Actes et Paroles, Volume 1 - 29

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a une annee de la meme peine, en vertu de l'article 5 de la loi du 24
mai 1834, modifie par l'article 463 du Code penal.
--La grave question soulevee par l'honorable M. Victor Hugo devant le
conseil de guerre a ete, a son retour dans le sein de l'assemblee,
l'objet de discussions assez animees qui se sont engagees dans la
salle des conferences. Les principes poses par M. Victor Hugo ont ete
vivement soutenus par les membres les plus competents de l'assemblee.
On annoncait quecet incident ferait l'objet d'une lettre que le
president de l'assemblee devait adresser au president du conseil de
guerre.


CONSEIL D'ETAT
1849

NOTE 9
LA LIBERTE DU THEATRE
En 1849, la commission du conseil d'etat, formee pour preparer la loi
sur les theatres, fit appel a l'experience des personnes que leurs
etudes ou leur profession interessent particulierement a la prosperite
et a la dignite de l'art theatral. Six seances furent consacrees
a entendre trente et une personnes, parmi lesquelles onze auteurs
dramatiques ou compositeurs, trois critiques, sept directeurs, huit
comediens. M. Victor Hugo fut entendu dans les deux seances du 17 et
du 30 septembre. Nous donnons ici ces deux seances recueillies par la
stenographie et publiees par les soins du conseil d'etat.

_Seance du 17 septembre._--Presidence de M. Vivien.
M. VICTOR HUGO.--Mon opinion sur la matiere qui se discute maintenant
devant la commission est ancienne et connue; je l'ai meme en partie
publiee. J'y persiste plus que jamais. Le temps ou elle prevaudra
n'est pas encore venu. Cependant, comme, dans ma conviction profonde,
le principe de la liberte doit finir par triompher sur tous les
points, j'attache de l'importance a la maniere serieuse dont la
commission du conseil d'etat etudie les questions qui lui sont
soumises; ce travail preparatoire est utile, et je m'y associe
volontiers. Je ne laisserai echapper, pour ma part, aucune occasion de
semer des germes de liberte. Faisons notre devoir, qui est de semer
les idees; le temps fera le sien, qui est de les feconder.
Je commencerai par dire a la commission que, dans la question des
theatres, question tres grande et tres serieuse, il n'y a que deux
interets qui me preoccupent. A la verite, ils embrassent tout. L'un
est le progres de l'art, l'autre est l'amelioration du peuple.
J'ai dans le coeur une certaine indifference pour les formes
politiques, et une inexprimable passion pour la liberte. Je viens
de vous le dire, la liberte est mon principe, et, partout ou elle
m'apparait, je plaide ou je lutte pour elle.
Cependant si, dans la question theatrale, vous trouvez un moyen qui
ne soit pas la liberte, mais qui me donne le progres de l'art et
l'amelioration du peuple, j'irai jusqu'a vous sacrifier le grand
principe pour lequel j'ai toujours combattu, je m'inclinerai et je me
tairai. Maintenant, pouvez-vous arriver a ces resultats autrement que
par la liberte?
Vous touchez, dans la matiere speciale qui vous occupe, a la grande,
a l'eternelle question qui reparait sans cesse, et sous toutes les
formes, dans la vie de l'humanite. Les deux grands principes qui la
dominent dans leur lutte perpetuelle, la liberte, l'autorite, sont en
presence dans cette question-ci comme dans toutes les autres. Entre
ces deux principes, il vous faudra choisir, sauf ensuite a faire
d'utiles accommodements entre celui que vous choisirez et celui que
vous ne choisirez pas. Il vous faudra choisir; lequel prendrez-vous?
Examinons.
Dans la question des theatres, le principe de l'autorite a ceci pour
lui et contre lui qu'il a deja ete experimente. Depuis que le theatre
existe en France, le principe d'autorite le possede. Si l'on a
constate ses inconvenients, on a aussi constate ses avantages, on les
connait. Le principe de liberte n'a pas encore ete mis a l'epreuve.
M. LE PRESIDENT.--Il a ete mis a l'epreuve de 1791 a 1806.
M. VICTOR HUGO.--Il fut proclame en 1791, mais non realise; on etait
en presence de la guillotine. La liberte germait alors, elle ne
regnait pas. Il ne faut point juger des effets de la liberte des
theatres par ce qu'elle a pu produire pendant la premiere revolution.
Le principe de l'autorite a pu, lui, au contraire, produire tous ses
fruits; il a eu sa realisation la plus complete dans un systeme ou pas
un detail n'a ete omis. Dans ce systeme, aucun spectacle ne pouvait
s'ouvrir sans autorisation. On avait ete jusqu'a specifier le nombre
de personnages qui pouvaient paraitre en scene dans chaque theatre,
jusqu'a interdire aux uns de chanter, aux autres de parler; jusqu'a
regler, en de certains cas, le costume et meme le geste; jusqu'a
introduire dans les fantaisies de la scene je ne sais quelle rigueur
hierarchique.
Le principe de l'autorite, realise si completement, qu'a-t-il produit?
On va me parler de Louis XIV et de son grand regne. Louis XIV a porte
le principe de l'autorite, sous toutes ses formes, a son plus haut
degre de splendeur. Je n'ai a parler ici que du theatre. Eh bien! le
theatre du dix-septieme siecle eut ete plus grand sans la pression
du principe d'autorite. Ce principe a arrete l'essor de Corneille et
froisse son robuste genie. Moliere s'y est souvent soustrait, parce
qu'il vivait dans la familiarite du grand roi dont il avait les
sympathies personnelles. Moliere n'a ete si favorise que parce qu'il
etait valet de chambre tapissier de Louis XIV; il n'eut point fait
sans cela le quart de ses chefs-d'oeuvre. Le sourire du maitre lui
permettait l'audace. Chose bizarre a dire, c'est sa domesticite qui a
fait son independance; si Moliere n'eut pas ete valet, il n'eut pas
ete libre.
Vous savez qu'un des miracles de l'esprit humain avait ete declare
immoral par les contemporains; il fallut un ordre formel de Louis
XIV pour qu'on jouat _Tartuffe_. Voila ce qu'a fait le principe de
l'autorite dans son plus beau siecle. Je passerai sur Louis XV et
sur son temps; c'est une epoque de complete degradation pour l'art
dramatique. Je range les tragedies de Voltaire parmi les oeuvres les
plus informes que l'esprit humain ait jamais produites. Si Voltaire
n'etait pas, a cote de cela, un des plus beaux genies de l'humanite,
s'il n'avait pas produit, entre autres grands resultats, ce resultat
admirable de l'adoucissement des moeurs, il serait au niveau de
Campistron.
Je ne triomphe donc pas du dix-huitieme siecle; je le pourrais, mais
je m'abstiens. Remarquez seulement que le chef-d'oeuvre dramatique
qui marque la fin de ce siecle, _le Mariage de Figaro_, est du a la
rupture du principe d'autorite. J'arrive a l'empire. Alors l'autorite
avait ete restauree dans toute sa splendeur, elle avait quelque chose
de plus eclatant encore que l'autorite de Louis XIV, il y avait alors
un maitre qui ne se contentait pas d'etre le plus grand capitaine, le
plus grand legislateur, le plus grand politique, le plus grand prince
de son temps, mais qui voulait etre le plus grand organisateur de
toutes choses. La litterature, l'art, la pensee ne pouvaient echapper
a sa domination, pas plus que tout le reste. Il a eu, et je l'en loue,
la volonte d'organiser l'art. Pour cela il n'a rien epargne, il a tout
prodigue. De Moscou il organisait le Theatre-Francais. Dans le moment
meme ou la fortune tournait et ou il pouvait voir l'abime s'ouvrir, il
s'occupait de reglementer les soubrettes et les crispins.
Eh bien, malgre tant de soins et tant de volonte, cet homme, qui
pouvait gagner la bataille de Marengo et la bataille d'Austerlitz, n'a
pu faire faire un chef-d'oeuvre. Il aurait donne des millions pour que
ce chef-d'oeuvre naquit; il aurait fait prince celui qui en aurait
honore son regne. Un jour, il passait une revue. Il y avait la dans
les rangs un auteur assez mediocre qui s'appelait Barjaud. Personne
ne connait plus ce nom. On dit a l'empereur:--Sire, M. Barjaud est
la.--Monsieur Barjaud, dit-il aussitot, sortez des rangs.--Et il lui
demanda ce qu'il pouvait faire pour lui.
M. SCRIBE.--M. Barjaud demanda une sous-lieutenance, ce qui ne prouve
pas qu'il eut la vocation des lettres. Il fut tue peu de temps apres,
ce qui aurait empeche son talent (s'il avait eu du talent) d'illustrer
le regne imperial.
M. VICTOR HUGO,--Vous abondez dans mon sens. D'apres ce que l'empereur
faisait pour des mediocrites, jugez de ce qu'il eut fait pour des
talents, jugez de ce qu'il eut fait pour des genies! Une de ses
passions eut ete de faire naitre une grande litterature. Son gout
litteraire etait superieur, _le Memorial de Sainte-Helene_ le prouve.
Quand l'empereur prend un livre, il ouvre Corneille.
Eh bien! cette litterature qu'il souhaitait si ardemment pour en
couronner son regne, lui ce grand createur, il n'a pu la creer.
Qu'ont produit, dans le domaine de l'art, tant d'efforts, tant de
perseverance, tant de magnificence, tant de volonte? Qu'a produit ce
principe de l'autorite, si puissamment applique par l'homme qui le
faisait en quelque sorte vivant? Rien.
M. SCRIBE.--Vous oubliez _les Templiers_ de M. Raynouard.
M. VICTOR HUGO.--Je ne les oublie pas. Il y a dans cette piece un beau
vers.
Voila, au point de vue de l'art sous l'empire, ce que l'autorite a
produit, c'est-a-dire rien de grand, rien de beau.
J'en suis venu a me dire, pour ma part, en voyant ces resultats,
que l'autorite pourrait bien ne pas etre le meilleur moyen de faire
fructifier l'art; qu'il fallait peut-etre songer a quelque autre
chose. Nous verrons tout a l'heure a quoi.
Le point de vue de l'art epuise, passons a l'autre, au point de vue
de la moralisation et de l'instruction du peuple. C'est un cote de la
question qui me touche infiniment.
Qu'a fait le principe d'autorite a ce point de vue? et que vaut-il? Je
me borne toujours au theatre. Le principe d'autorite voulait et devait
vouloir que le theatre contribuat, pour sa part, a enseigner au peuple
tous les respects, les devoirs moraux, la religion, le principe
monarchique qui dominait alors, et dont je suis loin de meconnaitre la
puissance civilisatrice. Eh bien, je prends le theatre tel qu'il a
ete au siecle par excellence de l'autorite, je le prends dans sa
personnification francaise la plus illustre, dans l'homme que tous les
siecles et tous les temps nous envieront, dans Moliere. J'observe; que
vois-je? Je vois le theatre echapper completement a la direction que
lui donne l'autorite. Moliere preche, d'un bout a l'autre de ses
oeuvres, la lutte du valet contre le maitre, du fils contre le pere,
de la femme contre le mari, du jeune homme contre le vieillard, de la
liberte contre la religion.
Nous disons, nous: Dans _Tartuffe_, Moliere n'a attaque que
l'hypocrisie. Tous ses contemporains le comprirent autrement.
Le but de l'autorite etait-il atteint? Jugez vous-memes. Il etait
completement tourne; elle avait ete radicalement impuissante. J'en
conclus qu'elle n'a pas en elle la force necessaire pour donner au
peuple, au moins par l'intermediaire du theatre, l'enseignement le
meilleur selon elle.
Voyez, en effet. L'autorite veut que le theatre exhorte toutes les
desobeissances. Sous la pression des idees religieuses, et meme
devotes, toute la comedie qui sort de Moliere est sceptique; sous
la pression des idees monarchiques, toute la tragedie qui sort de
Corneille est republicaine. Tous deux, Corneille et Moliere, sont
declares, de leur vivant, immoraux, l'un par l'academie, l'autre par
le parlement.
Et voyez comme le jour se fait, voyez comme la lumiere vient!
Corneille et Moliere, qui ont fait le contraire de ce que voulait leur
imposer le principe d'autorite sous la double pression religieuse
et monarchique, sont-ils immoraux vraiment? L'academie dit oui, le
parlement dit oui, la posterite dit non. Ces deux grands poetes ont
ete deux grands philosophes. Ils n'ont pas produit au theatre la
vulgaire morale de l'autorite, mais la haute morale de l'humanite.
C'est cette morale, cette morale superieure et splendide, qui est
faite pour l'avenir et que la courte vue des contemporains qualifie
toujours d'immoralite.
Aucun genie n'echappe a cette loi, aucun sage, aucun juste!
L'accusation d'immoralite a successivement atteint et quelquefois
martyrise tous les fondateurs de la sagesse humaine, tous les
revelateurs de la sagesse divine. C'est au nom de la morale qu'on a
fait boire la cigue a Socrate et qu'on a cloue Jesus au gibet.
Je reprends, et je resume ce que je viens de dire.
Le principe d'autorite, seul et livre a lui-meme, a-t-il su faire
fructifier l'art? Non. A-t-il su imprimer au theatre une direction
utile dans son sens a l'amelioration du peuple? Non.
Qu'a-t-il fait donc? Rien, ou, pour mieux dire, il a comprime les
genies, il a gene les chefs-d'oeuvre.
Maintenant, voulez-vous que je descende de cette region elevee, ou je
voudrais que les esprits se maintinssent toujours, pour traiter au
point de vue purement industriel la question que vous etudiez? Ce
point de vue est pour moi peu considerable, et je declare que le
nombre des faillites n'est rien pour moi a cote d'un chef-d'oeuvre
cree ou d'un progres intellectuel ou moral du peuple obtenu.
Cependant, je ne veux point negliger completement ce cote de la
question, et je demanderai si le principe de l'autorite a ete du moins
bon pour faire prosperer les entreprises dramatiques? Non. Il n'a
pas meme obtenu ce mince resultat. Je n'en veux pour preuve que les
dix-huit annees du dernier regne. Pendant ces dix-huit annees,
l'autorite a tenu dans ses mains les theatres par le privilege et par
la distinction des genres. Quel a ete le resultat?
L'empereur avait juge qu'il y avait beaucoup trop de theatres dans
Paris; qu'il y en avait plus que la population de la ville n'en
pouvait porter. Par un acte d'autorite despotique, il supprima une
partie de ces theatres, il emonda en bas et conserva en haut. Voila ce
que fit un homme de genie. La derniere administration des beaux-arts
a retranche en haut et multiplie en bas. Cela seul suffit pour faire
juger qu'au grand esprit de gouvernement avait succede le petit
esprit. Qu'avez-vous vu pendant les dix-huit annees de la deplorable
administration qui s'est continuee, en depit des chocs de la
politique, sous tous les ministres de l'interieur? Vous avez vu perir
successivement ou s'amoindrir toutes les scenes vraiment litteraires.
Chaque fois qu'un theatre montrait quelques velleites de litterature,
l'administration faisait des efforts inouis pour le faire rentrer dans
des genres miserables. Je caracterise cette administration d'un mot:
point de debouches a la pensee elevee, multiplication des spectacles
grossiers; les issues fermees en haut, ouvertes en bas. Il suffisait
de demander a exploiter un spectacle-concert, un spectacle de
marionnettes, de danseurs de corde, pour obtenir la permission
d'attirer et de depraver le public. Les gens de lettres, au nom
de l'art et de la litterature, avaient demande un second
Theatre-Francais; on leur a repondu par une derision, on leur a donne
l'Odeon!
Voila comment l'administration comprenait son devoir; voila comment le
principe de l'autorite a fonctionne depuis vingt ans. D'une part, il
a comprime l'essor de la pensee; de l'autre, il a developpe l'essor,
soit des parties infimes de l'intelligence, soit des interets purement
materiels. Il a fonde la situation actuelle, dans laquelle nous avons
vu un nombre de theatres hors de toute proportion avec la population
parisienne, et crees par des fantaisies sans motifs. Je n'epuise
pas les griefs. On a dit beaucoup de choses sur la maniere dont on
trafiquait des privileges. J'ai peu de gout a ce genre de recherches.
Ce que je constate, c'est qu'on a developpe outre mesure l'industrie
miserable pour refouler le developpement de l'art.
Maintenant qu'une revolution est survenue, qu'arrive-t-il? C'est que,
du moment qu'elle a eclate, tous ces theatres factices sortis du
caprice d'un commis, de pis encore quelquefois, sont tombes sur les
bras du gouvernement. Il faut, ou les laisser mourir, ce qui est une
calamite pour une multitude de malheureux qu'ils nourrissent, ou les
entretenir a grands frais, ce qui est une calamite pour le budget.
Voila les fruits des systemes fondes sur le principe de l'autorite.
Ces resultats, je les ai enumeres longuement. Ils ne me satisfont
guere. Je sens la necessite d'en venir a un systeme fonde sur autre
chose que le principe d'autorite.
Or, ici, il n'y a pas deux solutions. Du moment ou vous renoncez au
principe d'autorite, vous etes contraints de vous tourner vers le
principe de liberte.
Examinons maintenant la question des theatres au point de vue de la
liberte.
Je veux pour le theatre deux libertes qui sont toutes deux dans l'air
de ce siecle, liberte d'industrie, liberte de pensee.
Liberte d'industrie, c'est-a-dire point de privileges; liberte de
pensee, c'est-a-dire point de censure.
Commencons par la liberte d'industrie; nous examinerons l'autre
question une autre fois. Le temps nous manque aujourd'hui.
Voyons comment nous pourrions organiser le systeme de la liberte. Ici,
je dois supposer un peu; rien n'existe.
Je suis oblige de revenir a mon point de depart, car il ne faut pas le
perdre de vue un seul instant. La grande pensee de ce siecle, celle
qui doit survivre a toutes les autres, a toutes les formes politiques,
quelles qu'elles soient, celle qui sera le fondement de toutes les
institutions de l'avenir, c'est la liberte. Je suppose donc que la
liberte penetre dans l'industrie theatrale, comme elle a penetre dans
toutes les autres industries, puis je me demande si elle satisfera
au progres de l'art, si elle produira la renovation du peuple. Voici
d'abord comment je comprendrais que la liberte de l'industrie
theatrale fut proclamee.
Dans la situation ou sont encore les esprits et les questions
politiques, aucune liberte ne peut exister sans que le gouvernement
y ait pris sa part de surveillance et d'influence. La liberte
d'enseignement ne peut, a mon sens, exister qu'a cette condition; il
en est de meme de la liberte theatrale. L'etat doit d'autant mieux
intervenir dans ces deux questions, qu'il n'y a pas la seulement un
interet materiel, mais un interet moral de la plus haute importance.
Quiconque voudra ouvrir un theatre le pourra en se soumettant aux
conditions de police que voici ... aux conditions de cautionnement que
voici ... aux garanties de diverses natures que voici ... Ce sera le
cahier des charges de la liberte.
Ces mesures ne suffisent pas. Je rapprochais tout a l'heure la liberte
des theatres de la liberte de l'enseignement; c'est que le theatre
est une des branches de l'enseignement populaire. Responsable de la
moralite et de l'instruction du peuple, l'etat ne doit point se
resigner a un role negatif, et, apres avoir pris quelques precautions,
regarder, laisser aller. L'etat doit installer, a cote des theatres
libres, des theatres qu'il gouvernera, et ou la pensee sociale se fera
jour.
Je voudrais qu'il y eut un theatre digne de la France pour les
celebres poetes morts qui l'ont honoree; puis un theatre pour les
auteurs vivants. Il faudrait encore un theatre pour le grand opera,
un autre pour l'opera-comique. Je subventionnerais magnifiquement ces
quatre theatres.
Les theatres livres a l'industrie personnelle sont toujours forces a
une certaine parcimonie. Une piece coute 100,000 francs a monter, ils
reculeront; vous, vous ne reculerez pas. Un grand acteur met a haut
prix ses pretentions, un theatre libre pourrait marchander et le
laisser echapper; vous, vous ne marchanderez pas. Un ecrivain de
talent travaille pour un theatre libre, il recoit tel droit d'auteur;
vous lui donnez le double, il travaillera pour vous. Vous aurez
ainsi dans les theatres de l'etat, dans les theatres nationaux, les
meilleures pieces, les meilleurs comediens, les plus beaux spectacles.
En meme temps, vous, l'etat, qui ne speculez pas, et qui, a la
rigueur, en presence d'un grand but de gloire et d'utilite a
atteindre, n'etes pas force de gagner de l'argent, vous offrirez au
peuple ces magnifiques spectacles au meilleur marche possible.
Je voudrais que l'homme du peuple, pour dix sous, fut aussi bien
assis au parterre, dans une stalle de velours, que l'homme du monde a
l'orchestre, pour dix francs. De meme que je voudrais le theatre grand
pour l'idee, je voudrais la salle vaste pour la foule. De cette facon
vous auriez, dans Paris, quatre magnifiques lieux de rendez-vous, ou
le riche et le pauvre, l'heureux et le malheureux, le parisien et le
provincial, le francais et l'etranger, se rencontreraient tous les
soirs, meleraient fraternellement leur ame, et communieraient, pour
ainsi dire, dans la contemplation des grandes oeuvres de l'esprit
humain. Que sortirait-il de la? L'amelioration populaire et la
moralisation universelle.
Voila ce que feraient les theatres nationaux. Maintenant, que feraient
les theatres libres? Vous allez me dire qu'ils seraient ecrases par
une telle concurrence. Messieurs, je respecte la liberte, mais je
gouverne et je tiens le niveau eleve. C'est a la liberte de s'en
arranger.
Les depenses des theatres nationaux vous effrayent peut-etre; c'est a
tort. Fussent-elles enormes, j'en reponds, bien que mon but ne
soit pas de creer une speculation en faveur de l'etat, le resultat
financier ne lui sera pas desavantageux. Les hommes speciaux vous
diraient que l'etat fera avec ces etablissements de bonnes affaires.
Il arrivera alors ce resultat singulier et heureux qu'avec un
chef-d'oeuvre un poete pourra gagner presque autant d'argent qu'un
agent de change par un coup de bourse.
Surtout, ne l'oubliez pas, aux hommes de talent et de genie qui
viendront a moi, je dirai:--Je n'ai pas seulement pour but de faire
votre fortune et d'encourager l'art en vous protegeant; j'ai un but
plus eleve encore. Je veux que vous fassiez des chefs-d'oeuvre, s'il
est possible, mais je veux surtout que vous amelioriez le peuple de
toutes les classes. Versez dans la population des idees saines; faites
que vos ouvrages ne sortent pas d'une certaine ligne que voici, et
qui me parait la meilleure.--C'est la un langage que tout le monde
comprendra; tout esprit consciencieux, toute ame honnete sentira
l'importance de la mission. Vous aurez un theatre qui attirera la
foule et qui repandra les idees civilisatrices, l'heroisme,
le devouement, l'abnegation, le devoir, l'amour du pays parla
reproduction vraie, animee ou meme patriotiquement exaltee, des grands
faits de notre histoire.
Et savez-vous ce qui arrivera? Vous n'attirerez pas seulement le
peuple a vos theatres, vous y attirerez l'etranger. Pas un homme riche
en Europe qui ne soit tenu de venir a vos theatres completer son
education francaise et litteraire. Ce sera la une source de richesse
pour la France et pour Paris. Vos magnifiques subventions, savez-vous
qui les payera? L'Europe. L'argent de l'etranger affluera chez
vous; vous ferez a la gloire nationale, une avance que l'admiration
europeenne vous remboursera.
Messieurs, au moment ou nous sommes, il n'y a qu'une seule nation qui
soit en etat de donner des produits litteraires au monde entier, et
cette nation, c'est la nation francaise. Vous avez donc la un monopole
immense, un monopole que l'univers civilise subit depuis dix-huit ans.
Les ministres qui nous ont gouvernes n'ont eu qu'une seule pensee:
comprimer la litterature francaise a l'interieur, la sacrifier au
dehors, la laisser systematiquement spolier dans un royaume voisin par
la contrefacon. Je favoriserais, au contraire, cet admirable monopole
sous toutes ses formes, et je le repandrais sur le monde entier; je
creerais a Paris des foyers lumineux qui eclaireraient toutes les
nations, et vers lesquels toutes les nations se tourneraient.
Ce n'est pas tout. Pour achever l'oeuvre, je voudrais des theatres
speciaux pour le peuple; ces theatres, je les mettrais a la charge,
non de l'etat, mais de la ville de Paris. Ce seraient des theatres
crees a ses frais et bien choisis par son administration municipale
parmi les theatres deja existants, et des lors subventionnes par elle.
Je les appellerais theatres municipaux.
La ville de Paris est interessee, sous tous les rapports, a
l'existence de ces theatres. Ils developperaient les sentiments moraux
et l'instruction dans les classes inferieures; ils contribueraient a
faire regner le calme dans cette partie de la population, d'ou sortent
parfois des commotions si fatales a la ville.
Je l'ai dit plus haut d'une maniere generale en me faisant le
plagiaire de l'empereur Napoleon, je le repete ici en appliquant
surtout mon assertion aux classes inferieures de la population
parisienne: le peuple francais, la population parisienne
principalement, ont beaucoup du peuple athenien; il faut quelque chose
pour occuper leur imagination. Les theatres municipaux seront des
especes de derivatifs, qui neutraliseront les bouillonnements
populaires. Avec eux, le peuple parisien lira moins de mauvais
pamphlets, boira moins de mauvais vins, hantera moins de mauvais
lieux, fera moins de revolutions violentes.
L'interet de la ville est patent; il est naturel qu'elle fasse les
frais de ces fondations. Elle ferait appel a des auteurs sages et
distingues, qui produiraient sur la scene des pieces elementaires,
tirees surtout de notre histoire nationale. Vous avez vu une partie
de cette pensee realisee par le Cirque; on a eu tort de le laisser
fermer.
Les theatres municipaux seraient repartis entre les differents
quartiers de la capitale, et places surtout dans les quartiers les
moins riches, dans les faubourgs. Ainsi, a la charge de l'etat, quatre
theatres nationaux pour la France et pour l'Europe; a la charge de la
ville, quatre theatres municipaux pour le peuple des faubourgs; a cote
de ce haut enseignement de l'etat, les theatres libres; voila mon
systeme.
Selon moi, de ce systeme, qui est la liberte, sortiraient la grandeur
de l'art et l'amelioration du peuple, qui sont mes deux buts. Vous
avez vu ce qu'avait produit, pour ces deux grands buts, le systeme
base sur l'autorite, c'est-a-dire le privilege et la censure. Comparez
et choisissez.
M. LE PRESIDENT.--Vous admettez le regime de la liberte, mais vous
faites aux theatres libres une condition bien difficile. Ils seront
ecrases par ceux de l'etat.
M. VICTOR HUGO.--Le role des theatres libres est loin d'etre nul a
cote des theatres de l'etat. Ces theatres lutteront avec les votres.
Quoique vous soyez le gouvernement, vous vous trompez quelquefois. Il
vous arrive de repousser des oeuvres remarquables; les theatres libres
accueilleront ces oeuvres-la. Ils profiteront des erreurs que vous
aurez commises, et les applaudissements du public que vous entendrez
dans les salles seront pour vous des reproches et vous stimuleront.
On va me dire: Les theatres libres, qui auront peine a faire
concurrence au gouvernement, chercheront, pour reussir, les moyens les
plus facheux; ils feront appel au devergondage de l'imagination ou aux
passions populaires; pour attirer le public, ils speculeront sur le
scandale; ils feront de l'immoralite et ils feront de la politique;
ils joueront des pieces extravagantes, excentriques, obscenes, et des
comedies aristophanesques. S'il y a dans tout cela quelque chose de
criminel, on pourra le reprimer par les moyens legaux; sinon, ne vous
en inquietez pas. Je suis un de ceux qui ont eu l'inconvenient ou
l'honneur, depuis Fevrier, d'etre quelquefois mis sur le theatre. Que
m'importe! J'aime mieux ces plaisanteries, inoffensives apres tout,
que telles calomnies repandues contre moi par un journal dans ses
cinquante mille exemplaires.
Quand on me met sur la scene, j'ai tout le monde pour moi; quand on
me travestit dans un journal, j'ai contre moi les trois quarts des
lecteurs. Et cependant je ne m'inquiete pas de la liberte de la
presse, je ne fais point de proces aux journaux qui me travestissent,
je ne leur ecris pas meme de lettres avec un huissier pour facteur.
Sachez donc accepter et comprendre la liberte de la pensee sous toutes
ses formes, la liberte du theatre comme la liberte de la presse; c'est
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