Actes et Paroles, Volume 1 - 21

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la tolerance. (_Rires d'approbation a droite._)
M. DE PANAT.--C'est la semaine des saturnales!
M. VICTOR HUGO.--Monsieur le president, ce que vous venez de dire
n'est pas serieux. (_A gauche: Tres bien!_)
Je reprends, et j'insiste.
J'aurais donc compris qu'on dit: La constitution a des fautes et des
lacunes; elle maintient la magistrature inamovible et nommee par le
pouvoir executif, c'est-a-dire, je le repete, la justice sans racines
dans le peuple. Or il est de principe que toute justice emane du
souverain.
En monarchie, la justice emane du roi; en republique, la justice doit
emaner du peuple. (_Sensation._)
Par quel procede? Par le suffrage universel choisissant librement les
magistrats parmi les licencies en droit. J'ajoute qu'en republique il
est aussi impossible d'admettre le juge inamovible que le legislateur
inamovible. (_Mouvement prolonge._)
J'aurais compris qu'on dit: La constitution s'est bornee a affirmer
la democratie; il faut la fonder. Il faut que la republique soit en
surete dans la constitution, comme dans une citadelle. Il faut au
suffrage universel des extensions et des applications nouvelles.
Ainsi, par exemple, la constitution cree l'omnipotence d'une assemblee
unique, c'est-a-dire d'une majorite, et nous en voyons aujourd'hui
le redoutable inconvenient, sans donner pour contre-poids a cette
omnipotence la faculte laissee a la minorite de deferer, dans de
certains cas graves et selon des formes faciles a regler d'avance,
une sorte d'arbitrage decisoire entre elle et la majorite au suffrage
universel directement invoque, directement consulte; mode d'appel au
peuple beaucoup moins violent et beaucoup plus parfait que l'ancien
procede monarchique constitutionnel, qui consistait a briser le
parlement.
J'aurais compris qu'on dit.... (_Interruption et rumeurs a droite._)
Messieurs, il m'est impossible de ne pas faire une remarque que
je soumets a la conscience de tous. Votre attitude, en ce moment,
contraste etrangement avec l'attitude calme et digne de ce cote de
l'assemblee (_la gauche_). (_Vives reclamations sur les bancs de la
majorite.--Allons donc! Allons donc!--La cloture! La cloture!--Le
silence se retablit. L'orateur reprend:_)
J'aurais compris qu'on dit: Il faut proclamer plus completement et
developper plus logiquement que ne le fait la constitution les
quatre droits essentiels du peuple: Le droit a la vie materielle,
c'est-a-dire, dans l'ordre economique, le travail assure....
M. GRESLAN.--C'est le droit au travail!
M. VICTOR HUGO _continuant_.--... L'assistance organisee, et, dans
l'ordre penal, la peine de mort abolie;
Le droit a la vie intellectuelle et morale, c'est-a-dire
l'enseignement gratuit, la conscience libre, la presse libre, la
parole libre, l'art et la science libres (_Bravos_);
Le droit a la liberte, c'est-a-dire l'abolition de tout ce qui est
entrave au mouvement et au developpement moral, intellectuel, physique
et industriel de l'homme;
Enfin, le droit a la souverainete, c'est-a-dire le suffrage universel
dans toute sa plenitude, la loi faite et l'impot vote par des
legislateurs elus et temporaires, la justice rendue par des juges elus
et temporaires.... (_Exclamations a droite._)
A GAUCHE.--Ecoutez! ecoutez!
PLUSIEURS MEMBRES A DROITE.--Parlez! parlez!
M. VICTOR HUGO _reprenant_.--... La commune administree par des
magistrats elus et temporaires; le jury progressivement etendu, elargi
et developpe; le vote direct du peuple entier, par oui ou par non,
dans de certaines grandes questions politiques ou sociales, et cela
apres discussion prealable et approfondie de chaque question au sein
de l'assemblee nationale plaidant alternativement, par la voix de la
majorite et par la voix de la minorite, le oui et le non devant
le peuple, juge souverain. (_Rumeurs a droite.--Longue et vive
approbation a gauche._)
Messieurs, en supposant que la nation et son gouvernement fussent
vis-a-vis l'un de l'autre dans les conditions correctes et normales
que j'indiquais tout a l'heure, j'aurais compris qu'on dit cela, et
qu'on ajoutat:
La constitution de la republique francaise doit etre la charte meme
du progres humain au dix-neuvieme siecle, le testament immortel de la
civilisation, la bible politique des peuples. Elle doit approcher
aussi pres que possible de la verite sociale absolue. Il faut reviser
la constitution.
Oui, cela, je l'aurais compris.
Mais qu'en plein dix-neuvieme siecle, mais qu'en face des nations
civilisees, mais qu'en presence de cet immense regard du genre humain,
qui est fixe de toutes parts sur la France, parce que la France porte
le flambeau, on vienne dire: Ce flambeau que la France porte et
qui eclaire le monde, nous allons l'eteindre!.... (_Denegations a
droite._)
Qu'on vienne dire: Le premier peuple du monde a fait trois revolutions
comme les dieux d'Homere faisaient trois pas. Ces trois revolutions
qui n'en font qu'une, ce n'est pas une revolution locale, c'est la
revolution humaine; ce n'est pas le cri egoiste d'un peuple, c'est la
revendication de la sainte equite universelle, c'est la liquidation
des griefs generaux de l'humanite depuis que l'histoire existe (_Vive
approbation a gauche.--Rires a droite_); c'est, apres les siecles
de l'esclavage, du servage, de la theocratie, de la feodalite, de
l'inquisition, du despotisme sous tous les noms, du supplice humain
sous toutes les formes, la proclamation auguste des droits de l'homme!
(_Acclamation._)
Apres de longues epreuves, cette revolution a enfante en France
la republique; en d'autres termes, le peuple francais, en pleine
possession de lui-meme et dans le majestueux exercice de sa
toute-puissance, a fait passer de la region des abstractions dans
la region des faits, a constitue et institue, et definitivement et
absolument etabli la forme de gouvernement la plus logique et la plus
parfaite, la republique, qui est pour le peuple une sorte de
droit naturel comme la liberte pour l'homme. (_Murmures a
droite.--Approbation a gauche._) Le peuple francais a taille dans
un granit indestructible et pose au milieu meme du vieux continent
monarchique la premiere assise de cet immense edifice de l'avenir, qui
s'appellera un jour les Etats-Unis d'Europe! (_Mouvement. Long eclat
de rire a droite.)

[Note: Ce mot, les _Etats-Unis d'Europe_, fit un effet d'etonnement.
Il etait nouveau. C'etait la premiere fois qu'il etait prononce a
la tribune. Il indigna la droite, et surtout l'egaya. Il y eut une
explosion de rires, auxquels se melaient des apostrophes de toutes
sortes. Le representant Bancel en saisit au passage quelques-unes, et
les nota. Les voici:
_M. de Montalembert_.--Les Etats-Unis d'Europe! C'est trop fort. Hugo
est fou.
_M. Mole_.--Les Etats-Unis d'Europe! Voila une idee! Quelle
extravagance!
_M. Quentin-Bauchard.--Ces poetes! (_Note de l'editeur._)]

Cette revolution, inouie dans l'histoire, c'est l'ideal des grands
philosophes realise par un grand peuple, c'est l'education des nations
par l'exemple de la France. Son but, son but sacre, c'est le bien
universel, c'est une sorte de redemption humaine. C'est l'ere entrevue
par Socrate, et pour laquelle il a bu la cigue; c'est l'oeuvre faite
par Jesus-Christ, et pour laquelle il a ete mis en croix! (_Vives
reclamations a droite.--Cris: A l'ordre!--Applaudissements repetes a
gauche. Longue et generale agitation._)
M. DE FONTAINE ET PLUSIEURS AUTRES.--C'est un blaspheme!
M. DE HEECKEREN [Note: Plus tard senateur de l'empire, a 30,000 francs
par an.].--On devrait avoir le droit de siffler, si on applaudit des
choses comme celles-la!
M. VICTOR HUGO.--Messieurs, qu'on dise ce que je viens de dire ou du
moins qu'on le voie,--car il est impossible de ne pas le voir, la
revolution francaise, la republique francaise, Bonaparte l'a dit,
c'est le soleil!--qu'on le voie donc et qu'on ajoute: Eh bien! nous
allons detruire tout cela, nous allons supprimer cette revolution,
nous allons jeter bas cette republique, nous allons arracher des mains
de ce peuple le livre du progres et y raturer ces trois dates: 1792,
1830, 1848; nous allons barrer le passage a cette grande insensee, qui
fait toutes ces choses sans nous demander conseil, et qui s'appelle
la providence. Nous allons faire reculer la liberte, la philosophie,
l'intelligence, les generations; nous allons faire reculer la France,
le siecle, l'humanite en marche; nous allons faire reculer Dieu!
(_Profonde sensation._) Messieurs, qu'on dise cela, qu'on reve cela,
qu'on s'imagine cela, voila ce que j'admire jusqu'a la stupeur, voila
ce que je ne comprends pas. (_A gauche: Tres bien! tres bien!--Rires a
droite._)
Et qui etes-vous pour faire de tels reves? Qui etes-vous pour tenter
de telles entreprises? Qui etes-vous pour livrer de telles batailles?
Comment vous nommez-vous? Qui etes-vous?
Je vais vous le dire.
Vous vous appelez la monarchie, et vous etes le passe.
La monarchie!
Quelle monarchie? (_Rires et bruit a droite._)
M. EMILE DE GIRARDIN, _au pied de la tribune_.--Ecoutez donc,
messieurs! nous vous avons ecoutes hier.
M. VICTOR HUGO.--Messieurs, me voici dans la realite ardente du debat.
Ce debat, ce n'est pas nous qui l'avons voulu, c'est vous. Vous devez,
dans votre loyaute, le vouloir entier, complet, sincere. La question
republique ou monarchie est posee. Personne n'a plus le pouvoir,
personne n'a plus le droit de l'eluder. Depuis plus de deux ans, cette
question, sourdement et audacieusement agitee, fatigue la republique;
elle pese sur le present, elle obscurcit l'avenir. Le moment est venu
de s'en delivrer. Oui, le moment est venu de la regarder en face, le
moment est venu de voir ce qu'elle contient. Cartes sur table! Disons
tout. (_Ecoutez! ecoutez!--Profond silence._)
Deux monarchies sont en presence. Je laisse de cote tout ce qui, aux
yeux memes de ceux qui le proposent ou le sous-entendent, ne serait
que transition et expedient. La fusion a simplifie la question. Deux
monarchies sont en presence.--Deux monarchies seulement se croient en
posture de demander la revision a leur benefice, et d'escamoter a leur
profit la souverainete du peuple.
Ces deux monarchies sont: la monarchie de principe, c'est-a-dire la
legitimite; et la monarchie de gloire, comme parlent certains journaux
privilegies (_rires et chuchotements_), c'est-a-dire l'empire.
Commencons par la monarchie de principe. A l'anciennete d'abord.
Messieurs, avant d'aller plus loin, je le dis une fois pour toutes,
quand je prononce, dans cette discussion, ce mot monarchie, je mets
a part et hors du debat les personnes, les princes, les exiles, pour
lesquels je n'ai au fond du coeur que la sympathie qu'on doit a des
francais et le respect qu'on doit a des proscrits; sympathie et
respect qui seraient bien plus profonds encore, je le declare, si ces
exiles n'etaient pas un peu proscrits par leurs amis. (_Tres bien!
tres bien!_)
Je reprends. Dans cette discussion, donc, c'est uniquement de la
monarchie principe, de la monarchie dogme, que je parle; et une fois
les personnes mises a part, n'ayant plus en face de moi que le dogme
royaute, j'entends le qualifier, moi legislateur, avec toute la
liberte de la philosophie et toute la severite de l'histoire.
Et d'abord, entendons-nous sur ces mots, dogme et principe. Je nie que
la monarchie soit ni puisse etre un principe ni un dogme. Jamais la
monarchie n'a ete qu'un fait. (_Rumeurs sur plusieurs bancs._)
Oui, je le repete en depit des murmures, jamais la possession d'un
peuple par un homme ou par une famille n'a ete et n'a pu etre autre
chose qu'un fait. (_Nouvelles rumeurs._)
Jamais,--et, puisque les murmures persistent, j'insiste,--jamais ce
soi-disant dogme en vertu duquel,--et ce n'est pas l'histoire du moyen
age que je vous cite, c'est l'histoire presque contemporaine, celle
sur laquelle un siecle n'a pas encore passe,--jamais ce soi-disant
dogme en vertu duquel il n'y a pas quatrevingts ans de cela, un
electeur de Hesse vendait des hommes tant par tete au roi d'Angleterre
pour les faire tuer dans la guerre d'Amerique (_denegations
irritees_), les lettres existent, les preuves existent, on vous les
montrera quand vous voudrez ... (_le silence se retablit_) jamais,
dis-je, ce pretendu dogme n'a pu etre autre chose qu'un fait, presque
toujours violent, souvent monstrueux. (_A gauche: C'est vrai! c'est
vrai!_)
Je le declare donc, et je l'affirme au nom de l'eternelle moralite
humaine, la monarchie est un fait, rien de plus. Or, quand le fait
n'est plus, il n'en survit rien, et tout est dit. Il en est autrement
du droit. Le droit, meme quand il ne s'appuie plus sur le fait, meme
quand il n'a plus l'autorite materielle, conserve l'autorite morale,
et il est toujours le droit. C'est ce qui fait que d'une republique
etouffee il reste un droit, tandis que d'une monarchie ecroulee il
ne reste qu'une ruine. (_Applaudissements._) Cessez donc, vous
legitimistes, de nous adjurer au point de vue du droit. Vis-a-vis du
droit du peuple, qui est la souverainete, il n'y pas d'autre droit que
le droit de l'homme, qui est la liberte. (_Tres bien!_) Hors de la,
tout est chimere. Dire _le droit du roi_, dans le grand siecle ou nous
sommes, et a cette grande tribune ou nous parlons, c'est prononcer un
mot vide de sens.
Mais, si vous ne pouvez parler au nom du droit, parlerez-vous au nom
du fait? Invoquerez-vous l'utilite? C'est beaucoup moins superbe,
c'est quitter le langage du maitre pour le langage du serviteur; c'est
se faire bien petit. Mais soit! Examinons. Direz-vous que la stabilite
politique nait de l'heredite royale? Direz-vous que la democratie est
mauvaise pour un etat, et que la royaute est meilleure? Voyons, je ne
vais pas me mettre a feuilleter ici l'histoire, la tribune n'est pas
un pupitre a in-folio;--je reste dans les faits vivants, actuels,
presents a toutes les memoires. Parlez, quels sont vos griefs contre
la republique de 1848? Les emeutes? Mais la monarchie avait les
siennes. L'etat des finances? Mon Dieu! je n'examine pas, ce n'est pas
le moment, si depuis trois ans les finances de la republique ont ete
bien democratiquement conduites....
A DROITE.--Non! fort heureusement pour elles!
M. VICTOR HUGO.--... Mais la monarchie constitutionnelle coutait fort
cher; mais les gros budgets, c'est la monarchie constitutionnelle
qui les a inventes. Je dis plus, car il faut tout dire, la monarchie
proprement dite, la monarchie de principe, la monarchie legitime,
qui se croit ou se pretend synonyme de stabilite, de securite, de
prosperite, de propriete, la vieille monarchie historique de
quatorze siecles, messieurs, faisait quelquefois, faisait volontiers
banqueroute! (_Rires et applaudissements._)
Sous Louis XIV, je vous cite la belle epoque, le grand siecle, le
grand regne, sous Louis XIV, on voit de temps en temps _palir_, c'est
Boileau qui le dit, _le rentier_
A l'aspect d'un arret qui retranche un quartier.
Or, quels que soient les euphemismes d'un ecrivain satirique qui
flatte un roi, un arret qui retranche un quartier aux rentiers,
messieurs, c'est la banqueroute. (_A gauche: Tres bien!--Rumeurs a
droite.--Et les assignats?_)
Sous le regent, la monarchie empoche, ce n'est pas le mot noble, c'est
le mot vrai (_on rit_), empoche trois cent cinquante millions par
l'alteration des monnaies; c'etait le temps ou on pendait une servante
pour cinq sous. Sous Louis XV, neuf banqueroutes en soixante ans.
UNE VOIX AU FOND A DROITE.--Et les pensions des poetes!
_M. Victor Hugo s'arrete._
A GAUCHE.--Meprisez cela! Dedaignez! Ne repondez pas!
M. VICTOR HUGO.--Je repondrai a l'honorable interrupteur que, trompe
par certains journaux, il fait allusion a une pension qui m'a ete
offerte par le roi Charles X, et que j'ai refusee.
M. DE FALLOUX.--Je vous demande pardon, vous l'aviez sur la cassette
du roi. (_Rumeurs a gauche._)
M. BAC.--Meprisez ces injures!
M. DE FALLOUX.--Permettez-moi de dire un mot.
M. VICTOR HUGO.--Vous voulez que je raconte le fait? il m'honore; je
le veux bien.
M. DE FALLOUX.--Je vous demande pardon.... (_A gauche: C'est de la
personnalite!--On cherche le scandale!--Laissez parler!--N'interrompez
pas!--A l'ordre! a l'ordre!_)
M. DE FALLOUX.--L'assemblee a pu observer que je n'ai pas cesse,
depuis le commencement de la seance, de garder moi-meme le plus
profond silence, et meme, de temps en temps, d'engager mes amis a le
garder comme moi. Je demande seulement la permission de rectifier un
fait materiel.
M. VICTOR HUGO.--Parlez!
M. DE FALLOUX.--L'honorable M. Victor Hugo a dit: "Je n'ai jamais
touche de pension de la monarchie....".
M. VICTOR HUGO.--Non, je n'ai pas dit cela. (_Vives reclamations a
droite, melees d'applaudissements et de rires ironiques._)
PLUSIEURS MEMBRES A GAUCHE, _a M. Victor Hugo_.--Ne repondez pas!
M. SOUBIES, _a la droite_.--Attendez les explications, au moins; vos
applaudissements sont indecents!
M. FRICHON, _a M. de Falloux_.--Ancien ministre de la republique, vous
la trahissez.
M. LAMARQUE.--C'est le venin des jesuites!
M. VICTOR HUGO, _s'adressant a M. de Falloux, au milieu du bruit_:--Je
prie M. de Falloux d'obtenir de ses amis qu'ils veuillent bien
permettre qu'on lui reponde. (_Bruit confus._)
M. DE FALLOUX.--Je fais ce que je puis.
A L'EXTREME GAUCHE.--Faites donc faire silence a droite, monsieur le
president!
M. LE PRESIDENT.--On fait du bruit des deux cotes. (_A l'orateur._)
Vous voulez toujours tirer parti, a votre avantage, des interruptions;
je les condamne, mais je constate qu'il y a autant de bruit a gauche
qu'a droite. (_Violentes reclamations et protestations a l'extreme
gauche.--Les membres assis sur les bancs inferieurs de la gauche font
des efforts pour ramener le silence._)
UN MEMBRE A GAUCHE.--Vous n'avez d'oreilles que pour notre cote.
M. LE PRESIDENT.--On interrompt des deux cotes. (_Non! non!--Si! si!_)
Je vois, je constate.... (_Nouvelles exclamations bruyantes sur les
memes bancs a gauche._)
Je constate que, depuis cinq minutes, M. Schoelcher et M. Grevy
reclament le silence. (_Exclamations et protestations nouvelles a
gauche.--M. Schoelcher prononce quelques mots que le bruit nous
empeche de saisir._)
Je constate que vous-memes reclamez le silence depuis plusieurs
minutes, monsieur Schoelcher et monsieur Grevy, je vous rends cette
justice.
M. SCHOELCHER.--Nous le reclamons, parce que nous nous sommes promis
de tout entendre.
UN MEMBRE A L'EXTREME GAUCHE.--Le _Moniteur_ repondra a M. le
president.
M. LE PRESIDENT.--On peut nier un fait qui se passe dans un
bureau, mais on ne peut pas nier un fait qui se passe a la face de
l'assemblee. (_De vives apostrophes sont adressees de la gauche a M.
le president._)
Il vous tarde de prendre vos allures accoutumees! (_Exclamations a
l'extreme gauche._)
UN MEMBRE.--C'est a vous qu'il tarde de reprendre les votres....
D'AUTRES MEMBRES.--Ce sont des provocations.
M. LE PRESIDENT.--Je demande le silence des deux cotes.
M. ARNAUD (de l'Ariege.)--Ce sont des personnalites.
M. SAVATIER-LAROCHE.--Ce sont des provocations qu'on cherche a rendre
injurieuses.
M. LE PRESIDENT.--Voulez-vous faire silence et ecouter l'orateur? (_Le
silence se retablit._)
M. VICTOR HUGO.--Je remercie l'honorable M. de Falloux. Je ne
cherchais pas l'occasion de parler de moi. Il me la donne a propos
d'un fait qui m'honore. (_A la droite._) Ecoutez ce que j'ai a vous
dire. Vous avez ri les premiers; vous etes loyaux, je le pense, et je
vous predis que vous ne rirez pas les derniers. (_Sensation._)
UN MEMBRE A L'EXTREME DROITE.--Si!
M. VICTOR HUGO, _a l'interrupteur_.--En ce cas vous ne serez pas
loyal. (_Bravos a gauche.--Un profond silence s'etablit._)
J'avais dix-neuf ans....
UN MEMBRE A DROITE.--Ah! bon, j'etais si jeune! (_Longs murmures a
gauche.--Cris: C'est indecent!_)
M. VICTOR HUGO, _se tournant vers l'interrupteur_.--L'homme capable
d'une si inqualifiable interruption doit avoir le courage de
se nommer. Je le somme de se nommer. (_Applaudissements a
gauche.--Silence a droite.--Personne ne se nomme._)
Il se tait. Je le constate.
(_Les applaudissements de la gauche redoublent.--Silence consterne a
droite._)
M. VICTOR HUGO, _reprenant_.--J'avais dix-neuf ans; je publiai un
volume en vers. Louis XVIII, qui etait un roi lettre, vous le savez,
le lut et m'envoya une pension de deux mille francs. Cet acte fut
spontane de la part du roi, je le dis a son honneur et au mien; je
recus cette pension sans l'avoir demandee. La lettre que vous avez
dans les mains, monsieur de Falloux, le prouve. (_M. de Falloux fait
un signe d'assentiment.--Mouvement a droite._)
M. DE LAROCHEJAQUELEIN.--C'est tres bien, monsieur Victor Hugo!
M. VICTOR HUGO.--Plus tard, quelques annees apres, Charles X regnait,
je fis une piece de theatre, _Marion de Lorme_; la censure interdit
la piece, j'allai trouver le roi, je lui demandai de laisser jouer ma
piece, il me recut avec bonte, mais refusa de lever l'interdit. Le
lendemain, rentre chez moi, je recus de la part du roi l'avis que,
pour me dedommager de cet interdit, ma pension etait elevee de deux
mille francs a six mille. Je refusai. (_Long mouvement._) J'ecrivis
au ministre que je ne voulais rien que ma liberte de poete
mon independance d'ecrivain. (_Applaudissements prolonges a
gauche.--Sensation meme a droite._)
C'est la la lettre que vous tenez entre les mains. (_Bravo! bravo!_)
Je dis dans cette lettre que je n'offenserai jamais le roi Charles X.
J'ai tenu parole, vous le savez. (_Profonde sensation._)
M. DE LAROCHEJAQUELEIN.--C'est vrai! dans de bien admirables vers!
M. VICTOR HUGO, _a la droite_.--Vous voyez, messieurs, que vous ne
riez plus et que j'avais raison de remercier M. de Falloux. (_Oui!
oui! Long mouvement.--Un membre rit au fond de la salle._)
A GAUCHE.--Allons donc! c'est indecent!
PLUSIEURS MEMBRES DE LA DROITE, _a M. Victor Hugo_.--Vous avez bien
fait.
M. SOUBIES.--Celui qui a ri aurait accepte le tout.
M. VICTOR HUGO.--Je disais donc que la monarchie faisait quelquefois
banqueroute. Je rappelais que, sous le regent, la monarchie avait
empoche trois cent cinquante millions par l'alteration des monnaies.
Je continue. Sous Louis XV, neuf banqueroutes.
Voulez-vous que je vous rappelle celles qui me viennent a l'esprit?
Les deux banqueroutes Desmaretz, les deux banqueroutes des freres
Paris, la banqueroute du Visa et la banqueroute du Systeme.... Est-ce
assez de banqueroutes comme cela? Vous en faut-il encore? (_Longue
hilarite a gauche._)
En voici d'autres du meme regne; la banqueroute du cardinal Fleury, la
banqueroute du controleur general Silhouette, la banqueroute de l'abbe
Terray! Je nomme ces banqueroutes de la monarchie du nom des ministres
qu'elles deshonorent dans l'histoire. Messieurs, le cardinal Dubois
definissait la monarchie: _Un gouvernement fort, parce qu'il fait
banqueroute quand il veut._ (_Nouveaux rires._)
Eh bien! la republique de 1848, elle, a-t-elle fait banqueroute? Non,
quoique, du cote de ce que je suis bien force d'appeler la monarchie,
on le lui ait peut-etre un peu conseille. (_On rit encore a gauche, et
meme a droite._)
Messieurs, la republique, qui n'a pas fait banqueroute, et qui, on
peut l'affirmer, si on la laisse dans sa franche et droite voie de
probite populaire, ne fera pas, ne fera jamais banqueroute (_A gauche:
Non! non!_), la republique de 1848 a-t-elle fait la guerre europeenne?
Pas davantage.
Son attitude a peut-etre ete meme un peu trop pacifique, et, je le dis
dans l'interet meme de la paix, son epee a demi tiree eut suffi pour
faire rengainer bien des grands sabres.
Que lui reprochez-vous donc, messieurs les chefs des partis
monarchiques, qui n'avez pas encore reussi, qui ne reussirez jamais a
laver notre histoire contemporaine tout eclaboussee de sang par 1815?
(_Mouvement._) On a parle de 1793, j'ai le droit de parler de 1815!
(_Vive approbation a gauche._)
Que lui reprochez-vous donc, a la republique de 1848? Mon Dieu! il y a
des accusations banales qui trainent dans tous vos journaux, et qui
ne sont pas encore usees, a ce qu'il parait, et que je retrouv
ce matin meme dans une circulaire pour la revision totale, "les
commissaires de M. Ledru-Rollin! les quarante-cinq centimes! les
conferences socialistes du Luxembourg!"--Le Luxembourg! ah! oui, le
Luxembourg! voila le grand grief! Tenez, prenez garde au Luxembourg;
n'allez pas trop de ce cote-la, vous finiriez par y rencontrer le
spectre du marechal Ney! (_Longue acclamation.--Applaudissements
prolonges a gauche._)
M. DE RESSEGUIER.--Vous y trouveriez votre fauteuil de pair de France!
M. LE PRESIDENT.--Vous n'avez pas la parole, monsieur de Resseguier.
UN MEMBRE A DROITE.--La Convention a guillotine vingt-cinq generaux!
M. DE RESSEGUIER.--Votre fauteuil de pair de France! (_Bruit._)
M. LE PRESIDENT.--N'interrompez pas.
M. VICTOR HUGO.--Je crois, Dieu me pardonne, que M. de Resseguier me
reproche d'avoir siege parmi les juges du marechal Ney! (_Exclamations
a droite.--Rires ironiques et approbatifs a gauche._)
M. DE RESSEGUIER.--Vous vous meprenez....
M. LE PRESIDENT.--Veuillez vous asseoir; gardez le silence, vous
n'avez pas la parole.
M. DE RESSEGUIER, _s'adressant a l'orateur_.--Vous vous meprenez
formellement....
M. LE PRESIDENT.--Monsieur de Resseguier, je vous rappelle a l'ordre
formellement.
M. DE RESSEGUIER.--Vous vous meprenez avec intention.
M. LE PRESIDENT.--Je vous rappellerai a l'ordre avec inscription au
proces-verbal, si vous meprisez tous mes avertissements.
M. VICTOR HUGO.--Hommes des anciens partis, je ne triomphe pas de ce
qui est votre malheur, et, je vous le dis sans amertume, vous ne jugez
pas votre temps et votre pays avec une vue juste, bienveillante et
saine. Vous vous meprenez aux phenomenes contemporains. Vous criez a
la decadence. Il y a une decadence en effet, mais, je suis bien force
de vous l'avouer, c'est la votre. (_Rires a gauche.--Murmures a
droite._)
Parce que la monarchie s'en va, vous dites: La France s'en va! C'est
une illusion d'optique. France et monarchie, c'est deux. La France
demeure, la France grandit, sachez cela! (_Tres bien!--Rires a
droite._)
Jamais la France n'a ete plus grande que de nos jours; les etrangers
le savent, et, chose triste a dire et que vos rires confirment, vous
l'ignorez!
Le peuple francais a l'age de raison, et c'est precisement le moment
que vous choisissez pour taxer ses actes de folie. Vous reniez ce
siecle tout entier, son industrie vous semble materialiste, sa
philosophie vous semble immorale, sa litterature vous semble
anarchique. (_Rires ironiques a droite.--Oui! oui!_) Vous voyez,
vous continuez de confirmer mes paroles. Sa litterature vous semble
anarchique, et sa science vous parait impie. Sa democratie, vous la
nommez demagogie. (_Oui! oui! a droite._)
Dans vos jours d'orgueil, vous declarez que notre temps est mauvais,
et que, quant a vous, vous n'en etes pas. Vous n'etes pas de ce
siecle. Tout est la. Vous en tirez vanite. Nous en prenons acte.
Vous n'etes pas de ce siecle, vous n'etes plus de ce monde, vous etes
morts! C'est bien! je vous l'accorde! (_Rires et bravos._)
Mais, puisque vous etes morts, ne revenez pas, laissez tranquilles les
vivants. (_Rire general._)
M. DE TINGUY, _a l'orateur_.--Vous nous supposez morts! monsieur le
vicomte?
M. LE PRESIDENT.--Vous ressuscitez, vous, monsieur de Tinguy!
M. DE TINGUY.--Je ressuscite le vicomte!
M. VICTOR HUGO, _croisant les bras et regardant la droite en
face_.--Quoi! vous voulez reparaitre! (_Nouvelle explosion d'hilarite
et de bravos!_)
Quoi! vous voulez recommencer! Quoi! ces experiences redoutables qui
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