Actes et Paroles, Volume 1 - 01

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OEUVRES COMPLETES DE VICTOR HUGO

ACTES ET PAROLES I


LE DROIT ET LA LOI

I
Toute l'eloquence humaine dans toutes les assemblees de tous les
peuples et de tous les temps peut se resumer en ceci: la querelle du
droit contre la loi. Cette querelle, et c'est la tout le phenomene du
progres, tend de plus en plus a decroitre. Le jour ou elle cessera, la
civilisation touchera a son apogee, la jonction sera faite entre ce
qui doit etre et ce qui est, la tribune politique se transformera en
tribune scientifique; fin des surprises, fin des calamites et des
catastrophes; on aura double le cap des tempetes; il n'y aura
pour ainsi dire plus d'evenements; la societe se developpera
majestueusement selon la nature; la quantite d'eternite possible a la
terre se melera aux faits humains et les apaisera.
Plus de disputes, plus de fictions, plus de parasitismes; ce sera le
regne paisible de l'incontestable; on ne fera plus les lois, on les
constatera; les lois seront des axiomes, on ne met pas aux voix deux
et deux font quatre, le binome de Newton ne depend pas d'une majorite,
il y a une geometrie sociale; on sera gouverne par l'evidence; le code
sera honnete, direct, clair; ce n'est pas pour rien qu'on appelle la
vertu la droiture; cette rigidite fait partie de la liberte; elle
n'exclut en rien l'inspiration, les souffles et les rayons sont
rectilignes. L'humanite a deux poles, le vrai et le beau; elle sera
regie, dans l'un par l'exact, dans l'autre par l'ideal. Grace a
l'instruction substituee a la guerre, le suffrage universel arrivera a
ce degre de discernement qu'il saura choisir les esprits; on aura pour
parlement le concile permanent des intelligences; l'institut sera le
senat. La Convention, en creant l'institut, avait la vision, confuse,
mais profonde, de l'avenir.
Cette societe de l'avenir sera superbe et tranquille. Aux batailles
succederont les decouvertes; les peuples ne conquerront plus, ils
grandiront et s'eclaireront; on ne sera plus des guerriers, on sera
des travailleurs; on trouvera, on construira, on inventera; exterminer
ne sera plus une gloire. Ce sera le remplacement des tueurs par les
createurs. La civilisation qui etait toute d'action sera toute de
pensee; la vie publique se composera de l'etude du vrai et de la
production du beau; les chefs-d'oeuvre seront les incidents; on sera
plus emu d'une Iliade que d'un Austerlitz. Les frontieres s'effaceront
sous la lumiere des esprits. La Grece etait tres petite, notre
presqu'ile du Finistere, superposee a la Grece, la couvrirait; la
Grece etait immense pourtant, immense par Homere, par Eschyle, par
Phidias et par Socrate. Ces quatre hommes sont quatre mondes. La Grece
les eut; de la sa grandeur. L'envergure d'un peuple se mesure a son
rayonnement. La Siberie, cette geante, est une naine; la colossale
Afrique existe a peine. Une ville, Rome, a ete l'egale de l'univers;
qui lui parlait parlait a toute la terre. _Urbi et orbi_.
Cette grandeur, la France l'a, et l'aura de plus en plus. La France a
cela d'admirable qu'elle est destinee a mourir, mais a mourir comme
les dieux, par la transfiguration. La France deviendra Europe.
Certains peuples finissent par la sublimation comme Hercule ou par
l'ascension comme Jesus-Christ. On pourrait dire qu'a un moment donne
un peuple entre en constellation; les autres peuples, astres de
deuxieme grandeur, se groupent autour de lui, et c'est ainsi
qu'Athenes, Rome et Paris sont pleiades. Lois immenses. La Grece s'est
transfiguree, et est devenue le monde paien; Rome s'est transfiguree,
et est devenue le monde chretien; la France se transfigurera et
deviendra le monde humain. La revolution de France s'appellera
l'evolution des peuples. Pourquoi? Parce que la France le merite;
parce qu'elle manque d'egoisme, parce qu'elle ne travaille pas pour
elle seule, parce qu'elle est creatrice d'esperances universelles,
parce qu'elle represente toute la bonne volonte humaine, parce que la
ou les autres nations sont seulement des soeurs, elle est mere. Cette
maternite de la genereuse France eclate dans tous les phenomenes
sociaux de ce temps; les autres peuples lui font ses malheurs, elle
leur fait leurs idees. Sa revolution n'est pas locale, elle est
generale; elle n'est pas limitee, elle est indefinie et infinie. La
France restaure en toute chose la notion primitive, la notion vraie.
Dans la philosophie elle retablit la logique, dans l'art elle retablit
la nature, dans la loi elle retablit le droit.
L'oeuvre est-elle achevee? Non, certes. On ne fait encore qu'entrevoir
la plage lumineuse et lointaine, l'arrivee, l'avenir.
En attendant on lutte.
Lutte laborieuse.
D'un cote l'ideal, de l'autre l'incomplet.
Avant d'aller plus loin, placons ici un mot, qui eclaire tout ce que
nous allons dire, et qui va meme au dela.
La vie et le droit sont le meme phenomene. Leur superposition est
etroite.
Qu'on jette les yeux sur les etres crees, la quantite de droit est
adequate a la quantite de vie.
De la, la grandeur de toutes les questions qui se rattachent a cette
notion, le Droit.

II
Le droit et la loi, telles sont les deux forces; de leur accord nait
l'ordre, de leur antagonisme naissent les catastrophes. Le droit
parle et commande du sommet des verites, la loi replique du fond des
realites; le droit se meut dans le juste, la loi se meut dans le
possible; le droit est divin, la loi est terrestre. Ainsi, la liberte,
c'est le droit; la societe, c'est la loi. De la deux tribunes; l'une
ou sont les hommes del'idee, l'autre ou sont les hommes du fait; l'une
qui est l'absolu, l'autre qui est le relatif. De ces deux tribunes, la
premiere est necessaire, la seconde est utile. De l'une a l'autre il
y a la fluctuation des consciences. L'harmonie n'est pas faite encore
entre ces deux puissances, l'une immuable, l'autre variable, l'une
sereine, l'autre passionnee. La loi decoule du droit, mais comme le
fleuve decoule de la source, acceptant toutes les torsions et toutes
les impuretes des rives. Souvent lapratique contredit la regle,
souvent le corollaire trahit le principe, souvent l'effet desobeit a
la cause; telle est la fatale condition humaine. Le droit et la loi
contestent sans cesse; et de leur debat, frequemment orageux, sortent,
tantot les tenebres, tantot la lumiere. Dans le langage parlementaire
moderne, on pourrait dire: le droit, chambre haute; la loi, chambre
basse.
L'inviolabilite de la vie humaine, la liberte, la paix, rien
d'indissoluble, rien d'irrevocable, rien d'irreparable; tel est le
droit.
L'echafaud, le glaive et le sceptre, la guerre, toutes les varietes de
joug, depuis le mariage sans le divorce dans la famille jusqu'a l'etat
de siege dans la cite; telle est la loi.
Le droit: aller et venir, acheter, vendre, echanger.
La loi: douane, octroi, frontiere.
Le droit: l'instruction gratuite et obligatoire, sans empietement sur
la conscience de l'homme, embryonnaire dans l'enfant, c'est-a-dire
l'instruction laique.
La loi: les ignorantins.
Le droit: la croyance libre.
La loi: les religions d'etat.
Le suffrage universel, le jury universel, c'est le droit; le suffrage
restreint, le jury trie, c'est la loi.
La chose jugee, c'est la loi; la justice, c'est le droit.
Mesurez l'intervalle.
La loi a la crue, la mobilite, l'envahissement et l'anarchie de l'eau,
souvent trouble; mais le droit est insubmersible.
Pour que tout soit sauve, il suffit que le droit surnage dans une
conscience.
On n'engloutit pas Dieu.
La persistance du droit contre l'obstination de la loi; toute
l'agitation sociale vient de la.
Le hasard a voulu (mais le hasard existe-t-il?) que les premieres
paroles politiques de quelque retentissement prononcees a titre
officiel par celui qui ecrit ces lignes, aient ete d'abord, a
l'institut, pour le droit, ensuite, a la chambre des pairs, contre la
loi.
Le 2 juin 1841, en prenant seance a l'academie francaise, il glorifia
la resistance a l'empire; le 12 juin 1847, il demanda a la chambre
des pairs [Footnote: Et obtint. Voir page 151 de _Avant l'exil_.] la
rentree en France de la famille Bonaparte, bannie.
Ainsi, dans le premier cas, il plaidait pour la liberte, c'est-a-dire
pour le droit; et, dans le second cas, il elevait la voix contre la
proscription, c'est-a-dire contre la loi.
Des cette epoque une des formules de sa vie publique a ete: _Pro jure
contra legem_.
Sa conscience lui a impose, dans ses fonctions de legislateur, une
confrontation permanente et perpetuelle de la loi que les hommes font
avec le droit qui fait les hommes.
Obeir a sa conscience est sa regle; regle qui n'admet pas d'exception.
La fidelite a cette regle, c'est la, il l'affirme, ce qu'on trouvera
dans ces trois volumes, _Avant l'exil, Pendant l'exil, Depuis l'exil_.

III
Pour lui, il le declare, car tout esprit doit loyalement indiquer son
point de depart, la plus haute expression du droit, c'est la liberte.
La formule republicaine a su admirablement ce qu'elle disait et ce
qu'elle faisait; la gradation de l'axiome social est irreprochable.
Liberte, Egalite, Fraternite. Rien a ajouter, rien a retrancher. Ce
sont les trois marches du perron supreme. La liberte, c'est le droit,
l'egalite, c'est le fait, la fraternite, c'est le devoir. Tout l'homme
est la.
Nous sommes freres par la vie, egaux par la naissance et par la mort,
libres par l'ame.
Otez l'ame, plus de liberte.
Le materialisme est auxiliaire du despotisme.
Remarquons-le en passant, a quelques esprits, dont plusieurs sont meme
eleves et genereux, le materialisme fait l'effet d'une liberation.
Etrange et triste contradiction, propre a l'intelligence humaine,
et qui tient a un vague desir d'elargissement d'horizon. Seulement,
parfois, ce qu'on prend pour elargissement, c'est retrecissement.
Constatons, sans les blamer, ces aberrations sinceres. Lui-meme, qui
parle ici, n'a-t-il pas ete, pendant les quarante premieres annees de
sa vie, en proie a une de ces redoutables luttes d'idees qui ont pour
denouement, tantot l'ascension, tantot la chute?
Il a essaye de monter. S'il a un merite, c'est celui-la.
De la les epreuves de sa vie. En toute chose, la descente est douce
et la montee est dure. Il est plus aise d'etre Sieyes que d'etre
Condorcet. La honte est facile, ce qui la rend agreable a de certaines
ames.
N'etre pas de ces ames-la, voila l'unique ambition de celui qui ecrit
ces pages.
Puisqu'il est amene a parler de la sorte, il convient peut-etre
qu'avec la sobriete necessaire il dise un mot de cette partie du passe
a laquelle a ete melee la jeunesse de ceux qui sont vieux aujourd'hui.
Un souvenir peut etre un eclaircissement. Quelquefois l'homme qu'on
est s'explique par l'enfant qu'on a ete.

IV
Au commencement de ce siecle, un enfant habitait, dans le quartier le
plus desert de Paris, une grande maison qu'entourait et qu'isolait un
grand jardin. Cette maison s'etait appelee, avant la revolution, le
couvent des Feuillantines. Cet enfant vivait la seul, avec sa mere
et ses deux freres et un vieux pretre, ancien oratorien, encore tout
tremblant de 93, digne vieillard persecute jadis et indulgent
maintenant, qui etait leur clement precepteur, et qui leur enseignait
beaucoup de latin, un peu de grec et pas du tout d'histoire. Au fond
du jardin, il y avait de tres grands arbres qui cachaient une ancienne
chapelle a demi ruinee. Il etait defendu aux enfants d'aller jusqu'a
cette chapelle. Aujourd'hui ces arbres, cette chapelle et cette
maison ont disparu. Les embellissements qui ont sevi sur le jardin du
Luxembourg se sont prolonges jusqu'au Val-de-Grace et ont detruit
cette humble oasis. Une grande rue assez inutile passe la. Il ne reste
plus des Feuillantines qu'un peu d'herbe et un pan de mur decrepit
encore visible entre deux hautes batisses neuves; mais cela ne vaut
plus la peine d'etre regarde, si ce n'est par l'oeil profond du
souvenir. En janvier 1871, une bombe prussienne a choisi ce coin
de terre pour y tomber, continuation des embellissements, et M. de
Bismark a acheve ce qu'avait commence M. Haussmann. C'est dans cette
maison que grandissaient sous le premier empire les trois jeunes
freres. Ils jouaient et travaillaient ensemble, ebauchant la vie,
ignorant la destinee, enfances melees au printemps, attentifs aux
livres, aux arbres, aux nuages, ecoutant le vague et tumultueux
conseil des oiseaux, surveilles par un doux sourire. Sois benie, o ma
mere!
On voyait sur les murs, parmi les espaliers vermoulus et decloues, des
vestiges de reposoirs, des niches de madones, des restes de croix, et
ca et la cette inscription: _Propriete nationale_.
Le digne pretre precepteur s'appelait l'abbe de la Riviere. Que son
nom soit prononce ici avec respect.
Avoir ete enseigne dans sa premiere enfance par un pretre est un fait
dont on ne doit parler qu'avec calme et douceur; ce n'est ni la faute
du pretre ni la votre. C'est, dans des conditions que ni l'enfant
ni le pretre n'ont choisies, une rencontre malsaine de deux
intelligences, l'une petite, l'autre rapetissee, l'une qui grandit,
l'autre qui vieillit. La senilite se gagne. Une ame d'enfant peut se
rider de toutes les erreurs d'un vieillard.
En dehors de la religion, qui est une, toutes les religions sont des a
peu pres; chaque religion a son pretre qui enseigne a l'enfant son
a peu pres. Toutes les religions, diverses en apparence, ont une
identite venerable; elles sont terrestres par la surface, qui est
le dogme, et celestes par le fond, qui est Dieu. De la, devant les
religions, la grave reverie du philosophe qui, sous leur chimere,
apercoit leur realite. Cette chimere, qu'elles appellent articles de
foi et mysteres, les religions la melent a Dieu, et l'enseignent.
Peuvent-elles faire autrement? L'enseignement de la mosquee et de la
synagogue est etrange, mais c'est innocemment qu'il est funeste; le
pretre, nous parlons du pretre convaincu, n'en est pas coupable; il
est a peine responsable; il a ete lui-meme anciennement le patient de
cet enseignement dont il est aujourd'hui l'operateur; devenu maitre,
il est reste esclave. De la ses lecons redoutables. Quoi de plus
terrible que le mensonge sincere? Le pretre enseigne le faux, ignorant
le vrai; il croit bien faire.
Cet enseignement a cela de lugubre que tout ce qu'il fait pour
l'enfant est fait contre l'enfant; il donne lentement on ne sait
quelle courbure a l'esprit; c'est de l'orthopedie en sens inverse;
il fait torse ce que la nature a fait droit; il lui arrive, affreux
chefs-d'oeuvre, de fabriquer des ames difformes, ainsi Torquemada; il
produit des intelligences inintelligentes, ainsi Joseph de Maistre;
ainsi tant d'autres, qui ont ete les victimes de cet enseignement
avant d'en etre les bourreaux.
Etroite et obscure education de caste et de clerge qui a pese sur nos
peres et qui menace encore nos fils!
Cet enseignement inocule aux jeunes intelligences la vieillesse des
prejuges, il ote a l'enfant l'aube et lui donne la nuit, et il aboutit
a une telle plenitude du passe que l'ame y est comme noyee, y devient
on ne sait quelle eponge de tenebres, et ne peut plus admettre
l'avenir.
Se tirer de l'education qu'on a recue, ce n'est pas aise. Pourtant
l'instruction clericale n'est pas toujours irremediable. Preuve,
Voltaire.
Les trois ecoliers des Feuillantines etaient soumis a ce perilleux
enseignement, tempere, il est vrai, par la tendre et haute raison
d'une femme; leur mere.
Le plus jeune des trois freres, quoiqu'on lui fit des lors epeler
Virgile, etait encore tout a fait un enfant.
Cette maison des Feuillantines est aujourd'hui son cher et religieux
souvenir. Elle lui apparait couverte d'une sorte d'ombre sauvage.
C'est la qu'au milieu des rayons et des roses se faisait en lui la
mysterieuse ouverture de l'esprit. Rien de plus tranquille que cette
haute masure fleurie, jadis couvent, maintenant solitude, toujours
asile. Le tumulte imperial y retentissait pourtant. Par intervalles,
dans ces vastes chambres d'abbaye, dans ces decombres de monastere,
sous ces voutes de cloitre demantele, l'enfant voyait aller et venir,
entre deux guerres dont il entendait le bruit, revenant de l'armee
et repartant pour l'armee, un jeune general qui etait son pere et un
jeune colonel qui etait son oncle; ce charmant fracas paternel
l'eblouissait un moment; puis, a un coup de clairon, ces visions de
plumets et de sabres s'evanouissaient, et tout redevenait paix et
silence dans cette ruine ou il y avait une aurore.
Ainsi vivait, deja serieux, il y a soixante ans, cet enfant, qui etait
moi.
Je me rappelle toutes ces choses, emu.
C'etait le temps d'Eylau, d'Ulm, d'Auersaedt et de Friedland, de
l'Elbe force, de Spandau, d'Erfurt et de Salzbourg enleves, des
cinquante et un jours de tranchee de Dantzick, des neuf cents bouches
a feu vomissant cette victoire enorme, Wagram; c'etait le temps des
empereurs sur le Niemen, et du czar saluant le cesar; c'etait le
temps ou il y avait un departement du Tibre, Paris chef-lieu de Rome;
c'etait l'epoque du pape detruit au Vatican, de l'inquisition detruite
en Espagne, du moyen age detruit dans l'agregation germanique, des
sergents faits princes, des postillons faits rois, des archiduchesses
epousant des aventuriers; c'etait l'heure extraordinaire; a Austerlitz
la Russie demandait grace, a Iena la Prusse s'ecroulait, a Essling
l'Autriche s'agenouillait, la confederation du Rhin annexait
l'Allemagne a la France, le decret de Berlin, formidable, faisait
presque succeder a la deroute de la Prusse la faillite de
l'Angleterre, la fortune a Potsdam livrait l'epee de Frederic a
Napoleon qui dedaignait de la prendre, disant: _J'ai la mienne_. Moi,
j'ignorais tout cela, j'etais petit.
Je vivais dans les fleurs.
Je vivais dans ce jardin des Feuillantines, j'y rodais comme un
enfant, j'y errais comme un homme, j'y regardais le vol des papillons
et des abeilles, j'y cueillais des boutons d'or et des liserons, et
je n'y voyais jamais personne que ma mere, mes deux freres et le bon
vieux pretre, son livre sous le bras. Parfois, malgre la defense, je
m'aventurais jusqu'au hallier farouche du fond du jardin; rien n'y
remuait que le vent, rien n'y parlait que les nids, rien n'y vivait
que les arbres; et je considerais a travers les branches la vieille
chapelle dont les vitres defoncees laissaient voir la muraille
interieure bizarrement incrustee de coquillages marins. Les oiseaux
entraient et sortaient par les fenetres. Ils etaient la chez eux. Dieu
et les oiseaux, cela va ensemble.
Un soir, ce devait etre vers 1809, mon pere etait en Espagne,
quelques visiteurs etaient venus voir ma mere, evenement rare aux
Feuillantines. On se promenait dans le jardin; mes freres etaient
restes a l'ecart. Ces visiteurs etaient trois camarades de mon pere;
ils venaient apporter ou demander de ses nouvelles; ces hommes etaient
de haute taille; je les suivais, j'ai toujours aime la compagnie des
grands; c'est ce qui, plus tard, m'a rendu facile un long tete-a-tete
avec l'ocean.
Ma mere les ecoutait parler, je marchais derriere ma mere.
Il y avait fete ce jour-la, une de ces vastes fetes du premier empire.
Quelle fete? je l'ignorais. Je l'ignore encore. C'etait un soir d'ete;
la nuit tombait, splendide. Canon des Invalides, feu d'artifice,
lampions; une rumeur de triomphe arrivait jusqu'a notre solitude; la
grande ville celebrait la grande armee et le grand chef; la cite avait
une aureole, comme si les victoires etaient une aurore; le ciel bleu
devenait lentement rouge; la fete imperiale se reverberait jusqu'au
zenith; des deux domes qui dominaient le jardin des Feuillantines,
l'un, tout pres, le Val-de-Grace, masse noire, dressait une flamme a
son sommet et semblait une tiare qui s'acheve en escarboucle; l'autre,
lointain, le Pantheon gigantesque et spectral, avait autour de sa
rondeur un cercle d'etoiles, comme si, pour feter un genie, il se
faisait une couronne des ames de tous les grands hommes auxquels il
est dedie.
La clarte de la fete, clarte superbe, vermeille, vaguement sanglante,
etait telle qu'il faisait presque grand jour dans le jardin.
Tout en se promenant, le groupe qui marchait devant moi etait parvenu,
peut-etre un peu malgre ma mere, qui avait des velleites de s'arreter
et qui semblait ne vouloir pas aller si loin, jusqu'au massif d'arbres
ou etait la chapelle.
Ils causaient, les arbres etaient silencieux, au loin le canon de la
solennite tirait de quart d'heure en quart d'heure. Ce que je vais
dire est pour moi inoubliable.
Comme ils allaient entrer sous les arbres, un des trois interlocuteurs
s'arreta, et regardant le ciel nocturne plein de lumiere, s'ecria:
--N'importe! cet homme est grand.
Une voix sortit de l'ombre et dit:
--Bonjour, Lucotte[1], bonjour, Drouet[2], bonjour, Tilly[3].
Et un homme, de haute stature aussi lui, apparut dans le clair-obscur
des arbres.
Les trois causeurs leverent la tete.
--Tiens! s'ecria l'un d'eux.
Et il parut pret a prononcer un nom.
Ma mere, pale, mit un doigt sur sa bouche.
Ils se turent.
Je regardais, etonne.
L'apparition, c'en etait une pour moi, reprit:
--Lucotte, c'est toi qui parlais.
--Oui, dit Lucotte.
--Tu disais: cet homme est grand.
--Oui.
--Eh bien, quelqu'un est plus grand que Napoleon.
--Qui?
--Bonaparte.
Il y eut un silence. Lucotte le rompit.
--Apres Marengo?
L'inconnu repondit:
--Avant Brumaire.
Le general Lucotte, qui etait jeune, riche, beau, heureux, tendit la
main a l'inconnu et dit:
--Toi, ici! je te croyais en Angleterre.
L'inconnu, dont je remarquais la face severe, l'oeil profond et les
cheveux grisonnants, repartit:
--Brumaire, c'est la chute.
--De la republique, oui.
--Non, de Bonaparte.
Ce mot, Bonaparte, m'etonnait beaucoup. J'entendais toujours dire
"l'empereur". Depuis, j'ai compris ces familiarites hautaines de
la verite. Ce jour-la, j'entendais pour la premiere fois le grand
tutoiement de l'histoire.
Les trois hommes, c'etaient trois generaux, ecoutaient stupefaits et
serieux.
Lucotte s'ecria:
--Tu as raison. Pour effacer Brumaire, je ferais tous les sacrifices.
La France grande, c'est bien; la France libre, c'est mieux.
--La France n'est pas grande si elle n'est pas libre.
--C'est encore vrai. Pour revoir la France libre, je donnerais ma
fortune. Et toi?
--Ma vie, dit l'inconnu.
Il y eut encore un silence. On entendait le grand bruit de Paris
joyeux, les arbres etaient roses, le reflet de la fete eclairait les
visages de ces hommes, les constellations s'effacaient au-dessus de
nos tetes dans le flamboiement de Paris illumine, la lueur de Napoleon
semblait remplir le ciel.
Tout a coup l'homme si brusquement apparu se tourna vers moi qui avais
peur et me cachais un peu, me regarda fixement, et me dit:
--Enfant, souviens-toi de ceci: avant tout, la liberte.
Et il posa sa main sur ma petite epaule, tressaillement que je garde
encore.
Puis il repeta:
--Avant tout la liberte.
Et il rentra sous les arbres, d'ou il venait de sortir.
Qui etait cet homme?
Un proscrit.
Victor Fanneau de Lahorie etait un gentilhomme breton rallie a la
republique. Il etait l'ami de Moreau, breton aussi. En Vendee, Lahorie
connut mon pere, plus jeune que lui de vingt-cinq ans. Plus tard, il
fut son ancien a l'armee du Rhin; il se noua entre eux une de ces
fraternites d'armes qui font qu'on donne sa vie l'un pour l'autre.
En 1801 Lahorie fut implique dans la conspiration de Moreau contre
Bonaparte. Il fut proscrit, sa tete fut mise a prix, il n'avait pas
d'asile; mon pere lui ouvrit sa maison; la vieille chapelle des
Feuillantines, ruine, etait bonne a proteger cette autre ruine, un
vaincu. Lahorie accepta l'asile comme il l'eut offert, simplement; et
il vecut dans cette ombre, cache.
Mon pere et ma mere seuls savaient qu'il etait la.
Le jour ou il parla aux trois generaux, peut-etre fit-il une
imprudence.
Son apparition nous surprit fort, nous les enfants. Quant au vieux
pretre, il avait eu dans sa vie une quantite de proscription
suffisante pour lui oter l'etonnement. Quelqu'un qui etait cache,
c'etait pour ce bonhomme quelqu'un qui savait a quel temps il avait
affaire; se cacher, c'etait comprendre.
Ma mere nous recommanda le silence, que les enfants gardent si
religieusement. A dater de ce jour, cet inconnu cessa d'etre
mysterieux dans la maison. A quoi bon la continuation du mystere,
puisqu'il s'etait montre? Il mangeait a la table de famille, il allait
et venait dans le jardin, et donnait ca et la des coups de beche, cote
a cote avec le jardinier; il nous conseillait; il ajoutait ses lecons
aux lecons du pretre; il avait une facon de me prendre dans ses bras
qui me faisait rire et qui me faisait peur; il m'elevait en l'air, et
me laissait presque retomber jusqu'a terre. Une certaine securite,
habituelle a tous les exils prolonges, lui etait venue. Pourtant il ne
sortait jamais. Il etait gai. Ma mere etait un peu inquiete, bien que
nous fussions entoures de fidelites absolues.
Lahorie etait un homme simple, doux, austere, vieilli avant l'age,
savant, ayant le grave heroisme propre aux lettres. Une certaine
concision dans le courage distingue l'homme qui remplit un devoir de
l'homme qui joue un role; le premier est Phocion, le second est Murat.
Il y avait du Phocion dans Lahorie.
Nous les enfants, nous ne savions rien de lui, sinon qu'il etait mon
parrain. Il m'avait vu naitre; il avait dit a mon pere: _Hugo est un
mot du nord, il faut l'adoucir par un mot du midi, et completer le
germain par le romain_. Et il me donna le nom de Victor, qui du reste
etait le sien. Quant a son nom historique, je l'ignorais. Ma mere lui
disait _general_, je l'appelais _mon parrain_ Il habitait toujours la
masure du fond du jardin, peu soucieux de la pluie et de la neige qui,
l'hiver, entraient par les croisees sans vitres; il continuait dans
cette chapelle son bivouac. Il avait derriere l'autel un lit de
camp, avec ses pistolets dans un coin, et un Tacite qu'il me faisait
expliquer.
J'aurai toujours present a la memoire le jour ou il me prit sur ses
genoux, ouvrit ce Tacite qu'il avait, un in-octavo relie en parchemin,
edition Herhan, et me lut cette ligne: _Urbem Romam a principio reges
habuere_.
Il s'interrompit et murmura a demi-voix:
--Si Rome eut garde ses rois, elle n'eut pas ete Rome.
Et, me regardant tendrement, il redit cette grande parole:
--Enfant, avant tout la liberte.
Un jour il disparut de la maison. J'ignorais alors pourquoi.[4] Des
evenements survinrent, il y eut Moscou, la Beresina, un commencement
d'ombre terrible. Nous allames rejoindre mon pere en Espagne. Puis
nous revinmes aux Feuillantines. Un soir d'octobre 1812, je passais,
donnant la main a ma mere, devant l'eglise Saint-Jacques-du-Haut-Pas.
Une grande affiche blanche etait placardee sur une des colonnes du
portail, celle de droite; je vais quelquefois revoir cette colonne.
Les passants regardaient obliquement cette affiche, semblaient en
avoir un peu peur, et, apres l'avoir entrevue, doublaient le pas.
Ma mere s'arreta, et me dit: Lis. Je lus. Je lus ceci: "--Empire
francais.--Par sentence du premier conseil de guerre, ont ete fusilles
en plaine de Grenelle, pour crime de conspiration contre l'empire
et l'empereur, les trois ex-generaux Malet, Guidal et Lahorie."
--Lahorie, me dit ma mere. Retiens ce nom.
Et elle ajouta:
--C'est ton parrain.

Notes:
[1] Depuis comte de Sopetran.
[2] Depuis comte d'Erlon.
[3] Depuis gouverneur de Segovie.
[4] Voir le livre _Victor Hugo raconte par un temoin de sa vie_.

V
Tel est le fantome que j'apercois dans les profondeurs de mon enfance.
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