Actes et Paroles, Volume 1 - 06

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une lecon utile de cette emotion poignante, c'est le devoir rigoureux
du poete. Cette premiere loi de la scene, M. Casimir Delavigne l'avait
comprise ou, pour mieux dire, il l'avait trouvee en lui-meme. Nous
devenons artistes ou poetes par les choses que nous trouvons en nous.
M. Delavigne etait du nombre de ces hommes vrais ou probes, qui savent
que leur pensee peut faire le mal ou le bien, qui sont fiers parce
qu'ils se sentent libres, et serieux parce qu'ils se sentent
responsables. Partout, dans les treize pieces qu'il a donnees au
theatre, on sent le respect profond de son art et le sentiment
profond de sa mission. Il sait que tout lecteur commente, et que tout
spectateur interprete; il sait que, lorsqu'un poete est universel,
illustre et populaire, beaucoup d'hommes en portent au fond de leur
pensee un exemplaire qu'ils traduisent dans les conseils de leur
conscience et dans les actions de leur vie. Aussi lui, le poete
integre et attentif, il tire de chaque chose un enseignement et une
explication; Il donne un sens philosophique et moral a la fantaisie,
dans _la Princesse Aurelie_ et _le Conseiller rapporteur_; a
l'observation, dans _les Comediens_; aux recits legendaires, dans _la
Fille du Cid_; aux faits historiques, dans _les Vepres siciliennes_,
dans _Louis XI,_ dans _les Enfants d'Edouard_, dans _Don Juan
d'Autriche_, dans _la Famille au temps de Luther_. Dans _le Paria_, il
conseille les castes; dans _la Popularite_, il conseille le peuple.
Frappe de tout ce que l'age peut amener de disproportion et de perils
dans la lutte de l'homme avec la vie, de l'ame avec les passions,
preoccupe un jour du cote ridicule des choses et le lendemain de leur
cote terrible, il fit deux fois _l'Ecole des Vieillards_; la premiere
fois il l'appela _l'Ecole des Vieillards_, la seconde fois il
l'intitula _Marino Faliero_.
Je n'analyse pas ces compositions excellentes, je les cite. A quoi
bon analyser ce que tous ont lu et applaudi? Enumerer simplement ces
titres glorieux, c'est rappeler a tous les esprits de beaux ouvrages
et a toutes les memoires de grands triomphes.
Quoique la faculte du beau et de l'ideal fut developpee a un rare
degre chez M. Delavigne, l'essor de la grande ambition litteraire, en
ce qu'il peut avoir parfois de temeraire et de supreme, etait arrete
en lui et comme limite par une sorte de reserve naturelle, qu'on peut
louer ou blamer, selon qu'on prefere dans les productions de l'esprit
le gout qui circonscrit ou le genie qui entreprend, mais qui etait une
qualite aimable et gracieuse, et qui se traduisait en modestie dans
son caractere et en prudence dans ses ouvrages. Son style avait toutes
les perfections de son esprit, l'elevation, la precision, la maturite,
la dignite, l'elegance habituelle, et, par instants, la grace, la
clarte continue, et, par moments, l'eclat. Sa vie etait mieux que la
vie d'un philosophe, c'etait la vie d'un sage. Il avait, pour ainsi
dire, trace un cercle autour de sa destinee, comme il en avait trace
un autour de son inspiration. Il vivait comme il pensait, abrite.
Il aimait son champ, son jardin, sa maison, sa retraite; le soleil
d'avril sur ses roses, le soleil d'aout sur ses treilles. Il tenait
sans cesse pres de son coeur, comme pour le rechauffer, sa famille,
son enfant, ses freres, quelques amis. Il avait ce gout charmant de
l'obscurite qui est la soif de ceux qui sont celebres. Il composait
dans la solitude ces poemes qui plus tard remuaient la foule. Aussi
tous ses ouvrages, tragedies, comedies, messeniennes, eclos dans tant
de calme, couronnes de tant de succes, conservent-ils toujours, pour
qui les lit avec attention, je ne sais quelle fraicheur d'ombre et
de silence qui les suit meme dans la lumiere et dans le bruit.
Appartenant a tous et se reservant pour quelques-uns, il partageait
son existence entre son pays, auquel il dediait toute son
intelligence, et sa famille, a laquelle il donnait toute son ame.
C'est ainsi qu'il a obtenu la double palme, l'une bien eclatante,
l'autre bien douce; comme poete, la renommee, comme homme, le bonheur.
Cette vie pourtant, si sereine au dedans, si brillant eau dehors, ne
fut ni sans epreuves, ni sans traverses. Tout jeune encore, M. Casimir
Delavigne eut a lutter par le travail contre la gene. Ses premieres
annees furent rudes et severes. Plus tard son talent lui fit des amis,
son succes lui fit un public, son caractere lui fit une autorite. Par
la hauteur de son esprit, il etait, des sa jeunesse meme, au niveau
des plus illustres amities. Deux hommes eminents, vous l'avez dit,
monsieur, le rechercherent et eurent la joie, qui est aujourd'hui
une gloire, de l'aider et de le servir, M. Francais de Nantes sous
l'empire, M. Pasquier sous la restauration. Il put ainsi se livrer
paisiblement a ses travaux, sans inquietude, sans trop de souci de la
vie materielle, heureux, admire, entoure de l'affection publique, et,
en particulier, de l'affection populaire. Un jour arriva cependant ou
une injuste et impolitique defaveur vint frapper ce poete dont le nom
europeen faisait tant d'honneur a la France; il fut alors noblement
recueilli et soutenu par le prince dont Napoleon a dit: Le duc
d'Orleans est toujours reste national; grand et juste esprit qui
comprenait des lors comme prince, et qui depuis a reconnu comme roi,
que la pensee est une puissance et que le talent est une liberte.
Quand la meditation se fixe sur M. Casimir Delavigne, quand on etudie
attentivement cette heureuse nature, on est frappe du rapport etroit
et intime qui existe entre la qualite propre de son esprit, qui etait
la clarte, et le principal trait de son caractere, qui etait la
douceur. La douceur, en effet, est une clarte de l'ame qui se repand
sur les actions de la vie. Chez M. Delavigne, cette douceur ne s'est
jamais dementie. Il etait doux a toute chose, a la vie, au succes, a
la souffrance; doux a ses amis, doux a ses ennemis. En butte, surtout
dans ses dernieres annees, a de violentes critiques, a un denigrement
amer et passionne, il semblait, c'est son frere qui nous l'apprend
dans une interessante biographie, il semblait ne pas s'en douter. Sa
serenite n'en etait pas alteree un instant. Il avait toujours le meme
calme, la meme expansion, la meme bienveillance, le meme sourire. Le
noble poete avait cette candide ignorance de la haine qui est propre
aux ames delicates et fieres. Il savait d'ailleurs que tout ce qui est
bon, grand, fecond, eleve, utile, est necessairement attaque; et il
se souvenait du proverbe arabe: _On ne jette de pierres qu'aux arbres
charges de fruits d'or_.
Tel etait, monsieur, l'homme justement admire que vous remplacez dans
cette compagnie.
Succeder a un poete que toute une nation regrette, quand cette nation
s'appelle la France et quand ce poete s'appelle Casimir Delavigne,
c'est plus qu'un honneur qu'on accepte, c'est un engagement qu'on
prend. Grave engagement envers la litterature, envers la renommee,
envers le pays! Cependant, monsieur, j'ai hate de rassurer votre
modestie. L'academie peut le proclamer hautement, et je suis heureux
de le dire en son nom, et le sentiment de tous sera ici pleinement
d'accord avec elle, en vous appelant dans son sein, elle a fait un
utile et excellent choix. Peu d'hommes ont donne plus de gages que
vous aux lettres et aux graves labeurs de l'intelligence. Poete, dans
ce siecle ou la poesie est si haute, si puissante et si feconde, entre
la messenienne epique et l'elegie lyrique, entre Casimir Delavigne
qui est si noble et Lamartine qui est si grand, vous avez su dans le
demi-jour decouvrir un sentier qui est le votre et creer une elegie
qui est vous-meme. Vous avez donne a certains epanchements de l'ame
un accent nouveau. Votre vers, presque toujours douloureux, souvent
profond, va chercher tous ceux qui souffrent, quels qu'ils soient,
honores ou dechus, bons ou mechants. Pour arriver jusqu'a eux, votre
pensee se voile, car vous ne voulez pas troubler l'ombre ou vous
allez les trouver. Vous savez, vous poete, que ceux qui souffrent se
retirent et se cachent avec je ne sais quel sentiment farouche et
inquiet qui est de la honte dans les ames tombees et de la pudeur dans
les ames pures. Vous le savez, et, pour etre un des leurs, vous vous
enveloppez comme eux. De la, une poesie penetrante et timide a la
fois, qui touche discretement les fibres mysterieuses du coeur. Comme
biographe, vous avez, dans vos _Portraits de femmes_, mele le charme
a l'erudition, et laisse entrevoir un moraliste qui egale parfois la
delicatesse de Vauvenargues et ne rappelle jamais la cruaute de La
Rochefoucauld. Comme romancier, vous avez sonde des cotes inconnus
de la vie possible, et dans vos analyses patientes et neuves on sent
toujours cette force secrete qui se cache dans la grace de voire
talent. Comme philosophe vous avez confronte tous les systemes; comme
critique, vous avez etudie toutes les litteratures. Un jour vous
completerez et vous couronnerez ces derniers travaux qu'on ne peut
juger aujourd'hui, parce que, dans votre esprit meme, ils sont encore
inacheves; vous constaterez, du meme coup d'oeil, comme conclusion
definitive, que, s'il y a toujours, au fond de tous les systemes
philosophiques, quelque chose d'humain, c'est-a-dire de vague et
d'indecis, en meme temps il y a toujours dans l'art, quel que soit le
siecle, quelle que soit la forme, quelque chose de divin, c'est-a-dire
de certain et d'absolu; de sorte que, tandis que l'etude de toutes les
philosophies mene au doute, l'etude de toutes les poesies conduit a
l'enthousiasme.
Par vos recherches sur la langue, par la souplesse et la variete de
votre esprit, par la vivacite de vos idees toujours fines, souvent
fecondes, par ce melange d'erudition et d'imagination qui fait qu'en
vous le poete ne disparait jamais tout a fait sous le critique, et le
critique ne depouille jamais entierement le poete, vous rappelez a
l'academie un de ses membres les plus chers et les plus regrettes, ce
bon et charmant Nodier, qui etait si superieur et si-doux. Vous
lui ressemblez par le cote ingenieux, comme lui-meme ressemblait a
d'autres grands esprits par le cote insouciant. Nodier nous rendait
quelque chose de La Fontaine; vous nous rendrez quelque chose de
Nodier.
Il etait impossible, monsieur, que, par la nature de vos travaux et la
pente de votre talent enclin surtout a la curiosite biographique et
litteraire, vous n'en vinssiez pas a arreter quelque jour vos
regards sur deux groupes celebres de grands esprits qui donnent au
dix-septieme siecle ses deux aspects les plus originaux, l'hotel de
Rambouillet et Port-Royal. L'un a ouvert le dix-septieme siecle,
l'autre l'a accompagne et ferme. L'un a introduit l'imagination dans
la langue, l'autre y a introduit l'austerite. Tous deux, places pour
ainsi dire aux extremites opposees de la pensee humaine, ont repandu
une lumiere diverse. Leurs influences se sont combattues heureusement,
et combinees plus heureusement encore; et dans certains chefs-d'oeuvre
de notre litterature, places en quelque sorte a egale distance de l'un
et de l'autre, dans quelques ouvrages immortels qui satisfont tout
ensemble l'esprit dans son besoin d'imagination et l'ame dans son
besoin de gravite, on voit se meler et se confondre leur double
rayonnement.
De ces deux grands faits qui caracterisent une epoque illustre et qui
ont si puissamment agi en France sur les lettres et sur les moeurs, le
premier, l'hotel de Rambouillet, a obtenu de vous, ca et la, quelques
coups de pinceau vifs et spirituels; le second, Port-Royal, a eveille
et fixe votre attention. Vous lui avez consacre un excellent livre,
qui, bien que non termine, est sans contredit le plus important de
vos ouvrages. Vous avez bien fait, monsieur. C'est un digne sujet de
meditation et d'etude que cette grave famille de solitaires qui a
traverse le dix-septieme siecle, persecutee et honoree, admiree et
haie, recherchee par les grands et poursuivie par les puissants,
trouvant moyen d'extraire de sa faiblesse et de son isolement meme je
ne sais quelle imposante et inexplicable autorite, et faisant servir
les grandeurs de l'intelligence a l'agrandissement de la foi. Nicole,
Lancelot, Lemaistre, Sacy, Tillemont, les Arnauld, Pascal, gloires
tranquilles, noms venerables, parmi lesquels brillent chastement trois
femmes, anges austeres, qui ont dans la saintete cette majeste que les
femmes romaines avaient dans l'heroisme! Belle et savante ecole qui
substituait, comme maitre et docteur de l'intelligence, saint Augustin
a Aristote, qui conquit la duchesse de Longueville, qui forma le
president de Harlay, qui convertit Turenne, et qui avait puise tout
ensemble dans saint Francois de Sales l'extreme douceur et dans l'abbe
de Saint-Cyran l'extreme severite! A vrai dire, et qui le sait mieux
que vous, monsieur (car dans tout ce que je dis en ce moment, j'ai
votre livre present a l'esprit)? l'oeuvre de Port-Royal ne fut
litteraire que par occasion, et de cote, pour ainsi parler; le
veritable but de ces penseurs attristes et rigides etait purement
religieux. Resserrer le lien de l'eglise au dedans et a l'exterieur
par plus de discipline chez le pretre et plus de croyance chez le
fidele; reformer Rome en lui obeissant; faire a l'interieur et avec
amour ce que Luther avait tente au dehors et avec colere; creer
en France, entre le peuple souffrant et ignorant et la noblesse
voluptueuse et corrompue, une classe intermediaire, saine, stoique et
forte, une haute bourgeoisie intelligente et chretienne; fonder une
eglise modele dans l'eglise, une nation modele dans la nation, telle
etait l'ambition secrete, tel etait le reve profond de ces hommes
qui etaient illustres alors par la tentative religieuse et qui sont
illustres aujourd'hui par le resultat litteraire. Et pour arriver a
ce but, pour fonder la societe selon la foi, entre les verites
necessaires, la plus necessaire a leurs yeux, la plus lumineuse, la
plus efficace, celle que leur demontraient le plus invinciblement leur
croyance et leur raison, c'etait l'infirmite de l'homme prouvee par la
tache originelle, la necessite d'un Dieu redempteur, la divinite du
Christ. Tous leurs efforts se tournaient de ce cote, comme s'ils
devinaient que la etait le peril. Ils entassaient livres sur livres,
preuves sur preuves, demonstrations sur demonstrations. Merveilleux
instinct de prescience qui n'appartient qu'aux serieux esprits!
Comment ne pas insister sur ce point? Ils batissaient cette grande
forteresse a la hate, comme s'ils pressentaient une grande attaque. On
eut dit que ces hommes du dix-septieme siecle prevoyaient les hommes
du dix-huitieme. On eut dit que, penches sur l'avenir, inquiets et
attentifs, sentant a je ne sais quel ebranlement sinistre qu'une
legion inconnue etait en marche dans les tenebres, ils entendaient
de loin venir dans l'ombre la sombre et tumultueuse armee de
l'Encyclopedie, et qu'au milieu de cette rumeur obscure ils
distinguaient deja confusement la parole triste et fatale de
Jean-Jacques et l'effrayant eclat de rire de Voltaire!
On les persecutait, mais ils y songeaient a peine. Ils etaient plus
occupes des perils de leur foi dans l'avenir que des douleurs de leur
communaute dans le present. Ils ne demandaient rien, ils ne
voulaient rien, ils n'ambitionnaient rien; ils travaillaient et ils
contemplaient. Ils vivaient dans l'ombre du monde et dans la clarte de
l'esprit. Spectacle auguste et qui emeut l'ame en frappant la pensee!
Tandis que Louis XIV domptait l'Europe, que Versailles emerveillait
Paris, que la cour applaudissait Racine, que la ville applaudissait
Moliere; tandis que le siecle retentissait d'un bruit de fete et de
victoire; tandis que tous les yeux admiraient le grand roi et tous les
esprits le grand regne, eux, ces reveurs, ces solitaires, promis a
l'exil, a la captivite, a la mort obscure et lointaine, enfermes dans
un cloitre devoue a la ruine et dont la charrue devait effacer
les derniers vestiges, perdus dans un desert a quelques pas de ce
Versailles, de ce Paris, de ce grand regne, de ce grand roi,
laboureurs et penseurs, cultivant la terre, etudiant les textes,
ignorant ce que faisaient la France et l'Europe, cherchant dans
l'ecriture sainte les preuves de la divinite de Jesus, cherchant dans
la creation la glorification du createur, l'oeil fixe uniquement sur
Dieu, meditaient les livres sacres et la nature eternelle, la bible
ouverte dans l'eglise et le soleil epanoui dans les cieux!
Leur passage n'a pas ete inutile. Vous l'avez dit, monsieur, dans le
livre remarquable qu'ils vous ont inspire, ils ont laisse leur trace
dans la theologie, dans la philosophie, dans la langue, dans la
litterature, et, aujourd'hui encore, Port-Royal est, pour ainsi dire,
la lumiere interieure et secrete de quelques grands esprits. Leur
maison a ete demolie, leur champ a ete ravage, leurs tombes ont ete
violees, mais leur memoire est sainte, mais leurs idees sont debout,
mais des choses qu'ils ont semees, beaucoup ont germe dans les ames,
quelques-unes ont germe dans les coeurs. Pourquoi cette victoire a
travers ces calamites? Pourquoi ce triomphe malgre cette persecution?
Ce n'est pas seulement parce qu'ils etaient superieurs, c'est aussi,
c'est surtout parce qu'ils etaient sinceres! C'est qu'ils croyaient,
c'est qu'ils etaient convaincus, c'est qu'ils allaient a leur but
pleins d'une volonte unique et d'une foi profonde. Apres avoir lu
et medite leur histoire, on serait tente de s'ecrier:--Qui que vous
soyez, voulez-vous avoir de grandes idees et faire de grandes choses?
Croyez! ayez foi! Ayez une foi religieuse, une foi patriotique,
une foi litteraire. Croyez a l'humanite, au genie, a l'avenir, a
vous-memes. Sachez d'ou vous venez pour savoir ou vous allez. La foi
est bonne et saine a l'esprit. Il ne suffit pas de penser, il faut
croire. C'est de foi et de conviction que sont faites en morale les
actions saintes et en poesie les idees sublimes.
Nous ne sommes plus, monsieur, au temps de ces grands devouements a
une pensee purement religieuse. Ce sont la de ces enthousiasmes sur
lesquels Voltaire et l'ironie ont passe. Mais, disons-le bien haut, et
ayons quelque fierte de ce qui nous reste, il y a place encore dans
nos ames pour des croyances efficaces, et la flamme genereuse n'est
pas eteinte en nous. Ce don, une conviction, constitue aujourd'hui
comme autrefois l'identite meme de l'ecrivain. Le penseur, en ce
siecle, peut avoir aussi sa foi sainte, sa foi utile, et croire, je le
repete, a la patrie, a l'intelligence, a la poesie, a la liberte. Le
sentiment national, par exemple, n'est-il pas a lui seul toute une
religion? Telle heure peut sonner ou la foi au pays, le sentiment
patriotique, profondement exalte, fait tout a coup, d'un jeune homme
qui s'ignorait lui-meme, un Tyrtee, rallie d'innombrables ames avec
le cri d'une seule, et donne a la parole d'un adolescent l'etrange
puissance d'emouvoir tout un peuple.
Et a ce propos, puisque j'y suis naturellement amene par mon sujet,
permettez-moi, au moment de terminer, de rappeler, apres vous,
monsieur, un souvenir.
Il est une epoque, une epoque fatale, que n'ont pu effacer de nos
memoires quinze ans de luttes pour la liberte, quinze ans de luttes
pour la civilisation, trente annees d'une paix feconde. C'est le
moment ou tomba celui qui etait si grand que sa chute parut etre la
chute meme de la France. La catastrophe fut decisive et complete. En
un jour tout fut consomme. La Rome moderne fut livree aux hommes du
nord comme l'avait ete la Rome ancienne; l'armee de l'Europe entra
dans la capitale du monde; les drapeaux de vingt nations flotterent
deployes au milieu des fanfares sur nos places publiques; naguere ils
venaient aussi chez nous, mais ils changeaient de maitres en route.
Les chevaux des cosaques brouterent l'herbe des Tuileries. Voila ce
que nos yeux ont vu! Ceux d'entre nous qui etaient des hommes se
souviennent de leur indignation profonde; ceux d'entre nous qui
etaient des enfants se souviennent de leur etonnement douloureux.
L'humiliation etait poignante. La France courbait la tete dans le
sombre silence de Niobe. Elle venait de voir tomber, a quatre journees
de Paris, sur le dernier champ de bataille de l'empire, les veterans
jusque-la invincibles qui rappelaient au monde ces legions romaines
qu'a glorifiees Cesar et cette infanterie espagnole dont Bossuet a
parle. Ils etaient morts d'une mort sublime, ces vaincus heroiques,
et nul n'osait prononcer leurs noms. Tout se taisait; pas un cri de
regret; pas une parole de consolation. Il semblait qu'on eut peur du
courage et qu'on eut honte de la gloire.
Tout a coup, au milieu de ce silence, une voix s'eleva, une voix
inattendue, une voix inconnue, parlant a toutes les ames avec un
accent sympathique, pleine de foi pour la patrie et de religion pour
les heros. Cette voix honorait les vaincus, et disait:
Parmi des tourbillons de flamme et de fumee,
O douleur! quel spectacle a mes yeux vient s'offrir?
Le bataillon sacre, seul devant une armee,
S'arrete pour mourir!
Cette voix relevait la France abattue, et disait:
Malheureux de ses maux et fier de ses victoires,
Je depose a ses pieds ma joie et mes douleurs;
J'ai des chants pour toutes ses gloires,
Des larmes pour tous ses malheurs!
Qui pourrait dire l'inexprimable effet de ces douces et fieres
paroles? Ce fut dans toutes les ames un enthousiasme electrique et
puissant, dans toutes les bouches une acclamation fremissante qui
saisit ces nobles strophes au passage avec je ne sais quel melange de
colere et d'amour, et qui fit en un jour d'un jeune homme inconnu un
poete national. La France redressa la tete, et, a dater de ce moment,
en ce pays qui fait toujours marcher de front sa grandeur militaire
et sa grandeur litteraire, la renommee du poete se rattacha dans la
pensee de tous a la catastrophe meme, comme pour la voiler et
l'amoindrir. Disons-le, parce que c'est glorieux a dire, le lendemain
du jour ou la France inscrivit dans son histoire ce mot nouveau et
funebre, _Waterloo_, elle grava dans ses fastes ce nom jeune et
eclatant, _Casimir Delavigne_.
Oh! que c'est la un beau souvenir pour le genereux poete, et une
gloire digne d'envie! Quel homme de genie ne donnerait pas sa plus
belle oeuvre pour cet insigne honneur d'avoir fait battre alors d'un
mouvement de joie et d'orgueil le coeur de la France accablee et
desesperee? Aujourd'hui que la belle ame du poete a disparu derriere
l'horizon d'ou elle nous envoie encore tant de lumiere, rappelons-nous
avec attendrissement son aube si eblouissante et si pure. Qu'une
pieuse reconnaissance s'attache a jamais a cette noble poesie qui fut
une noble action! Qu'elle suive Casimir Delavigne, et qu'apres avoir
fait une couronne a sa vie, elle fasse une aureole a son tombeau!
Envions-le et aimons-le! Heureux le fils dont on peut dire: Il a
console sa mere! Heureux le poete dont on peut dire: Il a console la
patrie!


CHAMBRE DES PAIRS
1845-1848

I
LA POLOGNE

[Note: Dans la discussion du projet de loi relatif aux depenses
secretes M. de Montalembert vint plaider la cause de la Pologne et
adjurer le Gouvernement de sortir de sa politique egoiste. M. Guizot
repondit que le gouvernement du roi persistait et persisterait
dans les deux regles de conduite qu'il s'etait imposees: la
non-intervention dans les affaires de Pologne; les secours, l'asile
offert aux malheureux polonais. "L'opposition, disait M. Guizot, peut
tenir le langage qui lui plait; elle peut, sans rien faire, sans rien
proposer, donner a ses reproches toute l'amertume, a ses esperances
toute la latitude qui lui conviennent. Il y a, croyez-moi, bien
autant, et c'est par egard que je ne dis pas bien plus, de moralite,
de dignite, de vraie charite meme envers les polonais, a ne promettre
et a ne dire que ce qu'on fait reellement."--En somme, M. Guizot
tenait le debat engage pour inutile et ne pensait pas que la
discussion des droits de la Pologne, que l'expression du jugement de
la France pussent produire aucun effet heureux pour la reconstitution
de la nationalite polonaise. Le gouvernement francais, selon M.
Guizot, devait remplir son devoir de neutralite _en contenant, pour
obeir a l'interet legitime de son pays, les sentiments qui s'elevaient
aussi dans son ame_.--Apres M. le prince de la Moskowa qui repondit a
M. Guizot, M. Victor Hugo monta a la tribune. Ce discours, le premier
discours politique qu'ait prononce Victor Hugo, fut tres froidement
accueilli. (_Note de l'editeur_.)]

19 mars 1846.
Messieurs,
Je dirai tres peu de mots. Je cede a un sentiment irresistible qui
m'appelle a cette tribune.
La question qui se debat en ce moment devant cette noble assemblee
n'est pas une question ordinaire, elle depasse la portee habituelle
des questions politiques; elle reunit dans une commune et universelle
adhesion les dissidences les plus declarees, les opinions les plus
contraires, et l'on peut dire, sans craindre d'etre dementi, que
personne dans cette enceinte, personne, n'est etranger a ces nobles
emotions, a ces profondes sympathies.
D'ou vient ce sentiment unanime? Est-ce que vous ne sentez pas tous
qu'il y a une certaine grandeur dans la question qui s'agite? C'est la
civilisation meme qui est compromise, qui est offensee par certains
actes que nous avons vu s'accomplir dans un coin de l'Europe. Ces
actes, messieurs, je ne veux pas les qualifier, je n'envenimerai pas
une plaie vive et saignante. Cependant je le dis, et je le dis tres
haut, la civilisation europeenne recevrait une serieuse atteinte, si
aucune protestation ne s'elevait contre le procede du gouvernement
autrichien envers la Gallicie.
Deux nations entre toutes, depuis quatre siecles, ont joue dans la
civilisation europeenne un role desinteresse; ces deux nations sont la
France et la Pologne. Notez ceci, messieurs: la France dissipait les
tenebres, la Pologne repoussait la barbarie; la France repandait les
idees, la Pologne couvrait la frontiere. Le peuple francais a ete le
missionnaire de la civilisation en Europe; le peuple polonais en a ete
le chevalier.
Si le peuple polonais n'avait pas accompli son oeuvre, le peuple
francais n'aurait pas pu accomplir la sienne. A un certain jour, a
une certaine heure, devant une invasion formidable de la barbarie, la
Pologne a eu Sobieski comme la Grece avait eu Leonidas.
Ce sont la, messieurs, des faits qui ne peuvent s'effacer de la
memoire des nations. Quand un peuple a travaille pour les autres
peuples, il est comme un homme qui a travaille pour les autres hommes,
la reconnaissance de tous l'entoure, la sympathie de tous lui est
acquise, il est glorifie dans sa puissance, il est respecte dans son
malheur, et si, par la durete des temps, ce peuple, qui n'a jamais eu
l'egoisme pour loi, qui n'a jamais consulte que sa generosite, que
les nobles et puissants instincts qui le portaient a defendre la
civilisation, si ce peuple devient un petit peuple, il reste une
grande nation.
C'est la, messieurs, la destinee de la Pologne. Mais la Pologne,
messieurs les pairs, est grande encore parmi vous; elle est grande
dans les sympathies de la France; elle est grande dans les respects de
l'Europe! Pourquoi? C'est qu'elle a servi la communaute europeenne;
c'est qu'a certains jours, elle a rendu a toute l'Europe de ces
services qui ne s'oublient pas.
Aussi, lorsque, il y a quatrevingts ans, cette nation a ete rayee du
nombre des nations, un sentiment douloureux, un sentiment de profond
respect s'est manifeste dans l'Europe entiere.
En 1773, la Pologne est condamnee; quatrevingts ans ont passe, et
personne ne pourrait dire que ce fait soit accompli. Au bout de
quatrevingts ans, ce grave fait de la radiation d'un peuple, non, ce
n'est point un fait accompli! Avoir demembre la Pologne, c'etait le
remords de Frederic II; n'avoir pas releve la Pologne, c'etait le
regret de Napoleon.
Je le repete, lorsqu'une nation a rendu au groupe des autres nations
de ces services eclatants, elle ne peut plus disparaitre; elle vit,
elle vit a jamais! Opprimee ou heureuse, elle rencontre la sympathie;
elle la trouve toutes les fois qu'elle se leve.
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