comique_ dans le _Ballet des Muses_, où cette fois le roi, Madame, et
mademoiselle de la Vallière dansèrent avec plusieurs seigneurs de la
cour.


PERSONNAGES DE LA COMÉDIE.
DON PÈDRE, gentilhomme sicilien. MOLIÈRE.
ADRASTE, gentilhomme françois, amant d'Isidore. LA GRANGE.
ISIDORE, Grecque, esclave de don Pèdre. Mlle DEBRIE.
ZAIDE, jeune esclave. Mlle MOLIÈRE.
UN SÉNATEUR. DU CROISY.
HALI, Turc, esclave d'Adraste. LA THORILLIÈRE.
DEUX LAQUAIS.

PERSONNAGES DU BALLET.
MUSICIENS.
ESCLAVE chantant.
ESCLAVES dansans.
MAURES et MAURESQUES dansans.

SCÈNE I[120].--HALI, MUSICIENS.
HALI, aux musiciens.
Chut! N'avancez pas davantage, et demeurez dans cet endroit, jusqu'à ce
que je vous appelle.
[120] Molière n'a pas indiqué le lieu de la scène, qui se passe
évidemment dans la rue.

SCÈNE II.--HALI.
Il fait noir comme dans un four: le ciel s'est habillé ce soir en
Scaramouche[121], et je ne vois pas une étoile qui montre le bout de
son nez. Sotte condition que celle d'un esclave, de ne vivre jamais
pour soi, et d'être toujours tout entier aux passions d'un maître, de
n'être réglé que par ses humeurs, et de se voir réduit à faire ses
propres affaires de tous les soucis qu'il peut prendre! Le mien me fait
ici épouser ses inquiétudes; et, parce qu'il est amoureux, il faut que
nuit et jour je n'aie aucun repos. Mais voici des flambeaux, et, sans
doute, c'est lui.
[121] _Scarra mucchia_, personnage de la comédie italienne
entièrement vêtu de noir, et _scarra mazzo_, baroque, bizarre.

SCÈNE III.--ADRASTE, DEUX LAQUAIS, portant chacun un flambeau; HALI.
ADRASTE.
Est-ce toi, Hali?
HALI.
Et qui pourroit-ce être que moi? A ces heures de nuit, hors vous
et moi, monsieur, je ne crois pas que personne s'avise de courir
maintenant les rues.
ADRASTE.
Aussi ne crois-je pas qu'on puisse voir personne qui sente dans son
cœur la peine que je sens. Car, enfin, ce n'est rien d'avoir à
combattre l'indifférence ou les rigueurs d'une beauté qu'on aime, on a
toujours au moins le plaisir de la plainte, et la liberté des soupirs;
mais ne pouvoir trouver aucune occasion de parler à ce qu'on adore,
ne pouvoir savoir d'une belle si l'amour qu'inspirent ses yeux est
pour lui plaire ou lui déplaire, c'est la plus fâcheuse, à mon gré, de
toutes les inquiétudes; et c'est où me réduit l'incommode jaloux qui
veille, avec tant de souci, sur ma charmante Grecque, et ne fait pas un
pas sans la traîner à ses côtés.
HALI.
Mais il est, en amour, plusieurs façons de se parler; et il me semble,
à moi, que vos yeux et les siens, depuis près de deux mois, se sont dit
bien des choses.
ADRASTE.
Il est vrai qu'elle et moi souvent nous nous sommes parlé des yeux;
mais comment reconnoître que, chacun de notre côté, nous ayons, comme
il faut, expliqué ce langage? Et que sais-je, après tout, si elle
entend bien tout ce que mes regards lui disent, et si les siens me
disent ce que je crois parfois entendre?
HALI.
Il faut chercher quelque moyen de se parler d'autre manière.
ADRASTE.
As-tu là tes musiciens?
HALI.
Oui.
ADRASTE.
Fais-les approcher. (Seul.) Je veux jusques au jour les faire ici
chanter, et voir si leur musique n'obligera point cette belle à
paroître à quelque fenêtre.

SCÈNE IV.--ADRASTE, HALI, MUSICIENS.
HALI.
Les voici. Que chanteront-ils?
ADRASTE.
Ce qu'ils jugeront de meilleur.
HALI.
Il faut qu'ils chantent un trio qu'ils me chantèrent l'autre jour.
ADRASTE.
Non. Ce n'est pas ce qu'il me faut.
HALI.
Ah! monsieur, c'est du beau bécarre.
ADRASTE.
Que diantre veux-tu dire avec ton beau bécarre?
HALI.
Monsieur, je tiens pour le bécarre. Vous savez que je m'y connois. Le
bécarre me charme; hors du bécarre, point de salut en harmonie. Écoutez
un peu ce trio.
ADRASTE.
Non. Je veux quelque chose de tendre et de passionné, quelque chose qui
m'entretienne dans une douce rêverie.
HALI.
Je vois bien que vous êtes pour le bémol; mais il y a moyen de nous
contenter l'un et l'autre. Il faut qu'ils vous chantent une certaine
scène d'une petite comédie que je leur ai vu essayer. Ce sont deux
bergers amoureux, tout remplis de langueur, qui, sur bémol, viennent
séparément faire leurs plaintes dans un bois, puis se découvrent l'un
à l'autre la cruauté de leurs maîtresse; et là-dessus vient un berger
joyeux avec un bécarre admirable, qui se moque de leur foiblesse.
ADRASTE.
J'y consens. Voyons ce que c'est.
HALI.
Voici, tout juste, un lieu propre à servir de scène, et voilà deux
flambeaux pour éclairer la comédie.
ADRASTE.
Place-toi contre ce logis, afin qu'au moindre bruit que l'on fera
dedans je fasse cacher les lumières.

FRAGMENT DE COMÉDIE
Chanté et accompagné par les musiciens qu'Hali a amenés.
SCÈNE I.--PHILÈNE, TIRCIS.
PREMIER MUSICIEN, représentant Philène.
Si, du triste récit de mon inquiétude,
Je trouble le repos de votre solitude,
Rochers, ne soyez point fâchés;
Quand vous saurez l'excès de mes peines secrètes,
Tout rochers que vous êtes,
Vous en serez touchés.
DEUXIÈME MUSICIEN, représentant Tircis.
Les oiseaux réjouis, dès que le jour s'avance,
Recommencent leurs chants dans ces vastes forêts;
Et moi j'y recommence
Mes soupirs languissans et mes tristes regrets.
Ah! mon cher Philène!
PHILÈNE.
Ah! mon cher Tircis!
TIRCIS.
Que je sens de peine!
PHILÈNE.
Que j'ai de soucis!
TIRCIS.
Toujours sourde à mes vœux est l'ingrate Climène.
PHILÈNE.
Chloris n'a point pour moi de regards adoucis.
TOUS DEUX ENSEMBLE.
O loi trop inhumaine!
Amour, si tu ne peux les contraindre d'aimer,
Pourquoi leur laisses-tu le pouvoir de charmer?

SCÈNE II.--PHILÈNE, TIRCIS, UN PATRE.
TROISIÈME MUSICIEN, représentant un pâtre.
Pauvres amans, quelle erreur
D'adorer des inhumaines!
Jamais les âmes bien saines
Ne se payent de rigueur;
Et les faveurs sont les chaînes
Qui doivent lier un cœur.
On voit cent belles ici,
Auprès de qui je m'empresse;
A leur vouer ma tendresse
Je mets mon plus doux souci;
Mais, lorsque l'on est tigresse,
Ma foi, je suis tigre aussi.
PHILÈNE ET TIRCIS, ensemble.
Heureux, hélas! qui peut aimer ainsi!
HALI.
Monsieur, je viens d'ouïr quelque bruit au dedans.
ADRASTE.
Qu'on se retire vite et qu'on éteigne les flambeaux.

SCÈNE V.--DON PÈDRE, ADRASTE, HALI.
DON PÈDRE, sortant de sa maison, en bonnet de nuit et en robe de
chambre, avec une épée sous son bras.
Il y a quelque temps que j'entends chanter à ma porte; et sans doute
cela ne se fait pas pour rien; il faut que, dans l'obscurité, je tâche
à découvrir quelles gens ce peuvent être.
ADRASTE.
Hali!
HALI.
Quoi?
ADRASTE.
N'entends-tu plus rien?
HALI.
Non.
Don Pèdre est derrière eux, qui les écoute.
ADRASTE.
Quoi! tous nos efforts ne pourront obtenir que je parle un moment à
cette aimable Grecque! et ce jaloux maudit, ce traître de Sicilien, me
fermera toujours tout accès auprès d'elle!
HALI.
Je voudrois, de bon cœur, que le diable l'eût emporté, pour la fatigue
qu'il nous donne, le fâcheux, le bourreau qu'il est! Ah! si nous le
tenions ici, que je prendrois de joie à venger, sur son dos, tous les
pas inutiles que sa jalousie nous fait faire!
ADRASTE.
Si[122] faut-il bien, pourtant, trouver quelque moyen, quelque
invention, quelque ruse, pour attraper notre brutal. J'y suis trop
engagé pour en avoir le démenti; et, quand j'y devrois employer...
HALI.
Monsieur, je ne sais pas ce que cela veut dire, mais la porte est
ouverte; et, si vous le voulez, j'entrerai doucement pour découvrir
d'où cela vient.
Don Pèdre se retire sur sa porte.
ADRASTE.
Oui, fais; mais sans faire de bruit. Je ne m'éloigne pas de toi. Plût
au ciel que ce fût la charmante Isidore!
DON PÈDRE, donnant un soufflet à Hali.
Qui va là?
HALI, rendant le soufflet à don Pèdre.
Ami.
DON PÈDRE.
Holà! Francisque, Dominique, Simon, Martin, Pierre, Thomas, Georges,
Charles, Barthélemy. Allons, promptement mon épée, ma rondache, ma
hallebarde, mes pistolets, mes mousquetons, mes fusils. Vite, dépêchez!
Allons, tue! point de quartier!
[122] Pour: cependant.

SCÈNE VI.--ADRASTE, HALI.
ADRASTE.
Je n'entends remuer personne. Hali, Hali!
HALI, caché dans un coin.
Monsieur!
ADRASTE.
Où donc te caches-tu?
HALI.
Ces gens sont-ils sortis?
ADRASTE.
Non. Personne ne bouge.
HALI, sortant d'où il étoit caché.
S'ils viennent, ils seront frottés.
ADRASTE.
Quoi! tous nos soins seront donc inutiles! Et toujours ce fâcheux
jaloux se moquera de nos desseins!
HALI.
Non. Le courroux du point d'honneur me prend: il ne sera pas dit qu'on
triomphe de mon adresse; ma qualité de fourbe s'indigne de tous ces
obstacles, et je prétends faire éclater les talens que j'ai eus du ciel.
ADRASTE.
Je voudrois seulement que, par quelque moyen, par un billet, par
quelque bouche, elle fût avertie des sentiments qu'on a pour elle, et
savoir les siens là-dessus. Après, on peut trouver facilement les
moyens...
HALI.
Laissez-moi faire seulement. J'en essayerai tant de toutes les
manières, que quelque chose enfin nous pourra réussir. Allons, le jour
paroît; je vais chercher mes gens, et venir attendre, en ce lieu, que
notre jaloux sorte.

SCÈNE VII.--DON PÈDRE, ISIDORE.
ISIDORE.
Je ne sais pas quel plaisir vous prenez à me réveiller si matin. Cela
s'ajuste assez mal, ce me semble, au dessein que vous avez pris de me
faire peindre aujourd'hui; et ce n'est guère pour avoir le teint frais
et les yeux brillans que se lever ainsi dès la pointe du jour.
DON PÈDRE.
J'ai une affaire qui m'oblige à sortir à l'heure qu'il est.
ISIDORE.
Mais l'affaire que vous avez eût bien pu se passer, je crois, de ma
présence; et vous pouviez, sans vous incommoder, me laisser goûter les
douceurs du sommeil du matin.
DON PÈDRE.
Oui. Mais je suis bien aise de vous voir toujours avec moi. Il n'est
pas mal de s'assurer un peu contre les soins des surveillants; et,
cette nuit encore, on est venu chanter sous nos fenêtres.
ISIDORE.
Il est vrai. La musique en étoit admirable.
DON PÈDRE.
C'étoit pour vous que cela se faisoit?
ISIDORE.
Je le veux croire ainsi puisque vous me le dites.
DON PÈDRE.
Vous savez qui étoit celui qui donnoit cette sérénade?
ISIDORE.
Non pas; mais, qui que ce puisse être, je lui suis obligée.
DON PÈDRE.
Obligée?
ISIDORE.
Sans doute, puisqu'il cherche à me divertir.
DON PÈDRE.
Vous trouvez donc bon qu'il vous aime?
ISIDORE.
Fort bon. Cela n'est jamais qu'obligeant.
DON PÈDRE.
Et vous voulez du bien à tous ceux qui prennent ce soin?
ISIDORE.
Assurément.
DON PÈDRE.
C'est dire fort net ses pensées.
ISIDORE.
A quoi bon de dissimuler? Quelque mine qu'on fasse, on est toujours
bien aise d'être aimée. Ces hommages à nos appas ne sont jamais pour
nous déplaire. Quoi qu'on en puisse dire, la grande ambition des
femmes est, croyez-moi, d'inspirer de l'amour. Tous les soins qu'elles
prennent ne sont que pour cela, et l'on n'en voit point de si fière qui
ne s'applaudisse en son cœur des conquêtes que font ses yeux.
DON PÈDRE.
Mais, si vous prenez, vous, du plaisir à vous voir aimée, savez-vous
bien, moi qui vous aime, que je n'y en prends nullement?
ISIDORE.
Je ne sais pourquoi cela; et, si j'aimois quelqu'un, je n'aurois point
de plus grand plaisir que de le voir aimé de tout le monde. Y a-t-il
rien qui marque davantage la beauté du choix que l'on fait? Et n'est-ce
pas pour s'applaudir que ce que nous aimons soit trouvé fort aimable?
DON PÈDRE.
Chacun aime à sa guise, et ce n'est pas là ma méthode. Je serai fort
ravi qu'on ne vous trouve point si belle, et vous m'obligerez de
n'affecter point tant de la paroître à d'autres yeux.
ISIDORE.
Quoi! jaloux de ces choses-là?
DON PÈDRE.
Oui, jaloux de ces choses-là, mais jaloux comme un tigre, et, si vous
voulez, comme un diable. Mon amour vous veut tout à moi. Sa délicatesse
s'offense d'un souris, d'un regard qu'on vous peut arracher; et tous
les soins qu'on me voit prendre ne sont que pour fermer tout accès aux
galants, et m'assurer la possession d'un cœur dont je ne puis souffrir
qu'on me vole la moindre chose.
ISIDORE.
Certes, voulez-vous que je dise? vous prenez un mauvais parti; et
la possession d'un cœur est fort mal assurée, lorsqu'on prétend le
retenir par force. Pour moi, je vous l'avoue, si j'étois galant d'une
femme qui fût au pouvoir de quelqu'un, je mettrois toute mon étude
à rendre ce quelqu'un jaloux, et l'obliger à veiller nuit et jour
celle que je voudrois gagner. C'est un admirable moyen d'avancer ses
affaires, et l'on ne tarde guère à profiter du chagrin et de la colère
que donne à l'esprit d'une femme la contrainte et la servitude.
DON PÈDRE.
Si bien donc que si quelqu'un vous en contoit, il vous trouveroit
disposée à recevoir ses vœux?
ISIDORE.
Je ne vous dis rien là-dessus. Mais les femmes, enfin, n'aiment pas
qu'on les gêne; et c'est beaucoup risquer que de leur montrer des
soupçons et de les tenir renfermées.
DON PÈDRE.
Vous reconnoissez peu ce que vous me devez; et il me semble qu'une
esclave que l'on a affranchie, et dont on veut faire sa femme...
ISIDORE.
Quelle obligation vous ai-je, si vous changez mon esclavage en un autre
beaucoup plus rude, si vous ne me laissez jouir d'aucune liberté, et me
fatiguez, comme on voit, d'une garde continuelle?
DON PÈDRE.
Mais tout cela ne part que d'un excès d'amour.
ISIDORE.
Si c'est votre façon d'aimer, je vous prie de me haïr.
DON PÈDRE.
Vous êtes aujourd'hui dans une humeur désobligeante; et je pardonne ces
paroles au chagrin où vous pouvez être de vous être levée matin.

SCÈNE VIII.--DON PÈDRE, ISIDORE, HALI, habillé en Turc, faisant
plusieurs révérences à don Pèdre.
DON PÈDRE.
Trêve aux cérémonies. Que voulez-vous?
HALI, se mettant entre don Pèdre et Isidore.
Il se tourne vers Isidore à chaque parole qu'il dit a don Pèdre, et
lui fait des signes pour lui faire connoître le dessein de son maître.
Signor (avec la permission de la signore), je vous dirai (avec la
permission de la signore) que je viens vous trouver (avec la permission
de la signore), pour vous prier (avec la permission de la signore) de
vouloir bien (avec la permission de la signore)....
DON PÈDRE.
Avec la permission de la signore, passez un peu de ce côté.
Don Pèdre se met entre Hali et Isidore.
HALI.
Signor, je suis un virtuose.
DON PÈDRE.
Je n'ai rien à donner.
HALI.
Ce n'est pas ce que je demande. Mais, comme je me mêle un peu de
musique et de danse, j'ai instruit quelques esclaves qui voudroient
bien trouver un maître qui se plût à ces choses, et, comme je sais que
vous êtes une personne considérable, je voudrois vous prier de les voir
et de les entendre, pour les acheter, s'ils vous plaisent, ou pour leur
enseigner quelqu'un de vos amis qui voulût s'en accommoder.
ISIDORE.
C'est une chose à voir, et cela nous divertira. Faites-les-nous venir.
HALI.
Chala bala... Voici une chanson nouvelle, qui est du temps.
Ecoutez-bien! Chala bala.

SCÈNE IX.--DON PÈDRE, ISIDORE, HALI, ESCLAVES, TURCS.
UN ESCLAVE CHANTANT, à Isidore.
D'un cœur ardent, en tous lieux,
Un amant suit une belle;
Mais d'un jaloux odieux
La vigilance éternelle
Fait qu'il ne peut que des yeux
S'entretenir avec elle.
Est-il peine plus cruelle
Pour un cœur bien amoureux?
L'esclave turc, après avoir chanté, craignant que don Pèdre ne vienne
à comprendre le sens de ce qu'il vient de dire et à s'apercevoir
de sa fourberie, se tourne entièrement vers don Pèdre, et, pour
l'amuser, lui chante en langage franc ces paroles: (Livre du _Ballet
des Muses_.)
A don Pèdre.
Chiribirida ouch alla,
Star bon Turca,
Non aver danara:
Ti voler comprara?
Mi servir à ti,
Se pagar per mi;
Far bona cucina,
Mi levar matina,
Far boller caldara;
Parlara, parlara,
Ti voler comprara[123]?

PREMIÈRE ENTRÉE DE BALLET.
Danse des esclaves.
L'ESCLAVE, à Isidore.
C'est un supplice, à tous coups
Sous qui cet amant expire;
Mais, si d'un œil un peu doux
La belle voit son martyre,
Et consent qu'aux yeux de tous
Pour ses attraits il soupire,
Il pourroit bientôt se rire
De tous les soins du jaloux[124].
A don Pèdre.
Chiribirida ouch alla,
Star bon Turca,
Non aver danara:
Ti voler comprara?
Mi servir à ti,
Se pagar per mi;
Far bona cucina,
Mi levar matina,
Far boller caldara;
Parlara, parlara,
Ti voler comprara?

DEUXIÈME ENTRÉE DE BALLET.
Les esclaves recommencent leur danse.
DON PÈDRE chante.
Savez-vous, mes drôles,
Que cette chanson
Sent pour vos épaules
Les coups de bâton?
Chiribirida ouch alla,
Mi ti non comprara,
Ma ti bastonara,
Si ti non andara,
Andara, andara,
O ti bastonara[125].
Oh! oh! quels égrillards! (A Isidore.) Allons, rentrons ici: j'ai changé
de pensées; et puis le temps se couvre un peu. (A Hali qui paroit
encore). Ah! fourbe! que je vous y trouve!
HALI.
Eh bien, oui, mon maître l'adore. Il n'a point de plus grand désir que
de lui montrer son amour; et, si elle y consent, il la prendra pour
femme.
DON PÈDRE.
Oui, oui; je la lui garde.
HALI.
Nous l'aurons malgré vous.
DON PÈDRE.
Comment! coquin!...
HALI.
Nous l'aurons, dis-je, en dépit de vos dents.
DON PÈDRE.
Si je prends...
HALI.
Vous avez beau faire la garde, j'en ai juré, elle sera à nous.
DON PÈDRE.
Laisse-moi faire, je t'attraperai sans courir.
HALI.
C'est nous qui vous attraperons. Elle sera notre femme, la chose est
résolue. (Seul.) Il faut que j'y périsse ou que j'en vienne à bout.
[123] «Moi être bon Turc, moi avoir point d'argent. Vouloir vous
acheter moi? Moi servir vous, si vous payer moi. Moi faire une bonne
cuisine; moi lever matin. Moi faire marmite bouillir. Vous parler,
acheter moi?». Imitation du patois barbare, mêlé d'italien et de
turc, encore usité dans les Echelles du Levant.
[124] Le livre du _Ballet des Muses_ indique ici le même jeu de
théâtre que nous avons déjà indiqué à la fin du premier couplet.
[125] «Moi pas acheter toi; mais te bâtonner si toi pas en aller. Toi
en aller, ou moi bâtonner toi.»

SCÈNE X.--ADRASTE, HALI, DEUX LAQUAIS.
ADRASTE.
Eh bien, Hali, nos affaires s'avancent-elles?
HALI.
Monsieur, j'ai déjà fait quelque petite tentative; mais je...
ADRASTE.
Ne te mets point en peine; j'ai trouvé, par hasard, tout ce que je
voulois, et je vais jouir du bonheur de voir chez elle cette belle. Je
me suis rencontré chez le peintre Damon, qui m'a dit qu'aujourd'hui
il venoit faire le portrait de cette adorable personne; et, comme il
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