Actes et Paroles, Volume 1 - 20

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plus de revolutions nouvelles. Je dis que, de meme que tout le monde
a tout a gagner au progres, personne n'a plus rien a gagner aux
revolutions. (_Vive et profonde adhesion._)
Ah! il faut que ceci soit clair pour tous les esprits! il est temps
d'en finir avec ces eternelles declamations qui servent de pretexte
a toutes les entreprises contre nos droits, contre le suffrage
universel, contre la liberte de la presse, et meme, temoin certaines
applications du reglement, contre la liberte de la tribune. Quant a
moi, je ne me lasserai jamais de le repeter, et j'en saisirai toutes
les occasions, dans l'etat ou est aujourd'hui la question politique,
s'il y a des revolutionnaires dans l'assemblee, ce n'est pas de ce
cote. (_L'orateur montre la gauche_.)
Il est des verites sur lesquelles il faut toujours insister et qu'on
ne saurait remettre trop souvent sous les yeux du pays; a l'heure
ou nous sommes, les anarchistes, ce sont les absolutistes; les
revolutionnaires, ce sont les reactionnaires! (_Oui! oui! a
gauche.--Une inexprimable agitation regne dans l'assemblee._)
Quant a nos adversaires jesuites, quant a ces zelateurs
de l'inquisition, quant a ces terroristes de l'eglise
(_applaudissements_), qui ont pour tout argument d'objecter 93 aux
hommes de 1850, voici ce que j'ai a leur dire:
Cessez de nous jeter a la tete la terreur et ces temps ou l'on disait:
Divin coeur de Marat! divin coeur de Jesus! Nous ne confondons pas
plus Jesus avec Marat que nous ne le confondons avec vous! Nous ne
confondons pas plus la Liberte avec la Terreur que nous ne confondons
le christianisme avec la societe de Loyola; que nous ne confondons la
croix du Dieu-agneau et du Dieu-colombe avec la sinistre banniere de
saint Dominique; que nous ne confondons le divin supplicie du Golgotha
avec les bourreaux des Cevennes et de la Saint-Barthelemy, avec les
dresseurs de gibets de la Hongrie, de la Sicile et de la Lombardie
(_agitation_); que nous ne confondons la religion, notre religion de
paix et d'amour, avec cette abominable secte, partout deguisee et
partout devoilee, qui, apres avoir preche le meurtre des rois, preche
l'oppression des nations (_Bravo! bravo!_); qui assortit ses infamies
aux epoques qu'elle traverse, faisant aujourd'hui par la calomnie ce
qu'elle ne peut plus faire par le bucher, assassinant les renommees
parce qu'elle ne peut bruler les hommes, diffamant le siecle parce
qu'elle ne peut plus decimer le peuple, odieuse ecole de despotisme,
de sacrilege et d'hypocrisie, qui dit beatement des choses horribles,
qui mele des maximes de mort a l'evangile et qui empoisonne le
benitier! (_Mouvement prolonge.--Une voix a droite: Envoyez l'orateur
a Bicetre!_)
Messieurs, reflechissez dans votre patriotisme, reflechissez dans
votre raison. Je m'adresse en ce moment a cette majorite vraie, qui
s'est plus d'une fois fait jour sous la fausse majorite, a cette
majorite qui n'a pas voulu de la citadelle ni de la retroactivite dans
la loi de deportation, a cette majorite qui vient de mettre a neant la
loi des maires. C'est a cette majorite qui peut sauver le pays que je
parle. Je ne cherche pas a convaincre ici ces theoriciens du pouvoir
qui l'exagerent, et qui, en l'exagerant, le compromettent, qui font de
la provocation en artistes, pour avoir le plaisir de faire ensuite de
la compression (_rires et bravos_); et qui, parce qu'ils ont arrache
quelques peupliers du pave de Paris, s'imaginent etre de force a
deraciner la presse du coeur du peuple! (_Bravo! bravo!_)
Je ne cherche pas a convaincre ces hommes d'etat du passe, infiltres
depuis trente ans de tous les vieux virus de la politique, ni ces
personnages fervents qui excommunient la presse en masse, qui ne
daignent meme pas distinguer la bonne de la mauvaise, et qui affirment
que le meilleur des journaux ne vaut pas le pire des predicateurs.
(_Rires._)
Non, je me detourne de ces esprits extremes et fermes. C'est vous que
j'adjure, vous legislateurs nes du suffrage universel, et qui, malgre
la funeste loi recemment votee, sentez la majeste de votre origine, et
je vous conjure de reconnaitre et de proclamer par un vote solennel,
par un vote qui sera un arret, la puissance et la saintete de la
pensee. Dans cette tentative contre la presse, tout le peril est pour
la societe. (_Oui! oui!_) Quel coup pretend-on porter aux idees
avec une telle loi, et que leur veut-on? Les comprimer? Elles sont
incompressibles. Les circonscrire? Elles sont infinies. Les etouffer?
Elles sont immortelles. (_Longue sensation._) Oui! elles sont
immortelles! Un orateur de ce cote l'a nie un jour, vous vous en
souvenez, dans un discours ou il me repondait; il s'est ecrie que ce
n'etaient pas les idees qui etaient immortelles, que c'etaient les
dogmes, parce que les idees sont humaines, disait-il, et que les
dogmes sont divins. Ah! les idees aussi sont divines! et, n'en
deplaise a l'orateur clerical.... (_Violente interruption a
droite.--M. de Montalembert s'agite._)
A DROITE.--A l'ordre! c'est intolerable. (_Cris._)
M. LE PRESIDENT.--Est-ce que vous pretendez que M. de Montalembert
n'est pas representant au meme titre que vous? (_Bruit._) Les
personnalites sont defendues.
UNE VOIX A GAUCHE.--M. le president s'est reveille.
M. CHARRAS.--Il ne dort que lorsqu'on attaque la revolution.
UNE VOIX A GAUCHE.--Vous laissez insulter la republique!
M. LE PRESIDENT.--La republique ne souffre pas et ne se plaint pas.
M. VICTOR HUGO.--Je n'ai pas suppose un instant, messieurs, que cette
qualification put sembler une injure a l'honorable orateur auquel
je l'adressais. Si elle lui semble une injure, je m'empresse de la
retirer.
M. LE PRESIDENT.--Elle m'a paru inconvenante.
(_M. de Montalembert se leve pour repondre._)
VOIX A DROITE.--Parlez! parlez!
A GAUCHE.--Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Victor Hugo!
M. LE PRESIDENT.--Monsieur de Montalembert, laissez achever le
discours; n'interrompez pas. Vous parlerez apres.
VOIX A DROITE.--Parlez! parlez!
VOIX A GAUCHE.--Non! non!
M. LE PRESIDENT, _a M. Victor Hugo_.--Consentez-vous a laisser parler
M. de Montalembert?
M. VICTOR HUGO.--J'y consens.
M. LE PRESIDENT.--M. Victor Hugo y consent.
M. CHARRAS, _et autres membres_.--A la tribune!
M. LE PRESIDENT.--Il est en face de vous!
M. DE MONTALEMBERT, _de sa place_.--J'accepte pour moi, monsieur le
president, ce que vous disiez tout a l'heure de la republique. A
travers tout ce discours, dirige surtout contre moi, je ne souffre de
rien et ne me plains de rien. (_Approbation a droite.--Reclamations a
gauche._)
M. VICTOR HUGO.--L'honorable M. de Montalembert se trompe quand il
suppose que c'est a lui que s'adresse ce discours. Ce n'est pas a lui
personnellement que je m'adresse; mais, je n'hesite pas a le dire,
c'est a son parti; et quant a son parti, puisqu'il me provoque
lui-meme a cette explication, il faut bien que je le lui dise....
(_Rires bruyants a droite._)
M. PISCATORY.--Il n'a pas provoque.
M. LE PRESIDENT.--Il n'a pas provoque du tout.
M. VICTOR HUGO.--Vous ne voulez donc pas que je reponde?.... (_A
gauche: Non! ils ne veulent pas! c'est leur tactique._)
M. VICTOR HUGO.--Combien avez-vous de poids et de mesures?
Voulez-vous, oui ou non, que je reponde? (_Parlez!_) Eh! bien, alors,
ecoutez!
VOIX DIVERSES A DROITE.--On ne vous a rien dit, et nous ne voulons pas
que vous disiez qu'on vous a provoque.
A GAUCHE.--Si! si! parlez, monsieur Victor Hugo!
M. VICTOR HUGO.--Non, je n'apercois pas M. de Montalembert au milieu
des dangers de ma patrie, j'apercois son parti tout au plus; et, quant
a son parti, puisqu'il veut que je le lui dise, il faut bien qu'il
sache.... (_Interruption a droite._)
QUELQUES VOIX A DROITE.--Il ne vous l'a pas demande.
M. VICTOR HUGO.--Puisqu'il veut que je le lui dise, il faut bien qu'il
sache.... (_Nouvelle interruptions._)
M. LE PRESIDENT.--M. de Montalembert n'a rien demande, vous n'avez
donc rien a repondre!
A GAUCHE.--Les voila qui reculent maintenant! ils ont peur que vous ne
repondiez. Parlez!
M. VICTOR HUGO.--Comment! je consens a etre interrompu, et vous ne me
laissez pas repondre? Mais c'est un abus de majorite, et rien de plus.
Que m'a dit M. de Montalembert? Que c'etait contre lui que je parlais.
(_Interruption a droite_.)
Eh bien! je lui reponds, j'ai le droit de lui repondre, et vous, vous
avez le devoir de m'ecouter.
VOIX A DROITE.--Comment donc!
M. VICTOR HUGO.--Sans aucun doute, c'est votre devoir. (_Marques
d'assentiment de tous les cotes_.)
J'ai le droit de lui repondre que ce n'est pas a lui que je
m'adressais, mais a son parti; et, quant a son parti, il faut bien
qu'il le sache, les temps ou il pouvait etre un danger public sont
passes.
VOIX A DROITE.--Eh bien! alors, laissez-le tranquille.
M. LE PRESIDENT, _a l'orateur_.--Vous n'etes plus du tout dans la
discussion de la loi.
UN MEMBRE A L'EXTREME GAUCHE.--Le president trouble l'orateur.
M. LE PRESIDENT.--Le president fait ce qu'il peut pour ramener
l'orateur a la question. (_Vives denegations a gauche_.)
M. VICTOR HUGO.--C'est une oppression! La majorite m'a invite a
repondre; veut-elle, oui ou non, que je reponde? (_Parlez donc!_) Ce
serait deja fait.
Il m'est impossible d'accepter la question posee ainsi. Que j'aie
fait un discours contre M. de Montalembert, non. Je veux et je dois
expliquer que ce n'est pas contre M. de Montalembert que j'ai parle,
mais contre son parti.
Maintenant, je dois dire, puisque j'y suis provoque....
A DROITE.--Non! non!--A GAUCHE.--Si! si!
M. VICTOR HUGO.--Je dois dire, puisque j'y suis provoque....
A DROITE.--Non! non!--A GAUCHE.--Si! si!
M. LE PRESIDENT, _s'adressant a la droite_.--Ca ne finira pas! Il est
evident que c'est vous qui etes dans ce moment-ci les indisciplinables
de l'assemblee. Vous etes intolerables de ce cote-ci maintenant.
PLUSIEURS MEMBRES A DROITE.--Non! non!
M. VICTOR HUGO, _s'adressant a la droite_.--Exigez-vous, oui ou non,
que je reste sous le coup d'une inculpation de M. de Montalembert?
A DROITE.--Il n'a rien dit!
M. VICTOR HUGO.--Je repete pour la troisieme, pour la quatrieme fois
que je ne veux pas accepter cette situation que M. de Montalembert
veut me faire. Si vous voulez m'empecher, de force, de repondre, il le
faudra bien, je subirai la violence et je descendrai de cette tribune;
mais autrement, vous devez me laisser m'expliquer, et ce n'est pas une
minute de plus ou de moins qui importe.
Eh bien! j'ai dit a M. de Montalembert que ce n'etait pas a lui que
je m'adressais, mais a son parti. Et quant a ce parti.... (_Nouvelle
interruption a droite._)--Vous tairez-vous?
(_Le silence se retablit. L'orateur reprend:_)
Et quant au parti jesuite, puisque je suis provoque a m'expliquer sur
son compte (_bruit a droite_); quant a ce parti qui, a l'insu meme de
la reaction, est aujourd'hui l'ame de la reaction; a ce parti aux
yeux duquel la pensee est une contravention, la lecture un delit,
l'ecriture un crime, l'imprimerie un attentat (_bruit_)! quant a ce
parti qui ne comprend rien a ce siecle, dont il n'est pas; qui
appelle aujourd'hui la fiscalite sur notre presse, la censure sur nos
theatres, l'anatheme sur nos livres, la reprobation sur nos idees, la
repression sur nos progres, et qui, en d'autres temps, eut appele
la proscription sur nos tetes (_C'est cela! bravo!_), a ce parti
d'absolutisme, d'immobilite, d'imbecillite, de silence, de tenebres,
d'abrutissement monacal; a ce parti qui reve pour la France, non
l'avenir de la France, mais, le passe de l'Espagne; il a beau rappeler
complaisamment ses titres historiques a l'execration des hommes; il a
beau remettre a neuf ses vieilles doctrines rouillees de sang humain;
il a beau etre parfaitement capable de tous les guet-apens sur tout ce
qui est la justice et le droit; il a beau etre le parti qui a toujours
fait les besognes souterraines et qui a toujours accepte dans tous les
temps et sur tous les echafauds la fonction de bourreau masque; il a
beau se glisser traitreusement dans notre gouvernement, dans notre
diplomatie, dans nos ecoles, dans notre urne electorale, dans nos
lois, dans toutes nos lois, et en particulier dans celle qui nous
occupe; il a beau etre tout cela et faire tout cela, qu'il le
sache bien, et je m'etonne d'avoir pu moi-meme croire un moment le
contraire, oui, qu'il le sache bien, les temps ou il pouvait etre un
danger public sont passes! (_Oui! oui!_).
Oui, enerve comme il l'est, reduit a la ressource des petits hommes
et a la misere des petits moyens, oblige d'user pour nous attaq
de cette liberte de la presse qu'il voudrait tuer, et qui le tue
(_applaudissements_)! heretique lui-meme dans les moyens qu'il
emploie, condamne a s'appuyer, dans la politique, sur des voltairiens
qui le raillent, et dans la banque sur des juifs qu'il brulerait de si
bon coeur (_explosion de rire et d'applaudissements_)! balbutiant en
plein dix-neuvieme siecle son infame eloge de l'inquisition, au milieu
des haussements d'epaules et des eclats de rire, le parti jesuite ne
peut plus etre parmi nous qu'un objet d'etonnement, un accident, un
phenomene, une curiosite (_rires_), un miracle, si c'est la le mot qui
lui plait (_rire universel_), quelque chose d'etrange et de hideux
comme une orfraie qui volerait en plein midi (_vive sensation_), rien
de plus. Il fait horreur, soit; mais il ne fait pas peur! Qu'il sache
cela, et qu'il soit modeste! Non, il ne fait pas peur! Non, nous ne
le craignons pas! Non, le parti jesuite n'egorgera pas la liberte, il
fait trop grand jour pour cela. (_Longs applaudissements._)
Ce que nous craignons, ce dont nous tremblons, ce qui nous fait peur,
c'est le jeu redoutable que joue le gouvernement, qui n'a pas les
memes interets que ce parti et qui le sert, et qui emploie contre les
tendances de la societe toutes les forces de la societe.
Messieurs, au moment de voter sur ce projet insense, considerez ceci.
Tout, aujourd'hui, les arts, les sciences, les lettres, la
philosophie, la politique, les royaumes qui se font republiques, les
nations qui tendent a se changer en familles, les hommes d'instinct,
les hommes de foi, les hommes de genie, les masses, tout aujourd'hui
va dans le meme sens, au meme but, par la meme route, avec une vitesse
sans cesse accrue, avec une sorte d'harmonie terrible qui revele
l'impulsion directe de Dieu. (_Sensation._)
Le mouvement au dix-neuvieme siecle, dans ce grand dix-neuvieme
siecle, n'est pas seulement le mouvement d'un peuple, c'est le
mouvement de tous les peuples. La France va devant, et les nations la
suivent. La providence nous dit: Allez! et sait ou nous allons.
Nous passons du vieux monde au monde nouveau. Ah! nos gouvernants, ah!
ceux qui revent d'arreter l'humanite dans sa marche et de barrer le
chemin a la civilisation, ont-ils bien reflechi a ce qu'ils font? Se
sont-ils rendu compte de la catastrophe qu'ils peuvent amener, de
l'effroyable Fampoux [Note: On se rappelle la catastrophe de chemin
de fer a Fampoux.] social qu'ils preparent, quand, au milieu du plus
prodigieux mouvement d'idees qui ait encore emporte le genre humain,
au moment ou l'immense et majestueux convoi passe a toute vapeur, ils
viennent furtivement, chetivement, miserablement mettre de pareilles
lois dans les roues de la presse, cette formidable locomotive de la
pensee universelle! (_Profonde emotion._)
Messieurs, croyez-moi, ne nous donnez pas le spectacle de la lutte des
lois contre les idees. (_Bravo! a gauche.--Une voix a droite: Et ce
discours coutera 25 francs a la France!_)
Et, a ce propos, comme il faut que vous connaissiez pleinement quelle
est la force a laquelle s'attaque et se heurte le projet de loi, comme
il faut que vous puissiez juger des chances de succes que peut avoir,
dans ses entreprises contre la liberte, le parti de la peur,--car il y
a en France et en Europe un parti de la peur (_sensation_), c'est
lui qui inspire la politique de compression, et, quant a moi, je ne
demande pas mieux que de n'avoir pas a le confondre avec le parti de
l'ordre,--comme il faut que vous sachiez ou l'on vous mene, a
quel duel impossible on vous entraine, et contre quel adversaire,
permettez-moi un dernier mot.
Messieurs, dans la crise que nous traversons, crise salutaire, apres
tout, et qui se denouera bien, c'est ma conviction, on s'ecrie de
tous les cotes: Le desordre moral est immense, le peril social est
imminent.
On cherche autour de soi avec anxiete, on se regarde, et l'on se
demande:
Qui est-ce qui fait tout ce ravage? Qui est-ce qui fait tout le mal?
quel est le coupable? qui faut-il punir? qui faut-il frapper?
Le parti de la peur, en Europe, dit: C'est la France. En France, il
dit: C'est Paris. A Paris, il dit: C'est la presse. L'homme froid qui
observe et qui pense dit: Le coupable, ce n'est pas la presse, ce
n'est pas Paris, ce n'est pas la France; le coupable, c'est l'esprit
humain! (_Mouvement._)
C'est l'esprit humain. L'esprit humain qui a fait les nations ce
qu'elles sont; qui, depuis l'origine des choses, scrute, examine,
discute, debat, doute, contredit, approfondit, affirme et poursuit
sans relache la solution du probleme eternellement pose a la creature
par le createur. C'est l'esprit humain qui, sans cesse persecute,
combattu, comprime, refoule, ne disparait que pour reparaitre, et,
passant d'une besogne a l'autre, prend successivement de siecle en
siecle la figure de tous les grands agitateurs! C'est l'esprit humain
qui s'est nomme Jean Huss, et qui n'est pas mort sur le bucher de
Constance (_Bravo!_); qui s'est nomme Luther, et qui a ebranle
l'orthodoxie; qui s'est nomme Voltaire, et qui a ebranle la foi;
qui s'est nomme Mirabeau, et qui a ebranle la royaute! (_Longue
sensation._) C'est l'esprit humain qui, depuis que l'histoire existe,
a transforme les societes et les gouvernements selon une loi de
plus en plus acceptable par la raison, qui a ete la theocratie,
l'aristocratie, la monarchie, et qui est aujourd'hui la democratie.
(_Applaudissements._) C'est l'esprit humain qui a ete Babylone, Tyr,
Jerusalem, Athenes, Rome, et qui est aujourd'hui Paris; qui a ete
tour a tour, et quelquefois tout ensemble, erreur, illusion, heresie,
schisme, protestation, verite; c'est l'esprit humain qui est le grand
pasteur des generations, et qui, en somme, a toujours marche vers le
juste, le beau et le vrai, eclairant les multitudes, agrandissant les
ames, dressant de plus en plus la tete du peuple vers le droit et la
tete de l'homme vers Dieu. (_Explosion de bravos._)
Eh bien! je m'adresse au parti de la peur, non dans cette chambre,
mais partout ou il est en Europe, et je lui dis: Regardez bien ce que
vous voulez faire; reflechissez a l'oeuvre que vous entreprenez, et,
avant de la tenter, mesurez-la. Je suppose que vous reussissiez.
Quand vous aurez detruit la presse, il vous restera quelque chose a
detruire, Paris. Quand vous aurez detruit Paris, il vous restera
quelque chose a detruire, la France. Quand vous aurez detruit la
France, il vous restera quelque chose a tuer, l'esprit humain.
(_Mouvement prolonge_.)
Oui, je le dis, que le grand parti europeen de la peur mesure
l'immensite de la tache que, dans son heroisme, il veut se donner.
(_Rires et bravos_.) Il aurait aneanti la presse jusqu'au dernier
journal, Paris jusqu'au dernier pave, la France jusqu'au dernier
hameau, il n'aurait rien fait. (_Mouvement_.) Il lui resterait encore
a detruire quelque chose qui est toujours debout, au-dessus des
generations et en quelque sorte entre l'homme et Dieu, quelque chose
qui a ecrit tous les livres, invente tous les arts, decouvert tous
les mondes, fonde toutes les civilisations; quelque chose qui reprend
toujours, sous la forme revolution, ce qu'on lui refuse sous la forme
progres; quelque chose qui est insaisissable comme la lumiere et
inaccessible comme le soleil, et qui s'appelle l'esprit humain!
(_Acclamations prolongees_.)
(_Un grand nombre de membres de la gauche quittent leurs places et
viennent feliciter l'orateur. La seance est suspendue._)

IX
REVISION DE LA CONSTITUTION

[Note: M. Louis Bonaparte, voulant se perpetuer, proposait la revision
de la constitution. M. Victor Hugo la combattit.
Ce discours fut prononce apres la belle harangue de M. Michel (de
Bourges) sur la meme question.
Les debats semblaient epuises par le discours du representant du
Cher; M. Victor Hugo les ranima en imprimant un nouveau tour a la
discussion. M. Michel (de Bourges) avait use de menagements infinis;
il avait ete ecoute avec calme. M. Victor Hugo, laissant de cote les
precautions oratoires, entra dans le vif de la question. Il attaqua la
reaction de face. Apres lui, la discussion, detournee de son terrain
par M. Baroche, fut close.
La proposition de revision fut rejetee. (_Note de l'editeur._)]

17 juillet 1851.
M. Victor Hugo (_profond silence_).--Messieurs, avant d'accepter ce
debat, il m'est impossible de ne pas renouveler les reserves deja
faites par d'autres orateurs. Dans la situation actuelle, la loi du
31 mai etant debout, plus de quatre millions d'electeurs etant
rayes,--resultat que je ne veux pas qualifier a cette tribune, car
tout ce que je dirais serait trop faible pour moi et trop fort pour
vous, mais qui finira, nous l'esperons, par inquieter, par eclairer
votre sagesse,--le suffrage universel, toujours vivant de droit, etant
supprime de fait, nous ne pouvons que dire aux auteurs des diverses
propositions qui investissent en ce moment la tribune:
Que nous voulez-vous?
Quelle est la question?
Que demandez-vous?
La revision de la constitution?
Par qui?
Par le souverain!
Ou est-il?
Nous ne le voyons pas. Qu'en a-t-on fait? (_Mouvement._)
Quoi! une constitution a ete faite par le suffrage universel, et vous
voulez la faire defaire par le suffrage restreint!
Quoi! ce qui a ete edifie par la nation souveraine, vous voulez le
faire renverser par une fraction privilegiee!
Quoi! cette fiction d'un pays legal, temerairement pose en face de la
majestueuse realite du peuple souverain, cette fiction chetive, cette
fiction fatale, vous voulez la retablir, vous voulez la restaurer,
vous voulez vous y confier de nouveau!
Un pays legal, avant 1848, c'etait imprudent. Apres 1848, c'est
insense! (_Sensation._)
Et puis, un mot.
Quel peut etre, dans la situation presente, tant que la loi du 31 mai
n'est pas abrogee, purement et simplement abrogee, entendez-vous bien,
ainsi que toutes les autres lois de meme nature et de meme portee qui
lui font cortege et qui lui pretent main-forte, loi du colportage, loi
contre le droit de reunion, loi contre la liberte de la presse,--quel
peut etre le succes de vos propositions?
Qu'en attendez-vous?
Qu'en esperez-vous?
Quoi! c'est avec la certitude d'echouer devant le chiffre immuable de
la minorite, gardienne inflexible de la souverainete du peuple, de la
minorite, cette fois constitutionnellement souveraine et investie
de tous les droits de la majorite, de la minorite, pour mieux dire,
devenue elle-meme majorite! quoi! c'est sans aucun but realisable
devant les yeux, car personne ne suppose la violation de l'article
111, personne ne suppose le crime ... (_mouvements divers_) quoi!
c'est sans aucun resultat parlementaire possible que vous, qui vous
dites des hommes pratiques, des hommes positifs, des hommes serieux,
qui faites a votre modestie cette violence de vous decerner a
vous-memes, et a vous seuls, le titre d'hommes d'etat; c'est sans
aucun resultat parlementaire possible, je le repete, que vous vous
obstinez a un debat si orageux et si redoutable! Pourquoi? pour les
orages du debat! (_Bravo! bravo!_) Pour agiter la France, pour faire
bouillonner les masses, pour reveiller les coleres, pour paralyser
les affaires, pour multiplier les faillites, pour tuer le commerce et
l'industrie! Pour le plaisir! (_Profonde sensation._)
Fort bien! le parti de l'ordre a la fantaisie de faire du desordre,
c'est un caprice qu'il se passe. Il est le gouvernement, il a la
majorite dans l'assemblee, il lui plait de troubler le pays, il veut
quereller, il veut discuter, il est le maitre!
Soit! Nous protestons; c'est du temps perdu, un temps precieux; c'est
la paix publique gravement troublee. Mais puisque cela vous plait,
puisque vous le voulez, que la faute retombe sur qui s'obstine a la
commettre. Soit, discutons.
J'entre immediatement dans le debat. (_Rumeur a droite. Cris: La
cloture! M. Mole, assis au fond de la salle, se leve, traverse tout
l'hemicycle, fait signe a la droite, et sort. On ne le suit pas. Il
rentre. On rit a gauche. L'orateur continue._)
Messieurs, je commence par le declarer, quelles que soient les
protestations de l'honorable M. de Falloux, les protestations de
l'honorable M. Berryer, les protestations de l'honorable M. de
Broglie, quelles que soient ces protestations tardives, qui ne peuvent
suffire pour effacer tout ce qui a ete dit, ecrit et fait depuis deux
ans,--je le declare, a mes yeux, et, je le dis sans crainte d'etre
dementi, aux yeux de la plupart des membres qui siegent de ce cote
(_l'orateur designe la gauche_), votre attaque contre la republique
francaise est une attaque contre la revolution francaise!
Contre la revolution francaise tout entiere, entendez-vous bien;
depuis la premiere heure qui a sonne en 1789 jusqu'a l'heure ou nous
sommes! (_A gauche: Oui! oui! c'est cela!_)
Nous ne distinguons pas, nous. A moins qu'il n'y ait pas de logique au
monde, la revolution et la republique sont indivisibles. L'une est
la mere, l'autre est la fille. L'une est le mouvement humain qui se
manifeste, l'autre est le mouvement humain qui se fixe. La republique,
c'est la revolution fondee. (_Vive approbation._).
Vous vous debattez vainement contre ces realites; on ne separe pas 89
de la republique, on ne separe pas l'aube du soleil. (_Interruption
a droite.--Bravos a gauche._) Nous n'acceptons donc pas vos
protestations. Votre attaque contre la republique, nous la tenons pour
une attaque contre la revolution, et c'est ainsi, quant a moi, que
j'entends la qualifier a la face du pays. Non, nous ne prenons pas le
change! Je ne sais pas si, comme on l'a dit, il y a des masques dans
cette enceinte [note: Mot de M. de Morny.], mais j'affirme qu'il n'y
aura pas de dupes! (_Rumeurs a droite._)
Cela dit, j'aborde la question.
Messieurs, en admettant que les choses, depuis 1848, eussent suivi
un cours naturel et regulier dans le sens vrai et pacifique de la
democratie s'elargissant de jour en jour et du progres, apres trois
annees d'essai loyal de la constitution, j'aurais compris qu'on dit:
--La constitution est incomplete. Elle fait timidement ce qu'il
fallait faire resolument. Elle est pleine de restrictions et de
definitions obscures. Elle ne declare aucune liberte entiere. Elle n'a
fait faire, en matiere penale, de progres qu'a la penalite politique
elle n'a aboli qu'une moitie de la peine de mort. Elle contient en
germe les empietements du pouvoir executif, la censure pour certains
travaux de l'esprit, la police entravant le penseur et genant le
citoyen. Elle ne degage pas nettement la liberte individuelle. Elle
ne degage pas nettement la liberte de l'industrie. (_A gauche: C'est
cela!--Murmures a droite._)
Elle a maintenu la magistrature inamovible et nommee par le pouvoir
executif, c'est-a-dire la justice sans racines dans le peuple.
(_Rumeurs a droite._)
Que signifient ces murmures? Comment! vous discutez la republique,
et nous ne pourrions pas discuter la magistrature! Vous discutez le
peuple, vous discutez le superieur, et nous ne pourrions pas discuter
l'inferieur! vous discutez le souverain, nous ne pourrions pas
discuter le juge!
M. LE PRESIDENT.--Je fais remarquer que ce qui est permis cette
semaine ne le sera pas la semaine prochaine; mais c'est la semaine de
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