Molière - Œuvres complètes, Tome 3 - 02

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peignoient innocent à mon cœur; mais enfin cet abord ne me permet
plus de douter, et le coup d'œil qui m'a reçue m'apprend bien plus
de choses que je ne voudrois en savoir. Je serois bien aise pourtant
d'ouïr de votre bouche les raisons de votre départ. Parlez, don Juan,
je vous prie, et voyons de quel air vous saurez vous justifier.
DON JUAN.
Madame, voilà Sganarelle qui sait pourquoi je suis parti.
SGANARELLE, bas, à don Juan.
Moi, monsieur. Je n'en sais rien, s'il vous plaît.
DONE ELVIRE.
Eh bien, Sganarelle, parlez. Il n'importe de quelle bouche j'entende
ses raisons.
DON JUAN, faisant signe à Sganarelle d'approcher.
Allons, parle donc à madame.
SGANARELLE, bas, à don Juan.
Que voulez-vous que je dise?
DONE ELVIRE.
Approchez, puisqu'on le veut ainsi, et me dites un peu les causes d'un
départ si prompt.
DON JUAN.
Tu ne répondras pas?
SGANARELLE, bas, à don Juan.
Je n'ai rien à répondre. Vous vous moquez de votre serviteur.
DON JUAN.
Veux-tu répondre, te dis-je!
SGANARELLE.
Madame...
DONE ELVIRE.
Quoi?
SGANARELLE, se tournant vers son maître.
Monsieur...
DON JUAN, en le menaçant.
Si...
SGANARELLE.
Madame, les conquérans, Alexandre et les autres mondes, sont cause de
notre départ. Voilà, monsieur, tout ce que je puis dire.
DONE ELVIRE.
Vous plaît-il, don Juan, nous éclaircir ces beaux mystères?
DON JUAN.
Madame, à vous dire la vérité...
DONE ELVIRE.
Ah! que vous savez mal vous défendre pour un homme de cour, et qui
doit être accoutumé à ces sortes de choses! J'ai pitié de vous voir la
confusion que vous avez. Que ne vous armez-vous le front d'une noble
effronterie? Que ne me jurez-vous que vous êtes toujours dans les mêmes
sentiments pour moi, que vous m'aimez toujours avec une ardeur sans
égale, et que rien n'est capable de vous détacher de moi que la mort?
Que ne me dites-vous que des affaires de la dernière conséquence vous
ont obligé à partir sans m'en donner avis; qu'il faut que, malgré vous,
vous demeuriez ici quelque temps, et que je n'ai qu'à m'en retourner
d'où je viens, assurée que vous suivrez mes pas le plus tôt qu'il vous
sera possible; qu'il est certain que vous brûlez de me rejoindre, et
qu'éloigné de moi vous souffrez ce que souffre un corps qui est séparé
de son âme? Voilà comme il faut vous défendre, et non pas être interdit
comme vous êtes.
DON JUAN.
Je vous avoue, madame, que je n'ai point le talent de dissimuler, et
que je porte un cœur sincère. Je ne vous dirai point que je suis
toujours dans les mêmes sentiments pour vous, et que je brûle de vous
rejoindre, puisque enfin il est assuré que je ne suis parti que pour
vous fuir; non point par les raisons que vous pouvez vous figurer, mais
par un pur motif de conscience, et pour ne croire pas qu'avec vous
davantage je puisse vivre sans péché. Il m'est venu des scrupules,
madame, et j'ai ouvert les yeux de l'âme sur ce que je faisois. J'ai
fait réflexion que, pour vous épouser, je vous ai dérobée à la clôture
d'un couvent, que vous avez rompu des vœux qui vous engageoient autre
part, et que le ciel est fort jaloux de ces sortes de choses. Le
repentir m'a pris, et j'ai craint le courroux céleste. J'ai cru que
notre mariage n'étoit qu'un adultère déguisé, qu'il nous attireroit
quelque disgrâce d'en haut, et qu'enfin je devois tâcher de vous
oublier, et vous donner moyen de retourner à vos premières chaînes.
Voudriez-vous, madame, vous opposer à une si sainte pensée, et que
j'allasse, en vous retenant, me mettre le ciel sur les bras; que par...
DONE ELVIRE.
Ah! scélérat, c'est maintenant que je te connois tout entier; et, pour
mon malheur, je te connois lorsqu'il n'en est plus temps, et qu'une
telle connoissance ne peut plus me servir qu'à me désespérer. Mais
sache que ton crime ne demeurera pas impuni, et que le même ciel dont
tu te joues me saura venger de ta perfidie.
DON JUAN.
Sganarelle, le ciel!
SGANARELLE.
Vraiment oui, nous nous moquons bien de cela, nous autres!
DON JUAN.
Madame...
DONE ELVIRE.
Il suffit. Je n'en veux pas ouir davantage, et je m'accuse même d'en
avoir trop entendu. C'est une lâcheté que de se faire expliquer trop
sa honte; et, sur de tels sujets, un noble cœur, au premier mot, doit
prendre son parti. N'attends pas que j'éclate ici en reproches et en
injures; non, non, je n'ai point un courroux à exhaler en paroles
vaines, et toute sa chaleur se réserve pour sa vengeance. Je te le dis
encore, le ciel te punira, perfide, de l'outrage que tu me fais; et,
si le ciel n'a rien que tu puisses appréhender, appréhende du moins la
colère d'une femme offensée!
[5] Pour: fournir une excuse à ma tendresse. Ellipse hardie et
archaïque.

SCÈNE IV.--DON JUAN, SGANARELLE.
SGANARELLE, à part.
Si le remords le pouvoit prendre!
DON JUAN, après un moment de réflexion.
Allons songer à l'exécution de notre entreprise amoureuse.
SGANARELLE, seul.
Ah! quel abominable maître me vois-je obligé de servir!


ACTE II
Une campagne au bord de la mer.

SCÈNE I.--CHARLOTTE, PIERROT.
CHARLOTTE.
Notre dinse[6], Piarrot, tu t'es trouvé là bien à point!
PIERROT.
Parguienne, il ne s'en est pas fallu l'époisseur d'une éplingle qu'il
ne s'ayant nayés tous deux.
CHARLOTTE.
C'est donc le coup de vent d'à matin qui les avoit renvarsés dans la
mar?
PIERROT.
Aga[7], quien, Charlotte, je m'en vas te conter tout fin drait comme
cela est venu; car, comme dit l'autre, je les ai le premier avisés,
avisés le premier je les ai. Enfin donc j'étions sur le bord de la mar,
moi et le gros Lucas, et je nous amusions à batifoler avec des mottes
de tarre que je nous jesquions à la tête; car, comme tu sais bian,
le gros Lucas aime à batifoler, et moi, par fouas, je batifole, je
batifole itou. En batifolant donc, pisque batifoler y a, j'ai aparçu de
tout loin queuque chose qui grouilloit dans gliau, et qui venoit comme
envars nous par secousse. Je voyois cela fixiblement, et pis tout d'un
coup je voyois que je ne voyois plus rian. Eh! Lucas, ç'ai-je fait,
je pense que v'là des hommes qui nageant là-bas. Voire, ce m'a-t-il
fait, t'as été au trépassement d'un chat, t'as la vue trouble[8].
Palsanguienne, ç'ai-je fait, je n'ai point la vue trouble, ce sont
des hommes. Point du tout, ce m'a-t-il fait, t'as la barlue. Veux-tu
gager, ç'ai-je fait, que je n'ai point la barlue, ç'ai-je fait, et
que ce sont deux hommes, ç'ai-je fait, qui nageant droit ici, ç'ai-je
fait? Morguienne, ce m'a-t-il fait, je gage que non. Oh ça! ç'ai-je
fait, veux-tu gager dix sous que si? Je le veux bian, ce m'a-t-il fait,
et, pour le montrer, v'là argent au jeu, ce m'a-t-il fait. Moi, je
n'ai point été ni fou, ni étourdi; j'ai bravement bouté à tarre quatre
pièces tapées, et cinq sous en doubles, jerniguienne, aussi hardiment
que si j'avois avalé un varre de vin; car je sis hasardeux, moi, et je
vas à la débandade. Je savois bian ce que je faisois pourtant. Queuque
gniais! Enfin donc, je n'avons pas plutôt eu gagé, que j'avons vu les
deux hommes tout à plain, qui nous faisiant signe de les aller querir;
et moi de tirer auparavant les enjeux. Allons, Lucas, ç'ai-je dit, tu
vois bian qu'ils nous appelont; allons vite à leu secours. Non, ce
m'a-t-il dit, ils m'ont fait perdre. Oh! donc, tanquia qu'à la parfin,
pour le faire court, je l'ai tant sarmonné, que je nous sommes boutés
dans une barque, et pis j'avons tant fait cahin caha, que je les avons
tirés de gliau, et pis je les avons menés cheux nous auprès du feu, et
pis ils se sant dépouillés tout nus pour se sécher, et pis il y en est
venu encore deux de la même bande, qui s'équiant sauvés tout seuls; et
pis Mathurine est arrivée là, à qui l'en a fait les doux yeux. V'là
justement Charlotte, comme tout ça s'est fait.
CHARLOTTE.
Ne m'as-tu pas dit, Piarrot, qu'il y en a un qu'est bien pu mieux fait
que les autres?
PIERROT.
Oui, c'est le maître. Il faut que ce soit queuque gros, gros monsieu,
car il a du dor à son habit tout depis le haut jusqu'en bas; et ceux
qui le servont sont des monsieux eux-mêmes; et stapandant, tout gros
monsieu qu'il est, il seroit par ma fiqué[9] nayé si je n'aviomme été
là.
CHARLOTTE.
Ardez[10] un peu!
PIERROT.
Oh! parguienne, sans nous il en avoit pour sa maine de fèves[11].
CHARLOTTE.
Est-il encore cheux toi tout nu, Piarrot?
PIERROT.
Nannain, ils l'avont rhabillé tout devant nous. Mon Guieu, je n'en
avois jamais vu s'habiller. Que d'histoire et d'engingorniaux[12]
boutont[13] ces messieux-là les courtisans! Je me pardrois là dedans,
pour moi; et j'étois tout ébobi de voir ça. Quien, Charlotte, ils
avont des cheveux qui ne tenont point à leu tête; et ils boutont ça,
après tout, comme un gros bonnet de filasse. Ils ant des chemises
qui ant des manches où j'entrerions tout brandis[14], toi et moi. En
glieu d'haut-de-chausse, ils portont un garde-robe[15] aussi large que
d'ici à Pâques: en glieu de pourpoint de petites brassières, qui ne
leu venont pas jusqu'au brichet[16]; et, en glieu de rabat, un grand
mouchoir de cou à réziau, aveuc quatre grosses houppes de linge qui leu
pendont sur l'estomaque. Ils avont itou d'autres petits rabats au bout
des bras, et de grands entonnois de passement aux jambes, et, parmi
tout ça, tant de rubans, tant de rubans que c'est une vraie piquié.
Ignia pas jusqu'aux souliers qui n'en soyont farcis tout depis un bout
jusqu'à l'autre; et ils sont faits d'une façon que je me romprois le
cou aveuc.
CHARLOTTE.
Par ma fi, Piarrot, il faut que j'aille voir un peu ça.
PIERROT.
Oh! acoute un peu auparavant, Charlotte. J'ai queuque autre chose à te
dire, moi.
CHARLOTTE.
Eh bian, dis, qu'est-ce que c'est?
PIERROT.
Vois-tu, Charlotte? il faut, comme dit l'autre, que je débonde mon
cœur. Je t'aime, tu le sais bian, et je sommes pour être mariés
ensemble; mais, marguienne, je ne suis point satisfait de toi.
CHARLOTTE.
Quement, qu'est-ce que c'est donc qu'iglia?
PIERROT.
Iglia que tu me chagraines l'esprit, franchement.
CHARLOTTE.
Et quement donc?
PIERROT.
Tétiguienne, tu ne m'aimes point.
CHARLOTTE.
Ah! ah! n'est-ce que çà?
PIERROT.
Oui, ce n'est que ça, et c'est bian assez.
CHARLOTTE.
Mon Guieu, Piarrot, tu me viens toujou dire la même chose.
PIERROT.
Je te dis toujou la même chose, parce que c'est toujou la même chose;
et, si ce n'étoit pas toujou la même chose, je ne te dirois pas toujou
la même chose.
CHARLOTTE.
Mais qu'est-ce qu'il te faut? que veux-tu?
PIERROT.
Jerniguienne! je veux que tu m'aimes.
CHARLOTTE.
Est-ce que je ne t'aime pas?
PIERROT.
Non, tu ne m'aimes pas; et si[17] je fais tout ce que je pis pour ça.
Je t'achète, sans reproche, des rubans à tous les marciers qui passont;
je me romps le cou à t'aller dénicher des marles; je fais jouer pour
toi les vielleux quand ce vient ta fête, et tout ça comme si je me
frappois la tête contre un mur. Vois-tu, ça n'est ni biau ni honnête
de n'aimer pas les gens qui nous aimont.
CHARLOTTE.
Mais, mon Guieu, je t'aime aussi.
PIERROT.
Oui, tu m'aimes d'une belle dégaîne!
CHARLOTTE.
Quement veux-tu donc qu'on fasse?
PIERROT.
Je veux que l'en fasse comme l'en fait, quand l'en aime comme il faut.
CHARLOTTE.
Ne t'aimé-je pas aussi comme il faut?
PIERROT.
Non. Quand ça est, ça se voit, et l'en fait mille petites singeries aux
parsonnes quand on les aime du bon cœur. Regarde la grosse Thomasse,
comme alle est assottée du jeune Robain; alle est toujou autour de li
à l'agacer, et ne le laisse jamais en repos. Toujou al li fait queuque
niche, ou li baille queuque taloche en passant; et l'autre jour qu'il
étoit assis sur un escabiau, al fut le tirer de dessous li, et le fit
choir tout de son long par tarre. Jarni, v'là où l'en voit les gens qui
aimont; mais toi tu ne me dis jamais mot, t'es toujou là comme eune
vraie souche de bois; et je passerois vingt fois devant toi, que tu
ne te grouillerois pas pour me bailler le moindre coup, ou me dire la
moindre chose. Ventreguienne! ça n'est pas bian, après tout; et t'es
trop froide pour les gens.
CHARLOTTE.
Que veux-tu que j'y fasse? C'est mon himeur, et je ne me pis refondre.
PIERROT.
Ignia himeur qui quienne. Quand on a de l'amiquié pour les parsonnes,
l'on en baille toujou queuque petite signifiance.
CHARLOTTE.
Enfin, je t'aime tout autant que je pis; et, si tu n'es pas content de
ça, tu n'as qu'à en aimer queuque autre.
PIERROT.
Eh bian, v'là pas mon compte? Tétigué, si tu m'aimois, me dirois-tu ça?
CHARLOTTE.
Pourquoi me viens-tu aussi tarabuster l'esprit?
PIERROT.
Morgué! queu mal te fais-je? Je ne te demande qu'un peu d'amiquié.
CHARLOTTE.
Eh bien, laisse faire aussi, et ne me presse point tant. Peut-être que
ça viendra tout d'un coup sans y songer.
PIERROT.
Touche donc là, Charlotte.
CHARLOTTE, donnant sa main.
Eh bien, quien.
PIERROT.
Promets-moi donc que tu tâcheras de m'aimer davantage.
CHARLOTTE.
J'y ferai tout ce que je pourrai; mais il faut que ça vienne de
lui-même, Piarrot, est-ce là ce monsieu?
PIERROT.
Oui, le v'là.
CHARLOTTE.
Ah! mon Guieu, qu'il est genti, et que ç'auroit été dommage qu'il eût
été nayé!
PIERROT.
Je revians tout à l'heure; je m'en vas boire chopaine, pour me rebouter
tant soit peu de la fatigue que j'ais eue.
[6] Pour: notre dame. Mot de patois.
[7] Pour: _age_, mot latin, _allons_. Interjection patoise.
[8] Proverbe populaire fondé sur une ancienne superstition.
[9] Pour: ma foi. Mot patois.
[10] Pour: regardez. Abréviation populaire.
[11] Pour: mine de fèves, mesure; c'est-à-dire pour son compte.
[12] Pour: engins pour la gorge, parure, ornement. Mot patois.
[13] Pour: mettre, placer. Archaïsme populaire.
[14] Pour: tout entiers, droits comme une perche; du mot _brand_,
rameau, bruyère.
[15] Pour: tablier. Archaïsme rustique.
[16] Pour: creux de l'estomac. Archaïsme populaire.
[17] Voyez plus haut, _passim_.

SCÈNE II.--DON JUAN, SGANARELLE, CHARLOTTE, dans le fond de la cour.
DON JUAN.
Nous avons manqué notre coup, Sganarelle, et cette bourrasque imprévue
a renversé avec notre barque le projet que nous avions fait; mais, à te
dire vrai, la paysanne que je viens de quitter répare ce malheur, et je
lui ai trouvé des charmes qui effacent de mon esprit tout le chagrin
que me donnoit le mauvais succès de notre entreprise. Il ne faut pas
que ce cœur m'échappe, et j'y ai déjà jeté des dispositions à ne pas
me souffrir[18] longtemps de pousser des soupirs.
SGANARELLE.
Monsieur, j'avoue que vous m'étonnez. A peine sommes-nous échappés d'un
péril de mort, qu'au lieu de rendre grâce au ciel de la pitié qu'il a
daigné prendre de nous, vous travaillez tout de nouveau à attirer sa
colère par vos fantaisies accoutumées et vos amours cr... (Don Juan
prend un air menaçant.) Paix, coquin que vous êtes! Vous ne savez ce
que vous dites, et monsieur sait ce qu'il fait. Allons.
DON JUAN, apercevant Charlotte.
Ah! ah! d'où sort cette autre paysanne, Sganarelle? As-tu rien vu
de plus joli? et ne trouves-tu pas, dis-moi, que celle-ci vaut bien
l'autre?
SGANARELLE.
Assurément (A part.) Autre pièce nouvelle.
DON JUAN, à Charlotte.
D'où me vient, la belle, une rencontre si agréable? Quoi! dans ces
lieux champêtres, parmi ces arbres et ces rochers, on trouve des
personnes faites comme vous êtes?
CHARLOTTE.
Vous voyez, monsieu.
DON JUAN.
Êtes-vous de ce village?
CHARLOTTE.
Oui, monsieu.
DON JUAN.
Et vous y demeurez?...
CHARLOTTE.
Oui, monsieu.
DON JUAN.
Vous vous appelez?
CHARLOTTE.
Charlotte, pour vous servir.
DON JUAN.
Ah! la belle personne! et que ses yeux sont pénétrans!
CHARLOTTE.
Monsieu, vous me rendez toute honteuse.
DON JUAN.
Ah! n'ayez point de honte d'entendre dire vos vérités. Sganarelle,
qu'en dis-tu? Peut-on rien voir de plus agréable? Tournez-vous un
peu, s'il vous plaît. Ah! que cette taille est jolie! Haussez un peu
la tête, de grâce. Ah! que ce visage est mignon! Ouvrez vos yeux
entièrement. Ah! qu'ils sont beaux! Que je voie un peu vos dents, je
vous prie. Ah! qu'elles sont amoureuses, et ces lèvres appétissantes!
Pour moi, je suis ravi, et je n'ai jamais vu une si charmante personne.
CHARLOTTE.
Monsieu, cela vous plaît à dire, et je ne sais pas si c'est pour vous
railler de moi.
DON JUAN.
Moi, me railler de vous? Dieu m'en garde! Je vous aime trop pour cela,
et c'est du fond du cœur que je vous parle.
CHARLOTTE.
Je vous suis bien obligée, si ça est.
DON JUAN.
Point du tout, vous ne m'êtes point obligée de tout ce que je dis; et
ce n'est qu'à votre beauté que vous en êtes redevable.
CHARLOTTE.
Monsieu, tout ça est trop bien dit pour moi, et je n'ai pas d'esprit
pour vous répondre.
DON JUAN.
Sganarelle, regarde un peu ses mains.
CHARLOTTE.
Fi! monsieu, elles sont noires comme je ne sais quoi.
DON JUAN.
Ah! que dites-vous là! Elles sont les plus belles du monde; souffrez
que je les baise, je vous prie.
CHARLOTTE.
Monsieu, c'est trop d'honneur que vous me faites; et, si j'avois su ça
tantôt, je n'aurois pas manqué de les laver avec du son.
DON JUAN.
Eh! dites-moi un peu, belle Charlotte, vous n'êtes pas mariée, sans
doute?
CHARLOTTE.
Non, monsieu; mais je dois bientôt l'être avec Piarrot, le fils de la
voisine Simonnette.
DON JUAN.
Quoi! une personne comme vous seroit la femme d'un simple paysan!
Non, non, c'est profaner tant de beautés, et vous n'êtes pas née
pour demeurer dans un village. Vous méritez sans doute une meilleure
fortune; et le ciel, qui le connoît bien, m'a conduit ici tout exprès
pour empêcher ce mariage, et rendre justice à vos charmes: car enfin,
belle Charlotte, je vous aime de tout mon cœur, et il ne tiendra qu'à
vous que je vous arrache de ce misérable lieu, et ne vous mette dans
l'état où vous méritez d'être. Cet amour est bien prompt, sans doute;
mais quoi! c'est un effet, Charlotte, de votre grande beauté, et l'on
vous aime autant en un quart d'heure qu'en feroit une autre en six mois.
CHARLOTTE.
Aussi vrai, monsieu, je ne sais comment faire quand vous parlez. Ce
que vous dites me fait aise, et j'aurois toutes les envies du monde
de vous croire; mais on m'a toujou dit qu'il ne faut jamais croire
les monsieux, et que vous autres courtisans êtes des enjoleux, qui ne
songez qu'à abuser les filles.
DON JUAN.
Je ne suis pas de ces gens-là.
SGANARELLE, à part.
Il n'a garde.
CHARLOTTE.
Voyez-vous, monsieu? il n'y a pas plaisir à se laisser abuser. Je
suis une pauvre paysanne; mais j'ai l'honneur en recommandation, et
j'aimerois mieux me voir morte que de me voir déshonorée.
DON JUAN.
Moi, j'aurois l'âme assez méchante pour abuser une personne comme
vous? Je serois assez lâche pour vous déshonorer? Non, non, j'ai trop
de conscience pour cela. Je vous aime, Charlotte, en tout bien et en
tout honneur; et, pour vous montrer que je vous dis vrai, sachez que je
n'ai point d'autre dessein que de vous épouser. En voulez-vous un plus
grand témoignage? M'y voilà prêt quand vous voudrez; et je prends à
témoin l'homme que voilà de la parole que je vous donne.
SGANARELLE.
Non, non, ne craignez point. Il se mariera avec vous tant que vous
voudrez.
DON JUAN.
Ah! Charlotte, je vois bien que vous ne me connoissez pas encore. Vous
me faites grand tort de juger de moi par les autres; et, s'il y a
des fourbes dans le monde, des gens qui ne cherchent qu'à abuser des
filles, vous devez me tirer du nombre, et ne pas mettre en doute la
sincérité de ma foi; et puis votre beauté vous assure de tout. Quand
on est faite comme vous, on doit être à couvert de toutes ces sortes
de craintes; vous n'avez point l'air, croyez-moi, d'une personne qu'on
abuse; et pour moi, je l'avoue, je me percerois le cœur de mille
coups, si j'avois eu la moindre pensée de vous trahir.
CHARLOTTE.
Mon Dieu! je ne sais si vous dites vrai, ou non; mais vous faites que
l'on vous croit.
DON JUAN.
Lorsque vous me croirez, vous me rendrez justice assurément, et je vous
réitère encore la promesse que je vous ai faite. Ne l'acceptez-vous
pas, et ne voulez-vous pas consentir à être ma femme?
CHARLOTTE.
Oui, pourvu que ma tante le veuille.
DON JUAN.
Touchez donc là, Charlotte, puisque vous le voulez bien de votre part.
CHARLOTTE.
Mais au moins, monsieu, ne m'allez pas tromper, je vous prie; il y
aurait de la conscience à vous, et vous voyez comme j'y vais à la bonne
foi.
DON JUAN.
Comment! il semble que vous doutiez encore de ma sincérité! Voulez-vous
que je fasse des sermens épouvantables? Que le ciel...
CHARLOTTE.
Mon Dieu! ne jurez point! je vous crois.
DON JUAN.
Donnez-moi donc un petit baiser pour gage de votre parole.
CHARLOTTE.
Oh! monsieu, attendez que je soyons mariés, je vous prie. Après ça, je
vous baiserai tant que vous voudrez.
DON JUAN.
Eh bien, belle Charlotte, je veux tout ce que vous voulez!
abandonnez-moi seulement votre main, et souffrez que, par mille
baisers, je lui exprime le ravissement où je suis...
[18] Pour: permettre. Voyez plus haut.

SCÈNE III.--DON JUAN, SGANARELLE, PIERROT, CHARLOTTE.
PIERROT, poussant don Juan qui baise la main de Charlotte.
Tout doucement, monsieu; tenez-vous, s'il vous plaît. Vous vous
échauffez trop, et vous pourriez gagner la puresie.
DON JUAN, repoussant rudement Pierrot.
Qui m'amène cet impertinent?
PIERROT, se mettant entre don Juan et Charlotte.
Je vous dis qu'ous vous tegniez, et qu'ous ne caressiais point nos
accordées.
DON JUAN, repoussant encore Pierrot.
Ah! que de bruit!
PIERROT.
Jerniguienne! ce n'est pas comme ça qu'il faut pousser les gens.
CHARLOTTE, prenant Pierrot par le bras.
Eh! laisse-le faire aussi, Piarrot.
PIERROT.
Quement! que je le laisse faire? Je ne veux pas, moi.
DON JUAN.
Ah!
PIERROT.
Tétiguienne! parce qu'ous êtes monsieu, ous viendrez caresser nos
femmes à notre barbe! Allez-v's-en caresser les vôtres!
DON JUAN.
Heu!
PIERROT.
Heu. (Don Juan lui donne un soufflet.) Tétigué! ne me frappez pas.
(Autre soufflet.) Oh! jerniguié! (Autre soufflet.) Ventregué! (Autre
soufflet.) Palsangué! morguienne! ça n'est pas bian de battre les gens,
et ce n'est pas là la récompense de v's avoir sauvé d'être nayé.
CHARLOTTE.
Piarrot! ne te fâche point.
PIERROT.
Je me veux fâcher; et t'es une vilaine, toi, d'endurer qu'on te cajole.
CHARLOTTE.
Oh! Piarrot, ce n'est pas ce que tu penses. Ce monsieu veut m'épouser,
et tu ne dois pas te bouter en colère.
PIERROT.
Quetement? Jerni! tu m'es promise.
CHARLOTTE.
Ça n'y fait rien, Piarrot. Si tu m'aimes, ne dois-tu pas être bien aise
que je devienne madame?
PIERROT.
Jerniguié! non. J'aime mieux te voir crevée que de te voir à un autre.
CHARLOTTE.
Va, va, Piarrot, ne te mets point en peine. Si je sis madame, je te
ferai gagner queuque chose, et tu apporteras du beurre et du fromage
cheux nous.
PIERROT.
Ventreguienne! je gni en porterai jamais, quand tu m'en payerois deux
fois autant. Est-ce donc comme ça que t'écoutes ce qu'il te dit?
Morguienne, si j'avois su ça tantôt, je me serois bien gardé de le
tirer de gliau, et je gli aurois baillé un bon coup d'aviron sur la
tête.
DON JUAN, s'approchant de Pierrot pour le frapper.
Qu'est-ce que vous dites?
PIERROT, se mettant derrière Charlotte.
Jerniguienne! je ne crains parsonne.
DON JUAN, passant du côté où est Pierrot.
Attendez-moi un peu.
PIERROT, repassant de l'autre côté.
Je me moque de tout, moi.
DON JUAN, courant après Pierrot.
Voyons cela.
PIERROT, se sauvant encore derrière Charlotte.
J'en avons bian vu d'autres!
DON JUAN.
Ouais!
SGANARELLE.
Eh! monsieur, laissez là ce pauvre misérable. C'est conscience de le
battre. (A Pierrot, en se mettant entre lui et don Juan.) Écoute, mon
pauvre garçon, retire-toi, et ne lui dis rien.
PIERROT, passant devant Sganarelle, et regardant fièrement don Juan.
Je veux lui dire, moi!
DON JUAN, levant la main pour donner un soufflet à Pierrot.
Ah! je vous apprendrai...
Pierrot baisse la tête et Sganarelle reçoit le soufflet.
SGANARELLE, regardant Pierrot.
Peste soit du maroufle!
DON JUAN, à Sganarelle.
Te voilà payé de charité.
PIERROT.
Jarni! je vas dire à sa tante tout ce ménage-ci.

SCÈNE IV.--DON JUAN, CHARLOTTE, SGANARELLE.
DON JUAN, à Charlotte.
Enfin, je m'en vais être le plus heureux de tous les hommes, et je ne
changerois pas mon bonheur contre toutes les choses du monde. Que de
plaisirs quand vous serez ma femme, et que...

SCÈNE V.--DON JUAN, MATHURINE, CHARLOTTE, SGANARELLE.
SGANARELLE, apercevant Mathurine.
Ah! ah!
MATHURINE, à don Juan.
Monsieu, que faites-vous donc là avec Charlotte? Est-ce que vous lui
parlez d'amour aussi?
DON JUAN, bas, à Mathurine.
Non. Au contraire, c'est elle qui me témoignoit une envie d'être ma
femme, et je lui répondois que j'étois engagé à vous.
CHARLOTTE, à don Juan.
Qu'est-ce que c'est donc que vous veut Mathurine?
DON JUAN, bas, à Charlotte.
Elle est jalouse de me voir vous parler, et voudroit bien que je
l'épousasse; mais je lui dis que c'est vous que je veux.
MATHURINE.
Quoi! Charlotte.
DON JUAN, bas, à Mathurine.
Tout ce que vous lui direz sera inutile; elle s'est mis cela dans la
tête.
CHARLOTTE.
Quement donc! Mathurine....
DON JUAN, bas, à Charlotte.
C'est en vain que vous lui parlerez; vous ne lui ôterez point cette
fantaisie.
MATHURINE.
Est-ce que...
DON JUAN, bas, à Mathurine.
Il n'y a pas moyen de lui faire entendre raison.
CHARLOTTE.
Je voudrois...
DON JUAN, bas, à Charlotte.
Elle est obstinée comme tous les diables.
MATHURINE.
Vraiment...
DON JUAN, bas, à Mathurine.
Ne ne lui dites rien, c'est une folle.
CHARLOTTE.
Je pense...
DON JUAN, bas, à Charlotte.
Laissez-la là, c'est une extravagante.
MATHURINE.
Non, non, il faut que je lui parle.
CHARLOTTE.
Je veux voir un peu ses raisons.
MATHURINE.
Quoi!...
DON JUAN, bas, à Mathurine.
Je gage qu'elle va vous dire que je lui ai promis de l'épouser.
CHARLOTTE.
Je...
DON JUAN, bas, à Charlotte.
Gageons qu'elle vous soutiendra que je lui ai donné parole de la
prendre pour femme.
MATHURINE.
Holà! Charlotte, ça n'est pas bian de courir su le marché des autres.
CHARLOTTE.
Ça n'est pas honnête, Mathurine, d'être jalouse que monsieu me parle.
MATHURINE.
C'est moi que monsieu a vue la première.
CHARLOTTE.
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