Molière - Œuvres complètes, Tome 3 - 05

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Quoi! ce n'est pas... Vous ne... Votre... (A part.) Oh! quel homme!
quel homme! quel homme!
DON JUAN.
Non, non, je ne suis point changé, et mes sentiments sont toujours les
mêmes.
SGANARELLE.
Vous ne vous rendez pas à la surprenante merveille de cette statue
mouvante et parlante?
DON JUAN.
Il y a bien quelque chose là dedans que je ne comprends pas; mais,
quoi que ce puisse être, cela n'est pas capable, ni de convaincre mon
esprit, ni d'ébranler mon âme; et, si j'ai dit que je voulois corriger
ma conduite et me jeter dans un train de vie exemplaire, c'est un
dessein que j'ai formé par pure politique, un stratagème utile, une
grimace nécessaire où je veux me contraindre, pour ménager un père
dont j'ai besoin, et me mettre à couvert, du côté des hommes, de cent
fâcheuses aventures qui pourroient m'arriver. Je veux bien, Sganarelle,
t'en faire confidence, et je suis bien aise d'avoir un témoin du fond
de mon âme et des véritables motifs qui m'obligent à faire les choses.
SGANARELLE.
Quoi! vous ne croyez rien du tout, et vous voulez cependant vous ériger
en homme de bien?
DON JUAN.
Et pourquoi non? Il y en a tant d'autres comme moi qui se mêlent de ce
métier et qui se servent du même masque pour abuser le monde!
SGANARELLE, à part.
Ah! quel homme! quel homme!
DON JUAN.
Il n'y a plus de honte maintenant à cela: l'hypocrisie est un vice à la
mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. Le personnage
d'homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu'on puisse
jouer. Aujourd'hui la profession d'hypocrite a de merveilleux
avantages. C'est un art de qui l'imposture est toujours respectée; et,
quoiqu'on la découvre, on n'ose rien dire contre elle. Tous les autres
vices des hommes sont exposés à la censure, et chacun a la liberté de
les attaquer hautement; mais l'hypocrisie est un vice privilégié qui,
de sa main, ferme la bouche à tout le monde, et jouit en repos d'une
impunité souveraine. On lie, à force de grimaces, une société étroite
avec tous les gens du parti. Qui en choque un se les attire tous sur
les bras, et ceux que l'on sait même agir de bonne foi là-dessus, et
que chacun connoît pour être véritablement touchés, ceux-là, dis-je,
sont toujours les dupes des autres; ils donnent bonnement dans le
panneau des grimaciers, et appuient aveuglément les singes de leurs
actions. Combien crois-tu que j'en connoisse qui, par ce stratagème,
ont rhabillé adroitement les désordres de leur jeunesse, qui se font un
bouclier du manteau de la religion, et, sous cet habit respecté, ont la
permission d'être les plus méchans hommes du monde? On a beau savoir
leurs intrigues et les connoître pour ce qu'ils sont, ils ne laissent
pas pour cela d'être en crédit parmi les gens, et quelque baissement
de tête, un soupir mortifié et deux roulemens d'yeux rajustent dans le
monde tout ce qu'ils peuvent faire. C'est sous cet abri favorable que
je veux me sauver et mettre en sûreté mes affaires. Je ne quitterai
point mes douces habitudes; mais j'aurai soin de me cacher, et me
divertirai à petit bruit. Que si je viens à être découvert, je verrai,
sans me remuer, prendre mes intérêts à toute la cabale[27], et je
serai défendu par elle envers et contre tous. Enfin, c'est là le
vrai moyen de faire impunément tout ce que je voudrai. Je m'érigerai
en censeur des actions d'autrui, jugerai mal de tout le monde, et
n'aurai bonne opinion que de moi. Dès qu'une fois on m'aura choqué
tant soit peu, je ne pardonnerai jamais et garderai tout doucement une
haine irréconciliable. Je ferai le vengeur des intérêts du ciel, et,
sous ce prétexte commode, je pousserai mes ennemis, je les accuserai
d'impiété et saurai déchaîner contre eux des zélés indiscrets, qui,
sans connaissance de cause, crieront en public après eux; qui les
accableront d'injures et les damneront hautement de leur autorité
privée. C'est ainsi qu'il faut profiter des foiblesses des hommes, et
qu'un sage esprit s'accommode aux vices de son siècle.
SGANARELLE.
O ciel! qu'entends-je ici? il ne vous manquoit plus que d'être
hypocrite pour vous achever de tout point; et voilà le comble des
abominations. Monsieur, cette dernière-ci m'emporte, et je ne puis
m'empêcher de parler. Faites-moi tout ce qu'il vous plaira; battez-moi,
assommez-moi de coups, tuez-moi si vous voulez; il faut que je décharge
mon cœur, et qu'en valet fidèle je vous dise ce que je dois. Sachez,
monsieur, que tant va la cruche à l'eau qu'enfin elle se brise; et,
comme dit fort bien cet auteur que je ne connois pas, l'homme est, en
ce monde, ainsi que l'oiseau sur la branche; la branche est attachée
à l'arbre; qui s'attache à l'arbre suit de bons préceptes; les bons
préceptes valent mieux que les belles paroles; les belles paroles se
trouvent à la cour; à la cour sont les courtisans; les courtisans
suivent la mode; la mode vient de la fantaisie; la fantaisie est une
faculté de l'âme; l'âme est ce qui nous donne la vie; la vie finit par
la mort; la mort nous fait penser au ciel; le ciel est au-dessus de la
terre; la terre n'est point la mer; la mer est sujette aux orages; les
orages tourmentent les vaisseaux; les vaisseaux ont besoin d'un bon
pilote; un bon pilote a de la prudence; la prudence n'est pas dans les
jeunes gens; les jeunes gens doivent obéissance aux vieux; les vieux
aiment les richesses; les richesses font les riches; les riches ne sont
pas pauvres; les pauvres ont de la nécessité; la nécessité n'a point
de loi; qui n'a pas de loi vit en bête brute, et, par conséquent, vous
serez damné à tous les diables.
DON JUAN.
O le beau raisonnement!
SGANARELLE.
Après cela, si vous ne vous rendez, tant pis pour vous.
[27] Pour: les jésuites, déjà poursuivis sous ce nom par Pascal.

SCÈNE III.--DON CARLOS, DON JUAN, SGANARELLE.
DON CARLOS.
Don Juan, je vous trouve à propos, et suis bien aise de vous parler ici
plutôt que chez vous, pour vous demander vos résolutions. Vous savez
que ce soin me regarde, et que je me suis, en votre présence, chargé de
cette affaire. Pour moi, je ne le cèle point, je souhaite fort que les
choses aillent dans la douceur; et il n'y a rien que je ne fasse pour
porter votre esprit à vouloir prendre cette voie, et pour vous voir
publiquement confirmer à ma sœur le nom de votre femme.
DON JUAN, d'un ton hypocrite.
Hélas! je voudrois bien de tout mon cœur vous donner la satisfaction
que vous souhaitez; mais le ciel s'y oppose directement; il a inspiré à
mon âme le dessein de changer de vie, et je n'ai point d'autres pensées
maintenant que de quitter entièrement tous les attachemens du monde, de
me dépouiller au plus tôt de toutes sortes de vanités, et de corriger
désormais, par une austère conduite, tous les déréglemens criminels où
m'a porté le feu d'une aveugle jeunesse.
DON CARLOS.
Ce dessein, don Juan, ne choque point ce que je dis; et la compagnie
d'une femme légitime peut bien s'accommoder avec les louables pensées
que le ciel vous inspire.
DON JUAN.
Hélas! point du tout. C'est un dessein que votre sœur elle-même a
pris; elle a résolu sa retraite, et nous avons été touchés tous deux en
même temps.
DON CARLOS.
Sa retraite ne peut nous satisfaire, pouvant être imputée au mépris
que vous feriez d'elle et de notre famille; et notre honneur demande
qu'elle vive avec vous.
DON JUAN.
Je vous assure que cela ne se peut. J'en avois, pour moi, toutes les
envies du monde, et je me suis même encore aujourd'hui conseillé[28] au
ciel pour cela; mais, lorsque je l'ai consulté, j'ai entendu une voix
qui m'a dit que je ne devois point songer à votre sœur, et qu'avec
elle assurément je ne ferois point mon salut.
DON CARLOS.
Croyez-vous, don Juan, nous éblouir par ces belles excuses?
DON JUAN.
J'obéis à la voix du ciel.
DON CARLOS.
Quoi! vous voulez que je me paye d'un semblable discours?
DON JUAN.
C'est le ciel qui le veut ainsi.
DON CARLOS.
Vous aurez fait sortir ma sœur d'un couvent pour la laisser ensuite?
DON JUAN.
Le ciel l'ordonne de la sorte.
DON CARLOS.
Nous souffrirons cette tache en notre famille?
DON JUAN.
Prenez-vous-en au ciel.
DON CARLOS.
Et quoi! toujours le ciel!
DON JUAN.
Le ciel le souhaite comme cela.
DON CARLOS.
Il suffit, don Juan, je vous entends. Ce n'est pas ici que je veux vous
prendre, et le lieu ne le souffre pas; mais, avant qu'il soit peu, je
saurai vous trouver.
DON JUAN.
Vous ferez ce que vous voudrez. Vous savez que je ne manque point de
cœur, et que je sais me servir de mon épée quand il le faut. Je m'en
vais passer tout à l'heure dans cette petite rue écartée qui mène au
grand couvent; mais je vous déclare, pour moi, que ce n'est point
moi qui me veux battre: le ciel m'en défend la pensée; et, si vous
m'attaquez, nous verrons ce qui en arrivera.
DON CARLOS.
Nous verrons, de vrai, nous verrons.
[28] Pour: j'ai demandé conseil. L'emploi de ce verbe avec le pronom
réfléchi est un archaïsme hors d'usage.

SCÈNE IV.--DON JUAN, SGANARELLE.
SGANARELLE.
Monsieur, quel diable de style prenez-vous là? Ceci est bien pis que
le reste, et je vous aimerois bien mieux encore comme vous étiez
auparavant. J'espérois toujours de votre salut; mais c'est maintenant
que j'en désespère; et je crois que le ciel, qui vous a souffert
jusques ici, ne pourra souffrir du tout cette dernière horreur.
DON JUAN.
Va, va, le ciel n'est pas si exact que tu penses; et, si toutes les
fois que les hommes...

SCÈNE V.--DON JUAN, SGANARELLE, UN SPECTRE, en femme voilée.
SGANARELLE, apercevant le spectre.
Ah! monsieur, c'est le ciel qui vous parle, et c'est un avis qu'il vous
donne.
DON JUAN.
Si le ciel me donne un avis, il faut qu'il parle un peu plus
clairement, s'il veut que je l'entende.
LE SPECTRE.
Don Juan n'a plus qu'un moment à pouvoir profiter de la miséricorde du
ciel; et, s'il ne se repent ici, sa perte est résolue.
SGANARELLE.
Entendez-vous, monsieur?
DON JUAN.
Qui ose tenir ces paroles? Je crois connoître cette voix.
SGANARELLE.
Ah! monsieur, c'est un spectre, je le reconnois au marcher.
DON JUAN.
Spectre, fantôme, ou diable, je veux voir ce que c'est.
Le spectre change de figure et représente le Temps avec sa faux à la
main.
SGANARELLE.
O ciel! Voyez-vous, monsieur, ce changement de figure?
DON JUAN.
Non, non, rien n'est capable de m'imprimer de la terreur; et je veux
éprouver avec mon épée si c'est un corps ou un esprit.
Le spectre s'envole dans le temps que don Juan veut le frapper.
SGANARELLE.
Ah! monsieur, rendez-vous à tant de preuves, et jetez-vous vite dans le
repentir!
DON JUAN.
Non, non, il ne sera pas dit, quoi qu'il arrive, que je sois capable de
me repentir. Allons, suis-moi!

SCÈNE VI.--LA STATUE DU COMMANDEUR, DON JUAN, SGANARELLE.
LA STATUE.
Arrêtez, don Juan. Vous m'avez hier donné parole de venir manger avec
moi.
DON JUAN.
Oui. Où faut-il aller?
LA STATUE.
Donnez-moi la main.
DON JUAN.
La voilà.
LA STATUE.
Don Juan, l'endurcissement au péché trame une mort funeste, et les
grâces du ciel que l'on renvoie ouvrent un chemin à sa foudre.
DON JUAN.
O ciel! que sens-je? un feu invisible me brûle, je n'en puis plus, et
tout mon corps devient un brasier ardent! Ah!
Le tonnerre tombe avec un grand bruit et de grands éclairs sur don
Juan. La terre s'ouvre et l'abîme, et il sort de grands feux de
l'endroit où il est tombé.

SCÈNE VII.--SGANARELLE.
Ah! mes gages! mes gages! Voilà, par sa mort, un chacun satisfait. Ciel
offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parens
outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout, tout le monde est
content; il n'y a que moi seul de malheureux. Mes gages, mes gages, mes
gages!

FIN DU FESTIN DE PIERRE.


L'AMOUR MÉDECIN
COMÉDIE-BALLET
REPRÉSENTÉE POUR LA PREMIÈRE FOIS A VERSAILLES, LE 15 SEPTEMBRE 1665 ET
A PARIS, SUR LE THÉATRE DU PALAIS-ROYAL, LE 22 DU MÊME MOIS.

Trois mois après la représentation du _Festin de Pierre_, Louis XIV
ayant demandé à Molière un divertissement nouveau, lui donna cinq jours
pour l'inventer, l'écrire, le faire apprendre et le faire jouer.
C'est de cet impromptu en trois actes, divisés par des danses, que
Molière fit ensuite un seul acte en supprimant les ballets dont Lulli
avait composé la musique. C'est un chef-d'œuvre en son genre que cette
esquisse improvisée.
Il y avait peu de temps que Bacon avait recommandé l'étude de la
nature, l'observation et l'expérience. Les médecins tenaient encore
au moyen âge. C'étaient des grands-prêtres ou plutôt des sorciers qui
employaient les amulettes, les pierres de sympathie et les chiffres
magiques, parlaient latin, grec et hébreu, enseignaient les propriétés
merveilleuses des chiffres et des nombres, et couraient la ville,
montés sur leurs mules, affublés d'énormes manteaux et de chapeaux
pointus, cachés sous de longues perruques, ensevelis dans le satin
et la fourrure. Ces personnages astrologiques, représentants de la
superstition sans la foi, déjà criblés des flèches de Rabelais et
de Montaigne, et qui n'avaient pour se défendre ni l'autorité de la
Sorbonne ni les dogmes de l'Église, s'étaient donnés récemment en
spectacle ridicule. La bouffonnerie de leurs querelles particulières,
les procès intéressés entre apothicaires et médecins, provoquaient le
mépris public et annonçaient la mort prochaine de l'empirisme. On avait
vu, près du lit de mort de Mazarin, Desfougerais, Vallot, Brayer et
Guénaud, se réunir à Vincennes et s'enquérir gravement de sa maladie.
Vallot plaçait la maladie au poumon, Brayer à la rate, Desfougerais au
mésentère, et Guénaud au foie. Ce dernier eut le dessus et emporta le
malade.
«Laissons passer M. le docteur, s'écriait un jour un charretier
parisien qui voyait venir à lui la mule de Guénaud: c'est lui qui nous
a fait la grâce de tuer le cardinal;» tant le mépris de la médecine
était devenu une opinion populaire. Guy-Patin et Gassendi avaient
soulevé contre eux et leur hypocrisie doctorale l'indignation des
classes élevées; Boileau et Pascal marchaient contre eux. Ce n'était
pas à la médecine, mais au mensonge du savoir, que l'on en voulait;
«déniaisés, désabusés,» esprits forts, tous ceux qui, comme Guy-Patin,
s'étaient «débarrassés du sot,» prenaient parti avec Molière contre
l'empirisme. Ce fut Boileau qui créa les noms grecs sous lesquels
Molière ridiculisa, dans sa nouvelle farce, les quatre premiers
médecins de la cour: vive jouissance pour le vieux Guy-Patin; s'il faut
même l'en croire, on fabriqua des masques comiques représentant le
visage des quatre empiriques sacrifiés.
Il faut reléguer parmi les fables ces anecdotes apocryphes d'après
lesquelles Molière aurait vengé sur la Faculté les querelles
particulières de deux femmes de la troupe. Les motifs du grand écrivain
étaient plus profonds et plus naturels. Ses passions et ses études
avaient altéré sa santé. Il travaillait beaucoup, souffrait infiniment;
sa poitrine était attaquée, et, forcé de demander secours aux
Hippocrates du temps, vivant de régime, mais mourant de ses passions,
il ne tarda pas à découvrir le néant de leur art et le vide de leurs
prétentions. Il venait d'éprouver qu'il était difficile d'attaquer les
courtisans et dangereux d'attaquer la Sorbonne; il retomba sur les
médecins, et leur fit éprouver toute la force de son génie.


AU LECTEUR

Ce n'est ici qu'un simple crayon, un petit impromptu dont le roi a
voulu se faire un divertissement. Il est le plus précipité de tous
ceux que Sa Majesté m'ait commandés; et, lorsque je dirai qu'il a
été proposé, fait, appris et représenté en cinq jours, je ne dirai
que ce qui est vrai. Il n'est pas nécessaire de vous avertir qu'il
y a beaucoup de choses qui dépendent de l'action. On sait bien que
les comédies ne sont faites que pour être jouées, et je ne conseille
de lire celle-ci qu'aux personnes qui ont des yeux pour découvrir,
dans la lecture, tout le jeu du théâtre. Ce que je vous dirai, c'est
qu'il seroit à souhaiter que ces sortes d'ouvrages pussent toujours se
montrer à vous avec les ornemens qui les accompagnent chez le roi. Vous
les verriez dans un état beaucoup plus supportable; et les airs et les
symphonies de l'incomparable M. Lulli mêlés à la beauté des voix et à
l'adresse des danseurs, leur donnent sans doute des grâces dont ils ont
toutes les peines du monde à se passer.


PERSONNAGES DU PROLOGUE.
LA COMÉDIE.
LA MUSIQUE.
LE BALLET.

PERSONNAGES DE LA COMÉDIE.
SGANARELLE, père de Lucinde.
LUCINDE, fille de Sganarelle.
CLITANDRE, amant de Lucinde.
AMINTE, voisine de Sganarelle.
LUCRÈCE, nièce de Sganarelle.
LISETTE, suivante de Lucinde.
M. GUILLAUME, marchand de tapisseries.
M. JOSSE, orfévre.
M. TOMÈS, }
M. DESFONANDRÈS, }
M. MACROTON, } médecins[29].
M. BAHIS, }
M. FILERIN. }
UN NOTAIRE.
CHAMPAGNE, valet de Sganarelle.

PERSONNAGES DU BALLET.
PREMIÈRE ENTRÉE.
CHAMPAGNE, valet de Sganarelle, dansant.
QUATRE MÉDECINS, dansants.

DEUXIÈME ENTRÉE.
UN OPÉRATEUR, chantant.
TRIVELINS et SCARAMOUCHES, dansants, de la suite de l'opérateur.

TROISIÈME ENTRÉE.
LA COMÉDIE.
LA MUSIQUE.
LE BALLET.
JEUX, RIS, PLAISIRS, dansants.
La scène est à Paris.
[29] Voyez ci-après les notes, pages 94, 96, 98, 103.


PROLOGUE
LA COMÉDIE, LA MUSIQUE, LE BALLET

LA COMÉDIE.
Quittons, quittons notre vaine querelle;
Ne nous disputons point nos talens tour à tour;
Et d'une gloire plus belle
Piquons-nous en ce jour.
Unissons-nous tous trois d'une ardeur sans seconde.
Pour donner du plaisir au plus grand roi du monde.
TOUS TROIS ENSEMBLE.
Unissons-nous tous trois d'une ardeur sans seconde,
Pour donner du plaisir au plus grand roi du monde.
LA MUSIQUE.
De ses travaux, plus grands qu'on ne peut croire,
Il se vient quelquefois délasser parmi nous.
LE BALLET.
Est-il de plus grande gloire?
Est-il bonheur plus doux?
TOUS TROIS ENSEMBLE.
Unissons-nous tous trois d'une ardeur sans seconde,
Pour donner du plaisir au plus grand roi du monde.


ACTE PREMIER

SCÈNE I.--SGANARELLE, AMINTE, LUCRÈCE, M. GUILLAUME, M. JOSSE.
SGANARELLE.
Ah! l'étrange chose que la vie! et que je puis bien dire, avec ce
grand philosophe de l'antiquité, que qui terre a guerre a, et qu'un
malheur ne vient jamais sans l'autre! Je n'avais qu'une seule femme,
qui est morte.
M. GUILLAUME.
Et combien donc en voulez-vous avoir?
SGANARELLE.
Elle est morte, monsieur Guillaume, mon ami. Cette perte m'est
très-sensible, et je ne puis m'en ressouvenir sans pleurer. Je n'étois
pas fort satisfait de sa conduite, et nous avions le plus souvent
dispute ensemble; mais enfin la mort rajuste toutes choses. Elle est
morte; je la pleure. Si elle étoit en vie, nous nous querellerions. De
tous les enfans que le ciel m'avoit donnés, il ne m'a laissé qu'une
fille, et cette fille est toute ma peine; car enfin je la vois dans une
mélancolie la plus sombre du monde, dans une tristesse épouvantable,
dont il n'y a pas moyen de la retirer, et dont je ne saurois même
apprendre la cause. Pour moi, j'en perds l'esprit, et j'aurois besoin
d'un bon conseil sur cette matière. (A Lucrèce.) Vous êtes ma nièce (à
Aminte); vous, ma voisine (à M. Guillaume et à M. Josse); et vous, mes
compères et mes amis; je vous prie de me conseiller tous ce que je dois
faire.
M. JOSSE.
Pour moi, je tiens que la braverie[30] et l'ajustement est la chose
qui réjouit le plus les filles; et, si j'étois que de vous, je lui
achèterois, dès aujourd'hui, une belle garniture de diamans, ou de
rubis, ou d'émeraudes.
M. GUILLAUME.
Et moi, si j'étois en votre place, j'achèterois une belle tenture de
tapisserie de verdure, ou à personnages, que je ferois mettre à sa
chambre, pour lui réjouir l'esprit et la vue.
AMINTE.
Pour moi, je ne ferois pas tant de façons, et je la marierois fort
bien, et le plus tôt que je pourrois, avec cette personne qui vous la
fit, dit-on, demander il y a quelque temps.
LUCRÈCE.
Et moi, je tiens que votre fille n'est point du tout propre pour le
mariage. Elle est d'une complexion trop délicate et trop peu saine, et
c'est la vouloir envoyer bientôt en l'autre monde, que de l'exposer,
comme elle est, à faire des enfans. Le monde n'est point du tout son
fait, et je vous conseille de la mettre dans un couvent, où elle
trouvera des divertissemens qui seront mieux de son humeur.
SGANARELLE.
Tous ces conseils sont admirables, assurément; mais je les tiens un
peu intéressés, et trouve que vous me conseillez fort bien pour vous.
Vous êtes orfèvre, monsieur Josse; et votre conseil sent son homme qui
a envie de se défaire de sa marchandise. Vous vendez des tapisseries,
monsieur Guillaume, et vous avez la mine d'avoir quelque tenture qui
vous incommode. Celui que vous aimez, ma voisine, a, dit-on, quelque
inclination pour ma fille; et vous ne seriez pas fâchée de la voir
la femme d'un autre. Et quant à vous, ma chère nièce, ce n'est pas
mon dessein, comme on sait, de marier ma fille avec qui que ce soit,
et j'ai mes raisons pour cela; mais le conseil que vous me donnez
de la faire religieuse est d'une femme qui pourroit bien souhaiter
charitablement d'être mon héritière universelle. Ainsi, messieurs et
mesdames, quoique tous vos conseils soient les meilleurs du monde, vous
trouverez bon, s'il vous plaît, que je n'en suive aucun. (Seul.) Voilà
de mes donneurs de conseils à la mode!
[30] Voyez la note, tome Ier, page 273.

SCÈNE II.--LUCINDE, SGANARELLE.
SGANARELLE.
Ah! voilà ma fille qui prend l'air. Elle ne me voit pas, Elle soupire;
elle lève les yeux au ciel. (A Lucinde.) Dieu vous garde! Bonjour, ma
mie. Eh bien, qu'est-ce? Comme vous en va? Eh quoi! toujours triste
et mélancolique comme cela, et tu ne veux pas me dire ce que tu as?
Allons donc, découvre-moi ton petit cœur! Là, ma pauvre mie, dis, dis,
dis tes petites pensées à ton petit papa mignon. Courage! veux-tu que
je te baise? Viens. (A part.) J'enrage de la voir de cette humeur-là.
(A Lucinde.) Mais, dis-moi, me veux-tu faire mourir de déplaisir, et
ne puis-je savoir d'où vient cette grande langueur? Découvre-m'en la
cause, et je te promets que je ferai toutes choses pour toi. Oui, tu
n'as qu'à me dire le sujet de ta tristesse; je t'assure ici, et te fais
serment qu'il n'y a rien que je ne fasse pour te satisfaire; c'est tout
dire. Est-ce que tu es jalouse de quelqu'une de tes compagnes que tu
voies plus brave que toi? et seroit-il quelque étoffe nouvelle dont tu
voulusses avoir un habit? Non. Est-ce que ta chambre ne te semble pas
assez parée, et que tu souhaiterois quelque cabinet[31] de la foire
Saint-Laurent? Ce n'est pas cela. Aurois-tu envie d'apprendre quelque
chose, et veux-tu que je te donne un maître pour te montrer à jouer
du clavecin? Nenni. Aimerois-tu quelqu'un, et souhaiterois-tu d'être
mariée?
Lucinde fait signe que oui.
[31] Ce mot s'est conservé en anglais et dans le patois languedocien.

SCÈNE III.--SGANARELLE, LUCINDE, LISETTE.
LISETTE.
Eh bien, monsieur, vous venez d'entretenir votre fille: avez-vous su la
cause de sa mélancolie?
SGANARELLE.
Non. C'est une coquine qui me fait enrager.
LISETTE.
Monsieur, laissez-moi faire; je m'en vais la sonder un peu.
SGANARELLE.
Il n'est pas nécessaire; et, puisqu'elle veut être de cette humeur, je
suis d'avis qu'on l'y laisse.
LISETTE.
Laissez-moi faire, vous dis-je! Peut-être qu'elle se découvrira plus
librement à moi qu'à vous. Quoi! madame, vous ne nous direz point ce
que vous avez, et vous voulez affliger ainsi tout le monde? Il me
semble qu'on n'agit point comme vous faites, et que, si vous avez
quelque répugnance à vous expliquer à un père, vous n'en devez avoir
aucune à me découvrir votre cœur. Dites-moi, souhaitez-vous quelque
chose de lui? Il nous a dit plus d'une fois qu'il n'épargneroit rien
pour vous contenter. Est-ce qu'il ne vous donne pas toute la liberté
que vous souhaiteriez? et les promenades et les cadeaux[32] ne
tenteroient-ils point votre âme? Eh! avez-vous reçu quelque déplaisir
de quelqu'un? Eh! n'auriez-vous point quelque secrète inclination avec
qui vous souhaiteriez que votre père vous mariât? Ah! je vous entends;
voilà l'affaire. Que diable! pourquoi tant de façons? Monsieur, le
mystère est découvert, et...
SGANARELLE.
Va, fille ingrate, je ne te veux plus parler, et je te laisse dans ton
obstination.
LUCINDE.
Mon père, puisque vous voulez que je vous dise la chose...
SGANARELLE.
Oui, je perds toute l'amitié que j'avois pour toi.
LISETTE.
Monsieur, sa tristesse...
SGANARELLE.
C'est une coquine qui me veut faire mourir.
LUCINDE.
Mon père, je veux bien...
SGANARELLE.
Ce n'est pas la récompense de t'avoir élevée comme j'ai fait.
LISETTE.
Mais, monsieur...
SGANARELLE.
Non, je suis contre elle dans une colère épouvantable.
LUCINDE.
Mais, mon père...
SGANARELLE.
Je n'ai plus aucune tendresse pour toi.
LISETTE.
Mais...
SGANARELLE.
C'est une friponne!
LUCINDE.
Mais...
SGANARELLE.
Une ingrate!
LISETTE.
Mais...
SGANARELLE.
Une coquine, qui ne me veut pas dire ce qu'elle a.
LISETTE.
C'est un mari qu'elle veut.
SGANARELLE, faisant semblant de ne pas entendre.
Je l'abandonne.
LISETTE.
Un mari!
SGANARELLE.
Je la déteste!
LISETTE.
Un mari.
SGANARELLE.
Et la renonce pour ma fille!
LISETTE.
Un mari.
SGANARELLE.
Non, ne m'en parlez point!
LISETTE.
Un mari.
SGANARELLE.
Ne m'en parlez point.
LISETTE.
Un mari.
SGANARELLE.
Ne m'en parlez point!
LISETTE.
Un mari, un mari, un mari!
[32] Voyez la note troisième, tome Ier, page 268.

SCÈNE IV.--LUCINDE, LISETTE.
LISETTE.
On dit bien vrai, qu'il n'y a point de pires sourds que ceux qui ne
veulent point entendre.
LUCINDE.
Eh bien, Lisette, j'avois tort de cacher mon déplaisir, et je n'avois
qu'à parler pour avoir tout ce que je souhaitois de mon père! Tu le
vois.
LISETTE.
Par ma foi, voilà un vilain homme; et je vous avoue que j'aurois un
plaisir extrême à lui jouer quelque tour. Mais d'où vient donc, madame,
que jusqu'ici vous m'avez caché votre mal?
LUCINDE.
Hélas! de quoi m'auroit servi de te le découvrir plus tôt? et
n'aurois-je pas autant gagné à le tenir caché toute ma vie? Crois-tu
que je n'aie pas bien prévu tout ce que tu vois maintenant, que je ne
susse pas à fond tous les sentimens de mon père, et que le refus qu'il
a fait porter à celui qui m'a demandée par un ami n'ait pas étouffé
dans mon âme toute sorte d'espoir?
LISETTE.
Quoi! c'est cet inconnu qui vous fait demander, pour qui vous...?
LUCINDE.
Peut-être n'est-il pas honnête à une jeune fille de s'expliquer si
librement; mais enfin je t'avoue que, s'il m'étoit permis de vouloir
quelque chose, ce seroit lui que je voudrois. Nous n'avons eu ensemble
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