Molière - Œuvres complètes, Tome 3 - 17

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est depuis longtemps de mes plus intimes amis, il a voulu servir mes
feux, et m'envoie à sa place, avec un petit mot de lettre pour me faire
accepter. Tu sais que, de tout temps, je me suis plu à la peinture, et
que parfois je manie le pinceau, contre la coutume de France, qui ne
veut pas qu'un gentilhomme sache rien faire: ainsi j'aurai la liberté
de voir cette belle à mon aise. Mais je ne doute pas que mon jaloux
fâcheux ne soit toujours présent, et n'empêche tous les propos que nous
pourrions avoir ensemble; et, pour te dire vrai, j'ai, par le moyen
d'une jeune esclave, un stratagème pour tirer cette belle Grecque des
mains de son jaloux, si je puis obtenir d'elle qu'elle y consente.
HALI.
Laissez-moi faire, je veux vous faire un peu de jour à la pouvoir
entretenir. (Il parle bas à l'oreille d'Adraste.) Il ne sera pas dit
que je ne serve de rien dans cette affaire-là. Quand allez-vous?
ADRASTE.
Tout de ce pas, et j'ai déjà préparé toutes choses.
HALI.
Je vais, de mon côté, me préparer aussi.
ADRASTE.
Je ne veux point perdre de temps. Holà! il me tarde que je ne goûte le
plaisir de la voir.

SCÈNE XI.--DON PÈDRE, ADRASTE, DEUX LAQUAIS.
DON PÈDRE.
Que cherchez-vous, cavalier, dans cette maison?
ADRASTE.
J'y cherche le seigneur don Pèdre.
DON PÈDRE.
Vous l'avez devant vous.
ADRASTE.
Il prendra, s'il lui plaît, la peine de lire cette lettre..
DON PÈDRE.
«Je vous envoie, au lieu de moi, pour le portrait que vous savez,
ce gentilhomme françois, qui, comme curieux d'obliger les honnêtes
gens, a bien voulu prendre ce soin, sur la proposition que je lui en
ai faite. Il est, sans contredit, le premier homme du monde pour ces
sortes d'ouvrages, et j'ai cru que je ne vous pouvois rendre un service
plus agréable que de vous l'envoyer, dans le dessein que vous avez
d'avoir un portrait achevé de la personne que vous aimez. Gardez-vous
bien surtout de lui parler d'aucune récompense; car c'est un homme qui
s'en offenseroit, et qui ne fait les choses que pour la gloire et la
réputation.»
Seigneur François, c'est une grande grâce que vous me voulez faire, et
je vous suis fort obligé.
ADRASTE.
Toute mon ambition est de rendre service aux gens de nom et de mérite.
DON PÈDRE.
Je vais faire venir la personne dont il s'agit.

SCÈNE XII.--ISIDORE, DON PÈDRE, ADRASTE, DEUX LAQUAIS.
DON PÈDRE, à Isidore.
Voici un gentilhomme que Damon nous envoie, qui se veut bien donner la
peine de vous peindre. (Adraste, qui embrasse Isidore en la saluant.)
Holà! seigneur François, cette façon de saluer n'est point d'usage en
ce pays.
ADRASTE.
C'est la manière de France.
DON PÈDRE.
La manière de France est bonne pour vos femmes; mais pour les nôtres
elle est un peu trop familière.
ISIDORE.
Je reçois cet honneur avec beaucoup de joie. L'aventure me surprend
fort; et, pour dire le vrai, je ne m'attendois pas d'avoir un peintre
si illustre.
ADRASTE.
Il n'y a personne, sans doute, qui ne tînt à beaucoup de gloire de
toucher à un tel ouvrage. Je n'ai pas grande habileté; mais le sujet,
ici, ne fournit que trop de lui-même, et il y a moyen de faire quelque
chose de beau sur un original fait comme celui-là.
ISIDORE.
L'original est peu de chose; mais l'adresse du peintre en saura couvrir
les défauts.
ADRASTE.
Le peintre n'y en voit aucun; et tout ce qu'il souhaite est d'en
pouvoir représenter les grâces aux yeux de tout le monde aussi grandes
qu'il les peut voir.
ISIDORE.
Si votre pinceau flatte autant que votre langue, vous allez me faire un
portrait qui ne me ressemblera pas.
ADRASTE.
Le ciel, qui fit l'original, nous ôte le moyen d'en faire un portrait
qui puisse flatter.
ISIDORE.
Le ciel, quoi que vous en disiez, ne...
DON PÈDRE.
Finissons cela, de grâce. Laissons les compliments, et songeons au
portrait.
ADRASTE, aux laquais.
Allons, apportez tout. (On apporte tout ce qu'il faut pour peindre
Isidore.)
ISIDORE, à Adraste.
Où voulez-vous que je me place?
ADRASTE.
Ici. Voici le lieu le plus avantageux, et qui reçoit le mieux les vues
favorables de la lumière que nous cherchons.
ISIDORE, après s'être assise.
Suis-je bien ainsi?
ADRASTE.
Oui. Levez-vous un peu, s'il vous plaît; un peu plus de ce côté-là;
le corps tourné ainsi; la tête un peu levée, afin que la beauté du
cou paroisse; ceci un peu plus découvert, (Il découvre un peu plus sa
gorge.) Bon; là; un peu davantage; encore tant soit peu.
DON PÈDRE, à Isidore.
Il y a bien de la peine à vous mettre. Ne sauriez-vous vous tenir comme
il faut?
ISIDORE.
Ce sont ici des choses toutes neuves pour moi; et c'est à monsieur à me
mettre de la façon qu'il veut.
ADRASTE, assis.
Voilà qui va le mieux du monde, et vous vous tenez à merveille. (La
faisant tourner un peu vers lui.) Comme cela, s'il vous plaît. Le tout
dépend des attitudes qu'on donne aux personnes qu'on peint.
DON PÈDRE.
Fort bien.
ADRASTE.
Un peu plus de ce côté. Vos yeux toujours tournés vers moi, je vous
prie; vos regards attachés aux miens.
ISIDORE.
Je ne suis pas comme ces femmes qui veulent, en se faisant peindre,
des portraits qui ne sont point elles, et ne sont point satisfaites
du peintre s'il ne les fait toujours plus belles qu'elles ne sont. Il
faudroit, pour les contenter, ne faire qu'un portrait pour toutes; car
toutes demandent les mêmes choses, un teint tout de lis et de roses, un
nez bien fait, une petite bouche, et de grands yeux vifs, bien fendus;
et surtout le visage pas plus gros que le poing, l'eussent-elles d'un
pied de large. Pour moi, je vous demande un portrait qui soit moi, et
qui n'oblige point à demander qui c'est.
ADRASTE.
Il seroit malaisé qu'on demandât cela du vôtre; et vous avez des traits
à qui fort peu d'autres ressemblent. Qu'ils ont de douceurs et de
charmes, et qu'on court de risque à les peindre!
DON PÈDRE.
Le nez me semble un peu trop gros.
ADRASTE.
J'ai lu, je ne sais où, qu'Apelles peignit autrefois une maîtresse
d'Alexandre d'une merveilleuse beauté, et qu'il en devint, la peignant,
si éperdument amoureux, qu'il fut près d'en perdre la vie; de sorte
qu'Alexandre, par générosité, lui céda l'objet de ses vœux. (A don
Pèdre.) Je pourrois faire ici ce qu'Apelles fit autrefois; mais vous
ne feriez pas, peut-être, ce que fit Alexandre. (Don Pèdre fait la
grimace.)
ISIDORE, à don Pèdre.
Tout cela sent la nation; et toujours messieurs les François ont un
fonds de galanterie qui se répand partout.
ADRASTE.
On ne se trompe guère à ces sortes de choses, et vous avez l'esprit
trop éclairé pour ne pas voir de quelle source partent les choses qu'on
vous dit. Oui, quand Alexandre seroit ici, et que ce seroit votre
amant, je ne pourrois m'empêcher de vous dire que je n'ai rien vu de si
beau que ce que je vois maintenant, et que...
DON PÈDRE.
Seigneur François, vous ne devriez pas, ce me semble, tant parler; cela
vous détourne de votre ouvrage.
ADRASTE.
Ah! point du tout. J'ai toujours coutume de parler quand je peins; et
il est besoin, dans ces choses, d'un peu de conversation, pour éveiller
l'esprit et tenir les visages dans la gaieté nécessaire aux personnes
que l'on veut peindre.

SCÈNE XIII.--HALI, vêtu en Espagnol; DON PÈDRE, ADRASTE, ISIDORE
DON PÈDRE.
Que veut cet homme-là? Et qui laisse monter les gens sans nous en venir
avertir?
HALI, à don Pèdre.
J'entre ici librement; mais, entre cavaliers, telle liberté est
permise. Seigneur, suis-je connu de vous?
DON PÈDRE.
Non, seigneur.
HALI.
Je suis don Gilles d'Avalos; et l'histoire d'Espagne vous doit avoir
instruit de mon mérite.
DON PÈDRE.
Souhaitez-vous quelque chose de moi?
HALI.
Oui, un conseil sur un fait d'honneur. Je sais qu'en ces matières il
est malaisé de trouver un cavalier plus consommé que vous; mais je vous
demande, pour grâce, que nous nous tirions à l'écart.
DON PÈDRE.
Nous voilà assez loin.
ADRASTE, à don Pèdre qui le surprend parlant bas à Isidore.
J'observois de près la couleur de ses yeux[126].
HALI, tirant don Pèdre, pour l'éloigner d'Adraste et d'Isidore.
Seigneur, j'ai reçu un soufflet. Vous savez ce qu'est un soufflet
lorsqu'il se donne à main ouverte, sur le beau milieu de la joue. J'ai
ce soufflet fort sur le cœur, et je suis dans l'incertitude si, pour
me venger de l'affront, je dois me battre avec mon homme, ou bien le
faire assassiner.
DON PÈDRE.
Assassiner, c'est le plus sûr et le plus court chemin. Quel est votre
ennemi?
HALI.
Parlons bas, s'il vous plaît. (Hali tient don Pèdre en lui parlant, de
façon qu'il ne peut voir Adraste.)
ADRASTE, aux genoux d'Isidore, pendant que don Pèdre et Hali parlent
bas ensemble.
Oui, charmante Isidore, mes regards vous le disent depuis plus de deux
mois, et vous les avez entendus. Je vous aime plus que tout ce que
l'on peut aimer, et je n'ai point d'autre pensée, d'autre but, d'autre
passion, que d'être à vous toute ma vie.
ISIDORE.
Je ne sais si vous dites vrai; mais vous persuadez.
ADRASTE.
Mais vous persuadé-je jusqu'à vous inspirer quelque peu de bonté pour
moi?
ISIDORE.
Je ne crains que d'en trop avoir.
ADRASTE.
En aurez-vous assez pour consentir, belle Isidore, au dessein que je
vous ai dit?
ISIDORE.
Je ne puis encore vous le dire.
ADRASTE.
Qu'attendez-vous pour cela?
ISIDORE.
A me résoudre.
ADRASTE.
Ah! quand on aime bien, on se résout bientôt.
ISIDORE.
Eh bien, allez; oui, j'y consens.
ADRASTE.
Mais consentez-vous, dites-moi, que ce soit dès ce moment même?
ISIDORE.
Lorsqu'on est une fois résolu sur la chose, s'arrête-t-on sur le temps?
DON PÈDRE, à Hali.
Voilà mon sentiment, et je vous baise les mains.
HALI.
Seigneur, quand vous aurez reçu quelque soufflet, je suis aussi homme
de conseil, et je pourrai vous rendre la pareille.
DON PÈDRE.
Je vous laisse aller sans vous reconduire; mais, entre cavaliers, cette
liberté est permise.
ADRASTE, à Isidore.
Non, il n'est rien qui puisse effacer de mon cœur les tendres
témoignages... (A don Pèdre, apercevant Adraste qui parle de près à
Isidore.) Je regardois ce petit trou qu'elle a du côté du menton,
et je croyois d'abord que ce fût une tache. Mais c'est assez pour
aujourd'hui, nous finirons une autre fois. (A don Pèdre, qui veut voir
le portrait.) Non, ne regardez rien encore; faites serrer cela, je vous
prie. (A Isidore.) Et vous, je vous conjure de ne vous relâcher point,
et de garder un esprit gai, pour le dessein que j'ai d'achever notre
ouvrage.
ISIDORE.
Je conserverai pour cela toute la gaieté qu'il faut.
[126] Elle a les yeux bleus.

SCÈNE XIV.--DON PÈDRE, ISIDORE.
ISIDORE.
Qu'en dites-vous? ce gentilhomme me paroît le plus civil du monde; et
l'on doit demeurer d'accord que les François ont quelque chose en eux
de poli, de galant, que n'ont point les autres nations.
DON PÈDRE.
Oui; mais ils ont cela de mauvais qu'ils s'émancipent un peu trop, et
s'attachent, en étourdis, à conter des fleurettes à tout ce qu'ils
rencontrent.
ISIDORE.
C'est qu'ils savent qu'on plaît aux dames par ces choses.
DON PÈDRE.
Oui; mais, s'ils plaisent aux dames, ils déplaisent fort aux messieurs;
et l'on n'est point bien aise de voir, sur sa moustache, cajoler
hardiment sa femme ou sa maîtresse.
ISIDORE.
Ce qu'ils en font n'est que par jeu.

SCÈNE XV.--ZAIDE, DON PÈDRE, ISIDORE
ZAÏDE.
Ah! seigneur cavalier, sauvez-moi, s'il vous plaît, des mains d'un
mari furieux dont je suis poursuivie. Sa jalousie est incroyable, et
passe, dans ses mouvemens, tout ce qu'on peut imaginer. Il va jusques à
vouloir que je sois toujours voilée; et, pour m'avoir trouvée le visage
un peu découvert, il a mis l'épée à la main, et m'a réduite à me jeter
chez vous, pour vous demander votre appui contre son injustice. Mais je
le vois paroître. De grâce, seigneur cavalier, sauvez-moi de sa fureur!
DON PÈDRE, à Zaïde, lui montrant Isidore.
Entrez là dedans avec elle, et n'appréhendez rien.

SCÈNE XVI.--ADRASTE, DON PÈDRE.
DON PÈDRE.
Eh quoi! seigneur, c'est vous? Tant de jalousie pour un François? Je
pensois qu'il n'y eût que nous qui en fussions capables.
ADRASTE.
Les François excellent toujours dans toutes les choses qu'ils font;
et, quand nous nous mêlons d'être jaloux, nous le sommes vingt fois
plus qu'un Sicilien. L'infâme croit avoir trouvé chez vous un assuré
refuge; mais vous êtes trop raisonnable pour blâmer mon ressentiment.
Laissez-moi, je vous prie, la traiter comme elle mérite.
DON PÈDRE.
Ah! de grâce, arrêtez! L'offense est trop petite pour un courroux si
grand.
ADRASTE.
La grandeur d'une telle offense n'est pas dans l'importance des choses
que l'on fait. Elle est à transgresser les ordres qu'on nous donne; et,
sur de pareilles matières, ce qui n'est qu'une bagatelle devient fort
criminel lorsqu'il est défendu.
DON PÈDRE.
De la façon qu'elle a parlé, tout ce qu'elle en a fait a été sans
dessein: et je vous prie enfin de vous remettre bien ensemble.
ADRASTE.
Eh quoi! vous prenez son parti, vous qui êtes si délicat sur ces sortes
de choses?
DON PÈDRE.
Oui, je prends son parti; et, si vous voulez m'obliger, vous oublierez
votre colère, et vous vous réconcilierez tous deux. C'est une grâce que
je vous demande; et je la recevrai comme un essai de l'amitié que je
veux qui soit entre nous.
ADRASTE.
Il ne m'est pas permis, à ces conditions, de vous rien refuser. Je
ferai ce que voudrez.

SCÈNE XVII.--ZAIDE, DON PÈDRE, ADRASTE, caché dans un coin du théâtre.
DON PÈDRE, à Zaïde.
Holà! venez. Vous n'avez qu'à me suivre, et j'ai fait votre paix. Vous
ne pouviez jamais mieux tomber que chez moi.
ZAÏDE.
Je vous suis obligée plus qu'on ne sauroit croire: mais je m'en vais
prendre mon voile; je n'ai garde, sans lui, de paroître à ses yeux.

SCÈNE XVIII.--DON PÈDRE, ADRASTE.
DON PÈDRE.
Le voici qui s'en va venir; et son âme, je vous assure, a paru toute
réjouie lorsque je lui ai dit que j'avais raccommodé tout.

SCÈNE XIX.--ISIDORE, sous le voile de Zaïde; ADRASTE, DON PÈDRE.
DON PÈDRE, à Adraste.
Puisque vous m'avez bien voulu abandonner votre ressentiment, trouvez
bon qu'en ce lieu je vous fasse toucher dans la main l'un de l'autre,
et que tous deux je vous conjure de vivre pour l'amour de moi, dans une
parfaite union.
ADRASTE.
Oui, je vous le promets que, pour l'amour de vous, je m'en vais, avec
elle, vivre le mieux du monde.
DON PÈDRE.
Vous m'obligez sensiblement, et j'en garderai la mémoire.
ADRASTE.
Je vous donne ma parole, seigneur don Pèdre, qu'à votre considération,
je m'en vais la traiter du mieux qu'il me sera possible.
DON PÈDRE.
C'est trop de grâce que vous me faites. (Seul.) Il est bon de pacifier
et d'adoucir toujours les choses. Holà! Isidore, venez!

SCÈNE XX.--ZAIDE, DON PÈDRE.
DON PÈDRE.
Comment! que veut dire cela?
ZAÏDE, sans voile.
Ce que cela veut dire? Qu'un jaloux est un monstre haï de tout le
monde, et qu'il n'y a personne qui ne soit ravi de lui nuire, n'y
eût-il point d'autre intérêt; que toutes les serrures et tous les
verrous du monde ne retiennent point les personnes, et que c'est
le cœur qu'il faut arrêter par la douceur et par la complaisance;
qu'Isidore est entre les mains du cavalier qu'elle aime, et que vous
êtes pris pour dupe.
DON PÈDRE.
Don Pèdre souffrira cette injure mortelle! Non, non, j'ai trop de
cœur, et je vais demander l'appui de la justice pour pousser le
perfide à bout. C'est ici le logis d'un sénateur. Holà!

SCÈNE XXI.--UN SÉNATEUR, DON PÈDRE.
LE SÉNATEUR.
Serviteur, seigneur don Pèdre. Que vous venez à propos!
DON PÈDRE.
Je viens me plaindre à vous d'un affront qu'on m'a fait.
LE SÉNATEUR.
J'ai fait une mascarade la plus belle du monde.
DON PÈDRE.
Un traître de François m'a joué une pièce.
LE SÉNATEUR.
Vous n'avez, dans votre vie, jamais rien vu de si beau.
DON PÈDRE.
Il m'a enlevé une fille que j'avois affranchie.
LE SÉNATEUR.
Ce sont gens vêtus en Maures, qui dansent admirablement.
DON PÈDRE.
Vous voyez si c'est une injure qui se doive souffrir.
LE SÉNATEUR.
Les habits merveilleux, et qui sont faits exprès.
DON PÈDRE.
Je demande l'appui de la justice contre cette action.
LE SÉNATEUR.
Je veux que vous voyiez cela. On la va répéter pour en donner le
divertissement au peuple.
DON PÈDRE.
Comment! de quoi parlez-vous là?
LE SÉNATEUR.
Je parle de ma mascarade.
DON PÈDRE.
Je vous parle de mon affaire.
LE SÉNATEUR.
Je ne veux point, aujourd'hui, d'autres affaires que de plaisir.
Allons, messieurs, venez. Voyons si cela ira bien.
DON PÈDRE.
La peste soit du fou avec sa mascarade!
LE SÉNATEUR.
Diantre soit le fâcheux avec son affaire!

SCÈNE XXII.--UN SÉNATEUR, TROUPE DE DANSEURS.
ENTRÉE DE BALLET.
Plusieurs danseurs, vêtus en Maures, dansent devant le sénateur, et
finissent la comédie.

FIN DU SICILIEN.


NOMS DES PERSONNES
QUI ONT DANSÉ ET CHANTÉ DANS LE SICILIEN.
DON PÈDRE, le sieur MOLIÈRE.
ADRASTE, le sieur LA GRANGE.
ISIDORE, mademoiselle DEBRIE.
ZAIDE, mademoiselle MOLIÈRE.
HALI, le sieur LA THORILLIÈRE.
UN SÉNATEUR, le sieur DU CROISY.
MUSICIENS chantans, les sieurs BLONDEL, GAYE, NOBLET.
ESCLAVE TURC chantant, le sieur GAYE.
ESCLAVES TURCS dansans, les sieurs LE PRÊTRE, CHICANNEAU, MAYEU,
PESAN.
MAURES de qualité, le ROI, M. LE GRAND, les marquis DE VILLEROY et
de RASSAN.
MAURESQUES de qualité, MADAME, mademoiselle DE LA VALLIÈRE,
madame DE ROCHEFORT, mademoiselle DE BRANCAS.
MAURES nus, MM. COCQUET, DE SOUVILLE, les sieurs BEAUCHAMP, NOBLET,
CHICANNEAU, LA PIERRE, FAVIER et DES-AIRS-GALAND.
MAURES à capot, les sieurs LA MARE, DU FEU, ARNALD, VAGNARD et
BONNARD.


LE TARTUFFE
OU
L'IMPOSTEUR
COMÉDIE

Représentée pour la première fois, à Versailles, devant la cour, dans
les _Plaisirs de l'Ile enchantée_ (1664).--Les trois premiers actes,
sur le théâtre du Palais-Royal, le 5 août 1667; défendue le lendemain,
et reprise sans interruption le 5 février 1669.
En 1664, comme nous l'avons dit, le 10 mai, les trois premiers actes
d'une œuvre conçue depuis longtemps par Molière, et dès lors terminée
si ce n'est corrigée, furent représentés comme essai pendant les fêtes
de Versailles.
C'était à la fois une singulière audace et une grande habileté.
L'œuvre était évidemment dirigée contre le jansénisme même et
la rigidité extérieure. Le roi, dont les austères et les dévots
contrariaient les amours et prétendaient régenter les plaisirs,
allait-il prendre parti contre eux et reconnaître l'auteur dramatique
pour premier ministre de ses vengeances et de ses plaisirs? ou bien
imposerait-il silence à Molière et concéderait-il implicitement aux
censeurs le droit de critiquer les préférences de son cœur et les
voluptés de son trône?
Un puritanisme hypocrite, cherchant à se rendre maître du crédit, de
l'autorité et de la fortune, plus vicieux en secret, plus sensuel en
réalité que ceux dont il blâmait les penchants, occupait le centre de
la composition nouvelle; et l'on peut croire que le comédien nomade,
élève de Gassendi, traducteur de Lucrèce, lié avec Bernier, Chapelle
et les libertins, eut exactement la même pensée qui dicta plus tard à
Fielding son _Tom Jones_: la haine du pédant et des dehors hypocrites;
une grande foi dans les penchants naturels de l'humanité, une grande
répugnance pour les austérités affectées. La société anglaise de
Fielding et de Richardson, entre 1688 et 1780, vivait de décence et de
formalisme comme la société de Louis XIV entre 1660 et 1710. Ce sont
les œuvres parallèles, mais non égales en mérites, que l'ÉCOLE DE LA
MÉDISANCE et _Tartuffe_.
Au XVIe siècle, le même point de vue avait inspiré à Shakespeare
l'admirable portrait de ce magistrat sévère qui, dans _Measure for
Measure_ (_Un prêté pour un rendu_), se laisse entraîner à sa passion,
commet des crimes épouvantables et devient d'autant plus coupable que
sa doctrine est plus rigide. Sheridan n'a pas imité Molière, Molière
n'a pas imité Shakespeare. Tous trois ont pénétré l'extrême faiblesse
humaine, sa pente facile vers l'excès, et la fragilité de nos vertus.
L'œuvre de Shakespeare est plus générale et plus philosophique;
celle de Sheridan, plus légère et plus vive de ton; celle de Molière
contient une leçon sociale plus puissante et plus forte. Un bourgeois
simple et honnête, sans doute quelque conseiller de parlement, qui aura
touché dans sa jeunesse aux troubles de la Fronde, et qui gouverne
assez mal sa famille, donne accès chez lui à un dévot de robe courte,
cheveux plats, ajustements simples mais élégants, homme de bien à ce
qu'il dit lui-même et à ce que l'on croit, que le père de famille
a rencontré dans une église, toujours en dévotes prières, poussant
des _hélas!_ mystiques et des soupirs affectés, et prouvant sa piété
tendre par la componction la plus fervente et la plus humble. C'est
M. Tartuffe. Notre bourgeois s'intéresse, s'informe, apprend que le
personnage fait l'aumône aux pauvres, qu'il vit modestement, qu'il est
gentilhomme, peu riche il est vrai, mais en passe de le devenir. C'est
un saint. On le répète dans le quartier. Poussé du désir de sanctifier
son logis magistral, d'inculquer le bon exemple à son jeune fils, de
morigéner sa femme, jeune, belle, aimant, quoique sage, la parure et
les divertissements mondains, le père offre un asile au prétendu modèle
de la perfection chrétienne, qui amène Laurent, son valet, dévot comme
lui, portant soigneusement la haire et la discipline.
L'aspect extérieur de ce M. Tartuffe n'avait rien de redoutable. Un
heureux embonpoint et une face riante, des yeux modestement baissés,
un costume noir de la propreté la plus exquise, les mains jointes sur
la poitrine, l'air béat et le sourire doucereux, il n'inspirait que
bienveillante confiance. C'était le papelard de la Fontaine, et non le
scélérat lugubre. Une voix moelleuse, caressante et mystique achevait
ce personnage.
Dès que M. Tartuffe a pénétré dans la maison, il y fait son nid, il s'y
incarne; sa sensualité se gorge des bons dîners de son hôte et s'endort
voluptueusement dans la couche molle qu'on lui apprête. Pour exploiter
la situation il n'a pas besoin de faire jouer d'autres ressorts que
l'apparente sincérité de sa vie dévote; il prêche, il gourmande
doucement les vices, il sert d'espion domestique. Son crédit augmente;
sa grimace sacrée suffit pour l'enraciner dans ce lieu de délices.
Comme Sganarelle, avec trois mots latins, guérit tout le monde;--Comme
don Juan, avec des révérences et des politesses soutenues de son habit
brodé, paye M. Dimanche;--M. Tartuffe n'a besoin que d'un rosaire et
d'un scapulaire pour vivre gros et gras, s'emparer des esprits et
monter au ciel. Il doit une partie de son succès à la doctrine qu'il
prêche; doctrine d'apparences qui permet à un père l'égoïsme foncier
et la cruauté réelle envers les siens, sous le voile de l'austérité
dévote. Il peut affamer et déshériter sa famille sous prétexte de son
propre salut, il ne doit compte qu'à Dieu; la formule le sauvera, qu'il
soit mauvais père et méchant homme en sûreté de conscience.
Voilà M. Tartuffe maître et roi de la situation; sa santé prospère, son
corps et son âme fleurissent, il est à la fleur de l'âge, et, malgré
son humilité, il aime à vivre. Voilà son écueil. La femme du maître est
jolie et passe pour coquette. Attachée à son mari par devoir plus que
par sentiment, cette situation la rapproche sans cesse de M. Tartuffe,
et la tentation de la chair vient saisir le saint homme. L'amour
sensuel s'empare de cette âme béate. Malgré lui il jette son masque, ou
du moins le soulève et laisse entrevoir à la femme de son bienfaiteur,
sous un spiritualisme de formules, le fond même de cette nature
grossière et dissimulée, qui veut des réalités et qui s'en repaît;
nature friande et onctueuse, brutale et subtile, lourde et intéressée,
qui trompe le monde au moyen de quelques dehors, d'un rôle appris et
d'une facile hypocrisie. Alors et sous le coup de ses mêmes vices qui
éclatent, tout l'édifice du dévot s'écroule au moment même de son
triomphe. Le père voulait lui donner sa fille, bien qu'il eût engagé
sa parole à un autre prétendant; il lui avait même cédé la partie la
plus nette de sa fortune et lui avait confié un secret d'État relatif
à ses jeunes années, secret qui compromettait jusqu'à sa vie. Dénoncé
par la famille, livré par la jeune femme, Tartuffe est renversé. Mais
les armes que l'engouement lui a prêtées, il les emploie sans pitié, et
le saint homme devient scélérat. L'autorité royale intervient, foudroie
Tartuffe, rétablit la paix, et après ce grand enseignement remet Orgon
au sein de sa famille.
Telle est cette admirable conception, méditée par Molière depuis le
moment de son entrée à Paris, élaborée avec l'amour le plus persévérant
pendant sept années, et qui, pour être enfin jouée, a coûté à son
auteur autant de diplomatie, de démarches, de persévérance et d'adresse
qu'il avait fallu de sagacité, de génie et de combinaison pour la
créer. Ninon de Lenclos, le prince de Condé, les libres esprits, tous
ceux qui préparaient l'ascendant futur des idées philosophiques,
le groupe croissant des _libertins_ (comme on les nommait alors),
encouragea, surveilla et protégea le développement de l'œuvre.
C'était tout un monde que cette sphère des esprits forts; et Nicole
avait raison de dire qu'il n'y avait déjà plus en 1660 d'hérétiques,
mais des incrédules; à leur tête marchaient la Rochefoucauld, le
prince de Condé, son amie madame Deshoulières, qui ne baptisa
sa fille qu'à vingt-neuf ans; Retz et de Lyonne, la Palatine et
Bourdelot, le bonhomme Rose, qui ne croyait à rien, Saint-Évremond et
Saint-Réal, Desbarreaux l'athée, Milton l'esprit fort, l'aimable de
Méré, Saint-Pavin, Lainé et Hénaut, enfin les anciens compagnons de
Théophile, les nouveaux amis de la Fontaine.
Ninon prêta son salon pour la première lecture du _Tartuffe_.
Chapelle, Bernier, Boileau lui-même, qui étaient présents, applaudirent
avec les jeunes seigneurs.
Mais comment parvenir à faire représenter l'œuvre? Tout se dirigeait
vers l'ordre apparent, vers la décence extérieure. Louis XIV, en se
livrant à ses amours, aimait que la dévotion régnât autour de lui.
Il fallut marcher pas à pas à la conquête de la position, établir
la sape et la tranchée, circonvenir le roi, se faire des appuis
partout, choisir le moment où Paris était désert et s'armer d'une
promesse verbale du monarque, qui venait de partir pour le camp devant
Lille, pour faire jouer enfin le _Tartuffe_ en 1667, sur le théâtre
du Palais-Royal. Il y avait quelque chose de subreptice dans cette
introduction de l'hypocrite, à qui Molière avait enlevé son nom de
Tartuffe pour le nommer _Arnolphe_, et qu'il avait adouci sur plusieurs
points. Malgré ces précautions, tout se souleva. Le premier président
de Lamoignon ordonna la suspension de l'œuvre pour en référer au roi.
Deux acteurs de la troupe, la Thorillière et la Grange, partirent avec
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